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M. Villemain ajoutait que, loin de menacer Haïti, il failait le rassurer; que c'était le moyen de mettre son gouver→ nement en état d'acquitter sa dette envers la France.

Survint un amendement proposé par M. Kératry, ainsi conçu :

Les projets de foi qui, en nombre très-borné, n'ont pas encore été soumis à la délibération des Chambres, en exécution des promesses de la Charte, seront l'objet de nos plus sérieuses méditations. »

Cet amendement ne fut pas appuyé, et le scrutin ensuite ouvert sur l'ensemble de l'Adresse, présenta 130 boules blanches contre 12 boules noires seulement sur 142 votants. Cette année, la discussion de l'Adresse dans la Chambre des pairs, poursuivie avec une ardeur et une velléité d'opposition inaccoutumées, donnait la mesure des obstacles que devait rencontrer le ministère à la Chambre des députés.

Chambre des députés. 9 Janvier. - La commission ayant présenté le projet d'Adresse, M. Gauguier ouvrit et ferma la discussion générale. La Chambre paraissait impatiente d'aborder directement les questions qui devaient dessiner à ses yeux la marche du ministère du 15 avril.

M. Gauguier, commençant l'attaque sur tous les points, se plaignait de l'influence du Cabinet sur les élections, et signalait le ministre de l'intérieur, M. de Montalivet, commé s'étant opposé, de son propre aveu, à son élection.

Après avoir fait observer le danger de pareilles mancuvres dans un gouvernement constitutionnel, et sollicité pour elles le blâme de l'Adresse, il demandait que le ministre expliquât la conduite des préfets et la sienne dans ces opérations, qu'il qualifiait de corruptives, d'illégitimes et de coupables.

« Si MM. les ministres, disait-il, influençaient les élections avec succès, la Chambre des députés ne serait plus la représentation nationale; ses actes demeureraient sans autorité sur l'opinion publique, et alors la monarchie constitutionnelle ne serait plus qu'une fiction,

«Mon opinion est que MM. les ministres doivent rester entièrement neutres dans les élections: leur influence naturelle, c'est la moralité et la nationalité de leurs actes, la sincérité de leurs intentions à s'occuper sérieusement des intérêts du pays, et de n'employer les deniers de l'État qu'à améliorer le sort des contribuables. Alors, l'opinion publique leur sera favorable, et ils peuvent être assurés qu'ils auront dans la représentation nationale une majorité immense et réelle, sur laquelle ils pourront compter pour les seconder dans les voies de progrès et de civilisation; car, il faut le dire, en France, il y a peu de citoyens dont les intérêts privés ne soient pas intimement liés à la conservation et à la consolidation du Gouvernement de juillet. Mais, avec le système actuel, MM. les ministres ne peuvent avoir que des majorités factices et journalières.

« Vous n'ignorez pas, Messieurs, qu'à la dernière législature il y avait déjà 178 députés fonctionnaires publics salariés. Eh bien! loin de s'affaiblir, ce nombre s'est encore accru; on en compte aujourd'hui jusqu'à 191; et qui peut dire si les réélections n'en amèneront pas d'autres

encore. D

M. Gauguier rappelait ensuite les élections récemment annulées lors de la vérification des pouvoirs, puis les faits cités à la tribune et qui confirmaient la vérité de ses assertions; il attribuait le renversement de la branche aînée dés Bourbons à ce que sa politique intérieure et extérieure n'était pas nationale.

A l'occasion du premier paragraphe qui mentionnait l'amnistie et remerciait la clémence royale au nom de la France, M. de Sade, tout en s'associant à la pensée qui avait dicté l'amnistie, cherchait à savoir si la marche que comptait suivre le ministère, était de nature à assurer la continuation et l'affermissement d'une politique de conciliation. II trouvait le discours du trône susceptible de commentaires, et signalait la nécessité d'en finir avec les irrésolutions, majorités incertaines de la précédente législature. Il prévoyait néanmoins peu de changements dans les partis qui divisaient et fractionnaient la Chambre aussi bien que le pays.

les

L'irrésolution de la Chambre représentative paraissait à l'orateur dériver en grande partie de l'irrésolution de l'administration elle-même, et il voyait dans les dernières élections le blame énergique de la politique antérieurement suivie, celle

dite d'intimidation. M. de Sade demandait au Gouvernement quel devait être dorénavant son système politique; si l'on laisserait dormir les lois de septembre et les mesures exceptionnelles comme inutiles, ou si l'on garderait religieusement l'attirail de tant de lois répressives.

Faisant remarquer la tendance du ministère à s'isoler de la Chambre et à chercher un appui en dehors d'elle:

« Que les ministres y prennent garde, disait l'orateur, ils ont sous les yeux un exemple frappant du danger auquel ils s'exposent. Un parti puissant s'était formé parmi nous, puissant non pas tant par son nombre que par la qualité, que par l'union de ses membres; il ne lui manquait ni une grande habileté de tactique parlementaire, ni cette force morale que lui donnaient le talent incontestable et la dignité personnelle de ses chefs. Et cependant, quand ce parti voyant la force lui manquer dans cette Chambre, l'a cherchée ailleurs, lorsque, répudiant les principes constitutionnels que lui-même avait si hautement professés, il a cherché un appui au dehors; quand, enfin, voyant qu'il ne pouvait plus être ministère de Chambre, il a paru se résigner à n'être que ministère de cour, son sort a été prononcé.....

M. le président du Conseil, sur ces interpellations, déclarait que ses principes de gouvernement étaient arrêtés-invariables; il n'admettait pas l'amnistie comme la condamnation du passé; son système de gouverner en dehors de tous les partis. Il pensait que l'heure de la réconciliation était arrivée, et que l'exemple de l'oubli des souvenirs irritants avait dû venir de haut.

Passant à la révision des lois de septembre réclamée par M. de Sade, le ministre s'y opposait comme à une véritable réaction, et il laissait à la Chambre le soin de lui prouver par son adhésion ou son refus de concours, s'il avait bien compris le vœu et les institutions du pays.

M. Guizot prononça quelques mots dont le sens était qu'il attendait ses adversaires pour intervenir dans la discussion quand elle se serait précisée davantage.

M. Martin de Strasbourg proposa un amendement au 1er paragraphe qui aurait eu pour but de déterminer la nature

et l'exécution de l'amnistie du 8 mai, et non d'y substituer une commutation de peine, ce qui serait tromper l'opinion publique. Cet amendement fut rejeté à une grande majorité.

M. Garnier Pagès faisant remarquer que la plupart des rapporteurs des lois rejetées étaient aujourd'hui ministres, en concluait que c'était la continuation du passé et non une politique nouvelle qui allait être adoptée.

En se demandant ce que voulaient le pays, la Chambre et le Ministère, il ne trouvait pas la France libre avec les lois de septembre et les mesures d'exception.

Faisant allusion à la conversion des rentes, l'orateur ajoutait :

(

Je ne parlerai pas de la politique extérieure ; mais à l'intérieur je vous demanderai ce que vous entendez par une phrase dont le sens est expliqué différemment. Par le mot d'économie, qui semble s'appliquer à la réduction de la dette, avouez si vous avez entendu dire que vous vouliez ou non la conversion de la rente. Je vous demanderai ce que veut dire ceci : L'état de nos finances permettra la conversion; comment, dans quels termes, dans quel moment voulez-vous qu'elle soit faite ? la permettrez-vous à l'instant, c'est-à-dire veut-on que la Chambre fasse une loi relative à la conversion, sauf ce qui est naturel, à ce que le pouvoir exécutif puisse en suspendre l'exécution jusqu'à la prochaine session, suivant les circonstances. Ces questions ont été discutées dans les bureaux. Chacun de nous a pu savoir ce que voulait la majorité de ces bureaux. Pourquoi ne saurions-nous pas ce que veut la majorité plus grande, plus complète de la Chambre ellemême. La France aura-t-elle la conversion?

«Dans cette question, aussi grave que les plus hautes questions politiques, il y a en présence deux intérêts également chers à la Chambre : l'intérêt des hommes d'argent et l'intérêt du pays. Craignez-le, j'en ai la confiance, j'en ai la certitude, une phrase ambiguë amènera un grand désastre de bourse. On ne saura jamais si vous voulez ou non convertir, et il faut qu'on le sache. Vous vous plaignez de l'agiotagè et de la fluctuation des fonds publics, de la ruine de plusieurs personnes, qui en est la conséquence. »

M. Garnier Pagès insistait enfin pour que le Cabinet déclarât nettement s'il était décidé à rompre avec le passé ou à le continuer.

M. St.-Marc Girardin vint, en qualité de rapporteur, assurer que la commission de l'Adresse avait approuvé l'amnistie sans réserve aucune, mais que l'amnistie ne devait pas être regardée comme l'abolition du passé.

Arrivant aux lois de septembre, l'orateur n'hésitait pas à en proclamer le bienfait, puisque c'était par elles qu'on était arrivé à l'amnistie.

M. Dufaure ajouta, comme membre de la commission, que le projet d'Adresse avait été rédigé dans la pensée unanime de ne donner au passé ni un éloge ni un blâme et de n'avoir en vue que l'avenir.

Sur le premier paragrahe, M. Havin, faisant la revue des systèmes politiques du 6 septembre et du 22 février, désirait savoir si le ministère du 15 avril avait pu et voulu continuer la politique du Cabinet du 6 septembre, ou si au contraire il n'avait pas reconnu, comme M. Thiers, que le système de résistance était usé et fini. Le pays, selon lui, ne voulait pas plus de lois de réaction que de lois de contre-révolution.

L'orateur accusait l'irrésolution du ministère présidé par M. Molé, il signalait les manœuvres corruptrices de l'administration auprès du corps électoral, et les mesures contradictoires du pouvoir.

« Messieurs, poursuivait-il, ces influences, ces tentatives de corruption peuvent nuire à un jour donné; mais elles servent plus tard à l'opposition. Vous ne pouvez tenir toutes les promesses dont vous avez été prodigues; vous ne pouvez donner la même place à dix concurrents; vous vous êtes attaché peut-être le titulaire ; vous avez fait neuf mécontents, et vous avez développé dans le pays cette ardeur de places que vous ne pouvez satisfaire, Vous avez démoralisé la nation, déconsidéré l'administration et rendu le pouvoir bien difficile, sinon impossible à vos successeurs.

«En fait d'élections, les prévisions, les plans des ministères sont souvent déconcertés. C'est ce qui est arrivé. Le corps électoral n'a pas admis les ménagements des ministres, et l'opinion s'est franchement prononcée contre la politique du 6 septembre.

Le mouvement électoral a été remarquable par le zèle des électeurs; il a été surtout remarquable par le nombre de voix obtenues par l'opposition constitutionnelle : partout où elle a triomphé, c'est à une grande majorité, et dans le plus grand nombre de colleges où elle a échoué, elle avait disputé la victoire. C'est un sujet de joie et d'espérance pour tous les amis de la monarchie constitutionnelle et des libertés publiques; c'est aussi un sujet de méditations pour le Gouvernement, qui semble avoir oublié depuis quelques jours ce grand enseignement des chiffres que nous devons à une de ses communications officieuses. »

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