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grand vers, l'alexandrin. Il est du reste écrit dans la Henriade comme dans Merope, ce qui semble conduire à le prononcer de la même manière dans les deux cas. Cela n'est pas néanmoins, c'est-à-dire cela ne doit pas être.

C'est pour faire sortir la diction théâtrale de cet embarras, que M. Victor Hugo a imaginé le vers brisé, qui est, comme l'iambe des anciens, audessous de l'épopée et au-dessus de la prose. Personne ne fait le vers de l'ode avec plus de sévérité et de pompe que M. Victor Hugo; mais il brise et tord le vers du drame, pour le plier à toutes les brusqueries de la passion. En quoi nous l'approuvons sans réserve. Il est donc positif, comme nous disions, que le vers veut être légèrement chanté, surtout dans la tragédie classique, qui est tout entière conçue dans un genre héroïque, pompeux et déclamatoire. Il n'y a pas un personnage de Corneille, de Racine ou de Voltaire qui ne pose toujours plus ou moins, et qui ne doive parler les joues gonflées, comme dit Horace. La difficulté consiste à s'arrêter dans cette pompe à l'endroit juste où commence la déclamation; mais s'il n'y avait pas de difficulté, les comédiens ne seraient pas des artistes.

Nous croyons qu'une bonne partie de l'art de dire consiste dans l'art de lire. Mlle Rachel joue bien, principalement parce qu'elle lit bien.

Lire sur un théâtre, ce n'est pas du tout lire dans un salon. A notre avis, la lecture du théâtre ne doit pas plus ressembler à la lecture du monde, que la peinture de décoration ne ressemble à un tableau. La peinture de décoration est calculée pour être vue de loin, et la lecture de théâtre doit être calculée pour être entendue de même. Ecoutée dans la coulisse, Mlle Rachel a une façon anguleuse et stridente de dire les mots, qui est odieuse et intolérable; écoutée dans la salle, elle a une diction pleine de justesse et de pureté.

Nous croyons donc que les personnes qui disent des vers au théâtre ne s'attachent pas assez à faire des exercices de lecture, adaptés à la scène. Ce devraient être des leçons pour apprendre à maintenir la voix unie et pleine, à dire les mots fermes et carrés. Les grands maîtres, qui se sont donné tant de mal pour limer leur style, n'auraient

besoin que d'être bien lus pour étre goûtés. Mlle Rachel a certainement bien joué dans Horace; cependant nous nous jouons infiniment mieux la pièce à nous-mêmes, en la lisant des yeux pendant notre diner.

Ce qui nous paraît distinguer Mlle Rachel, c'est donc sa manière de lire, qui est simple, pure et soutenue. Les mots tombent bien, avec toutes leurs syllabes et toute leur harmonie. Or, le geste suit naturellement la voix. Une diction noble entraîne une tenue digne, et quand on bredouille des lèvres, on bredouille des bras.

Dire que Mlie Rachel soit un prodige, nous ne le ferons pas. Elle joue bien une scène sur trois, c'est beaucoup. Il y a évidemment dans sa manière beaucoup de qualités qui viennent d'elle, mais il y a aussi beaucoup de défauts qui viennent d'autrui. Elle crie encore trop, frappe trop du pied, entre et sort trop en équerre, toutes choses qu'elle doit à ses vénérables maîtres en tradition. On voit qu'une bonne partie de son jeu est crayonné au poncis de M. Samson.

Mlle Rachel, qui débute avec éclat, fera bien de travailler sans cesse. Elle a sous les yeux an exemple mémorable de la vanité des brillants débuts, Mlle Plessis. On a tant applaudi Mlle Plessis, quand elle est apparue, qu'elle a cru devoir ne pas faire un pas en avant. Aussi est-elle toujours élève de M. Samson, et pas autre chose. Elle ne parle pas, elle ne regarde pas, elle ne marche pas. Elle a pour toute ressource, un petit fausset et un petit coup d'œil, et elle joue toutes ses pièces du bout des lèvres et du bout des cils. Naturellement, le public applaudit du bout des doigts.

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le commerce sous le nom d'huile de palme, dont l'origine est mal connue, mais que l'on croit provenir d'une espèce de coco, et dont on fait un grand usage en Angleterre et en Amérique, a offert à MM. Pelouze et Boudet la sin gulière propriété de se saponifier spontanément. La saponification des huiles résulte, comme on sait, de la séparation qui s'opere entre la glycerine et les acides oléique et morgarique, la glycerine étant remplacée par une base plus forte. Dans la transformation de l'huile de palme en savon, MM. Pelouze et Boudet ont bien observé la séparation de la glycerine; mais aucune autre substance ne parait prendre dans ce cas la place de cette matière.

Les divers corps gras, l'oléine, la stéarine, la morgarine, sont un composé des acides de même nom et de glyce rine; la science admettait jusqu'ici des variétés dans la nature de ces corps, fondées sur la différence de leur degré de fusion. MM. Pelouze et Boudet se sont assurés que ces variétés dépendent d'une plus ou moins grande quantité d'oleine combinée en proportions définies à ces corps gras, et non pas à leur nature intime; de là le plus ou moins de fusibilité de ces corps, l'oléine étant liquide à la température ordinaire; enfin pour ne signaler ici que les faits principaux du travail de ces deux savants chimistes, nous disons qu'ils sont parvenus à obtenir directement l'élaïdine de l'huile de coco; jusqu'ici cette substance ne se produisait qu'artificiel lement et sous l'influence de la réaction de l'acide hyponitrique sur l'huile d'olive.

En outre M. Pelouse présente en son nom seul un nouveau cyanure de fer de couleur verte; le bleu de Prusse était le seul cyanure de fer connu, et, comme son nom l'indique, il est bleu; le nouveau corps découvert par M. Pelonze explique très-bien les nuances de jaune qui altèrent quelquefois le bleu de Prusse; ces nuances tiennent évidemment au mélange d'une petite quantité du nouveau cyanure de fer vert dont il est question.

-M. Masson adresse le projet d'un télégraphe électrique qui tracerait les nouvelles en toutes lettres et en caracteres ordinaires; on voit que ce curieux instrument, dont nous attendons l'éta

blissement avec impatience, ne tardera pas à être porté au plus haut point de perfection.

-M. Chevreul annonce que M. Baudrimont est parvenu à extraire la matière colorante de l'indigo par un procédé nouveau et d'une grande facilité; ce procédé consiste à traiter tout simplement les feuilles de la plante, à plusieurs reprises, par l'eau bouillante.

-

M. Breschet a fait dans la dernière séance un très-intéressant rapport sur les curieuses recherches de M. Milne Edwards relatives à l'histoire de la circulation du sang chez les vers ou annelides. Dans ce Mémoire, dit M. Breschet, l'auteur expose les résultats de ses observations sur le sang d'un grand nombre d'annelides. Il a trouvé que ce liquide est toujours rouge chez les Eunices, les Euphrosines, les Néréides, les Nephtys, les Glycères, les

Enones, les Hermelles, les Térébelles et les Serpules, comme chez les Arénicoles, les Lombrics et la plupart des Hirudinées; mais il a constaté que dans les Polynoés, les Sigalions et les Phyllodocées, le sang est incolore ou offre seulement une teinte légèrement jaunâtre. L'anomalie la plus singulière lui a été offerte par une grande espèce de Sabelle dont le sang est d'un vert intense, et nous ajouterons que depuis la publication des observations de M. Milne Edwards, nous avons appris qu'un fait analogue a été constaté par M. Dujardin, sur une espèce nouvelle appartenant au genre Syphostome.

Ainsi, dans un même groupe parfaitement naturel, établi par M. G. Cuvier, sous le nom de vers à sang rouge, il existe des espèces dont le sang est effectivement rouge, d'autres dont le sang est blanc, et d'autres encore dont le sang est vert, et, chose remarquable, M. Milne Edwards a souvent rencontré ces différences dans des genres qui,sous tous les autres rapports, offrent entre eux la plus étroite analogie; aussi en at-il conclu avec raison que dans cette classe d'animaux la couleur du sang ne pouvait avoir qu'une importance physiologique bien faible. et par conséquent ne devait avoirque peu de valeurcomme caractère zoologique; résultat à l'appui duquel vient aussi un autre fait observé par ce zoologiste pendant son voyage

sur les côtes d'Afrique: effectivement il a constaté que les annelides ne sont pas les seuls animaux inférieurs parmi lesquels il existe des espèces pourvues de sang rouge, et que chez un Helminthe, dont la structure se rapproche beaucoup de celle des Planaires, le liquide nourricier, au lieu d'être blanc comine chez celles-ci, offre une teinte rouge trèsintense.

La connaissance de ces variations si considérables et si fréquentes dans les propriétés physiques du sang chez les animaux inférieurs, doit faire désirer des renseignements nouveaux sur la composition chimique de ce liquide; car on est naturellement conduit à se demander si la couleur rouge que l'on y rencontre quelquefois, mais qui manque si souvent, dépend de la présence d'une matière colorante chargée de fer comme l'hématosine du sang des mammifères, ou bien si cette teinte est l'effet de quelque autre causc. C'est un sujet de recherches que nous croyons devoir signaler aux jeunes chimistes, etqui donnerait probablement des résultats d'un grand intérêt pour la physiologie comparée.

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4. Paris. Ouverture du ThéatreRoyal Italien à la salle de l'Odéon. · Ce n'a pas été un médiocre événement dans le quartier voisin du Luxembourg, que l'ouverture du Théâtre Italien à la salle de l'Odéon. Vers sept heures du soir, la rue qui y conduit, la place et les environs qui l'entourent étaient garnis de curieux, les uns aux portes des boutiques, les autres se tenant sur les trottoirs, et tous regardant les deux files de voitures qui s'avançaient avec lenteur vers les portes du théâtre, Au fond, l'arrivée de deux ou trois arrondissements de Paris venant rendre visite à l'un des quartiers dont ils sont le plus éloignés, est un événement qui n'est pas indifférent, puisque, sans parler du bruit, du mouvement et des scènes variées et in attendues que cette transfusion accidentelle d'un quartier dans un autre amène, il peut encore aider à faire répartir plus également l'activité et l'existence dans notre grande ville de Paris. On sait que notre capitale, si l'on con

sidère sa masse toujours croissante comme un individu vivant, se pousse et s'étend sans cesse dans la direction du faubourg Saint-Jacques aux Batignolles, et que c'est vers ce dernier point que se précipitent tous les genres d'activité et d'industrie à mesure qu'ils ont successivement animé les quartiers si vivants autrefois. On peut donc envisager l'établissement du Théâtre-Italien à la salle de l'Odéon comme un de ces réactifs énergiques employés par les médecins pour ramener la chaleur et la vie dans les extrémités, par exemple, quand le cerveau déploie unc trop grande surabondance d'activité.

nous

C'est attacher sans doute une grande puissance vitale au Théâtre-Italien que de lui confier cette espèce de cure; mais l'expérience seule pourra apprendre si la santé du faubourg St Germain n'est pas beaucoup meilleure qu'on ne pourrait le croire, et enfin si celle du Théâtre-Italien, si robuste et si brillante jusqu'ici, s'accommodera du nouveau climat auquel on l'a soumise.

A en juger par l'empressement que les dilettanti ont mis à se procurer des loges et des stalles, et au mouvement que se sont donné les amateurs afin d'obtenir des billets pour l'ouverture, on peut dire que jusqu'ici le changement de quartier n'a produit aucun effet. Mardi dernier, on a donné pour la pre mière représentatian de cette saison musicale, Otello, opéra de Rossini, dans lequel ont reparu la plupart des virtuo ses italiens que l'on entend avec tant de plaisir depuis plusieurs années. Mlle Grisi, ainsi que Rubini, Tamburini et Lablache ont successivement obtenu, à mesure qu'ils sont entrés en scène, les félicitations et les applaudissements du public.

Quant à la disposition générale de la salle de l'Odéon, bâtie en 1780 par Peyre et de Wailly, elle est connue depuis long-temps pour une des mieux combinées, et celavantage, que toutes les modifications intérieures n'ont pas altéré, se fait encore sentir, soit par la facilité de l'accès des voitures près du théâtre, soit par la circulation des spec tateurs dans toutes les parties intérieu res de la saile.

On aconservé la dernière décoration des loges, que l'on a restaurée. Les trois

appuis qui déterminent les trois gale. ries, divisées aujourd'hui en loges, sont ornés de balustres engagés, de couleur blanche, sur un foud rouge; et la tenture de la paroi où sont pratiquées les loges en baignoires est d'un vert clair. Les tons, verts ou bleus, ne devraient être employés dans les salles où le public se rassemble qu'avec discrétion et par petites parties; car il arrive ordinairement que ces couleurs, qui attirent durement l'œil, ont le défaut d'absorber ou d'altérer au moins les nuances délicates du teint des femmes et des vêtements qu'elles portent dans ces occasions.

Six banquettes de stalles où cette fois on est fort à l'aise, composent l'orchestre des spectateurs, et le reste de l'espace compris jqu'aux baignoires forme un parterre assez spacieux pour tranquilliser les amateurs de la musique italienne qui n'ont pas de places fixes, La seule réclamation que l'on ait entendu faire venait des personnes placées aux baignoires du rez-de-chaussée. Placées à peu près au même niveau que les spectateurs du parterre, elles ne voient qu'imparfaitement, Au surplus ce n'est que par l'expérience et l'usage que l'on peut obvier à ces petits inconvénients, et trois représentations, pendant les quelles le roulement des abonnés aura eu lieu, en apprendront davantage que toutes les plus subtiles prévoyances à ce sujet.

Outre les quatre virtuoses déjà nom. més, Mlle Grisi, Rubini, Tamburini et Lablache, nous entendrons cette année Mmes Persiani-Tachinardi et Albertazzi. Ivanoff, qui a reparu avec beaucoup d'avantage dans le rôle du rival d'Othello, à l'ouverture,chantera aussi pendant cette saison. Mlle Amigo reste chargée de ses rôles, et Mme Bellini a été engagée pour chanter les rôles de seconde femme. C'est M.Tillemans qui dirige l'orchestre. La jeune Mlle Assandri est retournée à Milan.

Il y a à peu près vingt-quatre ans que des acteurs italiens n'avaient chanté sur le théâtre de l'Odéon. Mardi dernier, lorsqu'ils y ont reparu, un assez petit nombre de ceux des amateurs qui ont assisté aux anciennes représentations a pu se trouver à cette dernière. Tant d'années, tant d'événements se sont écoulés depuis cette époque! La chute

de Napoléon, les deux restaurations et la révolution de juillet! Aussi n'a-t-on revu la que quelques-uns de ceux qui fréquentaient assidument ce théâtre, où l'on chantait une musique encore étrangère pour tant de monde, et qui ne recevait que l'admiration exclusive des uns ou le mépris insouciant des

autres.

Au nombre des spectateurs présents mardi dernier à l'ouverture de la saison de 1838, se trouvait Mme Grassini, qui tant de fois, sur la scène qu'elle regardait hier, nous a si vivement émus, il y a vingt ans, par le concours de sa voix et de son jeu, dans les Horaces de Cimarosa et dans le Romeo de Zingarelli.

Pour être court sur la représentation d'Otello, où rien d'important n'a été changé dans la distribution des grands rôles, Mlle Grisi a fort bien dit la cavatine du premier acte, dans laquelle un solo de cor, exécuté par M. Gallay, a forcé le public de donner un surcroft d'applaudissements adressés à l'accompagnateur. Dans tout le rôle de Desdemona, la tragédienne, la cantatrice a soutenu la haute réputation qu'elle s'est acquise.

Assez gravement incommodé depuis son retour, Lablache, toujours exact à remplir ses devoirs, a chanté le rôle du père, malgré son indisposition. A son entrée en scène, cet acteur, si vivement aimé du public, a été reçu avec des applaudissements universels.

Non moins aimé, non moins applau di, Tamburini a reparu dans le rôle d'lago, l'un de ceux où son talent se développe avec le plus de force et d'éclat. Il a été admirable dans le duo avec Rubini, au second acte.

Rubini nous a mis depuis long-temps hors d'état de pouvoir trouver de nouvelles formules de lonanges. Il chante comme il chantait l'année dernière, et nous attendrons quelqu'ouvrage nouveau pour dire s'il chante mieux que dans Lucia, son dernier triomphe.

Ivanofi a dû être satisfait de la réception que lui a faite le public, comme le public a été satisfait de lui. Toutes les fois que cet habile chanteur ne fait que ce qui s'accorde avec la nature de sa voix. on a grand plaisir à l'entendre.

La seule innovation dans la distribu tion des rôles se rapporte à celui de la suivante de Derdemona. C'est Milo Bel

lini qui l'a rempli hier. Cette cantatrice a un mezzo-soprano tendant vers le contralto. Le son de sa voix est pur, ferme, parfois un peu sec; mais au total je pense qu'elle remplira bien les petits rôles qui lui seront confiés,

L'orchestre, dirigé par M. Tillemans, ainsi que les choeurs, ont assez bien secondé cette représentation, qui a fait juger au nombrenx auditoire qui y assistait que la salle de l'Odéon est on ne peut plus favorable pour l'exécution de la musique.

7. Paris. Cour d'assises de la Seine. Assassinat aux Batignolles de la veuve Mayer, agée de soixante ans. Vol de deux billets de banque de 1,000 francs chacun. Cette affaire. diffère des deux causes jugées au mois de septembre, en ce que ce n'est point la jalousie, mais une basse cupidité qui a été le mobile du meurtre. A la vérité, l'accusé, jeune encore, mais marié et pére de famille, avait allégué dans les premiers moments de l'instruction que sa victime, âgée de soixante ans et allligée d'un goître, était éprise pour lui d'upe passion violente; mais il a aujourd'hui rétracté cette déclaration.

Après le jugement de deux affaires de vol, Chrétien est amené dans l'auditoire; il déclare être âgé de trentecinq ans, ouvrier ébéniste, employé à la fabrication de pianos chez M. Pleyel. Sa femme, mère d'un premier enfant et actuellement enceinte de six mois, tient une petite boutique de mercerie à la Chapelle-Saint-Denis. L'accusé porte le costume de ville d'un ouvrier dans l'aisance: il sanglote et verse continuellement des larmes. Pendant la lecture de l'acte d'accusation, que nous reproduisons ici en entier, il pousse des gémissements étouffés.

Chrétien travaillait depuis cinq ans, comme ouvrier ébéniste, dans les ateliers du sieur Pleyel, facteur de pianos, rue de Rochechouart, 20; il y gagnait 5 fr. 50 c. par jour. Ses habitudes étaient celles d'un homme honnête, paisible, sobre et laborieux ; sa femme faisait, à la Chapelle, un petit commerce de merceries qui paraissait prospérer; elle était enceinte et mère d'un enfant de dix mois. On ne leur connaissait pas de dettes, et ils payaient régulièrement leurs loyers: ainsi tout

aunonçait qu'ils vivaient dans l'aisance comme dans la plus parfaite harmonie.

Chrétien s'était attaché à un autre ouvrier nommé Mayer, occupé comme lui chez le sieur Pleyel, et qui y ga. gnait 45 francs par semaine. Mayer est mort en avril dernier. Quelque temps après son décès, on a découvert son livret de la caisse d'épargne, au fond d'une petite caisse où il paraissait l'avoir caché, dans l'atelier. Ce livret, plus tard remis à sa veuve, énonçait des dépôts successifs qui s'élevaient à plus de 2,000 francs.

Le 14 juillet dernier, Chrétien arrive à son atelier vers sept heures et demie du matin: il y travaille une heure environ, il a l'air triste et contrarié. Un morceau de peau lui est né cessaire pour l'ouvrage qu'il fait ; on lui en offre d'une espèce qu'il ne trouve pas convenable, il la rend et en demande une autre qui lui est promise : » C'est bon, dit-il, je la reprendrai bientôt ; puis on le voit sortir n'ayant que ses vêtements de travail, c'est-àdire un pantalon, un gilet à manche et des chaussons. Selon sa coutume, il a apporté son déjeûner, mais il ne le mange pas, et sur l'observation qui lui en est faite par un camarade, il répond qu'il n'a pas d'appétit.

D

Entre neuf et dix heures, Chrétien était dans la chambre de la femme Mayer, au troisième étage de la maison située aux Batignolles-Monceaux, avenue de Saint-Ouen, no 17; il y attachait des clous, auxquels devaient être suspendus des ustensiles de cuisine. La femme Mayer sort, descend l'escalier, portant une bouteille, va chercher du vin et remonte.

Quelques minutes après, des cris plaintifs se font entendre dans cette chambre. Le jeune Jalabert, dont les parens occupaient une pièce contiguë, court avertir la portière; celle-ci monte en toute hâte, appelle, frappe plusieurs fois et avec force à la porte de la veuve Mayer sans obtenir de réponse; elle entend seu. lement quelques soupirs. Beaucoup de personnes surviennent; pendant qu'elles hésitent à enfoncer la porte, d'autres aperçoivent de l'extérieur sur le faite du toit d'une maison voisine, un individu le parcourir tout entier, dans la position d'un homme à

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