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cheval, descendre de ce côté dans un jardin, faire une brêche au treillage qui en forme la clôture et s'enfuir à travers champs, où bientôt on parvient à l'atteindre. C'était l'accusé Chrétien. A peine est-il arrêté qu'il se couvre le front avec ses deux mains et s'écrie:

O mon Dieu! quelle malheureuse pensée j'ai eue! il y a deux jours qu'elle me poursuit ; j'ai fait tout ce que j'ai pu pour la repousser: ce ma»tin, pour tâcher de m'y soustraire, j'ai > travaillé deux heures dans l'atelier, »

Quand on le conduit chez le commissaire de police, il manifeste le plus grand chagrin, il paraît livré au plus violent désespoir: il voudrait attenter à sa vie; il demande qu'on lui procure du poison, du vitriol. En entendant ceux qui le tiennent faire la réflexion qu'il faudrait porter secours à la femme blessée, il répond: »Oh! la malheureuse » n'a sans doute plus besoin de rien; elle » est morte. » Arrivé au bureau du commissaire de police, il retire de la poche de son gilet deux billets de banque de 1,000 francs chacun, et les dépose sur une table, en disant: » Voilà la cause du

crime..

à

Cependant la porte de la chambre est ouverte par un charpentier, qui ap. prend, en passant dans l'avenue, qu'on vient d'y assassiner une femme, et qui ne partage point la frayeur ou les scrupules des autres personnes accourues la nouvelle de cet événement. Un spectacle horrible s'offre à tous les regards: la veuve Mayer se trouve au milieu d'une large mare de sang, à genoux, la tête sur le sol, contre le lit et la cheminée, les cheveux épars, ayant tous ses vêtements relevés jusque sur les reins et ne donnant plus aucun signe d'existence. Un marteau est à côté d'elle et dans le sang : c'est l'instrument qui a servi à commettre le crime.

Le commissaire de police, averti, se transporte immédiatement sur les lieux. Il constate, entre autres choses: 4° que les vêtements qui couvrent la victime consistent seulement en une chemise de calicot, un jupon, un corset en basin, une paire de bas blancs: 2° que ces effets sont fortement ensanglantés ; 3° qu'une paire de souliers en peau de castor est auprès du lit; 4° que le corps est à demi plié; 5o que la tête et les mains présentent un grand nombre

de blessures; 6oque le marteau, rappro-
che de ces blessures, répond parfaite-
ment à leur étendue; 7° que le lit est
découvert jusqu'au pied, comme si
l'on eût voulu s'y coucher; 8 que le
drap de dessous est empreint de larges
taches de sang, l'une au bout du tra-
versin sur le devant, l'autre au bas du
même traversin ; 9o que le bois du lit,
dans sa partie antérieure, est couvert
d'une grande quantité de sang; 10° qu'il
existe sur le sol et dans la direction de
la porte des traces de pieds d'homme
ensanglantés; 41° qu'il y a près de
la cheminée, et à quelques pas du ca-
davre, une chaise foncée de paille ren-
versée et couverte de beaucoup de
sang dans ses diverses parties; 12° qu'au
pied d'une fontaine, à droite de la che-
minée, il se trouve deux vases en terre
contenant une certaine quantité d'eau
mêlée de sang; 13° que sur une table,
entre les deux croisées qui éclairent la
chambre, sont deux verres contenant
du vin blanc, une bouteille vide et la
moitié d'un pain de deux livres tout
frais; 14° que des taches de sang jail-
lissant existent sur une commode pla-
cée à une assez grande distance du
cadavre; 15° que sous le lit et auprès
du cadavre sont deux chaussettes en fil
écru à l'usage d'hommes et fortement
imprégnées de sang; 16° enfin, qu'il
y a des traces d'une chaussure ensan-
glantée sur l'appui de la fenêtre à gau-
che et contre le mur de façade de la
maison.

Des médecins commis par la justice ont visité le cadavre et procédé à son autopsie; ils y ont constaté cinquante blessures qui toutes leur parurent avoir été faites avec la petite extrémité du marteau trouvé dans la mare de sang. La tête, la face, les épaules, les bras, les mains sont le siége de ces blessures. Le cou présente des traces d'une forte compression; on y voit l'empreinte de plusieurs doigts. Les blessures de la tête ont occasionné des perforations de crâne profondes et d'autres lésions graves. Enfin, ces hommes de l'ait pensent que la mort a été, sans aucun doute, le résultat immédiat d'une violente commotion du cerveau, des lésions de la substance de cet organe, et peutêtre des efforts qui ont été faits simultanément pour produire la suffocation à l'aide des mains et par l'application

d'un lien ou plutôt d'un fichu à la partie antérieure du cou.

Chrétien avoue qu'il a donné la mort à la femme Mayer uniquement pour s'emparer des deux billets de banque dont il était en possession lorsqu'il a été arrêté. Voici dans quelles circonstances il prétend avoir commis le crime:

Vers la fin du mois de juin, le hasard lui a fait rencontrer la veuve Mayer dans la rue; elle lui a appris qu'elle doit changer de demeure, et que le 8 juillet elle ira loger aux Batignolles, avenue de Saint-Ouen, no 17; elle l'a engagé en même temps à venir lui arranger ses meubles.

Le 11 juillet, à huit heures et demie du matin, ne se sentant pas, dit-il, en train de travailler, et n'ayant pas d'ailleur sce qu'il lui fallait pour son ouvra ge, il a quitté son atelier, et s'est rendu chez la veuve Mayer. Lail a fait chauffer de la colle, qu'il a eu le soin d'apporter pour la réparation d'une commode; il a fendu du bois, il a attaché au mur quelques clous pour des casserolles. La femme Mayer est allée chercher du vin blanc, et ils se sont mis à table et ont déjeûné avec du pain et le vin. Durant ce frugal repas, cette femme lui dit que, depuis la mort de son mari, elle le considère comme son meilleur ami, et lui exprime le désir de le voir s'attacher à elle. Elle lui parle d'une somme de 2,000 francs qu'elle a retirée de la caisse d'épargnes, le dimanche précédent. Elle pose même sur la table où ils mangent les deux billets de banque.

Aprés lui avoir fait observer qu'elle aurait dû replacer immédiatement cette somme, il la lui demande à titre de prêt, et moyennant une rente viagère, pour l'employer au petit commerce de mercerie que fait sa femme à la Chapelle. Mais elle refuse. Pendant qu'il insiste pour obtenir ce placement, et qu'elle déclare persévérer dans son refus, elle se couche, à demi vêtue, avec l'intention de l'exciter à l'oubli de ses devoirs, et alors une fatale pensée s'empare de son esprit ; il saisit sur la cheminée le marteau dont il a fait usage pour attacher les clous, et il en frappe cette malheureuse. Il est persuadé que le premier coup porté sur la tempe gauche sera immédiatement mortci: mais le résultat obtenu vient

trahir sa criminelle espérance. La femme crie et se débat avec force. Voulant empêcher qu'elle soit entendue, il redouble les coups sans trop savoir ce qu'il fait, et avec une cruauté dont il ne se croyait pas capable. Plus on frappe à la porte pour secourir la victime, plus il se sent animé pour en finir avec elle. Le meurtre consommé, Chrétien lave ses chaussons et ses mains dans le seau qui est au dessous de la fontaine, prend les deux billets de banque, les met dans la poche de son gilet, et s'enfuit par la fenêtre. Il ajoute enfin, qu'avant de se mettre au lit, la veuve Mayer eut la précaution de placer la clef de sa porte à l'intérieur.

Cette femme avait toujours mené une vie régulière, elle était d'ailleurs dans sa soixantième année, et de plus affligée d'un goître qui lui donnait toutes les apparences d'une femme plus âgée encore. Comment admettre les explications données par Chrétien, lui qui n'a que trente-cinq ans ; et qui est récemment marié, père d'un enfant de dix mois, et sur le point de l'être encore? Elles ne méritent évidemment aucune confiance.

La veuve Mayer avait retiré, le 6 juillet, de la caisse d'épargnes, 3,082 fr. 63 c., provenant de deux livrets inscrits l'un en son nom, l'autre au nom de son mari. Cette somme lui a été payée en trois billets de banque, Qu'est devenu le troisième ? on n'a trouvé que 335 fr. dans la commode. Elle parlait avec peu de discrétion de ses ressources pécuniaires. On n'est donc que trèsautorisé à croire qu'elle aura fait connaître à Chrétien le retrait de son argent, même antérieurement au jour où elle a été assassinée. Toutefois, cette circonstance n'est point établie par l'instruction d'une manière complète.

En conséquence, Jacques-Benoît Chrétien est accusé :

1o D'avoir, en juillet 1838, commis volontairement un homicide sur la personne de Catherine-Victoire Guillard, veuve Mayer, ledit homicide ayant eu pour objet de préparer, faciliter et exécuter le délit ci-après qualifié :

2o D'avoir le même jour soustrait frauduleusement deux billets de banque de France appartenant à ladite veuve Mayer;

On commence l'audition des témoins, qui sont au nombre de vingt-cinq ou trente. Les premiers sont des ouvriers de M. Pleyel : tous déposent des bons antécédents de l'accusé: il était le dernier qu'on eût soupçonné d'une mauvaise action.

M. Charles Nouguier, avocat-général, a soutenu avec force l'accusation. Me Dufougerais a présenté la défense de l'accusé.

Le jury ayant déclaré Chrétien cou. pable de meurtre sans préméditation, suivi de vol, mais avec des circonstances atténuantes, la cour a condamné Chrétien aux travaux forcés à perpétuité avec exposition. Il a versé des Jarmes abondantes, et a montré une vive émotion au prononcé de cet arrêt.

9. Paris. Académie des Sciences. Séance du 8 octobre. — M. Milne Ed. wards lit des recherches fort intéressantes sur le mécanisme de la respiration dans les crustacés. Chez la plupart des animaux terrestres ou aquatiques, la respiration s'effectue à l'aide d'un appareil dont le jeu est analogue à celui d'une pompe alternativement aspirante et foulante, ou bien de deux pompes simplement foulantes, mais agissant en sens inverse, qui détermineraient l'entrée de l'oxigène dans les cavités où cet agent doit être mis en contact avec le sang et qui expulseraient ensuite de ces mêmes cavités l'acide carbonique exhalé. C'est de la sorte que s'opère la respiration chez l'homme et les autres animaux vertébrés; mais d'après les observations consignées dans le mémoire de M. Milne Edwards, on voit qu'il n'en est pas de même chez tous les animaux des classes inférieures, et que chez les crustacés à branchies intérieures (tels que les crabes et écrevisses) le renouvellement de l'eau nécessaire à la respiration s'effectue à l'aide d'un mécanisme tout-à-fait différent et très-analogue à celui des appareils de ventilation dont les ingénieurs se servent fréquemment pour renouveler l'air dans l'intérieur des mines. La cavité respiratoire de ces animaux communique avec l'eau extéricure par deux ouvertures, dont l'une, destinée à l'entrée du liquide, n'offre rien de remarquable, et dont l'autre, affectée uniquement à la sortie de l'eau, est pour

Ann. hist. pour 1838. App.

vue d'une valvulo disposée de façon à exécuter des battements continuels et à rejeter ainsi au dehors l'eau qui la baigne. Le courant ainsi produit est alimenté par l'eau contenue dans la cavité branchiale, et à mesure que ce liquide est entraîné au dehors, il est remplacé par une nouvelle quantité d'eau aérée venant de l'extérieur; aussi suffit-il d'arrêter le jeu de cette valvule pour déterminer l'asphyxie de ces ani.

maux.

Le mémoire de M. Milne Edwards est accompagné de nombreux dessins qui représentent la structure anatomique de l'appareil respiratoire des crustacés.

-M. le ministre du commerce transmet des détails sur les œufs de vers à soie envoyés de Chine par M. Hébert, et demande de nouvelles instructions sur des moyens simples et convenables de conservation. Des cinq tubes de bambou renfermant la graine adressée par M. Flébert, deux contenaient des œufs éclos et des verts morts depuis long-temps; dans les trois autres, la graine était intacte, quoiqu'elle eût subi une température de 24 degrés et une humidité considérable, ce qui fait supposer que ces œufs proviennent d'une espèce particulière, exigeant pour éclore la révolution d'une année.

M. Dumoulin, ingénieur de l'Astrolabe, a recueilli des détails sur les tremblements de terre du Chili, qui n'ont pas été au nombre de moins de douze cents depuis 1828; on a compté jusqu'à treute-deux secousses par jour, et elles ont lieu dans toutes les saisons de l'année également; les changements dans le relief du terrain déterminés par ces tremblements de terre, indiquent positivement qu'il y a soulèvement du sol. Ainsi des roches se sont élevées de plus de douze pieds par une seule secousse. Ces détails sont confirmés par les observations des capitaines balciniers qui ont vu le pays et qui ont ressenti en mer le choc particulier produit par ces tremblements de terre, même à de grandes distances, et dont on ne se rend pas bien compte jusqu'ici; ces chocs ressemblent, comme on le sait, à la sensation que ferait éprouver la rencontre d'un rocher.

Les terribles ouragans qui causent dant de désastres, particulièremen; aux 18

Antilles, sont encore très-mal connus dans leur nature, et les explications que l'on a données jusqu'ici de ces redoutables phénomènes météorologiques sont très-peu satisfaisantes. Le colonel Rey avait proposé une théorie à laquelle on a fait peu d'attention ; il comparait ces vents impétueux à des trombes, quoiqu'ils n'embrassent pas moins de cent ou cent cinquante lieues quelquefois dans leur étendue; cette théorie a été reprise par un autre navigateur, et il l'appuyait sur la considération de la marche suivie dans ce cas par les vents et sur leur direction. Ainsi, en observant les effets produits par les fameux ouragans de 1789 et de 1808, on put remarquer que des vaisseaux atteints en même temps par ce désastre, quoique placés à de grandes distances, avaient été entraînés en sens inverses; de telle sorte que par la comparaison des principaux points où l'ouragan s'était fait sentir, on s'aperçut que les vents, en s'avançant vers le nord, par exemple, tournaient véritablement de gauche à droite, comme les petites trombes, dont il est facile de distinguer la marche. Cette théorie ne serait pas seulement importante pour la science, mais elle servirait encore à éviter le danger dans certaines circonstances, en indiquant aux navigateurs dans quel sens ils devraient se diriger pour s'éloigner de ces vastes trombes qui engloutissent et détruisent tout sur leur passage. On dit en effet que quelques bâtimens se seraient sauvés en se laissant guider par cette loi.

M. Espi vient tout récemment de proposer une autre manière de concevoir les ouragans; suivant lui, les vents dans ce cas souffleraient en convergeant vers un point central; c'est du moins ce qui paraît résulter de l'examen des arbres arrachés du sol dans les différentes directions suivies par ces météores.

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Auguste C......, ouvrier charron, âgé de vingt-six ans, s'était épris d'un violent amour pour Louise B....., fille d'un cultivateur de la commune de Saint-Martin-d'Hère. Pendant long

temps le jeune artisan était reçu dans cette famille, et y allait presque tous les jours. Vers le mois de janvier dernier il demanda Louise en mariage; mais cette demande fut rejetée par les parents de la jeune fille, qui elle-même ne paraissait plus désirer cette union, à laquelle peu de jours auparavant elle eût consenti avec tant de bonheur,

Auguste C...... conçut un violent chagrin de ce refus; désespéré, il quitta le pays et se dirigea vers la capitale, afin d'oublier, s'il était possible, cet amour qui devait faire le malheur de sa vie. Il s'exila ainsi pendant trois mois, sans donner de ses nouvelles à sa famille et à ses nombreux amis. Mais le malheureux avait compté sans la force d'une passion inexorable; il ne tarda pas à revenir à Grenoble, et sa première pensée fut de s'informer de ce que faisait Louise, son premier désir fut de chercher à la voir. Il retourna donc dans cette maison, et renouvela sa demande sans obtenir plus de succès. Alors l'exaspération du jeune ouvrier ne connut plus de borne, des menaces de mort lui échappèrent; mais ceux qui avaient refusé de croire à son amour ne voulurent pas croire davantage à son désespoir.

Un jour cependant Auguste G..... se présenta dans la maison du sieur B...... sous prétexte de réclamer une faible somme d'argent qu'il avait prêtée dans le temps au père de Louise; il voulut même faire sortir la jeune fille pour lui parler; mais, sans daigner l'écouter, elle appela son père, qui jeta brusquement le jeune homme à la porte.

Dès ce moment Auguste C..... do. vint sombre et ne parla plus que de ses projets de vengeance; plusieurs fois on le vit rôder autour de la maison, guettant la sortie de Louise. Enfin, mardi, à six heures et demie du matin, la jeune fille descendait le chemin de SaintMartin-d'Hère, une corbeille de légumes sur la tête, pour se rendre au marché de la ville, lorsqu'à trente pas environ de la route de Gières, elle aperçut Auguste C.... qui venant à elle, la prit par la main et lui dit : Louise, c'est aujourd'hui que vous me payerez ce que vous me devez !

Laissez-moi, ne me retenez pas, lui répondit-elle en dégageant sa main de celle du jeune homme, dont les traits

bouleversés lui inspiraient un indicible effroi. A cet instant elle vit Auguste fouiller à sa poche et en tirer un pistolet; elle jeta sa corbeille à terre et s'en fuit; mais à peine avait-elle fait quel. ques pas, qu'elle entendit la détonation du pistolet que l'ouvrier venait de tirer sur elle sans l'atteindre. Plus effrayée encore, Louise se réfugia chez une femme du voisinage, où Auguste la poursuivit un second pistolet à la main; il saisit même la jeune fille par sa robe, afin de la ramener sur le chemin; mais la femme Rebruant poussa la porte, et pendant qu'elle donnait ses soins à Louise évanouie, un second coup de feu se fit entendre: c'était Auguste C.... qui venait de se brûler la cervelle à la place même où quelques minutes auparavant il avait quitté Louise en lui adressant un regard qui était à la fois une prière, un adieu, un remords!

15, Paris. Théâtre Français. 4re représentation de RICHARD SAVAGE, drame en cinq actes, par MM. Eugène Labat et Desnoyers. Cette pièce a été jouée d'une façon déplorable; ce pauvre drame, abandonné dès les premières scenes par les acteurs, a été obligé de se soutenir tout seul. Beauvallet, triste, affaissé, mélancolique outre mesure, jouait comme un homme endormi, qu'on vient de réveiller en sursaut; Mlle Mante, blessée par son rôle, se ven. geait de toutes ses forces, en lui ôtant toute espèce de couleur; huit autres comédiens sans nom obstruaient toute cette action dramatique de leurs efforts mal combinés; seul, Menjaud a été vif et léger; seule, Mlle Noblet a defendu le terrain glissant qu'on lui avait confié. Mile Noblet est une belle personne, intelligente et dévouée à l'art. Tant que la tragédie a été expirante, Mile Noblet l'a défendue avec plus de zèle et de courage sans doute, que de succès et de bonheur; mais cependant il faut lui rendre grâce de son zele. Si Mile Rachel, en entrant au théâtre, n'a pas trouvé la tragédie tout-à-fait morte, elle le doit a sa jeune compagne. Maintenant que le sceptre tragique échappe à la main trop faible de Mile Noblet; maintenant que Mile Rachel, comme une reine dépossédée, a repris son trône et son diadême, Mlle Noblet fera bien de se réfugier dans le drame, où l'atten.

dent sans nul doute les succès de ses premiers débuts. Si vous saviez quelle foule au Théâtre-Français l'autre jour! Jamais, aux plus beaux temps de Talma, la foule ne s'était portée au théâtre plus animée et plus nombreuse, Ce soir-là, Mile Rachel jouait son beau rôle d'Hermione. Elle avait été sifflée dans Mithridate, et comment sifflée, et par qui? Toujours est-il qu'elle voulait reprendre sa revanche, et qu'elle l'a prise. Jamais l'énergie, le dédain, la colère, toutes les passions dont ce beau rôle d'Hermione est rempli, n'ont trouvé une interprète mieux inspirée, plus inspirée. Elle avait la rage dans le cœur des insultes qu'on avait tentées l'avant-veille sur sa gloire naissante, et elle a répondu à ces clameurs par tous les bruits de son cœur, tous les mouvements de son âme, tous les transports de cette tète si sereine et si calme. Aussi l'admiration a-t-elle été générale, l'ovation a-t-elle été complète, le triomphe sans égal. Ligier, qui arrive de la province, où il a été reçu et fêté comme il convient, voyant autour de lui cette foule immense, attentive, heureuse, ravie, et ne comprenant rien à cet enthousiasme universel pour ce pauvre humilié Racine, Ligier a trouvé enfin un peu de cet abandon qui lui manque; il a joué simplement, comme un homme qui serait revenu de la province depuis six mois; il a eu donc sa part dans ces applaudissements frénétiques - Quelle puissance dans cette petite fille : les mauvais comédiens, elle les rend passables; les bons comédiens, elle les rend meilleurs.

16. Venise. Entrée de S. M. l'empereur. - Voici le récit de l'entrée de l'empereur à Venise, que publie la Gazette privilégiée de Venise :

La joie produite partout où le cortége impérial a passé devait être d'autant plus vive à Venise, que S. M. l'empereur y est arrivé hier entouré de l'auréole d'un grand acte de clémence souveraine; l'enthousiasme a été extraordinaire. Les dignitaires de la cour, les dames du palais, les autorités, la garde-noble et un grand nombre de particuliers remplissaient les barques qui se sont rendues hier ma tin à Fusina, où la cour est arrivée à midi, L'empereur et l'impéra.

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