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puis, au milieu de ce désordre, surviennent coup sur coup d'autres désordres. Ici c'est don Pedre qui poignarde un homme, parce que cet homme lui a déplu, et uniquement pour justifier quelque peu le nom de Cruel; plus loin, c'est le peuple qui s'entasse sous les fenêtres de Maria de Padilla, en criant:-Meure la favorite! Plus tard, et toujours dans le même acte, survient le vieil Albuquerque, le grand justicier du royaume; et cependant la mort de cet homme assassiné par le roi ne produit ni pitié, ni terreur, car nous n'avons pas même vu cet homme; et cependant le peuple qui crie, pousse de vains cris perdus dans les airs; et cependant le vieil Albuquerque, vieillard stupide, on peut le dire, arrive pourquoi faire, je vous prie? pour se faire mettre à la porte par S. M. le roi très-étonné de voir le grand justicier chez sa maîtresse, et, cette fois, le roi est parfaitement dans son droit; le grand justicier n'a que faire dans cette fête.

Nous voici à cette heure dans une église; l'autel est préparé, les cierges sont allumés, le prêtre va accomplir le saint sacrifice; sur les degrés de l'autel se tient un nouvel acteur, la mariée, Blanche de Bourbon. On ne sait pas assez combien l'introduction de nouveaux personnages dans un drame commencé, nuit à l'effet de ce même drame; ces étrangers qui arrivent ainsi sans être annoncés, vous gâtent votre plaisir, quand il y a plaisir, et qui pis est vous dérangent votre ennui. Que me fait à moi ce paquet de satin et de dentelles placé à genoux dans cette église? C'est, dites-vous, Blanche de Bourbon. Blanche de Bourbon arrive trop tard. Bref, tout ce cinquième acte le voici Maria de Padilla arrive sur son cheval, aussi endommagée pour le moins que monsieur son père, à l'instant même où don Pedre va jurer foi et fidélité à Blanche de Bourbon; aussitôt Maria de Padilla, que rien n'arrête, se précipite, elle grimpe sur l'autel, elle s'empare de la couronne préparée, elle la met sur sa tête, elle déclare qu'elle est la femme du roi, qu'elle est la reine, puis elle se tue d'un coup de poignard. Son vieux père, qui paraît remis de ses blessures, assiste, on ne sait comment, au couron. nement de sa fille,

C'est madame Volnys qui jone le rôle de Maria de Padilla. Nous ne vou lons pas être même sévère pour madame Volnys, c'est inutile. Cette fois, elle s'est perdue presque sans retour dans l'abîme profond où elle se jette depuis long-temps à corps perdu, sans vouloir entendre ni conseils ni prières. Il est impossible, avec plus de zèle, d'efforts et d'habitude de la scène, de manquer plus complètement de goût, de simplicité, de naturel. Chaque mot que dit cette femme, qui est belle en dépit d'elle-même, chacun de ses gestes, son moindre coup-d'œil est à coup sûr un contresens. Elle veut entendre finesse à toutes choses, elle a la rage de tout expliquer; elle vous met le doigt sur toutes les beautés, sur toutes les plaies, sur tous les mouvements de la poésie qu'elie débite. Elle se fatigue, elle se démène, elle cric, elle frappe sa poitrine, elle se tord les mains et les yeux et le cœur, elle arrive ainsi haletante à la fin de ce long, pénible et horrible travail. Quel triste combat entre l'intelligence de cette jeune femme et son geste, sa voix, son regard, son esprit, son jeu, tout elle-même ! A voir ce malaise continuel, ou devine trèsbien que madame Volnys, à chaque pas qu'elle fait, à chaque mot qu'elle prononce, se dit à elle-même: Ce n'est pas cela, je suis dans le faux ! Mais hélas! telle est la force de l'habitude: elle sait qu'elle est dans le faux et elle ne peut pas en sortir. Ce qu'elle veut faire, elle ne peut pas le rendre; ce qu'elle comprend, elle ne peut pas le dire; elle voudrait être simple, elle est vulgaire; son sourire devient une grimace, ses larmes ne sont plus qu'un grincement de dents, sa passion est une torture perpétuelle pour elle-même et pour les autres ; quel malheur ! et quelle grande perte ! Une personne si bien douée de tout ce qui fait, non pas les grands comédiens, mais les comédiens habiles; un si beau regard! un œil si noir un esprit si vif! tout cela irrévo cablement perdu, et pourquoi ? Pour s'être écartée de la nature, pour avoir voulu être mieux que vraie, plus belle que belle, pour avoir sacrifié de bonne heure aux cent mille petites exigences d'un parterre blasé qui s'inquiète peu d'immoler une belle intelligence à ses caprices d'un jour.

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1. Paris. Cour d'assises de la Seine. Double tentative d'assassinat. — La maison, rue Transnonain, no 12, où existait le théâtre Doyen, et dans laquelle eut lieu le funeste événement du mois d'avril 1834, a été témoin, le 23 juillet dernier, du crime le plus déplorable. Une mère octogénaire et sa fille ont manqué d'être victimes d'un forfait ayant pour cause une basse cupidité. L'auditoire est rempli d'avocats et de curieux, parmi lesquels les dames sont en majorité.

L'accusé est un jeune homme de vingt-quatre ans. Sa figure douce, sa contenance timide, ses larmes, ses sanglots qui n'ont rien de simulé, sont de nature à donner le démenti aux plus chauds partisans de tous les systèmes physiognomoniques et phrénologiques. Il a le teint blanc, les cheveux châtain. clair coupés à la mode Périnet. 11 porte une redingote noire boutonnée jusqu'au menton avec des boutons de soie noire. Cet habillement, qu'il porte pour la première fois, est celui qu'il s'était fait faire pour sa noce; il devait se marier trois jours après le crime qui l'amène devant le jury.

Il déclare se nommer AlexandreFrançois Perrin, ouvrier imprimeur en taille-douce, fils du portier de la rue Transnonain, no 12.

Nous allons faire connaître les prin. cipaux faits de cette cause, dont voici dans son ensemble l'acte d'accusation:

Alexandre Perrin est fils d'un cordonnier qui depuis le mois d'avril dernier habite avec sa femme, en qualité de portier, la maison rue Transnonain, 12. Il est ouvrier imprimeur en taille-douce. Un des maîtres chez les quels ila travaillé a rendu un témoignage favorable de sa conduite; ses bénéfices pouvaient s'élever de 16 à 21 fr. par semaine. Cependant Perrin s'enivrait quelquefois; il traitait son père avec grossièreté; il paraît même qu'il aurait porté l'oubli de ses devoirs jusqu'à le maltraiter.

Perrin déjeûnait et couchait chez ses père et mère; il leur remettait 9 fr. chaque semaine. Ceux-ci étaient trèspauvres, recevant depuis plusieurs années les secours de la charité publique. L'accusé songeait à se marier. Vivement épris d'une jeune blanchisseuse, Elisa Leclerc, il avait obtenu sa main. La

célébration du mariage était arrêtée pour le 26 juillet. Les deux familles, Elisa elle-même, avaient fait à Perrin des représentations pour retarder cë mariage ; il ne possédait rien, pas même l'argent nécessaire pour acheter les meubles les plus indispensables. Son père devait lui prêter des vêtements le jour de son mariage; la prudence ně voulait-elle pas qu'il fit avant tout quelques économies?

Loin de là, pendant la semaine qui devait précéder son mariage, Perrin n'avait pas travaillé. Aux personnes qui témoignaient des inquiétudes sur son avenir, il répondait avec assurance : Soyez tranquilles, j'aurai ce qu'il me faudra. On pouvait supposer que Perrin s'adressait à son oncle, le sieur Leroux, employé à l'Imprimerie royale. Celuici jouissait de quelque aisance. Il serait, a-t-il dit, volontiers venu au secours de son neveu ; Perrin n'eut pas recours à son obligeance. Il nourrissait un horrible projet, et depuis plusieurs jours en préparait froidement l'exécution. Il ne faut rien moins que cette exécution même, les circonstances qui l'ont entourée et les révélations de l'accusé pour comprendre avec quelle odieuse facilité la pensée du crime peut germer et grandir chez certains hom

mes.

Dans la maison rne Transnonain, n° 12, habitait la veuve Raoult. Cette dame avait quitté depuis peu de temps le commerce de la bijouterie. Lors d'un dernier déménagement fait par elle, un portefeuille renfermant des effets et un billet de banque de 1000 francs avait été trouvé par des ouvriers. Cette circonstance, commentée par les locataires de la maison, presque tous vivant de leur travail, avait donné une haute opinion des ressources pécuniaires de la veuve Raoult, qui vivait d'ailleurs fort retirée. Perrin résolut de la voler. Rien n'était plus facile; le logement de la veuve Raoult était à louer; pendant ses absences la clef en était déposée dans la loge du portier; Perrin pouvait s'en emparer. Mais dans son esprit l'idée du vol ne se séparait pas de celle de l'assassinat. C'est après avoir tué la dame Raoult qu'en plein jour il voulait la dépouiller d'une somme de 150 à 200 fr. Son ambition n'allait pas plus loin; satisfait, dit-il, s'il avait eu cette

somme, jamais sa main ne se serait armée contre la vie de son semblable.

Le lundi 23 juillet, vers sept heures du matin, la dame Raoult donnait quel ques ordres à son menuisier. Perrin se présente une lettre à la main, puis toutà-coup apercevant le menuisier, il déploie cette lettre, qui n'était pas cachetée, feint de la parcourir, se retire en s'excusant d'une erreur et redescend l'escalier avec précipitation. Quelques instants après, la veuve Raoult va demander à la portière s'il était arrivé une lettre à son adresse. Celle-ci répond négativement. En rentrant chez elle, la veuve Raoult est rejointe sur l'escalier par la veuve Serdin, sa mère, qui venait de la campagne pour l'aider à faire des paquets. Perrin a vu la femme Serdin entrer dans la maison; c'est à lui qu'elle s'est adressée. Le matin, il avait bu un verre d'eau-de-vie; il va prendre encore à deux reprises de la liqueur chez le marchand de vin Lemire avec les ouvriers Bosse et Bonvallet. De retour à la maison, Bosse l'entend chantonneren déjeûnant. Perrin achète ensuite chez un épicier une feuille de papier et des pains à cacheter.

Il était environ neuf heures, quand la dame Raoult entend de nouveau sonner à sa porte. Perrin se présente; il ferme avec soin la porte derrière lui; suit la dame Raoult dans une seconde pièce, et lui remet une lettre qu'elle parcourt rapidement, et jette sur une table en disant: Je ne connais pas cette signature. Puis, reculant d'un pas, il assène à la dame Raoult deux violens coups de couteau sur l'épaule droite. Que vous ais-je fait ? s'écrie la malheureuse femme. Perrin frappe de nou. veau. Alors une lutte acharnée s'engage; elle se prolonge pendant cinq minutes environ. Perrin ne prononce pas une parole, ne fait pas entendre une exclamation; la dame Raoult n'a qu'une seule pensée, celle d'échapper à l'étreinte de l'assassin, d'ouvrir la porte d'entrée et d'appeler du secours. Cette pensée l'absorbe tellement, qu'elle n'a pas vu même sa mère, accourant à ses cris, et frappée comme elle de plusieurs coups de couteau. Enfin la dame Raoult parvient à entraîner Perrin, toujours attaché à elle, jusqu'à la porte, et bientôt la maison retentit de ses cris: Au feu! à l'assassin De toutes parts on

accourt. Une jeune fille de dix ans, Jeannette, court, voit les dames Raoult et Serdin au moment où elles sortaient sur le carré. La derniére était retenuc par un jeune homme. Le témoin a parfaitement reconnu le fils du portier, et l'a encore vu porter un coup de couteau à l'une des deux dames. Il a ensuite lancé son couteau contre les marches de l'escalier. Le couteau a rebondi et est venu retomber sur le carré.

Jeannette s'est enfuie en criant. Maréchal, ouvrier gaînier, a vu les deux victimes aux prises avec Perrin. Maréchal a bien reconnu celui-ci il était vêtu d'une blouse bleu, et s'est laissé glisser contre la rampe de l'escalier pour fair plus rapidement. Le témoin s'est élancé à sa poursuite sans le perdre de vue; il est parvenu à l'arrêter au coin de la rue du Cimetière-Saint-Nicolas, où le sieur Desroches les a rejoints. Beaucoup d'autres personnes attirées par les cris des dames Raoult et Serdin, ont également vu fuir Perrin, l'ont désigné par son costume. Le couteau a été trouvé à l'endroit indiqué par Jeannette, teint de sang. Perrin était couvert de sang, il avait une blessure à la main; on trouva sur lui une lettre datée du 17 juillet, adressée à la veuve Raoult. Cette lettre est celle qu'il avait présentée la première.

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En la rapprochant de la seconde, trouvée sur le lieu du crime, il était facile de se convaincre que toutes deux avaient été tracées par la même personne; l'instruction a établi qu'elles émanaient de l'accusé. Cependant Perrin ne perd pas sa présence d'esprit : « Ce n'est pas après moi que vous courez, dit-il aux sieurs Maréchal et Desroches; je cours moi-même après l'assassin. Son assurance est telle qu'elle fait naître le doute. Interrogé par le sieur Berle, il parvint à lui faire croire à la possibilité d'une erreur; déjà même il avait été rendu à la liberté, lorsque, sur la déclaration positive de la veuve Raoult qu'elle a été frappée par le fils du portier, il est arrêté de nouveau. Confronté avec les dames Raoult et Serdin, Perrin est reconnu par eiles; il n'en persiste pas moins d'abord à soutenir qu'il n'est pas coupable.

Il raconte que vers neuf heures un jeune homme est venu à la loge de son pére et a demandé la veuve Raoult;

que le jeune homme a présenté une lettre à cette dame ; qu'il s'est ensuite jeté sur elle et l'a frappée d'un couteau; que lui, Perrin, l'a défendue; qu'il a été blessé dans la lutte; que le meurtrier ayant pris la fuite, il a couru sur ses traces et à bientôt été arrêté par méprise. Jusqu'à huit heures du soir Perrin persiste dans son récit; à ce moment, enfin, il a fait l'aveu de son crime, aveu qui depuis a été renouvelé plusieurs fois par lui pendant le cours de l'instruction. Depuis quinze jours, Perrin portait le couteau avec lequel il frappé sa victime, ne se séparant jamais de ce couteau, pas même la nuit. » Perrin l'avait fait repasser avec soin, mais, dit-il, pour un autre usage. S'il faut l'en croire, il aurait lutté longtemps contre la pensée criminelle qui l'obsédait; il pleurait souvent sur le mal qu'il allait faire, et s'efforçait de résister à ses funestes inspirations; il n'a succombé qu'après de longs et douloureux combats. Ce récit par lequel l'accusé cherche à se concilier le seul genre d'intérêt qui puisse désormais s'attacher encore à lui, s'accorde mal avec le calme et le sang-froid qu'il a déployés dans l'exécution de son crime et même pendant la journée qui l'a suivi.

Les blessures de la veuve Serdin étaient graves, celles de la veuve Raoult ont mis long-temps ses jours en danger. »

M. le président donne lecture de l'interrogatoire subi par l'accusé devant le commissaire de police.

Perrin, qui avait gardé un morne silence, prend enfin la parole et dit : J'avoue que j'ai renié la chose; mais quand j'ai été amené devant le juge d'instruction, je me suis mis à genoux et j'ai dit que je me regardais comme en présence de mon confesseur, que j'étais un misérable comme je le suis et le serai toujours.

D. L'important est d'établir que vous étiez parfaitement calme lorsque tous le monde était agité. Prétendez-vous que vous êtessujet à une maladie quivous aurait, par intervalle, privé de l'usage de la raison? - R. Quand j'étais apprenti, j'ai eu souvent des maladies nerveuses; il y a un an et demi que je n'ai pas éprouvé de nouvelle attaque.

M. Berle, entrepreneur d'ébéniste

rié, rue Transnonain, 12, dépose: Ayant entendu crier au feu, j'ai couru tout de suite à mon atelier, et me suis assuré que le feu n'y était pas. On a dit ensuite que la dame Raoult et sa mère venaient d'être assassinées; on a amené l'accusé comme le meurtrier. L'accusé montra le plus grand sang-froid; il dit qu'il avait couru après l'assassin, qu'il l'avait désarmé, et que le sang qu'il avait sur lui provenait du vrai coupa ble. Ne pouvant croire qu'un homme qui venait de commettre un pareil crime pût conserver un si grand sangfroid, je dis à mon beau-frère, M. Desroches, et à mon contre-maître qui l'avaient arrêté, qu'ils devaient le relâcher. L'accusé est descendu chez son père; quelques instants après j'ai su que les deux dames accusaient formellement le fils du portier d'être leur assas sin. J'ai fait remonter l'accusé; cependant je n'étais pas encore détrompé. En vérité, me disais je, ces femmes se trompent, il n'est pas possible qu'il soit coupable. L'accusé, de son côté, protestait de toutes ses forces, il disait : « Je suis un honnête homme, ainsi que mon père; vous nous payerez cela fort cher; nous porterons plainte contre vous, et il y aura lieu à des dommages

et intérêts. »

M. Lesauvage, imprimeur en tailledouce, déclare que Perrin a fait chez lui son apprentissage de 1828 à 1832. Perrin était bon ouvrier, mais sujet à des extravagances, il avait parfois des attaques de nerfs.

M. Husse, autre imprimeur en tailledouce, dépose que Perrin fréquentait les petits théâtres, entre autres ceux de la banlieue, et se plaisait à déclamer des tirades de pièces qu'il avait vu jouer. Il tenait en guise de poignard tantôt un couteau, tantôt un pied de roi. Un jour on se moqua de Perrin; il prit fort mal la plaisanterie et eut une attaque de nerfs.

M. Turlet, dont le président lit la déposition écrite, a rendu un témoi gnage semblable. La veille de l'événement, Perrin déclamait dans la loge de son père un passage d'une pièce qu'il avait vu jouer au théâtre du Luxembourg, disant que c'était un rôle de Romain. Il tenait un couteau à la

main.

M. Devergie, docteur en médecine,

chargé par la justice d'examiner l'état des blessures des dames Raoult et Serdin et la légère coupure que l'accusé avait à la main droite, dépose qu'il a été pendant quelque temps alarmé sur la conservation des jours de ces dames. Si la lame qui a frappé madame Raoult au bras avait détourné seulement d'une ligne, elle aurait pu couper une grosse artère, et il en serait résulté une hémorrhagie funeste. La plaie de la poitrine était pénétrante; en approchant de l'ouverture de la blessure la flamme d'une bougie, on voyait cette flamme s'agiter à chaque aspiration et expiration. Le moindre accident eût entraîné des suites fatales. Les blessures de Mme Serdin n'étaient dangereuses qu'à cause de son grand âge; sa convalescence a été longue, parce qu'avant d'être guérie, elle avait eu l'imprudence de se faire mener à Vincennes : elle s'est trouvée mal dans la voiture.

M. Nouguier, avocat-général, soutient avec force l'accusation, et ne pense pas que dans une cause aussi grave on puisse invoquer avec succès des circonstances atténuantes.

Mc Cartelier, défenseur de l'accusé, avait une tâche difficile à remplir. Il s'est efforcé d'écarter la préméditation et de faire valoir quelques considérations comme circonstances atténuantes.

M. Ferey, président, a fait le résumé des débats.

Le jury, après une demi-heure de délibération, a déclaré Perrin coupable de tentative d'homicide avec préméditation sur la personne de la veuve Raoult, et d'homicide commis volontairement, mais sans préméditation, sur la personne de la veuve Serdin.

M. le président a prononcé d'une voix altérée l'arrêt qui condamne Perrin à la peine de mort.

Perrin, qui paraissait moins ému, moins attéré que pendant les débats, n'avait pas compris ce terrible arrêt. 11 s'est penché vers son jeune avocat en lui disant : à combien suis-je condamné? Me Cartelier n'a pu ni voulu répondre à ce malheureux, qui n'aura dû connaître son sort qu'en rentrant à la Conciergerie.

En ce moment une jeune dame de l'auditoire a jeté des cris affreux et s'est évanouie. On l'a conduite qur une ter

rasse derrière la Cour d'assises, afin de lui faire prendre l'air.

Cette femme est, dit-on, la femme de l'un des jurès de la session, qui, n'étant pas tombé au sort, n'a point participé au jugement. Elle n'a repris connaissance qu'après un quart d'heure de soins qui lui ont été prodigués par les autres dames.

3. Hornu. Explosion de la Poudrière. Nous empruntons à l'Indépendant de Bruxelles du 31 octobre de nouveaux détails sur l'explosion de la poudrière de Hornu, publiés par ce journal d'après une lettre de Hornu même, le 27 octobre, cinq heures du

soir :

C'est sur les ruines mêmes, c'est au milieu du désastre et dans la chambre du directeur de l'exploitation détruite que je vous écris à la hâte mes premières impressions et les détails que nous avons recueillis de la bouche des témoins oculaires de ce drame épouvantable. Onze cadavres mutilés hor

riblement, les uns sans tête, les autres sans bras, sans jambes, sans entrailles, brisés, tordus, mâchonnés par les effets de la poudre, voilà une partie de cet affreux spectacle. A l'heure qu'il est on n'a pu retirer des décombres que trois corps entiers et de nombreux fragments hideux à voir. Les champs voisins de la poudrière, et dans un rayon de quatre à cinq cents pas, sont parsemés de briques, de cercles de tonneaux, de poutres très fortes hachées et moulues, de meules énormes lancées à plus de quarante pas de leur axe, qui luimême est à cent cinquante pieds du moulin à poudre, de moitiés de roues en fer dispersées au loin, de débris de toute sorte et de toute dimension, lave encore fumante de ce nouveau volcan. Nous avons parcouru la ville de Degorge, les villages d'Hornu, de Boussu et de Saint-Ghislain; partout des fenêtres volées en éclats, des portes arrachées de leurs gonds, des toits enlevés par la force de l'explosion, des meubles bouleversés pêle-mêle, sans qu'une seule maison, une seule cheminée, un seul arbre, aient été renversés, déracinés par le choc. Le mal s'est concentré, et les ouvriers n'ont pas même été tous engloutis.

L'un d'eux (le teneur de livres) s'est

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