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Augustin a fait la même chose qu'Eusèbe dans quelques uns de ses livres de la Cité de Dieu.

Mais celui de tous les pères latins qui s'est le plus distingué dans ce genre, c'est saint Jérôme, et pour s'en convaincre il ne faut que lire sa lettre 84 (1), dont je n'aurois qu'à faire ici l'extrait pour rendre compte de mon dessein et pour tenir lieu de préface à cet ouvrage.

Un orateur romain s'étant un jour avisé de trouver mauvais, à l'instigation de Rufin, que saint Jérôme semât dans ses écrits quelque littérature profane, et lui en ayant demandé la raison dans une lettre qu'il lui écrivit, il faut voir avec quelle force et avec quelle érudition ce saint docteur répond à ce vain reproche. Il dit à cet orateur qu'il paroissoit bien par cette demande, qu'il n'avoit jamais lu lui-même d'autre livre que Cicéron; que s'il avoit jamais eu quelque commerce avec nos auteurs sacrés, il sauroit que Moïse avoit lu avec soin les livres des gentils; que les admirables apologies que les saints Quadrat, Aristide, Meliton, Justin et Apollinaire avaient présentées aux empereurs en faveur de notre religion, étoient remplies d'une infinité de traits et de sentences empruntées des livres païens ; que le saint évêque de Lyon, Irénée, disciple du saint martyr Pothin, avoit fait la même chose dans son Livre contre les hérésies; que lạ

(1) Ad magnum orat. Rom. Tom. IV, ed.t. BB.

grande littérature du saint philosophe Pantænus fut la raison qui détermina son évêque Démétrius à l'envoyer prêcher l'évangile aux Brachmanes des Indes; que l'Apologétique de Tertullien, les huit livres d'Origène contre Celse, ceux de saint Cyrille contre Julien l'Apostat, ceux d'Apollinaire, d'Eusèbe et de Methodius contre Porphyre, sont remplis d'un bout à l'autre de ce que l'antiquité profane a de plus recherché; qu'on ne sait ce qu'on doit le plus admirer dans tous ces ouvrages, ou la littérature humaine, ou la divine; et qu'enfin saint Paul lui-même disputant au milieu de l'aréopage d'Athènes, ne fit pas difficulté d'autoriser les vérités évangéliques, par cet hémistiche grec du poëte Aratus dans ses phénomènes: Nous sommes enfans de Dieu et c'est de lui que nous sommes nés ; que dans une autre occasion il cita un vers ïambe du célèbre poëte comique Ménandre, et que pour

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faire connoître à son disciple Tite le vrai caractère du peuple de Crète, dont il l'avoit ordonné évêque, il lui rappella le jugement qu'un de leurs compatriotes (c'est le poëte Épiménide), en avoit fait dans un de ses vers: Les Crétois sont toujours menteurs; ce sont de méchantes bétes, qui n'aiment qu'à manger et à ne rien faire.

Voilà à peu près la manière dont saint Jérôme justifie l'usage qu'il a fait de la science profane, en faveur de la religion; et voilà ce que je me suis efforcé de faire dans cet ouvrage.

L'exemple et l'autorité de tant de grands hommes m'ont déterminé à rechercher avec soin dans les auteurs païens un fort grand nombre de témoignages qu'ils ont été forcés de rendre, je ne dis pas à la sainteté de la morale chrétienne (car cela seroit trop vague), mais à la vérité de notre religion et de nos dogmes, et à la divinité même de Jésus-Christ.

J'ai recueilli les faits décisifs, ou qu'ils ont volontairement avoués, ou dont l'aveu leur a été arraché par la force invincible de la vérité. J'ai rapproché ces faits; je les ai dégagés d'une infinité de choses étrangères, où ils étoient comme noyés, et j'en ai formé un nouveau motif de crédibilité, et un nouveau genre de démonstration de la vérité de notre croyance.

En un mot, j'ai donné tous mes soins pour exécuter l'heureux et l'utile projet que Lactance avoit si fort à cœur, et dont il se propose le plan dans le septième livre de ses Institutions Divines. Ce grand homme qui, par le bon usage qu'il a fait de son éloquence, a mérité qu'on lui attachât le nom de Cicéron chrétien, vouloit qu'on recueillît tout ce que les auteurs païens avoient dit de conforme à nos divines écritures, et que de tous ces extraits différens on en fit un seul corps dont il se promettoit de grands avantages pour la véritable religion (1).

Je ne fais que réaliser ici cette idée en donnant

(1) Laet. Div. instit. lib. v11, cap. 7, pag. 535, Tom. I, edit. LengletDufresnoy.

ce petit ouvrage au public, Mais il m'a paru que je rendrois cette idée plus intéressante encore et plus utile, si j'envisageois un objet moins étendu que celui de Lactance, et si je me renfermois dans les seuls auteurs gentils qui ont vécu depuis l'établissement de notre religion et qui ont rendu quelque éclatant témoignage, non pas en général à quelqu'une des vérités de l'Écriture; mais à la divinité même de Jésus-Christ, à la réalité de ses miracles, à l'accomplissement littéral de ses divines prophé→ ties, à la sainteté du christianisme et de ceux qui en ont fait profession.

Un dessein pareil porte avec lui sa recommandation; il s'annonce, pour ainsi dire, de soi-même, et pour être utile au public, il n'a presque pas besoin d'être bien exécuté. Voilà aussi ce qui m'a enhardi à l'entreprendre. J'ai cru que ce qu'on y trouveroit des anciens auteurs feroit passer ce qui est de moi, et qu'on approuveroit du moins le choix du sujet, si l'on étoit peu content de l'exécution.

Les auteurs païens dont j'emprunte le témoignage en faveur de notre religion, sont au nombre de vingt principaux, que je vais nommer ici, en suivant simplement l'ordre des temps auxquels ils ont vécu.

Dans le premier et le deuxième siècle, Tacite, Pline le jeune et Plutarque, qui ont vécu dans l'un et dans l'autre. Dans le deuxième siècle, Phlégon, l'empereur Marc-Aurèle, Celsc l'Épicurien et Lu

cien. Dans le troisième siècle, Dion-Cassius, Amélius, Porphyre, Lampride, et Capitolin. Dans le quatrième, Chalcidius, l'empereur Julien l'Apostat, Libanius, Ammien-Marcellin, Thémistius, Macrobe et Claudien. Dans le cinquième RutiliusGallicanus.

Outre ces vingt auteurs païens, qui font comme le fond de cet ouvrage, il y en a quelques autres qui n'y entrent que comme en second, parce qu'ils n'ont pas pu fournir à une dissertation particulière. Tels sont Thallus, auteur des histoires Syriaques, Strabon, Juvénal, Perse, Philostrate, Stace, et quelques autres.

A cette foule de témoignages j'en ai joint, par manière d'accessoire, trois ou quatre autres, que je n'ai pas pu comprendre sous le titre général de ce livre; mais qui ne sont cependant ni moins éclatans, ni moins décisifs en faveur de notre croyance. Ces quatre derniers témoignages sont celui de l'empereur Antonin le Pieux, celui de l'Alcoran, celui de l'historien Josèphe, et enfin celui des véritables actes de Pilate.

Tout l'ouvrage est divisé en deux parties. Dans la première je rapporte et je mets en œuvre le témoignage des auteurs païens qui attestent des faits miculeux, qui prouvent clairement et invinciblement la divinité de Jésus-Christ, et la vérité de notre religion. Dans la seconde partie je parle des auteurs païens qui ont simplement rendu quelque magni

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