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Ces vents alizés résultent probablement du courant d'air froid qui descend des pôles à l'équateur, au-dessous d'un courant chaud inverse, dévié en apparence par le mouvement de rotation de la terre, et on les observe en effet sur toute la côte des Guyanes comme soufflant du Nord-Est.

Or, si nous supposons une cause de perturbation dans le régime des vents alizés, nous devrons aussi admettre une perturbation dans les pluies qu'ils amènent sur la côte la plus grande partie de l'année. A la vérité, cette cause de perturbation nous échappe : car nous n'osons pas invoquer la coïncidence de la sécheresse sur toute la portion orientale du centre de l'Amérique avec les tremblements de terre signalés en Espagne et ressentis en mer par des bateaux voiliers sur la route d'Europe en Guyane. Nous pourrions cependant rappeler que la sécheresse de 1858 avait aussi coïncidé avec les tremblements de terre de la Basilicate, aux environs de Naples.

Quoi qu'il en soit, il est incontestable que cette année, en Guyane, le régime des vents alizés a été complètement troublé, et que les vents nord-est ont fréquemment alterné avec des vents sud-est, quelquefois très persistants: nous avons été nousmême victime de cette perturbation, qui nous a valu des retards. et de violents coups de mer dans nos traversées de Mana à Cayenne.

C'est pour cela que les pluies régulières, qui se déversaient en grande partie dans le bassin des Amazones, arrivaient à peine, et seulement à partir de février 1885, dans les bassins du sudest de la Guyane française, et nullement dans les bassins du nord-ouest l'Approuague en particulier a été favorisée, pendant que la Mana et le Maroni souffraient considérablement de la sécheresse.

CONSÉQUENCES DU PHÉNOMÈNE.

Quelles que soient les causes du phénomène climatologique que nous venons de signaler, c'est surtout aux conséquences que nous devons nous attacher. Et nous ne voulons pas seulement

parler du retard apporté par cette sécheresse extraordinaire dans la réussite de la Compagnie générale de la Mana: ce retard et les frais énormes qu'il entraîne ne sauraient compromettre une affaire dont l'avenir repose sur des filons aurifères indéfiniment riches en profondeur.

Mais nous nous plaçons à un point de vue beaucoup plus général, et nous voulons chercher à prévenir, dans le cas où le phénomène climatologique se reproduirait, les conséquences qu'il entraîne comme difficulté de communications entre Cayenne et les établissements miniers de l'intérieur, par les seules voies qui ont paru possibles jusqu'à ce jour, les grandes rivières et leurs affluents.

Nous rappelons qu'il ne s'agit pas seulement de ravitailler les établissements actuels: le transport à dos d'homme par sentiers dans les marécages et sur les montagnes suffira toujours dans le cas d'une petite exploitation rémunératrice, comme l'ont été la plupart des exploitations alluvionnaires, d'autant plus que les marécages sont très accessibles à la sécheresse.

Mais il faut aujourd'hui assurer à toutes les Compagnies qui vont se mettre à la recherche des filons le moyen de porter sur les lieux le matériel nécessaire au broyage et au lavage des minerais quartzeux. Il faut en outre que ces Compagnies, qui n'auront pas toujours à traiter des minerais très riches, puissent s'approvisionner en tout temps par une voie économique.

Et d'abord, la canalisation des voies fluviales est irréalisable. Le débit des rivières de la Guyane est beaucoup trop irrégulier, et le lit trop fréquemment accidenté, pour l'établissement de canaux même partiels, dans lesquels il serait très difficile, pour ne pas dire impossible, de régulariser le courant et l'étiage.

Mais alors même que cette impossibilité n'existerait pas, nous estimons qu'un pareil travail ne saurait être entrepris par une Compagnie particulière et serait même trop onéreux pour un groupe de Compagnies du même bassin, tant qu'elles n'auront pas atteint chacune sa période de pleine production: c'est-à-dire qu'il n'y faudrait pas songer de longtemps.

Il faut donc renoncer à perfectionner la voie fluviale ellemême, en prévision du cas où la sécheresse empêchera d'employer sur cette voie les moyens perfectionnés de transport. Nous allons dès lors examiner la possibilité de perfectionner la voie de terre.

TRANSPORTS PAR VOIE DE TERRE.

S'il s'agissait de petites distances à parcourir, 2 à 3 kilom. au plus, l'établissement d'une voie ferrée avec traction animale. s'imposerait sans conteste: c'est le système que nous recommandons pour relier à l'usine de traitement les ouvertures de puits ou de galeries d'extraction, et la largeur de voie doit être la même, pour le cas d'une galerie, que celle de la voie souter

raine.

Dès qu'il s'agit de distances supérieures à 3 kilom., la surveillance et l'entretien de la voie dans une forêt vierge sont des charges coûteuses.

Mais c'est surtout pour des distances de plus de 20 kilom. que le problème nous semble compliqué. Si l'on veut en effet assurer la voie contre la chute des arbres, il faut en déboiser les abords sur une largeur totale d'au moins 60 mèt. et entretenir ces déboisements. A défaut de ce travail préalable, tous les trains seraient assujettis à porter une escouade de charpentiers destinés à dégager la voie.

En outre, dans un pays aussi accidenté que l'intérieur de la Guyane, une voie ferrée comporte de nombreux ouvrages d'art, qui deviennent coûteux s'il faut les garantir contre les crues torrentielles des rivières traversées.

Pour toutes ces raisons, nous estimons qu'une voie ferrée à traction animale (la vapeur ne s'impose pas, tant qu'il ne s'agit que d'un transport de matériel d'installation ou d'un approvisionnement pour la nourriture du personnel) et de largeur moyenne

1 Les principales mines que nous avons visitées sont à 30, 40 ou 50 kilom, des grandes rivières, et à 100 ou 120 kilom. à vol d'oiseau des quartiers.

(0m,60 à 0m,90) ne coûterait pas moins de 20,000 francs le kilomètre.

Nous n'en exceptons pas la voie ferrée que les Compagnies de Saint-Élie et de Dieu-Merci ont projetée et commencent d'exé cuter sur l'affluent Tigre du Sinnamary.

On voit donc que pour 50 kilom. seulement c'est une dépense de un million, qui ne saurait être supportée ni par plusieurs Compagnies au début de leurs recherches filoniennes, ni, dans le plus grand nombre des cas, par une seule Compagnie en pleine marche.

A défaut de voie ferrée, ne pourrait-on pas se contenter, comme on l'a fait jusqu'à ce jour au Venezuela, d'une route de terre accessible aux chariots à bœufs, ou simplement aux mules'? Ces bêtes en effet peuvent gravir de fortes pentes et franchir aisément des lits de rivières même encaissées, à la condition d'entailler légèrement les talus. Les mules ou les ânes convien draient parfaitement à l'approvisionnement; mais le gros matériel devrait être porté sur des chariots à quatre ou six paires de bœufs.

La seule condition à remplir au préalable serait d'assurer le ravitaillement des bêtes par la création de pâturages sur la route et sur les établissements. Et au cas de la chute d'un arbre sur la voie, il serait toujours plus aisé de contourner l'arbre que de le tronçonner: la voie serait entretenue par ceux-là mêmes qui doivent la fréquenter.

C'est bien la solution qui nous semble le plus acceptable pour les Compagnies futures, car elles ne doivent pas s'exposer à perdre des années, par suite du renouvellement possible du phénomène climatologique auquel nous venons d'assister en Guyane française.

Les Compagnies de Saint-Élie et de Dieu merci se servent, depuis quelques années, d'un chemin de mules dont l'établissement, dans une région montagneuse, a coûté fort cher; mais nous parlons surtout ici de routes destinées à remplacer les voies fluviales, qui par conséquent pourraient suivre les grandes vallées, et dont le prix de revient kilométrique serait beaucoup moindre.

Et cette solution, nous la recommandons surtout, parce que nous n'entrevoyons pas comme très prochaine l'intervention du Gouvernement, qui seul pourrait songer à créer des voies ferrées entre les principaux bassins reliant la zone des plus riches établissements miniers à une voie côtière (canal, ou mieux voie ferrée) qui n'est encore qu'à l'état d'avant-projet.

Nous n'avons jamais vu en effet la main-d'œuvre de la transportation appliquée à des travaux aussi importants et aussi utiles, et nous sommes convaincu par avance que les récidivistes qui ne sont point passibles des travaux forcés pourront encore moins donner cette main-d'œuvre économique.

AVENIR DE LA VOIE AÉRIENNE.

Si le perfectionnement dans les voies de transport par terre de la Guyane peut être attendu de l'intervention gouvernementale dans un avenir probablement encore éloigné, nous aimons mieux espérer que, d'ici là, l'initiative des Compagnies particulières aura pu tirer parti d'une des plus importantes découvertes de ce siècle, qui date d'hier à peine, la direction des ballons.

Et en effet, au point de vue de l'approvisionnement régulier des placers, sinon pour le transport du gros matériel qui exigera encore de grands perfectionnements dans cette nouvelle applica tion de l'électricité, nous pensons que le ballon de MM. les capitaines Renard et Krebs, lorsqu'il aura été livré à l'industrie, trouvera promptement en Guyane une application d'autant plus aisée et d'autant moins dangereuse qu'il ne s'agira que de porter des poids relativement faibles, et de traverser la forêt vierge dans une région où règnent, la plus grande partie de l'année, les vents alizés, c'est-à-dire des vents généralement très réguliers.

Montpellier, le 22 juillet 1885.

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