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par ces deux faifons. Enfin la dévise gravée au bas de la robe, cet ormeau qui fert de foutien à la vigne, lors même qu'il eft fec, difent d'une maniere énergique que l'amitié eft la même après la mort que durant la vie.

Qu'on nous pardonne cette longue digreffion fur l'amitié; elle part d'un cœur fenfible, qui voudroit voir cette vertu plus commune.

AMOUR.

Cette paffion eft-elle bornée au physique?

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M. de V. bien déterminé à avilir l'homme & à l'égaler à la bête veut que l'amour ne foit que phyfique. Ce n'eft pas ainfi que penfoit le Marquis de Vauvenargue; voici comme il s'exprime fur cette paffion fi commune & fi dangereufe. « Il entre ordinairement beau» coup de fympathie dans l'amour, c'est-à-dire, une in»clination, dont les fens forment le noeud ; mais quoi» qu'ils en forment le nœud, ils n'en font pas toujours » l'intérêt principal; il n'eft pas impoffible qu'il y ait un >> amour exempt de grofliéreté. » (Connoissance de l'Esprit humain, pag. 75.)

Les mêmes pallions font bien différentes dans les hom~ mes. Le même objet peut leur plaire par des endroits oppofés; je fuppofe que plufieurs hommes s'attachent à la même femme; les uns l'aiment pour fon efprit, les autres pour fa vertu, les autres pour fes défauts, &c. Il fe peut donc que l'on cherche dans l'amour quelque chofe de plus pur que l'intérêt de nos fens. Voici ce qui me le fait croire. Je vois tous les jours dans le monde, qu'un homme environné de femmes, auxquelles il n'a jamais parlé, ne fe décide pas toujours pour celle qui eft la plus jolie, & qui même lui paroît telle. Quelle eft la raifon de cela ? c'est que chaque beauté exprime un caractére tout particulier, & celui qui entre le plus dans le nôtre, nous le préférons. C'eft donc le caractére qui nous détermine; c'est donc l'ame que nous cherchons; on ne peut me nier cela. Donc tout ce qui s'offre à nos fens ne nous plaît, que comme une image de ce qui fe cache à leur vûe: donc nous aimons les qualités fenfibles avec fubordination aux qualités infenfibles, dont elles font l'expreffion; donc il eft au moins vrai que l'ame eft ce qui nous touche le plus. Or ce n'eft pas aux

fens

fens que l'ame eft agréable, mais à l'efprit: ainfi l'intérêt de l'efprit devient l'intérêt principal, & fi celui des fens lui étoit oppofé, nous le lui facrifierions. On n'a donc qu'à nous perfuader qu'il lui eft vraiment oppofé, qu'il eft une tache pour l'ame; voilà l'amour pur.

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Mais cet amour pur peut être encore fort dangereux, & on doit toujours lui préférer l'amitié, s'il eft poffible qu'elle ne dégénere pas en amour dans les perfonnes de différent fexe. Nous ne fommes entrés dans ces détails délicats, que pour rélever l'homme que M. de V. cherche à rabaiffer. Veut-il donner une idée de l'amour? il la prend chez les bêtes, & c'eft précisément cet amour voluptueux que les hommes fages, même chez les Païens s'abftenoient de peindre. Les Anciens ont connu deux fortes d'amour le premier fils de Vénus Uranie, c'est-à-dire, célefte; le fecond engendré par Vénus terreftre ou marine. Le premier amour eft, fuivant Platon, un Dieu puiffant, qui porte au bien, qui infpire la vertu, met la paix parmi les hommes, change la rufticité en politeffe, appaise les difcordes, unit les cœurs, adoucit la cruauté, confole les affligés, redonne la force aux ames qui l'ont perdue & repand fur tout le cours de la vie le coloris du bonheur. L'autre amour eft le tyran de l'ame, le pere de la douleur, des diffentions, la fource de tous les defordres, des ténébres & de l'erreur. Ce n'eft pas une fimple maladie ; c'est le compofé de tous les maux ; il corrompt, il ruine la fociété; il fait mepriser la vertu & tend des piéges à la fageffe. Fils de l'indigence, de l'indifcretion & de l'enthoufiafme, on le peint aveugle & armé d'un flambeau, don't il a plufieurs fois embrafé le monde. Telles font les couleurs, fous lefquelles les Païens nous ont représenté l'amour, & c'eft cette paffion funefte que quelques Auteurs chrétiens s'efforcent d'inspirer.

ANGE S.

Détails fur les Anges.

Nous ne difcuterons point le chapitre de M. de V. fut les Anges; nous nous contenterons de tracer en peu de mots ce que les Savans nous ont appris fur cette matiere. Il est très-vrai que les Philofophes Païens, & fur-tout les Platoniciens, ont enfeigné qu'il y avoit des êtres fpirisuels au-deffous du Souverain Etre, qui avoient part au

B

gouvernement du monde. Ils ont admis de bons & de mauvais génics; c'est ce que nous appellons Anges & Demons & ce que les Juifs avoient reconnu avant nous. Ce peuple n'emprunta cette idée de perfonne. Il l'avoit, avant que d'avoir eu communication avec aucune autre Nation, & il n'y a aucune preuve qu'ils ayent pris des Chaldéens les noms de ces efprits célestes. Il est fait mention des Anges dans la Génése & on y voit des apparitions & des miffions de ces meffagers de la Divinité.

JESUS-CHRIST & les Apôtres ont rendu témoignage à l'existence des Anges & des Demons, ainsi que toute l'antiquité chrétienne. Quelques Peres ont fuppofé qu'ils avoient des corps quoique fubtils; mais ils ne font pas le plus grand nombre.

Les Mahometans ont aufli admis des Anges & des De,mons; & il est très-probable qu'ils tiennent cette idée des Juifs ou des Chrétiens.

L'Auteur des livres de la hiérarchie céleste qui floriffoit au V, fiécle, eft le premier qui ait diftingué les Anges en trois hiérarchies & chaque hiérarchie en trois ordres. La premiere eft des Seraphins, des Cherubins & des Trônes; la feconde des Dominations, des Vertus & des Puiffances; la troifieme des Principautés, des Archanges & des Anges. Ainfi les Anges qui donnent leur nom à tous les efprits céleftes, font du dernier ordre de la der-niere hiérarchie. On les diftingue des Archanges, en ce que ceux-ci font envoyés pour des chofes importantes, & ceux-là pour des chofes ordinaires.

Les Juifs diftinguent auffi différens ordres d'Anges & -mettent à leur tête Metatron; c'est le St. Michel des Chré-' -tiens. Les Nations & même les Aftres ont, felon eux, des Anges tutelaires. Ils ont honoré les Anges & ils les honorent encore; quelques-uns même ont pouffé ce culte trop loin. Ils ont dreffé des prieres pour eux, mais quelques Rabbins les ont retranchées; il en refte pourtant des veftiges.

I. Les premiers Anges (les Seraphins ) brulent d'un amour plus ardent que les autres. II. Les Cherubins font plus éclairés. III, Les Trones fervent comme de fiége à la Majefté Divine. IV. Les Vertus opérent les fignes miraculeux, V. Les Puiffances repriment le pouvoir des Demons. VI. Les Dominations exercent leur empire fur les hommes &les Principautés fur les Etats. VII. Les Anges & les

Archanges font les miniftres & les meffagers de la Divinité, & nous avons marqué la différence qui eft entr'eux. Voilà l'explication que nous fourniffent les Théologiens fur les différens choeurs des Anges.

Michel, Raphaël & Gabriel font honorés d'un culte plus particulier dans l'Eglife, parce que ce font les feuls, dont I'Écriture nous fourniffe le nom. Si quelques Théologiens ont agité des questions vaines & ridicules fur le nombre, l'ordre, la nature & les facultés des Anges, au lieu de s'en tenir aux Livres faints & à la tradition, les incrédules ne doivent pas en prendre occafion d'infulter à la Religion qui eft toujours vraie, quoique quelques particuliers qui l'enfeigaent puiffent avoir des idées fauffes. Ils feroient mieux de Te borner à croire ce que nous tenons de l'Eglife: que nonfeulement les Royaumes & les Provinces, mais même tous les Chrétiens en particulier, ont des Anges gardiens. Il paroît que l'Auteur du Dictionnaire Philofophique n'étoit pas guidé par fon bon Ange, lorfqu'il prit la plume pour écrire ce livre détestable.

ANTROPOPHAGES.

Quels Peuples étoient coupables de cette horreur?

Les Peuples qui vivent de chair humaine, ont été plus communs qu'on ne penfe. Il y en a eu autrefois dans la Scythie; il y en a encore à préfent vers le Brefil; mais jamais perfonne ne s'étoit avifé de dire, que les Juifs étoient coupables de cette horreur. Il n'y a point eu de loi dans le monde, qui condamna plus févérement l'homicide que celle de Moïfe & qui par conféquent éloigna plus de l'infamie que M. de V. leur reproche. Il veut qu'ils ayent facrifié des hommes à la Divinité; mais il prouve mal ce qu'il avance. Un Législateur, un Prophête annonce au peuple de Dieu qu'il tombera dans tous les crimes imaginables, s'il tranfgreffe fa Loi; donc ce peuple y eft tombé. Une partie de Lisbonne fut engloutie par un tremblement de terre en 1755; nos Prédicateurs nous prédifoient le même fort, fi nous ne changions de vie. M. de V. conclura-t-il que la France a effuyé autant de fecouffes que le Portugal ? Les menaces des ministres de la parole de Dieu ne se prennent pas toujours à la lettre ; & ils annoncent quelquefois des maux extraordinaires pour nous garantir de nos vices les plus ordinaires. Ils ne font pas pour cela faux Prophêtes.

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Nous fentons bien que la comparaifon de ce qu'avoit prédit Moyfe, avec ce que nos Prédicateurs nous font préfager, n'eft pas exactement jufte. Le Législateur des Ifraëlites étoit infpiré; nos Orateurs chrétiens ne le font pas; mais cette comparaifon qui ne vaudroit rien vis-à-vis d'un Théologien est très-bonne vis-à-vis de M. de V. qui n'admet pas l'infpiration des Livres faints. C'eft un raifonnement humain employé contre un homme qui ne raifonne qu'humainement, & c'est dans ce fens que le Lecteur intelligent doit le prendre.

Nous fommes fouvent punis, & le doigt de Dieu fe montre dans le cours de notre vie d'une maniere ou d'autre. Si les Juifs, tranfgreffeurs de la loi, ne mangerent pas des hommes, ils éprouverent d'autres châtimens qui les firent rentrer plufieurs fois en eux-mêmes.

On prétend que la terre de Chanaan avoit été habitée autrefois par des hommes d'une taille gigantefque, qui se répaiffoient de la chair humaine; mais c'est une opinion qui eft très peu fondée; & quand elle le feroit, elle ne prouveroit point que les Juifs, exterminateurs de ce Peuple farouche, euffent hérité de cette barbaric. Quelques Auteurs font remonter l'origine des Antropophages jufqu'au déluge, & attribuent aux Géans le premier exemple de cette coutume atroce; mais quelles preuves en ont-ils ? aucune, & nous le redirons encore: fuppofé qu'ils en euffent, elles ne prouveroient rien contre les Juifs.

Il feroit à fouhaiter qu'on pût juftifier de même les autres Peuples; mais cela feroit affez difficile. Prefque tous les Hiftoriens parlent des Scythes & des Sauromates comme fe nourriffant de cadavres. Juvenal fait mention de certains Peuples d'Égypte qui, à la maniere des tigres, déchiroient entre leurs dents des corps d'hommes nouvellement morts. Mais il ne faut pas faire retomber cette abomination d'un petit Peuple fur la Nation entiere, ainsi que le fait M. de V. On peut adorer des crocodiles & d'oignons, & épargner les hommes & s'abftenir de leur viande. Je croirai difficilement Tite Live lorsqu'il rapporte qu'Annibal faifoit manger de la chair humaine à fes foldats, pour les rendre plus fé:roces. Un Hiftorien Romain n'eft gueres croyable fur les Carthaginois, que quand il les loue.

L'Antropophagie paroît en général plus commune chez les Peuples qu'on a découvert, il y a environ trois fiécles. Vefpuce rapporte, qu'il a vu des hommes nuds, ainfi que

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