Immagini della pagina
PDF
ePub

» fatisfaction à faire le mal, fera plus heureux, que » quiconque en aura moins à faire le bien. Pour être >> heureux, il faut étouffer les remords; inutiles avant » le crime, ils ne fervent pas plus après, que quand » on le commet. La bonne Philofophie fe deshonoreroit, en s'occupant de ces fâcheufes réminifcences. » Il pose pour bafe du bonheur, qu'il faut étouffer les remords, & fe livrer à tous fes penchans. Il confeille au Brigand de voler; au Tyran, de fe baigner dans le fang de fes Sujets; au Débauché, de fe vautrer pour être heureux, à la maniere des animaux les plus immondes. Telle eft la morale de ce Matérialiste & de fes difciples. Les Philofophes du jour n'ont pas voulu l'infcrire fur leur lifte, & effectivement fon nom ne pourroit guere leur faire honneur.

La Mettrie étoit un fou à la lettre; il paroît tel dans toutes fes actions. Il fe laiffoit aller à toutes les extravagances qui fe préfentoient à fon efprit. Se figurant un jour qu'un des plus favans hommes & des plus vertueux de l'Allemagne étoit un Athée; auffi-tôt il imagine une hiftoire. Il raconte qu'il a vu ce Savant à Gottingue dans un mauvais lieu, & qu'il lui a entendu combattre l'exiftence de Dieu. L'horreur que tous les gens de lettre conçurent pour cette infamie, vengea bien mieux M. Haller que tout ce qu'il auroit pu répondre.

Le mépris de la Mettrie pour ce que nous avons de plus facré, doit être attribué à la même folie, jointe à l'ignorance. Cet homme n'avoit aucune lecture ; il écrivoit comme un Energumene. Il favoit à peine affez de latin pour entendre les Livres de médecine; il ignoroit toutes les autres langues. Sa mort fut la fuite d'un trait de cette folie, qui paroiffoit dans toute fa conduite. Il avoit une fievre d'indigestion; un Chirurgien lui confeilla l'émétique; non, dit-il, je veux açcoutumer l'indigeftion à la faignée, & démentir tous les raifonnemens des Médecins Allemands. Il fe fit faigner huit fois, & mourut à Berlin en 1751, âgé de quarante-trois ans. Il fut plaint des perfonnes qui l'avoit connu plutôt que regretté. Il étoit amufant lorfque fa gaieté n'alloit pas jufqu'à l'extravagance, qui revenoit trop fouvent. On le voyoit tout-à-coup jetter sa per

ruque par terre, fe déshabiller & fe mettre prefque tout nud au milieu d'une grande compagnie, qui rioit de lui comme d'un infenfé renfermé aux petites maisons.

La Mettrie étoit encore un de ces Philofophes qui ont répandu dans leurs Livres les germes de la fédition. Après avoir confeillé aux Princes cruels de s'abandonner à toute leur férocité, il confeille à leurs fujets de fe défaire de ces Princes. Je te plains, mais qui ne plaindroit encore plus un état, où il ne fe trouveroit pas un homme affez vertueux pour le délivrer d'un monfire tel que toi. Que ce langage eft différent de celui de tous les vrais Philofophes Chrétiens!

S. I I.

Témoignages des Philofophes contre cet Auteur.

Nous trouvons dans le Journal Chrétien du mois de Juin 1758, un bon morceau fur la Mettrie, par un de fes compatriotes, M. l'Abbé Trublet. Nous croyons que le Public nous faura gré de lui en faire part, quoique nous en ayons déja affez dit pour le commun des Lecteurs.

[ocr errors]

Peu d'Écrivains impies ont été auffi loin que celuici; mais outre que cet excès même le rend moins dangereux, il ne l'eft nullement par fa maniere de raifonner & d'écrire. Nous l'avons connu personnellement'; la même Ville, ( Saint Malo ) nous avoit vû naître & fa mort nous permet d'en parler librement. Avec quelque apparence d'efprit, il en avoit très-peu en effet. Auffi cette apparence n'étoit-elle que dans fa converfation. Dès qu'il écrivit, il perdit tout auprès de ceux qui avoit conçu pour lui quelque eftime; où s'il fe releva un peu dans la fuite, ce fut par la fatyre, l'impiété & l'obfcénité. Ces trois genres là, fur-tout réunis, ne demandent guere d'efprit; ils plaisent par eux-mêmes. Au refte le P. Hayer a fçu, & nous avons fçu comme lui que M. de la Mettrie, s'étoit repenti à la

Ce morceau fe trouve dans l'extrait du Livre P. Hayer, fur l'immortalité de l'Ame..

mort de fes égaremens; nous le lui avions fouvent prédit, & nous fûmes confolés de l'apprendre. Quelques Impies au contraire en furent bien fâchés, en furent honteux; & l'un d'eux ne peut s'empêcher de dire que la Mettrie les avoit deshonorés pendant fa vie, & fur tout à fa mort. Pendant fa vie, il avoit imprudemment avoué toutes les conféquences de fes principes; à fa mort, il avoit lâchement abandonné les principes mêmes.

Un des Livres de M. de la Mettrie a pour titre l'Homme machine; & il a ofé entreprendre d'y expliquer comment la pensée & le fentiment pouvoient naître du feul méchanifme. C'eft n'être gueres Philofophes; les Matérialistes un peu éclairés, conviennent qu'ils n'expliquent rien. Le P. Hayer a pourtant la complaifance de fuivre M. de la Mettrie dans fes prétendues explications; & il lui eft aifé d'en faire voir l'abfurdité, & même le ridicule. M. de la Mettrie n'étoit pas un adverfaire digne de lui, & nous croyons que fans manquer à fa caufe, il pouvoit être beaucoup plus court fur un pareil Écrivain.

On peut voir dans le troifieme volume des Œuvres de Maupertuis, édition de Lyon 1756, fa réponse à une Lettre de M. le Baron de Haller; fi célebre par fes favans Ouvrages de Médecine & de Phyfique, & par fes belles Poëfies.

[ocr errors]

M. de la Mettrie avoit dédié fon Homme machine à M. de Haller, qu'il n'avoit jamais vu ni connu, & dont il fe dit néanmoins, dans l'Epitre dédicatoire, le Difciple & l'Ami. M. de Haller plein de Religion comme fes Ouvrages le prouvent, fut infiniment bleffé d'une pareille dédicace & s'en plaignit dans une lettre qu'il fit inférer dans plufieurs Journaux, & entr'autres dans le Journal des Savans. M. de la Mettrie fe vengea des plaintes de M. de Haller par une Satyre; & comme ils étoient l'un & l'autre de l'Académie de Berlin, M. de Haller écrivit à M. de Maupertuis, Président de cette Académie & Compatriote de l'Auteur lui en demander réparation. M. de la Mettrie étoit mort le 11 Novembre 1751, lorfque M. de Maupertuis reçut la Lettre de M. de Haller. Il y répondit le 25 du même mois. Il n'y avoit qu'un moyen d'excufer M. de la Mettrie, & de confoler M. de Haller; c'étoit

[ocr errors]

, pour

de dire que le premier étoit un fou. M. de Mauperruis le dit & le prouve; mais M. de la Mettrie n'étoit-il que fou? Voilà la question. M. de Haller de l'aveu de M. de Maupertuis, ne parut pas fatisfait de fa réponse, & il nous femble qu'il ne devoit pas l'être. Quoiqu'il en foit, voici quelques traits de la Lettre de M. de Maupertuis, par lefquels on jugera du caractere & de la forte d'efprit de M. de la Mettrie.

<< Il m'a juré cent fois, (dit M. de Maupertuis, ) » qu'il n'écriroit jamais rien de contraire à la Religion ni >> aux Mccurs; & bientôt après reparoiffoit quelque Ou» vrage de la nature de ceux dont nous nous plaignons...

» Peu de temps après, c'eft-à-dire, aprés l'arrivée de » la Mettrie à Berlin, j'eus le chagrin de voir la licence » de fa plume augmenter de jour en jour. Je me re» proche toujours cet écrit qu'il a mis au devant de

fon Séneque. Je connoiffois fa fureur d'écrire, & >> en redoutois les fuites; je l'avois engagé à se borner » à des traductions, l'en croyant plus capable que » d'autres Ouvrages, & penfant brider par-là fa dan>> gereuse imagination. Le hazard qui lui fit trouver » Séneque ouvert fur ma table, lui fit choifir le cha» pitre de la vie heureuse. Je partois pour la France. » A mon retour, je trouvai fa traduction imprimée, » & précédée d'un Ouvrage auffi déteftable, que le » Livre qu'il avoit traduit eft excellent. Je lui en fis » les reproches les plus forts: il fut touché, promit >> tout ce que je voulus & recommença.

» Il faifoit fes Livres fans deffein, fans s'embarrasser » de leur fort, & quelquefois fans favoir ce qu'ils con» tenoient. Il en avoit fait fur les matieres les plus » difficiles, fans avoir ni réfléchi, ni raisonné. Il a écrit >>> contre tout le monde. Il a excufé les mœurs

» les plus effrénées.....

M. de Maupertuis revient à la Satyre de la Mettrie, contre M. de Haller, & lui dit. «Ses plaifanteries ne »pouvoient pas plus vous faire de tort, qu'elles n'en » ont fait aux vérités qu'il a attaquées. Ceci n'eft donc » que pour rejetter fes fautes fur fon jugement... .. » Tout le monde fait, qu'il ne vous a jamais vu, ni >> connu : il me l'a dit cent fois. Il ne vous avoit mis » dans fes Ouvrages, que parce que vous êtiez célebre,*

» ou que les efprits qui couloient au hazard dans fon avoient rencontrés les fyllables de votre

» cerveau

nom. >>

MINISTRES DE L'ÉGLISE.

Leur Apologie.

Le refpect pour les Miniftres de l'Eglife, date de la naiffance du Chriftianifme. Du temps de Saint Paul ils accommodoient les différens, pour maintenir l'union & la charité parmi les Fideles. Cette autorité n'étoit point fondée fur les Loix, puifque fes Princes étoient Payens ; elle fuppofoit feulement le refpect & la docilité des Peuples pour les Pafteurs. Les Empereurs protégerent enfuite ces arbitrages fi utiles & fi édifians.

Honorius étant à Milan en 398. déclara que ceux qui confentiroient de plaider devant l'Évêque, n'en feroient point empêchés; mais qu'il les jugeroit comme arbitre volontaire, en matiere civile feulement.

Les autres Empereurs leur accorderent des privileges & des honneurs; fi les Peuples Payens nous mon trent le même ufage, c'eft qu'ils l'ont puifé dans la même idée, quoique dégradée & obfcurcie parmi eux. La Religion & la raifon nous crient, qu'en adorant un Etre fuprême, nous devons honorer fon Culte & fes Miniftres. La charité immenfe des Pafteurs de l'Eglife naiffante, leur zele, leurs travaux leurs vertus, la foumiffion & la candeur des Peuples, tout concourut à augmenter ce refpect: voilà où il falloit en chercher le principe, & non dans l'Anarchie du Gouvernement féodal.

On ne nie pas que les fiefs donnés aux Evêques, ne leur aient acquis le rang & le crédit des Seigneurs dans les Affemblées de la Nation. S'ils influerent da vantage dans les réfolutions de nos Rois, la raifon en eft bien fimple. Les Seigneurs francs fe picquoient de bravoure ; c'étoit comme l'appanage de la Nobleffe ; mais ils négligéoient, ou même ils méprifoient les fciences; la plupart ne favoient pas lire; eft-il furprenant que les Rois cherchaffent parmi les Prélats inftruits & lettrés,

« IndietroContinua »