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des femmes, manger fans horreur & fans aucune répugnance de la chair humaine. Le fils mangeoit avidement le corps de fon pere, & chacun tiroit gloire d'avoir dévoré un plus grand nombre d'hommes. Les Caraïbes & les Canibales de l'Amérique ont encore furpaffé les autres Peuples de cette partie du monde en férocité, & on en a vu qui arrachoient de jeunes enfans du fein de leur mere, parce qu'ils trouvoient plus de goût dans cette chair tendre & délicate.

Les Indes orientales offrirent à nos premiers Voyageurs le fpectacle horrible de l'Antropophagie. Quand les Européens y parurent, tous ceux d'entr'eux que les habitans des Ifles pouvoient attraper, étoient mangés vifs. Les Javans fe nourriffoient de chair humaine avant qu'ils embraffaffent le Mahométifme. Les Peguans avoient la même coutume, & on vendoit cette chair publiquement. La plupart des Cafres font aufli Antropophages, & particulierement les Zinvas. On raconte d'eux qu'en 1589, ils firent une course dans l'intérieur de l'Afrique, au nombre de 80 mille, mangeant tous les hommes. Ils ruinerent ainfi un pays de plus de trois cens lieues. Barthema dit que les habitans de la grande Java vendoient leurs parens à des hommes qui les achetoient pour les manger. Telle est la nature humaine, lorfqu'elle est livrée à elle-même, fans le fecours des lumieres de la Religion & des fentimens qu'elle infpire.

Les détails dans lefquels nous venons d'entrer, prouvent combien il eft faux que nous ayons beaucoup plus d'exemples de filles & de garçons facrifiés, que de filles & de garçons mangés. Les facrifices de fang humain n'ont été que dans de grandes calamités. Tous les Hiftoriens en parlent comme d'un événement extraordinaire, au lieu que la chair humaine a été la nourriture ordinaire de quelques Peuples..

Je ne fais pourquoi M. de V. compare l'Antropophagie aux énormités qui fe commettent dans les batailles : énormités fouvent exagerées & qui ne peuvent pas être traitées d'affaffinats lorsqu'on combat pour fon Prince. Mais fuppofons que ce foient des meurtres, ces meurtres font à la vérité plus horribles dans les principes; mais la barbarie de fe nourrir de la chair des hommes cft mille fois plus dangereufe dans les conféquences. Si j'ai pris du goût à une entrée faite avec la viande de mon ennemi ce goût fe reveillera chaque jour avec mon appetit & après avoir

mangé mon adverfaire à déjeuné, je mangerai peut-être mon ami à dîner & mon pere à fouper.

APIS.

La Superftition vaut-elle moins

que l'Irreligion? Cambyfe fit-il bien quand il eût conquis l'Égypte de tuer le bœuf Apis de fa main? pourquoi non. Il faifoit voir aux imbeciles qu'on pouvoit mettre leurs Dieux à la broche, fans que la nature s'armât pour venger ce facrilege. Voilà ce que dit M. de V., & ce que tout bon politique ne penfera jamais. Il juftifie la leçon que Cambyfe donne aux Égyptiens, fans fe rappeller qu'il a montré lui-même l'avantage de la fuperftition fur l'irréligion. « Telle eft, dit-il, la foibleffe » du genre-humain & telle fa perverfité, qu'il vaut mieux >> fans doute pour lui d'être fubjugué par toutes les fu» perftitions poffibles, que de vivre fans religion. L'homme » a toujours eu befoin d'un frein; & quoiqu'il fût ridicule » de facrifier aux Faunes, aux Silvains & aux Nayades, il » étoit bien plus raifonnable & plus utile d'adorer ces ima»ges fantastiques de la Divinité, que de fe livrer à l'Athéif» me. Un Athée qui feroit raisonneur, violent & puissant, » feroit un fléau aufli funefte qu'an Superftitieux fangui»naire. Quand les hommes n'ont pas des notions faines » de la Divinité, des idées fauffes y fuppléent, comme » dans les tems malheureux on trafique avec de la mau» vaise monnoie, quand on n'en a pas de bonne. Le Païen >> craignoit de commettre un crime, de peur d'être puni >> par fes faux Dieux; le Malabare craint d'être puni par sa » Pagode. Par-tout où il y a une fociété établie, une religion » est nécessaire; les loix veillent fur les crimes publics & » la religion fur les crimes fecrets. » (Traité de la Tolerance, chapitre 20.) Voyez FANATISME.

APOCALIPSE.

Apologie de ce faint Livre.

Ce Livre renferme les révélations, dont Dieu honora l'Apôtre faint Jean dans l'Ile de Pathmos. Quelques Anciens ont douté qu'elle fût de cet Évangélifte. Les Églifes Grecques ne la recevoient pas comme un Livre canonique, fi l'on en croit faint Jérome; mais l'Églife Latine l'a toujours mife dans fon Canon fous le nom de faint Jean. Il

y eft défigné d'une maniere fpéciale dans ces mots qui ne peuvent convenir qu'à ce faint Apôtre à Jean qui a publié la parole de Dieu, & qui rend témoignage de tout ce qu'il a vu de JESUS-CHRIST. Ce Livre eft adreffé d'ailleurs aux fept Eglifes d'Afie, dont il avoit le gouvernement, & il eft écrit de l'Ile de Pathmos, où tous les Anciens conviennent que l'Illuftre Évangélifte avoit été rélégué.

On ne peut pas affurer que faint Juftin foit le premier qui ait parlé de ce fublime ouvrage, comme le dit M. de V. 1. Parce que plufieurs Ecrits, où il pouvoit en être queftion, ont été perdus. 2. Parce qu'il n'a pas lu tous les ouvrages, que le tems nous a confervé. Pour infirmer le témoignage de faint Juftin, M. de V. dit que ce Pere de l'Églife, ce favant apologifte de la Religion Chrétienne, devoit être renfermé dans de petites maifons; mais les gens fenfés ne fe payent point de ces injures fcandaleuses.

Nous n'ignorons point que quelques Anciens ont prétendu que l'Apocalipfe avoit été compofée par Cerinthe; mais celle qu'on attribuoit à cet Hérétique n'étoit pas vraifemblablement celle de faint Jean, ou elle étoit falfifiée. Il y avoit une Apocalipfe de faint Pierre, une autre de faint Paul & une autre d'Abraham; on avoit bien pu faire aufli celle de S. Jean, avant que ce faint Apôtre écrivît la fienne.

avec

M. de V. a beau méprifer ce faint Livre, les plus illuftres Peres de l'Églife, nos Savans les plus diftingués en ont fait un cas infini. C'eft comme la conclufion des Saintes Écritures. Tout y eft propofé en vifion & d'une maniere très-élevée felon le ftyle des anciennes prophéties lefquelles cette révélation a beaucoup de rapport. Mais autant la nouvelle alliance eft au-deffus de l'ancienne, autant S. Jean paroît fupérieur aux autres Prophétes. C'est cette fupériorité qui rend cette divine prophétie plus difficile à expliquer. S'il eft important d'apporter une grande pénétration d'efprit & une humilité de fentimens à la lecture des Livres facrés, elle eft fur-tout néceffaire pour celui-ci, dont chaque mot est un mystére.

Plufieurs efprits trop curieux s'étant imaginés, qu'ils avoient entierement compris les fecrets de ce chef-d'œuvre de profondeur, font tombés dans des rêveries ridicules. Ils n'ont pas fenti que Dieu s'eft réservé la connoiffance de fes fecrets, & qu'il nous en dévoile de tems en tems, autant qu'il lui plaît, pour fa gloire & pour notre falut. C'est ce défaut d'humilité qui a produit ce grand nombre

de Commentaires fur l'Apocalypfe, dont le feul catalo gue formeroit un gros volume. Parmi ceux qui fe font exercés dans le fiécle dernier il faut diftinguer M. Boffuet; mais il ne faut pas exclure les autres Interprétes qui fe font bornés à la lettre. Il dit lui-même qu'une «< inter» prétation même littérale de l'Apocalypfe ou des autres » Prophétes, peut très bien compatir avec les autres. Qui » ne fait, ajoute M. de Meaux, que la fécondité infinie » de l'Écriture, n'eft pas toujours épuifée par un feul >>fens? Qui ne voit donc qu'il eft très-poffible de trou» ver un fens très-fuivi & très-littéral de l'Apocalypse, » parfaitement accompli dans le fac de Rome fous Alaric, » fans préjudice de tout autre fens qu'on trouvera devoir » s'accomplir dans la fuite des fiécles? »

On voit que ce favant Prélat penfoit d'une maniere judicieuse, même en rappellant le fouvenir des fauffes idées de quelques autres Commentateurs. On comprend trèsbien pourquoi M. de V. méprise fon ouvrage; mais heureufement le nom d'un Théologien tel que Boffuet n'a pas befoin du fuffrage d'un Poëte tel que V... Je penfe qu'on feroit beaucoup mieux de fe renfermer dans fa fphére & de n'outrager ni les vivans ni les morts, ni les faints ni les profanes, que d'attaquer indifféremment tout ce qui a rapport au Trône & à l'Autel.

APOLLONE DE TYANE.

§. I.

SA VIE.

M. de V. en parlant des miracles, cite ceux d'Apollone de Tyane. Avant que de difcuter ces miracles, faifons connoître celui à qui on les attribue. Cet homme, que les Païens ont oppofé à JESUS-CHRIST même dans leurs Écrits, avoit toutes les qualités humaines capables d'attirer la multitude, qui ne juge des chofes que par l'impreffion qu'elles font fur les fens. Il étoit né à Tyane en Cappadoce, d'une famille ancienne & noble, & de parens riches; il avoit de l'efprit, une excellente mémoire, parloit très-bien grec, étoit parfaitement bien fait, & d'une phyfionomie qui charmoit tout le monde. Il avoit fort cultivé les fciences, ne fe nourriffoit que de légumes, & s'abstenoit du vin, comme capable de troubler la férénité

de l'ame. Il vivoit dans un Temple, après avoir distribué fon bien à ceux qui en avoient befoin. Il reponça au mariage, & garda le filence pendant plufieurs années. Il fit enfuite plufieurs voyages, appaifant des féditions, & inftruifant les hommes avec une forte d'autorité, n'employant qu'un difcours fimple, des fentences courtes & folides, des expreffions propres & énergiques. Je ne cherche pas comme les autres Philofophes, difoit il; le Sage doit parler comme un Légiflateur, qui ordonne aux autres ce dont il eft perfuadé lui-même.

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En plufieurs villes tout le monde le fuivoit; les artifans même quittoient leurs métiers. Les Oracles es plus célébres chantoient fes louanges. Les Villes lui envoyoient des députations, pour lui demander confeil fur la régle de leur vie. Il exhortoit les hommes à quitter tout, pour s'appliquer à la Philofophie & à une vie férieufe. Il fe mêla de faire quelques prophéties, & affe&toit de chaffer les démons, qui entroient volontiers & fortoient, à la parole d'un homme dont ils dirigeoient toutes les démarches efpérant par-là obfcurcir les miracles des Chrétiens qui les chaffoient tous les jours. Apollone s'élevoit fortement contre les défordres du Paganifme, & vouloit qu'on menât une vie conforme aux régles de la morale la plus épurée, Le démon voyoit quelle impreflion faifoit fur les hommes la vie des Chrétiens, & combien les excès des Païens étoient capables de décrier l'idolâtrie, & d'en découvrir l'abfurdité. Il n'eft donc pas étonnant de voir cet efprit féducteur dreffer de nouvelles batteries, & travailler à former des Philofophes dont la conduite extérieure fût irréprochable.

Apollone fit un grand voyage pour converfer avec les Brachmanes des Indes, & voir en paffant les Mages des Perfes. A Ninive un nommé Damis s'attacha à lui & le fuivit par-tout écrivant toutes fes paroles & les moindres particularités de fes actions. Mais il ne nous refte de ces rélations que ce qu'en a recueilli le fophifte Philoftrate qui vivoit deux cens ans après; & il fuffit de lire cette histoire, pour voir combien elle eft fabuleufe. Il fit quelques prétendus prodiges à Ephefe, & entreprit de délivrer cette ville de la pefte. Il s'élevoit en même temps avec force contre les défordres qui y régnoient. Car Ephéfe étoft plongée dans les délices; elle retentiffoit du bruit des flutes & des tambours. Le luxe & l'oifiveté y produifoient toute forte de débauches. A Smyrne, trouvant les citoyens curieux des

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