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Cependant l'infenfé a dit dans fon cœur, il n'y a point de Dieu. Dixit infipiens in corde fuo, non eft Deus. Dans fon cœur, c'est-à-dire intérieurement; il a peut-être ofé le penfer, mais il n'a pas ofé le dire; il eut fait horreur, il eut fait peur. Il eft aujourd'hui des Athées plus audacieux, plus infenfés. Ils ne penfent pas feulement qu'il n'y a pas de Dieu, ils ne le difent pas feulement à l'oreille, ils le publient fur les toits, ils l'impriment. Qu'en arrive-t-il? je le repete ils font horreur, ils font peur, & à ceux même qui penfent comme eux. Le Livre de l'Esprit en eft la preuve. On a cru y voir finon l'Athéifme proprement dit l'Athéisme formel, du moins le Matérialifine, le Fatalifme; & c'est la même chofe quant aux conféquences morales. Auffi le foulevement a-t-il été univerfel, il n'y a eu qu'un cri contre l'Ouvrage, & un cri d'autant plus fort que ce Livre paroiffant après quelques autres dont il a raf femblé, développé & mis comme en fyftême les principes, on l'a regardé comme le grand coup d'une conjuration formée depuis plusieurs années contre la Religion. L'arche a paru prête à tomber, & les Profanes y ont porté la main; ils ont fenti qu'il étoit de leur intérêt qu'elle ne fut pas brifée.

Cet article eft en partie de M. l'Abbé Trublet, & on a cru qu'il étoit d'autant mieux placé ici que l'efpèce d'Athéifme, qui fe montre dans le Livre de l'Esprit, triomphe dans le Dictionnaire Philofophique.

BAPTÊME.

Examen de cet Article.

L'Auteur du Dictionnaire Philofophique raifonne plaifamment. Les Egyptiens, les Indiens & les Hébreux fe lavoient ; donc ces Peuples connoiffoient le Sacrement que nous appellons Baptême, parce que dans ce Sacrement on fe fert de l'eau & qu'on s'en fervoit auffi dans les différentes ablutions pratiquées dans les divers pays d'Orient; voilà où mene la fureur de vouloir tout détruire.

S'il nous étoit permis ici d'emprunter fon ftyle, nous lui dirions: que prétends-tu, Ecrivain téméraire, en voulant prouver que plufieurs des Cérémonies auguftes de l'Eglife Romaine ont été pratiquées par les Payens? Jurieu que tu méprifes comme le plus infâme des barbouilleurs, & quelques autres Proteftans dont tu ne fais pas plus de cas,

s'étoient exercés avant toi fur cet objet; mais quelle conclufion en tireras-tu? que l'Eglife a fanctifié les pratiques communes à beaucoup de Religions, & que J. C. a pu faire la même chofe. Tout figne, comme tu le dis, eft indifférent par lui-même; c'est l'objet ou le motif qui le rendent faint ou impie; & dès que Dieu a attaché fa grace à un figne, il est alors une fource de falut. On fe profterne dans tous les temples du monde il ne s'agit que de fçavoir devant quel Etre on doit fe profterner. On fe lavoit chez les Juifs, on purifioit tantôt le corps, tantôt les habits; mais le Sacrement de régénération qui fait de l'homme impur un homme nouveau, n'étoit certainement pas connu chez eux. Lorfque St. Jean prêcha la pénitence il inftitua une forte de Baptême, beaucoup moins parfait que celui de J. C. La cérémonie de Jean promettoit ce que le Sacrement de J. C. exécutoit. Tu peux en voir l'institution dans St. Mathieu, Chap. 28. V. 19. Allez, dit J. C., enfeignez toutes les Nations & baptifez-les au nom du Pere du Fils & du St. Efprit. Tu peux dire après un paffage auffi formel, que J. C. ne baptifa jamais perfonne, mais tu ne diras pas au moins qu'il n'a pas inftitué le Baptême ; & s'il l'a inftitué, comment peux-tu dire qu'il n'eft pas sûr que les quinze premiers Evêques de Jerufalem fuffent baptifés ?

Notre Auteur prétend qu'on abufa du Sacrement de, Baptême dans les premiers fiécles de l'Eglife; certainement il n'entra jamais dans la tête d'aucun Chrétien digne de ce nom, de dire: Je peux tuer ma femme, mon fils & tous mes parens, après quoi je me ferai baptifer; & s'il avoit fait ce déteftable raifonnement il auroit été indigne d'entrer dans le bain facré. C'est ainfi cependant qu'il fait raifonner Conftantin, & nous renvoyons le Lecteur à son article.

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Caractère des Ouvrages de cet Auteur.

Cet Auteur eft Calvinifte, mais on peut être Proteftant fans être impie. Mrs. Boullier, Vernet, Turretin, Formey, &c. en font la preuve. M. de la Baumelle, quoiqu'élevé à Généve & deftiné au Ministère, n'a pas marché fur les traces de cès fçavans hommes. Rempli de bonne heure des principes de l'Esprit des Loix, il les dépofa dans fon

Qu'en dira-t-on, ou mes Penfées: Livre très-digne de cenfure par la hardieffe des idées. M. de la Baumelle vouloit en faire le Breviaire des Politiques, & c'eft fouvent celui des Incrédules. Il s'abandonne au feu de fon imagination & aux écarts de fon efprit. Sans décence dans le ftyle, fans refpect pour les puiffances, il affiche une indépendance téméraire, capable de tout bouleverfer. Le fiel & l'amer tume découlent de fa plume, & les éloges ne fe trouvent dans fon Livre qu'autant qu'ils accompagnent un nom célébre par l'irréligion.

Il femble que l'Auteur craignoit que fon petit Livre des Pensées ne répandit pas affez fes principes; il les a difperfés dans fes Mémoires de Madame de Maintenon; ouvrage qui auroit pu être fi intéreffant pour la vertu & qui dans l'état où il eft, ne peut être qu'une école de vice. Ce Livre étoit deftiné à paffer fous les yeux de tous les Citoyens de ceux même qui exigent le refpect à caufe de leur âge & de leur fimplicité. Il falloit donc écarter ou voiler une multitude de faits qui répandent plus de taches que d'éclat fur ces Mémoires. Il falloit fe reffouvenir qu'on reproche à Suetone d'enfeigner les plus grands crimes en les rappor tant. L'Auteur pouvoit-il fe flatter que fon Livre fut un Ouvrage d'inftructions pour les Demoifelles de St. Cyr à qui une hiftoire de Madame de Maintenon devroit naturellement être fi chere?

Mais la Religion avoit fur-tout de grands droits fur une production de cette nature, & il eft aifé de reconnoître à la lecture de celle-ci qu'on s'eft donné de très-grandes libertés en ce genre. On fe permet très-fouvent des faillies qui font, ou des doutes fur les myftères ou des maximes très-fufpectes en matière de piété, ou des façons de parler très-imparfaites fur les controverfes dogmatiques. Madame de Maintenon fi religieufe, fi pleine de vertu & de piété, fe feroit-elle jamais imaginé que le récit de fa vie devien droit un fujet de fcandale pour les fimples & affoibliroit ou ébranleroit leur foi ? On trouve, il est vrai, dans plufieurs endroits de ces Mémoires l'hommage dû aux vérités & aux pratiques de la Religion; mais ce langage étranger à l'Auteur, fait un contrafte bien fingulier avec une foule de traits licentieux & obfcenes.

Nous pourrions obferver encore que dans la multitude d'Anecdotes qui ornent ou plutôt qui défigurent ces Mémoires romanefques, il y en a un très grand nombre de

fauffes. On en trouve plufieurs autres qui perdent les attraits de la vérité par le coloris que l'Auteur jette far elles. Croira-t-on, par exemple, ce que l'Auteur dit fur le prétendu mariage de M. Boffuet, qu'il traite fi mal dans plufieurs endroits de fes Mémoires? Il entreprend de faire paffer ce grand Prélat pour un mal-honnête homme & un fripon; c'est le fens que renferme cette réflexion : ceux qui défendent le mieux nos myfteres, ne font pas ceux qui s'en jouent le moins, Que veut-il dire ? que Boffuet a travaillé Toute fa vie pour une Religion qu'il ne croyoit point; mais une accufation de cette nature ne peut être excufable que quand on a les preuves en main, & il faut que ces preuves foient plus claires que le jour.

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Au reste M. de la Baumelle eft un des plus grands adverfaires de M. de V*. non pas du V*. impie, mais du V. bel efprit. I n'y a pas de comparaifon à faire entre ces deux Auteurs à ce dernier égard; mais tous les deux étant également coupables du côté de la Religion, ils devoient au moins garder le filence l'un fur l'autre. On a entendu dire à M. de la Baumelle: perfonne n'écrit mieux que M. de V. D'où vient donc, lui dit quelqu'un, que vous le déchirez? c'est, répondit-il, que mes Ouvrages s'en vendent mieux & qu'il ne m'épargne dans aucun des fiens. Cette réponse mérite d'être confignée ici, parce qu'elle dévoile les deux grands mobiles de toutes les démarches des Incrédules, l'intérêt & l'orgueil.

BAYLE.

Sa vie fon caractére.

Ce Philofophe tant vanté par M. de V., doit être en exécration à tous ceux qui ont, je ne dis pas, de la Religion, mais des mœurs. Traçons ici en peu de mots fou histoire & nous viendrons enfuite au caractère de fes Ouvrages.

Il nâquit en 1647 au Carlat, petite ville du Comté de Foix. Il s'appliqua long-tems aux Belles-Lettres, & il avoit vingt & un ans achevés quand il commença la Logique. Il étoit né dans la Religion prétendue Réformée ; mais à l'âge de vingt-deux ans il fut converti par les entretiens qu'il eut avec le Curé de Puylaurent, fiége de l'Académie où il étudioit pour lors. Il ne demeura pas longtems Catholique, & retourna dix-fept mois après à la com

munion proteftante. L'Edit du Roi contre les Relaps, du 29 Mai 1674, ne lui permettant pas de demeurer en France, il fe retira à Genève. Il fut quelque tems à Copet, ville près de Genève, dans la maifon du Comte de Dona, & prit foin des études des enfans de ce Comte. Mais comme cette occupation lui emportoit trop de tems, il prit la réfolution de revenir en France. Après avoir demeuré quelque tems en Normandie, il vint à Paris en 1675, où il fréquenta les gens de Lettres. Cinq mois après, la Chaire de Philofophie de Sedan étant venue à vaquer, il alla la difputer, & l'emporta. Le 14 Juillet 1681, il fut dépouillé de fon emploi, en vertu d'un Arrêt du Confeil d'Etat du Roi, qui caffoit & fupprimoit l'Académie de Sedan. Obligé de fe réfugier en Hollande, il y fut élu Profeffeur en Philofophie & en Hiftoire à Roterdam. Au mois de Mars 1684, il commença les Nouvelles de la République des Lettres qui le firent beaucoup connoître. Il faut le moins que l'on peut, difoit M. Nicole, écrivant à M. Arnauld, fe commettre avec ce Nouvellifte, qui a dans le fond l'efprit affez faux, nulle equité, qui fe divertit d'une maniere indigne des chofes les plus lafcives, mais qui eft en poffeffion de plaire & de donner un air ridicule à ceux qu'il lui plaît. C'est une chofe pernicieufe que ces petits Cenfeurs, qui s'érigent un Tribunal & qui difpofent de toutes les têtes mal faites qui font toujours en plus grand nombre. Bayle continua fes Nouvelles jufqu'au mois de Mars 1687, où une maladie dont il fut attaqué l'obligea de les interrompre. Il recouvra quelque tems après la fanté, mais il n'en jouit pas tranquillement, car fes ennemis lui ayant attribué l'Avis aux Réfugiés, Livre qui fouleva tous les Proteftans, il fe forma une Cabale contre lui, qui lui fit perdre fa Chaire. Il mourut en 1706, à 59 ans. Son Dictionnaire critique en 4 vol. in fol. eft le plus pernicieux Livre qui ait jamais paru. On eft dans l'étonnement, quand on lit dans le Dictionnaire de Moreri le jugement qui y eft porté fur Bayle. » C'étoit un bon » Philofophe, qui excelloit für- tout dans la Métaphysique. » Il avoit des mœurs très-réglées, une converfation agréa »ble, une mémoire & une érudition prodigieufe. Il avoit bl'efprit naturellement doux, étoit beaucoup plus modéré » que la plupart de fes Confreres. On l'a accufé d'avoir été » un peu trop libre dans fes Ecrits, & d'avoir donné quel, »quefois dans le Pyrrhonifme. Mais quoiqu'on n'approuve pas fes fentimens fur la Religion, on ne peut que l'on

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