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ou les fruits délicieux; dans les rochers & les fables aride§, que dans les contrées fertiles. L'harmonie eft différente, mais toujours parfaite.

Tout est bien dans l'ordre moral, du côté de Dieu. L'homme fortant de fes mains n'avoit que des traits d'innecence. Les a-t-il perdus ? Il lui a donné tous les fecours pour les rétablir; lumieres pures & vives, attraits pour le bien, promeffes, menaces, fecours, tout ce qui peut le détourner du mal, le porter à la vertu. Si malgré ces moyens l'homme s'égare; toujours également faint & heureux, Dieu fait tirer de fes paffions même fa propre gloire, il y manifefte fa fageffe, fa bonté, fa juftice. Ainfi Dieu eft auffi faint dans le monde le plus déréglé, que dans, le Ciel.

Changeons d'objets. Tout n'eft pas bien dans l'ordre phyfique, du côté de l'homme. Le Roi de l'Univers n'étoit pas deftiné à tant de miferes. La terre ingrate, pleine de ronces, accorde à peine à fes fueurs & à fes larmes un pain infipide. Le foleil le brûle, le froid le dévore, les animaux l'infultent & le déchirent; la grêle enleve fon travail; l'orage renverfe fes maifons, ravage fes campagnes : la mer l'engloutit, le tonnerre l'écrafe, la terre tremblé & l'enfévelit; tout eft réuni contre lui. Son propre corps en proie à mille infirmités, le conduit au tombeau par des jours rapides & douloureux. Cette combinaison n'eft pas douce. L'homme animé de ce defir ardent de félicité, ne peut trouver fon bonheur dans un monde femé d'épines, & arrofé de larmes.

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Tout n'eft pas bien dans l'ordre moral, du côté de l'homme. Fait pour la vérité & la vertu, fon efprit eft plongé dans d'épaiffes ténebres. It méconnoît fon Dieu fa Religion & fa Loi il fe rend le jouet de fes préjugés & de fes erreurs; fon cœur eft le théatre humiliant des plus vives paffions. Enflé par l'orgueil, animé par la haine & la vengeance, rongé par l'envie, dévoré par la cupidité, énervé par la molleffe, fouillé par la volupté, agité par fes defirs, dégradé par l'intempérance; tout l'arme contre l'ordre & la vertu. Pour la pratiquer, il faut qu'il étouffé vec courage & violence les plus vifs fentimens d'une naaure toujours chere malgré fon déréglement. Il est évident qu'un ouvrage fi informe ne vient pas de Dieu. Sous ces Itraits hideux, on méconnoît ce principe adorable d'équité & de fageffe.

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L'homme, malgré Pope, eft donc en droit de gémir fur fon fort phyfique & moral. Ses gémiffemens font tranquilles, fes plaintes refpe&tueufes; il n'impute fon malheur qu'à fon crime. L'arrangement de l'Univers, fût-il plus rigoureux encore, il fent qu'il le mérite. Sous fes revers & fes larmes, il adore & la juftice du Dieu qui le frappe, & fa bonté; puifque lui ayant d'abord destiné un état heuil lui rend encore ses punitions salutaires. Il éprouve la force de fes paffions: mais il y reconnoît fon propre ouvrage. Loin d'en accufer un Dieu faint, il comprend qu'il ne feroit ni porté au mal, ni éloigné du bien, s'il n'étoit coupable. Cette idée l'arme contre lui-même. Aidé du fecours de fon Auteur, il s'éleve au-dessus de fes penchans; il tâche de rétablir autant qu'il est en lui, la pureté primitive de fon cœur.

reux,

Tel eft l'efprit & le plan de la Religion Chrétienne. Eft-ce accufer les œuvres du Seigneur ? Non, c'est les adorer, c'est s'y foumettre, c'eft n'attribuer qu'à nos miferes tous les défordres qui nous affligent. Au contraire le refpect prétendu de Pope eft une témérité & une erreur. Il eft faux que tout foit bien dans l'homme; il feroit mieux, s'il étoit fans miferes & fans paffions. Un Étre heureux & innocent eft préférable à l'homme malheureux & coupable. Il eft faux qu'un monde tout composé de Juftes ne fut pas plus conforme à la fainteté du Créateur, plus agréable à fes yeux. C'est nier fa fageffe & fa puiffance, que de croiré qu'il n'ait pas dans fes tréfors d'autres mondes poffibles, plus faints que celui-ci. Concluons du côté de Dieu, tout est bien dans la nature ; & tout y est mal du côté de l'homme.

BOSSUET.

Apologie des Maurs, de la Doctrine & des
Ouvrages de ce grand Homme.

Sur quoi M. de V. peut-il fonder le Roman abfurde du mariage de Boffuet avec Mlle. Defvieux ? Il eft vrai que ce Prélat eut beaucoup d'amitié & d'eftime pour cette fille refpectable. Mais y a-t-il là de quoi appuyer une imputation fi étrange & fi injurieufe à la mémoire d'un Evêque zélé défenfeur de la difcipline Eccléfiaftique, qui a paffé fa vie fur un théâtre éclatant, & dont la vie à toujours été fans reproche? On a ofé dire que M. de St.

Hyacinthe étoit fon fils : & il eft conftant par les Regiftres de l'Eglife de St. Victor d'Orléans que St. Hyacinthe nâquit à Orléans le 27 Septembre 1684, en légitime mariage d'Hyacinthe Cordonnier, Sieur de St. Gelais & d'Anne Mathé, qui avoit toujours vécu dans la pius grande piété, fans avoir aucune liaison avec M. Boffuet, alors Evêque de Meaux & avancé en âge.

M. de V. eft-il mieux fondé, lorfqu'il ofe dire que Boffuet avoit des fentimens Philofophiques différens de fa Théologie, à peu près comme un fçavant Magiftrat, qui jugeant felon la lettre de la Loi, s'éléveroit quelquefois en fecret au-deffus d'elle par la force de fon génie.

C'est dire affez intelligiblement que M. Bouet n'a été qu'un fourbe & un hypocrite. M. de V. qui fçait mieux que perfonne, que les hommes du premier mérite font ceux que la calomnie perfécute avec le plus de fureur, & qui fe plaint d'en avoir éprouvé lui-même cent fois les traits empoisonnés ; peut-il ajouter foi à une imputation auffi odieufe que légérement avancée ? Il est constant que tous ceux qui ont vécu dans l'union la plus intime avec M. l'Evêque de Meaux, ont tous déclaré que perfonne n'étoit plus fincérement attaché aux dogmes, dont l'Eglife Catholique exige la créance, que ce grand Prélat.

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Sa vie entiere, la réputation dont il a joui conftamment dans toute l'Europe, fuffisent fans doute pour fon Apologie. Il étoit regardé à la Cour où il dût être connu & où sûrement on ne lui auroit pas fait grace, comme un Prélat très-vertueux; & le Roi avoit pour fes mœurs & pour fa Doctrine la plus grande confidération. Plufieurs faits at→ teftés par des Auteurs graves donnent une haute idée de la piété & de la fermeté de M. de Meaux. Les faits prouvent combien il étoit éloigné du caractère de la plupart des Courtisans, qui n'approchent des Princes que pour les flatter & mériter des graces par leurs baffeffes. Que ceux qui s'obstinent encore à décrier la conduite & les intentions de Boffuet, apprennent qu'on fe déshonore foi-même lorfqu'on manque au refpect que l'on doit aux grands hommes.

dit-if

M. de V. a manqué à ce refpe&t lorfqu'il a traité ce fçavant Evêque de Déclamateur, & fon Difcours fur l'Hiftoire univerfelle d'éloquente déclamation. Il peut dans fon Traité de la Tolérance, éblouir un jeune Prince mais il contente bien peu les Sçavans. M. de V. ne

penfoir

penfoit point ainfi lorsqu'il difoit dans fon fiécle de Louis XIV. (Ce difcours n'a eu ni modéle ni imitateurs. Son ftyle n'a trouvé que des admirateurs. On fut étonné de cette force majestueufe dont il décrit les mœurs, le Gouvernement, l'accroiffement & la chûte des grands Empires, & de fes traits rapides d'une vérité énergique, dont il peint & dont il juge les Nations. Ce font, ajoute-t-il, ces oraifons funébres & fon difcours fur l'Hiftoire universelle qui l'ont conduit à l'immortalité.) Voilà M. de V. opposé à M. de V. & qu'en faut-il conclure, finon que Boffuet étoit un grand homme, & que fon détracteur est un homme capricieux.

Au reste M. de V*. ne méprife ce difcours fur l'Hif toire univerfelle & les Oraifons funébres de Boffuet, que parce que les unes & les autres tiennent du genre des Sermons que l'Auteur dédaigne beaucoup, & en particulier dans fon article Guerre. Ce dédain eft bien peu Philofophique. (Si la prédication, dit l'Abbé de St. Pierre, n'étoit pas établie parmi nous, il feroit de la bonne politique & du bon gouvernement de l'établir. ) Ecoutons le Journal Encyclopédique du 15 Octobre 1761. ( Indépendamment du prix que la Religion donne aux fermons , l'antiquité ne nous offre rien de femblable en ce genre. C'est une belle inftitution que celle de raffembler les Citoyens, dans un tems & dans un lieu marqués, pour leur expofer d'une maniere claire, folide & touchante les regles de conduite les plus propres à procurer le bonheur de la fociété & celui de chacun de fes membres. C'eft, pour ainsi dire, femer la vertu. Il y a eu des abus dans ce genre comme dans tout ce qui paffe dans les mains des hommes; mais l'éloquence de la Chaire a fait depuis un fiécle des progrès qui les ont fait difparoître.)

Cette apologie ingénieufe de la Chaire eft une excellente réponse à laquelle nous n'ajouterons rien. Nous dirons. feulement avec le P. Ceruti Jéfuite, que (l'éloquence facrée a de grands avantages fur l'éloquence profane. Elle trouve plus aisément l'art d'intéreffer le fentiment, l'art d'étonner l'imagination; elle préfente de plus grands moyens à celui qui parle; elle étale de plus grands objets à ceux qui écoutent. Le rôle le plus impofant que puiffe jouer un Orateur profane, c'eft d'être l'interprête de fon Roi ou l'organe de la Patrie; le théâtre le plus brillant

D

qu'il puiffe s'ouvrir, c'est un Sénat, une Cour, une Place publique; les Sujets les plus frappans qu'il puiffe traiter font l'homme & fes befoins, le tems & fes viciffitudes. L'Orateur facré joue un plus grand rôle, celui d'être l'in'terprête de fon Dieu & l'organe de la Religion; il s'ouvre un plus grand théâtre; il parle dans le fanctuaire des Temples & à la face des Autels; il traite un plus grand fujet, JESUS-CHRIST & fes Loix, l'Eternité & fes fuites.)

Après avoir fait l'Apologie du genre fublime auquel M. Boffuet fe cónfacra, expofons aux critiques de M. de Vol. * les éloges que lui ont donné les perfonnes les plus illuftres. (Quel homme, dit M. l'Abbé de Polignac, dans son difcouts de réception à l'Académie, quel homme fut plus célébre que M. l'Evêque de Meaux vous l'appellâtes dans un tems où fa réputation voloit de toutes parts; jugé digne d'élever un Prince, l'efpérance de l'Etat & le principal objet dès attentions du Roi; il fut jugé digne de vous. Il apporta dans cette Compagnie tout le mérite qu'on vient y acquérir, une politeffe parfaite, une éloquence vive, une vaste érudition; vous fûtes moins touchés de la beauté de fes talens, que de l'ufage qu'il en avoit fçu faire. Il avoit paru dans la Chaire de l'Evangile comme un Chryfoftome; déja la vérité l'avoit choifi pour fon défenfeur comme un Athanafe; on ne parloit que du fuccès prodigieux de fes conférences & de fes difputes; rien ne réfistoit à la force de fes raifonnements, & l'héréfie n'avoit point de préfage plus certain de fa prochaine ruine en France, que les victoires qu'il remportoit tous les jours fur les ennemis de la foi.

Il perfévéra jufqu'à la mort dans ce dofte & faint exercice, toujours animé du même zéle, toujours falfant fervir les lettres à la Religion. Delà font fortis ces difcours vehements qui faififfoient tous les auditeurs, ces oraifons fameufes qui nous apprennent comment on 'peut inftruire les vivants par l'exemple des morts; delà ces merveilleux Ouvrages auxquels femble attachée la grace des converfions qui portent le flambeau de la vérité jufques dans les plus épaiffes ténébres du menfonge, qui la peignent' à nos yeux, & qui l'impriment dans l'efprit avec des traits fi nobles & fi forts, qu'elle n'a plus befoin que de la bonne foi pour achever de le foumettre. Mais ce qu'on eftima le plus en lui, c'eft qu'il fe regarda tonjours

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