Immagini della pagina
PDF
ePub

CXV

(Tom. III, p. 262.)

Ce qui prouve encore très puissamment que la nature elle-même décide secrètement pour l'immortalité de l'âme, c'est le soin que tous nous prenons si vivement d'un avenir qui ne sera qu'après notre mort. «Il plante des arbres qui ne profiteront qu'à la génération suivante », dit Cæcilius dans les Synéphèbes; et pourquoi en planterions-nous, si l'avenir qui nous suivra ne nous intéressait pas ? De même que le cultivateur vigilant plante des arbres dont il ne verra jamais les fruits, l'homme d'État ne plante-t-il pas, lui aussi, des lois, des institutions, des cités ? Pourquoi notre désir d'avoir des enfants, d'en adopter, de perpétuer notre nom? Pourquoi notre attention à faire des testaments, à ériger des tombeaux, à les couvrir d'inscriptions? Si ce n'est parce que nous songeons à l'avenir. Ne croyez-vous pas d'ailleurs que, pour juger de la nature, il faille considérer en chaque espèce d'ètres ce qu'elle présente de plus parfait? Or, dans l'espèce humaine, où est-elle plus belle qu'en ceux qui se croient nés pour aider, protéger, sauver les autres ? Hercule est allé prendre rang parmi les dieux; il n'y serait jamais arrivé, si, pendant qu'il se trouvait avec les hommes, il ne s'était pas préparé cette voie. L'exemple est ancien et consacré par la croyance religieuse de tous les peuples.

Mais, dans notre république même, quelle fut, à votre avis, la pensée de tant de grands hommes qui ont répandu leur sang pour elle? Croyaient-ils que leur gloire et leur vie finiraient ensemble ? Jamais, sans le ferme espoir de l'immortalité, personne ne s'exposerait à mourir pour la patrie. Thémistocle pouvait vivre tranquille, Epaminondas le pouvait, et, sans chercher d'exemples dans le passé ou hors de chez nous, moi aussi je le pouvais. Mais il y a comme un pressentiment des siècles futurs qui se fixe en

demto, quis tam esset amens, qui semper in laboribus et periculis viveret? Loquor de principibus. Quid poetæ ? nonne post mortem nobilitari volunt?... Sed quid poetas ? opifices post mortem nobilitari volunt. Quid enim Phidias sui similem speciem inclusit in clypeo Minervæ, quum inscribere non liceret? Quid nostri philosophi ? nonne in his ipsis libris, quos scribunt de contemnenda gloria, sua nomina inscribunt? Quod si omnium consensus, naturæ vox est; omnesque, qui ubique sunt, consentiunt esse aliquid, quod ad eos pertineat, qui vita cesserint: nobis quoque idem existimandum est. Et si, quorum aut ingenio, aut virtute animus excellit, eos arbitramur, quia natura optima sunt, cernere naturæ vim maxime: verisimile est, quum optimus quisque maxime posteritati serviat, esse aliquid, cujus is post mortem sensum sit habiturus.

Cic.. Tuscul. quæst. I, 14-15.

ÇXVI

Le vice, même tout-puissant, ne peut être heureux.

[Dionysius, Syracusanorum tyrannus,] ipse judicavit, quam esset beatus. Nam quum quidam ex ejus assentatoribus, Damocles, commemoraret in sermone copias ejus, opes, majestatem dominatus, rerum abundantiam, magnificentiam ædium regiarum; negaretque unquam beatiorem quemdam fuisse : « Visne igitur, inquit, Damocle, quoniam hæc te vita delectat, ipse eamdem degustare, et fortunam experiri meam?» Quum se ille cupere dixisset, collocari jussit hominem in aureo lecto, strato pulcherrime textili stragulo, magnificis operibus picto; abacosque complures ornavit argento auroque cælato. Tum ad mensam eximia forma pueros delectos jussit consistere, eosque nutum ejus intuentes diligenter ministrare. Aderant un

nous je ne sais comment; et c'est dans les esprits les plus élevés, dans les plus grandes âmes qu'il existe avec le plus d'intensité et qu'il éclate davantage. Supprimez-le, qui serait assez fou pour passer toute sa vie dans les travaux et dans les périls? Je parle des hommes d'État. Mais les poètes eux-mêmes ne cherchent-ils pas à être illustres après leur mort?... Pourquoi m'arrêter aux poètes? Comme eux les artistes désirent une gloire qui leur survive. Phidias, ne pouvant inscrire son nom sur le bouclier de Minerve, n'y grava-t-il pas son portrait? Et nos philosophes, en tête des livres mêmes qu'ils écrivent sur le mépris de la gloire, ne mettent-ils pas leurs noms? Si donc le consentement de tous les hommes est la voix de la nature et que tous, en quelque pays que ce soit, s'accordent à penser qu'il y a quelque chose qui les intéresse après la vie, nous aussi nous devons le croire. Et cela d'autant plus que, si nous considérons les hommes qui ont le plus d'esprit et de vertu comme les représentants les meilleurs et les interprètes les plus fidèles de la nature, ce sont eux qui travaillent le plus en vue de la postérité avec le sentiment de l'immortalité.

CXVI

(Tom. III, p. 266.)

Denys, tyran de Syracuse, prononça lui-même sur son bonheur. Damoclès, un de ses flatteurs, lui vantait un jour ses armées, ses richesses, la grandeur de son pouvoir, l'abondance de ses ressources, la magnificence de ses palais, et lui disait que personne n'avait jamais joui d'un bonheur supérieur au sien. «Eh bien! Damoclès, lui dit-il, puisqu'une telle vie a du charme pour toi, veux-tu en goûter et faire l'essai de mon sort ?» Damoclès ayant répondu qu'il ne demandait pas mieux, Denys le fit asseoir sur un lit d'or, couvert d'un très riche tapis dont le tissu et les dessins étaient magnifiques; plusieurs buffets étaient chargés de vaisselle d'or et d'argent; de jeunes esclaves choisis parmi les plus beaux se trouvaient près de la table

guenta, coronæ; incendebantur odores; mensæ conquisitissimis epulis exstruebantur. Fortunatus sibi Damocles videbatur. In hoc medio apparatu fulgentem gladium, e lacunari seta equina aptum demitti jussit, ut impenderet illius beati cervicibus. Itaque nec pulchros illos ministratores adspiciebat, nec plenum artis argentum; nec manum porrigebat in mensam; jam ipsæ defluebant coronæ : denique exoravit tyrannum, ut abire liceret, quod jam beatus nollet esse. Satisne videtur declarasse Dionysius, nihil esse ei beatum, cui semper aliquis terror impendeat? Atque ei ne integrum quidem erat, ut ad justitiam remigraret, civibus libertatem et jura redderet. lis enim adolescens improvida ætate irretierat erratis, eaque commiserat, ut salvus esse noù posset, si sanus esse cœpisset. Cic., Tuscul. quæst., V, 20-21.

CXVII

Il n'y a de vrai bien que celui dont le possesseur peut se glorifier à bon droit.

Veniant igitur isti irrisores hujus orationis, ac sententiæ; et jam vel ipsi judicent, utrum se horum alicujus, qui marmoreis tectis, ebore et auro fulgentibus, qui signis, qui tabulis, qui cælato auro et argento, qui Corinthiis operibus abundant, an C. Fabricii, qui nihil eorum habuit, nihil habere voluit, similes esse malint? Atque hæc quidem, quæ modo huc, modo illuc transferuntur, facile adduci solent, ut in rebus bonis esse negent: illud tamen arcte tenent, accurateque defendunt, voluptatem esse summum bonum. Quæ quidem mihi vox pecudum videtur esse, non hominum. Tu, quum tibi sive deus, sive mater (ut ita dicam) rerum omnium, natura, dederit animum, quo nihil est præstantius, neque divinius, sic te ipse abjicies

avec ordre d'obéir attentivement aux moindres signes; essences et couronnes, cassolettes exhalant leurs parfums, mets exquis et nombreux, tout y était. Damoclès s'estimait heureux. Mais, au milieu de cet appareil, Denys fit sus-pendre au plafond une épée nue, que retenait un seul crin de cheval et qui menaçait la tête de cet heureux homme. Damocles alors ne voyait plus ces beaux serviteurs, cette riche vaisselle; il n'avançait plus la main vers les mêts; déjà même les couronnes tombaient de sa tête; enfin il supplia le tyran de lui permettre de s'en aller, disant qu'il en avait assez de son bonheur. Par là Denys ne nous semble-t-il pas avoir suffisamment prouvé qu'il n'est point de félicité pour celui sur qui reste toujours suspendue quelque terrible menace. Quant à lui, il n'était plus libre de rentrer dans la voie de la justice, de rendre aux Syracusains leur liberté et leurs droits; car, dans sa jeunesse, sans prévoyance, il s'était engagé en de telles erreurs et avait commis de tels actes, qu'il ne pouvait plus que sacrifier sa vie en devenant juste.

CXVII

(Tom. III, p. 268.)

:

Qu'ils viennent donc ceux qui se raillent de ces paroles et de ces sentiments, et qu'ils nous déclarent eux-mêmes à qui ils aimeraient mieux ressembler à quelqu'un de ces hommes dont les palais de marbre resplendissent d'ivoire et d'or, abondent en statues, en tableaux, en œuvres d'or et d'argent ciselé, en merveilles de Corinthe, ou bien à C. Fabricius, qui n'eut et ne voulut rien avoir de tout cela? Il est assez facile, à la vérité, de les amener à avouer que ces choses dont la possession est si peu assurée, ne doivent pas être regardées comme de vrais biens; mais une affirmation qu'ils soutiennent avec opiniâtreté et avec chaleur, c'est que la volupté est le souverain bien langage, à mon sens, plus digne des brutes que des hommes.

« IndietroContinua »