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calme, mais dès qu'un acte de méchanceté ou de déloyauté vous émeut, vous vous emportez au point de perdre aux yeux de tous cette heureuse disposition. Par suite des circonstances et du jeu de la fortune plus que par ambition, nous nous sommes engagés dans une carrière où notre destinée est de faire éternellement parler de nous; faisons donc tous nos efforts pour qu'on n'ait pas à nous reprocher quelque défaut insigne. Je ne vous demande pas, ce qui serait difficile à n'importe qui, surtout à notre âge, de changer de caractère et d'arracher d'un seul coup de votre âme une habitude profondément enracinée; mais si vous ne pouvez empêcher la colère de se produire en vous avant toute réflexion qui l'arrête, je vous engage au moins à vous armer contre elle, à songer constamment au moyen de la vaincre, et, dans le moment mème de votre emportement, à vous efforcer surtout de maîtriser votre langue mérite qui, à mon sens, n'est pas moins grand parfois que de ne s'irriter jamais. Le calme absolu, en effet, n'est pas toujours une preuve de fermeté, il peut être aussi l'effet de l'indolence; mais savoir, dans la colère, se posséder, mesurer son langage, ou même s'imposer le silence et dominer les mouvements de son âme et de son indignation, voilà, si ce n'est pas la sagesse suprême, l'effort du moins d'un esprit supérieur. On me dit d'ailleurs que vous êtes devenu déjà beaucoup plus maître de vous et plus doux; on ne me parle plus de ces transports violents, de ces paroles injurieuses et outrageantes qui ne s'accordent pas plus avec la culture des lettres et la politesse des mœurs qu'avec les devoirs et la dignité du commandement : car si les colères sont implacables, elles dénotent une extrême cruauté; et si elles se laissent fléchir, elles marquent une excessive légèreté, préférable encore (s'il fallait choisir entre les deux maux) à la cruauté.

CXLIV

Cicéron à Brutus. Il lui rappelle ce qui a été fait depuis les ides de mars.

Post interitum Cæsaris, et vestras memorabiles idus martias, Brute, quid ego prætermissum a vobis, quantamque impendere reipublicæ tempestatem dixerim, non es oblitus. Magna pestis erat depulsa per vos, magna populi romani macula deleta: vobis vero parta divina gloria; sed instrumentum regni delatum ad Lepidum et Antonium: quorum alter inconstantior, alter impurior; uterque pacem metuens, inimicus otio. His ardentibus perturbandæ reipublicæ cupidate, quod opponi posset præsidium, non habebamus. Erexerat enim se civitas, in retinenda libertate consentiens. Nos tum nimis acres : vos fortasse sapientius excessistis urbe ea, quam liberaratis; Italiæ sua vobis studia profitenti remisistis. Itaque quum teneri urbem a parricidis viderem, nec te in ea, nec Cassium tuto esse posse, eamque armis oppressam ab Antonio mihi quoque ipsi esse excedendum putavi. Tetrum enim spectaculum, oppressa ab impiis civitas, opitulandi potestate præcisa. Sed animus idem, qui semper infixus est in patriæ caritate, discessum ab ejus periculis ferre non potuit. Itaque in medio Achaico cursu, quum etesiarum' diebus auster me in Italiam, quasi dissuasor mei consilii, retulisset, te vidi Veliæ, doluique vehementer. Cedebas enim, Brute, cedebas; quoniam stoici nostri negant, fugere sapientis. Romam ut veni, statim me obtuli Antonii sceleri atque dementiæ: quem quum in me incitavissem, consilia inire cœpi Brutina plane (vestri enim hæc sunt propria sanguinis) reipublicæ liberandæ. Longa sunt, quæ restant, prætereunda; sunt enim de me: tantum dico, Cæsarem hunc adolescentem, per quem adhuc sumus, si verum fateri volumus, fluxisse ex fonte consiliorum meorum. Huic habiti a me honores nulli quidem, Brute, nisi debiti; nulli, nisi

(1) Vents qui soufflent, au temps de la canicule, du nord au nord-ouest.

CXLIV

(Tom. III, p. 357.)

Après la mort de César et vos mémorables ides de mars, Brutus, je vous dis, vous ne pouvez l'avoir oublié, ce qui avait manqué à votre entreprise et à quelle tourmente la république restait exposée. Vous aviez mis fin à un grave fléau, vous aviez lavé d'une grosse tache le nom romain, et vous vous étiez acquis une gloire divine; mais les attributs du souverain pouvoir passaient entre les mains de Lépidus et d'Antoine, l'un plus léger, l'autre plus pervers, tous deux craignant la paix et ennemis de tout repos. A ces hommes animés de l'ardent désir de bouleverser la république nous n'avions à opposer aucune force qui nous protégeat. La cité cependant s'était réveillée, voulait la liberté. Je vous parus alors trop ardent; et vous, peut-être avec trop de sagesse, vous sortites de cette ville que vous veniez de délivrer, vous déclinâtes les avances de l'Italie qui vous offrait son concours. Lorsque je vis que Rome était au pouvoir des traîtres, que ni vous ni Cassius vous ne pouviez plus y vivre en sûreté, et qu'Antoine y dominait par les armes, moi aussi je crus devoir en sortir; car c'est un cruel spectacle que celui du pays opprimé par des scélérats alors que vous est ravi tout moyen de le secourir. Mais mon cœur, toujours possédé de l'amour de la patrie, ne put me laisser éloigné d'elle dans ses dangers. Au moment où, dans la saison des vents étésiens, je partais pour la Grèce, un vent du midi, comme pour m'avertir de renoncer à mon projet, me ramena sur la côte d'Italie; je vous vis à Vélie; et quelle ne fut pas ma douleur! Vous vous retiriez, Brutus, oui, vous vous retiriez, puisque nos stoïciens prétendent que le sage ne fuit jamais. Je revins donc à Rome, et aussitôt j'affrontai la scélératesse et la violence d'Antoine; sa fureur se déchaîna sur moi, et je pris dès lors la ferme résolution d'affranchir la république, une de ces résolutions à la Brutus, qui sont comme un

necessarii. Ut enim primum libertatem revocare cœpimus, quum se nondum ne Decimi quidem Bruti divina virtus ita commovisset, ut jam id scire possemus, atque omne præsidium esset in puero, qui a cervicibus nostris avertisset Antonium; quis honos ei non fuit decernendus? quanquam ego illi tum verborum laudem tribui, eamque modicam. Decrevi etiam imperium: quod quanquam videbatur illi ætati honorificum, tamen erat exercitum habenti necessarium. Quid enim est sine imperio exercitus?

Epist. Cic. et Brut., 15.

CXLV

Brutus à Cicéron. Il se plaint des termes trop humbles
de la lettre adressée à Octave.

Particulam litterarum tuarum, quas misisti Octavio, legi, missam ab Attico mihi. Studium tuum, curaque de salute mea, nulla me nova voluptate affecit. Non solum enim usitatum, sed etiam quotidianum est, aliquid audire de te, quod pro nostra dignitate fideliter atque honorifice dixeris, aut feceris. At dolore, quantum animo maximum capere possum, eadem illa pars epistolæ, scriptæ ad Octavium de nobis, affecit. Sic enim illi gratias agis de republica; tam suppliciter ac demisse (quid scribam ? pudet conditionis ac fortunæ, sed tamen scribendum est) commendas nostram salutem illi (quæ morte qua non perniciosior ?), ut prorsus præ te feras, non sublatam dominationem, sed dominum commutatum esse. Verba tua recognosce, et aude negare, servientis adversus regem istas esse preces. Unum ais esse quod ab co postuletur et exspectetur ut eos cives, de quibus viri boni, populusque roma

privilège héréditaire de votre famille. Long serait le récit de ce qui suivit; je le passe, puisqu'il n'y serait question que de moi; j'observe seulement que le jeune César, sans qui, il nous faut l'avouer pour être sincères, nous ne serions plus aujourd'hui, est tout entier l'œuvre de mes conseils. Si je lui ai fait décerner des honneurs, Brutus, ils lui étaient dus et ils étaient nécessaires. Au début de nos efforts pour reconquérir la liberté, lorsque le divin héroïsme de Décimus Brutus ne s'était pas encore fait entièrement connaître, et que nous n'avions de défenseur que cet enfant qui venait de détourner de nos têtes le glaive d'Antoine, y avait-il un honneur qu'il n'eût pas mérité ? Cependant il n'eut de moi que des éloges, et des éloges bien mesurés. Je lui fis, à la vérité, voter un commandement, et pour son âge c'était un titre bien honorable; mais il avait une armée, et ce titre était nécessaire. Qu'est-ce en effet qu'une armée sans un commandement légal?

CXLV

(Tom. III, p. 358.)

Une partie de la lettre que vous avez adressée à Octave m'a été communiquée par Atticus et je l'ai lue. Votre zèle et votre sollicitude à mon égard, tout en me touchant, ne m'ont pas surpris; car depuis longtemps, et chaque jour encore, je ne cesse d'entendre parler de discours et d'actes qui témoignent de votre croissante amitié et de votre estime si flatteuse pour moi. Mais cette partie même de votre lettre à Octave, écrite à mon sujet, m'a causé la douleur la plus vive dont mon âme soit capable. Je ne sais comment m'exprimer, tant j'ai honte de l'état où nous réduit la fortune, et pourtant il faut que je le dise: vous lui adressez de tels remerciements au nom de l'État, vous prenez un ton si soumis et si humble pour lui recommander notre salut (la mort ne serait-elle pas préférable?) qu'évidemment à vous entendre, la tyrannie n'est pas détruite, et qu'il n'y a de changé que le maître? Relisez vos expres

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