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si les hommes recherchaient le bien avec l'ardeur qu'ils mettent à poursuivre ce qui leur est étranger, inutile et souvent même dangereux, loin de dépendre des événements, ils les maîtriseraient et s'élèveraient à ce point de grandeur qu'en échange de leur condition de mortels ils auraient l'éternité de la gloire.

CLXXX

(Tom. III, p. 519.)

Dès sa première jeunesse, Jugurtha, remarquable par sa force, par sa beauté et surtout par l'énergie de son caractère, ne se laissa corrompre ni par le luxe ni par la mollesse; mais, selon l'usage de sa nation, il montait à cheval, lançait le javelot, disputait le prix de la course aux jeunes gens de son âge; et bien qu'il eût la gloire de les surpasser tous, à tous il était cher. Il passait aussi une grande partie du temps à chasser, toujours le premier ou des premiers à frapper le lion ou les autres bêtes féroces. C'était lui qui en faisait le plus et qui parlait le moins de lui-même.

Tout cela d'abord avait enchanté Micipsa en lui donnant à penser que le mérite de Jugurtha contribuerait à la gloire de son règne; mais, quand il vit, à côté de sa vieillesse et de l'enfance de ses fils, un homme en pleine jeunesse dont l'élévation s'accentuait chaque jour davantage, il s'en émut vivement, et mille pensées agitèrent son âme. Il songeait avec effroi à la nature humaine, avide de dominer et ardente à assouvir cette passion; il voyait aussi dans son àge et dans celui de ses enfants une de ces occasions qui, par l'appât d'une proie facile, entraînent dans de mauvaises voies même ceux qui n'ont pas de hautes visées. D'autre part l'affection des Numides pour Jugurtha était si chaleureuse qu'il appréhendait, s'il attentait aux jours d'un tel homme, de soulever quelque sédition, quelque guerre.

Aux prises avec ces difficultés et comprenant que, ni par force ni par ruse, il ne pouvait supprimer un person

tia facile occasurum, præfecit Numidis quos in Hispaniam mittebat. Sed ea res longe aliter ac ratus erat evenit.

Sallust., Jugurth., 6-7.

CLXXXI

Paroles de Micipsa mourant à Jugurtha et à ses fils.

Parvum ego, Jugurtha, te, amisso patre, sine spe, sine opibus, in meum regnum accepi ', existumans non minus me tibi quam liberis, si genuissem, ob beneficia carum fore; neque ea res falsum me habuit. Nam, ut alia magna et egregia tua omittam, novissume rediens Numantia, meque regnumque meum gloria honora visti; tua virtute nobis Romanos ex amicis amicissumos fecisti; in Hispania nomen familiæ renovatum; postremo, quod difficillumum inter mortalis, gloria invidiam vicisti. Nunc, quoniam mihi natura vitæ finem facit, per hanc dextram, per regni fidem, moneo obtestorque uti hos, qui tibi genere propinqui, beneficio meo fratres sunt, caros habeas; neu malis alienos adjungere, quam sanguine conjunctos retinere. Non exercitus neque thesauri præsidia regni sunt, verum amici, quos neque armis cogere, neque auro parare queas officio et fide pariuntur. Quis autem amicior quam frater fratri? aut quem alienum fidum invenies, si tuis hostis fueris? Equidem ego vobis regnum trado firmum, si boni eritis; sin mali, imbecillum nam concordia parvæ res crescunt, discordia maxumæ dilabuntur. Ceterum ante hos te, Jugurtha, qui ætate et sapientia prior es, ne aliter

(1) Micipsa avait hérité de tout le royaume de son père Masinissa, ses deux frères Manastabal et Gulussa étant morts de maladie. Manastabal, toutefois, avait eu un fils, Jugurtha, mais qui, étant né d'une concubine,

nage si populaire, comme Jugurtha était intrépide et passionné pour la gloire militaire, il résolut de le lancer dans les périls et de tenter ainsi la fortune. Aussi, pendant la guerre de Numance, alors qu'il fournissait au peuple romain un corps auxiliaire de cavaliers et de fantassins, il le mit à la tête des Numides qu'il faisait passer en Espagne, comptant bien qu'il y succomberait facilement victime de sa bouillante valeur ou de la fureur des ennemis. Mais il en arriva tout autrement qu'il n'avait pensé.

:

CLXXXI

(Tom. III, p. 519.)

Vous étiez enfant, Jugurtha, vous étiez orphelin, sans espoir et sans ressources, lorsque je vous approchai de mon trône, pensant que, par mes bienfaits, je vous deviendrais aussi cher qu'à mes propres enfants, si je venais à en avoir et mon attente n'a pas été déçue. Car, sans parler de tous vos autres exploits, récemment en revenant de Numance, vous avez couvert de gloire et ma personne et mon royaume; par votre mérite vous avez resserré les liens d'amitié qui nous unissaient aux Romains; vous avez fait revivre en Espagne le renom de notre famille; enfin, ce qui est si difficile parmi les hommes, votre gloire a triomphé de l'envie. Aujourd'hui que la nature met un terme à mes jours, par cette main, au nom de la fidélité que vous devez à votre roi, je vous recommande et je vous conjure d'aimer ces enfants, qui sont vos proches par la naissance, vos frères par mon bienfait; n'allez pas rechercher des unions étrangères au lieu de rester attaché à ceux qui vous sont unis par le sang. Ni les armées, ni les trésors n'assurent un trône, mais bien les amis, qu'on ne peut conquérir par les armes ni se procurer à prix d'or: les bons offices seuls et le dévouement nous les donnent. Or, quel

avait été laissé par son aïeul dans une condition privée (privatum reliquerat, ch. 5); ce fut Micipsa qui l'éleva au rang de prince; de là l'expres sion in meum regnum recepi.

quid eveniat providere decet nam, in omni certamine, qui opulentior est, etiam si accipit injuriam, quia plus potest, facere videtur. Vos autem, Adherbal et Hiempsal, colite, observate talem hunc virum; imitamini virtutem, et enitimini ne ego meliores liberos sumsisse videar, quam genuisse.

Sallust., Jugurth., 10.

CLXXXII

Jugurtha, après le meurtre d'Hiempsal, craint d'être châtié par les Romains et corrompt les grands de Rome.

Jugurtha, patratis consiliis, postquam omni Numidia potiebatur, in otio facinus suum cum animo reputans, timere populum romanum, neque advorsus iram ejus usquam, nisi in avaritia nobilitatis et pecunia sua, spem habere. Itaque paucis diebus cum auro et argento multo Romam legatos mittit; quis præcipit uti primum veteres amicos' muneribus expleant, deinde novos adquirant, postremo quæcumque possint largiundo parare, ne cunctentur. Sed ubi Romam legati venere, et ex præcepto regis, hospitibus aliisque quorum ea tempestate in senatu auctoritas pollebat, magna munera misere, tanta commutatio incessit, uti ex maxuma invidia in gratiam et favorem nobilitatis Jugurtha veniret. Quorum pars spe, alii præmio inducti, singulos ex senatu ambiundo, nitebantur ne gravius in eum

(1) Salluste a expliqué précédemment (ch. 7) comment, au siège de Numance, Jugurtha était devenu l'ami de P. Scipion et s'était lié avec un grand nombre de Romains.... sibi multos ex Romanis familiari amicitia conjunxerat.

ami plus sûr qu'un frère pour son frère? et sur quel étranger compter si l'on est l'ennemi des siens? Pour moi, je vous laisse à tous trois un trône solide, si vous êtes bons; chancelant, si vous ne l'êtes pas. Car la concorde fait la prospérité des établissements les plus faibles, et la discorde détruit les plus considérables. C'est surtout à vous, Jugurtha, à vous qui avez sur ces enfants la supériorité de l'âge et de la prudence, de faire en sorte que rien n'arrive contrairement à mes vœux; car, dans tout conflit, le plus fort, fùt-il l'offensé, par cela même qu'il a la force, passe pour l'agresseur. Et vous, Adherbal et Hiempsal, honorez, respectez ce grand homme, imitez ses vertus, et faites vos efforts pour qu'on ne dise pas, au sujet de mes enfants, que l'adoption m'a mieux servi que la nature.

CLXXXII

(Tom. III, p. 519.)

Jugurtha, après l'exécution de ses desseins, maître de toute la Numidie, se mit à réfléchir de sang-froid à son crime et à redouter la colère du peuple romain. Il ne voit de moyen de la conjurer que dans ses trésors et dans la cupidité de la noblesse. Sans retard il envoie donc à Rome, avec beaucoup d'or et d'argent, des députés à qui il prescrit, d'abord de combler de présents ses anciens amis, puis de lui en gagner de nouveaux, en un mot de ne reculer devant aucune largesse pour s'en assurer le plus possible. Dès que ces députés, en arrivant à Rome, eurent, suivant les prescriptions du roi, adressé de riches présents à ses hôtes et à tous ceux qui avaient alors le plus de crédit au Sénat, il se produisit un tel revirement que la violente indignation de la noblesse contre Jugurtha fit place chez elle à des sentiments de bienveillance et d'intérêt. Séduits, les uns par des promesses, les autres par des dons effectifs, ils s'efforçaient, en circonvenant chacun des membres du Sénat, de prévenir une résolution trop sévère. Et quand

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