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Il voulait par là éviter des discussions, peut-être vives, et une trop grande perte de temps. La suppression du discours d'ouverture entraîna naturellement l'absence de tous débats passionnés sur une adresse.

Mais la session ne tarda pas à être interrompue par une révolte sérieuse, dont la Catalogne fut de nouveau le théâtre, et qui, outre les conséquences déplorables du moment, sera sans doute pour l'avenir le signal de graves événements dans la vie politique de l'Espagne.

Cette révolte avait sa cause réelle dans les souffrances de l'industrie et du commerce en Catalogne : les sympathies du régent pour une union commerciale avec l'Angleterre n'étaient plus un secret, et cette union, si elle eût été accomplie, était le coup de mort pour la Catalogne. Déjà un ministère venait d'être contraint de se retirer des affaires pour sa molle résistance aux prétentions anglaises : l'irritation descendue dans les rangs du peuple devait se manifester par des actes de violence. Pourquoi faut-il qu'à la fureur aveugle des révoltés le gouvernement n'ait su opposer qu'une répression barbare dans la lutte, impitoyable dans la victoire ?

Le 13 novembre, au soir, des ouvriers voulurent introduire dans Barcelone des pièces de vin sans payer les droits. La populace prit parti pour eux: la garde fut désarmée; un homme fut tué, quelques autres arrêtés. Ce fut là le signal et le prétexte de la révolte.

Bientôt un rédacteur du journal le Républicain fut mis en prison le mouvement alla croissant; les ouvriers quittèrent leurs ateliers, parcoururent la ville, et la garde urbaine, qui vint occuper quelques postes et les abords de P'Hôtel-de-Ville, refusa de se laisser remplacer par la troupe. Or, dix mille ouvriers font partie de la garde urbaine.

La révolte triompha d'abord : les troupes évacuèrent la ville et se replièrent sur le fort Montjuich, d'où elles dirigèrent sur Barcelone un feu continuel. De son côté la rébelAnn. hist. pour 1842.

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lion s'organisa: une junte provisoire directrice fut instituée. Le programme qu'elle publia aussitôt concluait: au renversement d'Espartero, à la réunion de cortès constituantes, à plusieurs régents s'il fallait une régence, au mariage d'Isabelle avec un Espagnol, enfin à l'obtention d'une protection efficace en faveur de l'industrie nationale.

Le mouvement se propagea bientôt sur d'autres points. En peu de jours plusieurs places se prononcèrent pour la junte, notamment Vich, Manresa, Igualada, Tarragone, Reuss, Walls, Girone, Valence, Figuières et d'autres encore. Cependant le capitaine-général Van-Halen s'avançait; il était, le 19 novembre, à deux heures de Barcelone, à SanFélice, d'où il communiqua avec les troupes retirées à Montjuich.

Le lendemain, 20 novembre. le régent annonçait aux cortès son départ pour le foyer de la révolte.

On comprend que la session ne pouvait guère fonctionner avec calme dans de telles circonstances; le gouvernement crut devoir proroger les cortès, deux jours après la communication qu'il venait de leur faire. Peut-être aussi se fût-il trouvé gêné dans son action en laissant leurs travaux se continuer. Car si elles avaient promis au régent leur concours, ce n'avait été qu'en tant seulement qu'il se renfer merait dans les mesures légales et constitutionnelles.

Ce commencement de session se borna donc à la présentation par le gouvernement de quelques projets de loi, tendant l'un à un emprunt de 600 millions de réaux garanti par les revenus de l'Etat, un autre à la capitalisation en rentes 3 0/0 des intérêts de la dette active intérieure et extérieure, échus ou à échoir au 1er mai 1843; un autre enfin à la liquidation, au moyen de bons dits de l'année, de tout ce qui aurait été dû et serait dû depuis le 1er janvier 1835 jusqu'au 31 décembre 1842.

Cependant les événements dont la Catalogne était le théâtre principal suivaient leur cours. L'organisation de la révolte

passa des mains de la junte provisoire en celles de deux autres jantes, l'une directrice, l'autre consultative. Elles essayèrent l'une et l'autre de discipliner le soulèvement.

Le régent arrivait avec deux régiments d'infanterie, un de cavalerie et une batterie. Le 26 novembre, il était à Sarragosse le même jour, un décret mettait en état de blocus le port de Barcelone, depuis la rivière de Belos jusqu'au Llobregat.

Mais déjà l'insurrection s'affaiblissait par ses propres excès et par ses luttes intérieures. La junte directrice fut trouvée trop timide, et, dans une réunion de la garde nationale et des alcades des districts, il fut décidé qu'elle serait dissoute, que son président seul serait conservé et qu'elle serait remplacée par une commission ad interim, composée du commandant de la garde nationale, d'un alcade du district par chacun des cinq quartiers dont se compose la capitale et d'un commissaire pour chacun des trois bataillons provisoires. La commission ad interim devait fonctionner jusqu'à l'organisation de la junte consultative sous la présidence de Juan-Manuel Carly.

Le régent s'approchait toujours et ses menaces le précédaient. Les députés catalans résolurent d'aller au-devant de lui pour le fléchir. Au nom de ses collègues, M. Massia Lleopart supplia le prince de vouloir bien faire une distinction entre les innocents et les coupables, et de ménager la malheureuse Barcelone. Espartero répondit :

Je suis Espagnol, j'aime l'Espagne, et je suis convaincu que les Catalans ont une volonté nationale; telle est aussi la mienne. Je ne saurais croire le peuple catalan capable de se soulever contre la cause espagnole. Je ferai une distinction entre la population de la Catalogne et les fauteurs et promoteurs de désordres qui auraient pu y chercher un abri. Je suis décidé à les châtier avec un bras fort, faisant tomber le glaive de la loi d'une manière inexorable. (Hacienda caer la cuchilla de la ley contra los culpables, de una manera inexo

rable.) Il faut que les séditieux ou moi nous cessions d'exister. Je les connais, je sais qui ils sont, et je vole vers la Catalogne non pas pour détruire, mais pour protéger l'industrieuse Barcelone. J'ai juré la constitution; je l'ai conduite triomphante de victoire en victoire jusqu'à la cime des Pyrénées, et je cesserai d'exister plutôt que de laisser fouler aux pieds cette constitution. »>

A ces dures paroles les députés ne répondirent que par un silence significatif.

Les menaces du régent devaient se réaliser bientôt et surpasser toute attente. Depuis plusieurs jours Van-Halen annonçait le bombardement. Il commença le 3 décembre et dura treize heures; 817 bombes partirent du fort Montjuich et portèrent le ravage dans la ville.

A minuit le bombardement fut suspendu : une trève de douze heures fut laissée à la ville pour donner le temps aux propriétaires et aux chefs de famille de désarmer les corps francs. Ce désarmement fut en effet opéré.

Le 4 décembre, à dix heures, les troupes prirent possession du fort des Atarazanas.

C'est ici qu'il convient de parler de la belle conduite du consul de France à Barcelone, M. Lesseps, et d'un autre français, M. Gatier, commandant du Méléagre et de la station. Le premier avait fait dès l'origine tous les efforts, toutes les démarches que conseillaient l'humanité et le droit des gens, pour préserver nos nationaux aussi bien que les étrangers des suites de ces collisions civiles. Dès le 22 novembre, assisté des autres consuls, il s'était adressé au capitaine général pour protester contre tous dommages qui pourraient menacer les personnes et les propriétés de leurs nationaux par la mise à exécution de la menace de bombardement.

Lorsque le danger fut imminent, il fit embarquer tous les Français de Barcelone : lui-même prit place dans le dernier canot au moment où le fort Montjuich commençait le feu. Les chefs mêmes de la révolte, lorsque leur partie se trouva

perdue, vinrent se placer sous la protection du consul de France, et 80 d'entre eux furent embarqués. De son côté M. Gatier, à la tête de 300 marins du Jemmapes, parcourait la ville sous le feu de Van-Halen, et parvenait à se rendre maître des feux allumés par les bombes et à sauver les plus beaux quartiers de Barcelone. Au reste, la courageuse humanité de M. Lesseps s'était exercée sans distinction de parti, sans caractère politique: il avait sauvé des mains des insurgés la femme et les filles de Van-Halen, comme plus tard il devait sauver les insurgés eux-mêmes. Aussi c'est avec dégoût qu'on vit quelques jours après dans quelques journaux espagnols, et entre autres dans la Gazette officielle de Madrid, M. Lesseps accusé d'avoir pactisé avec les rebelles et d'avoir excité, conduit et protégé l'insurrection. La réponse du gouvernement français fut noble et digne: M. Ferdinand Lesseps fut nommé officier de la Légion d'honneur.

Barcelone avait succombé. Les vengeances des vainqueurs furent terribles: la malheureuse ville, encore fumante de l'incendie allumée par Van-Halen, fut livrée à la terreur et au despotisme militaire. Un bando signé Van-Halen, comte de Péracamps, enjoignit à tout habitant de livrer ses armes dans un court délai, prononça la peine de mort contre tout individu qui offrirait un refuge aux proscrits et qui conserverait une arme, promit à tout dénonciateur une prime de 2,500 fr. et, par une injonction absurde si elle n'eût été odieuse, ordonna aux coupables de se livrer eux-mêmes au jugement d'une commission militaire. A défaut de chefs, près de trois cents miliciens et bourgeois furent arrêtés, traînés à la citadelle devant une commission militaire siégeant en permanence, et fusillés, pour la plupart, après un simulacre de jugement des plus sommaires.

Espartero s'était éloigné après la victoire, comme pour laisser le champ libre aux fureurs réactionnaires. Le 28 décembre, le chef politique Guttierez quitta le commandement de la province, et le capitaine-général Sant en fut chargé.

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