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organisation des finances. Les cortès furent immédiatement prorogées au 21 février.

Les intérêts politiques se débattaient ailleurs que dans les chambres; les passions des partis avaient trouvé un champ de bataille dans les élections municipales, qui fournirent aux chartistes l'occasion d'un nouveau et éclatant succès. Ce fut dans la ville d'Oporto que la joie de ce succès éclata avec le plus de vivacité; elle se manifesta publiquement et pour la première fois au théâtre de Saint-Jean; après le premier acte du drame qu'on représentait sur ce théâtre, les spectateurs exigèrent qu'on découvrit la loge royale, dans laquelle se trouve placé le portrait de la reine; alors les applaudissements et les vivats s'élevèrent de toutes parts: on entonna l'hymne de la reine, les cris de vive le roi don Ferdinand furent mêlés à ceux de Vive la reine, et le nom de don Pedro fut prononcé avec enthousiasme. Dans l'intervalle des deux premiers actes du drame, l'orchestre joua l'hymne impérial composé à l'époque où la charte portugaise fut donnée au pays. Le parti qui comptait sur un change→ ment de constitution ne laissa point s'éteindre cet enthousiasme et comme ces favorables dispositions des esprits s'étaient montrées particulièrement à Oporto, il choisit cette ville pour centre de son action. C'est là qu'une démonstra→ tion armée en faveur de la charte offrait le plus de chances de réussite. Le chef avoué de ce mouvement, le ministre de la justice lui-même, M. Costa-Cabral, se rendit à Oporto et y fut accueilli avec un enthousiasme habilement ménagé. Le jour même, la scène de théâtre que nous venons de rapporter se reproduisit. Le lendemain, les chartistes, dirigés par le frère du ministre, mirent à l'épreuve la fidélité des troupes, et n'ayant point réussi à les entraîner, grâce à la fermeté du commandant en chef, le général Santa-Maria, ils se mirent à parcourir les rues, et pour plus de sûreté se retirèrent ensuite à Villa-Nova de Gaïa. La faiblesse, l'indifférence ou la complicité du gouvernement, mirent de

té des

l'indécision dans ses mesures, et les menaces peu sérieuses qu'il opposa à la conspiration n'eurent aucune puissance.

L'intrigue, plus encore que la force, triompha de la résistance des colonels de la garnison, et Costa-Cabral se vit bientôt à la tête de l'insurrection victorieuse. Il adressa aux troupes la proclamation suivante :

« Soldals, le cri universel de cette héroïque cité en faveur de la Charte constitutionnelle de la monarchie est le cri de tous les Portugais qui res, pectent la sainteté du serment et savent apprécier le bonheur de leur pays. Nous, compagnons du duc de Bragance, ne pouvions refuser d'adhérer à un mouvement si glorieux; si nous eussions hésité, nous aurions mérité le stigmate de l'ingratitude et du parjure.

» Soldats, je compte sur vous parce que je connais la noblesse de vos sentiments; la victoire sera à nous, car le mouvement d'Oporto est un mouvement national. »

« Vive la reine! vive la constitution et la Charte de la monarchie! »

Le gouvernement s'était décidé tout d'abord à relever M. Costa-Cabral de ses fonctions de ministre, et à remettre provisoirement l'administration de la justice et des affaires ecclésiastiques aux mains de M. Aguar.

Le lendemain, en même temps que la précédente proclamation adressée aux troupes d'Oporto, paraissait une proclamation de la reine, ainsi conçue :

« Portugais, on veut vous tromper en invoquant faussement mon nom pour vous engager dans des mouvements révolutionnaires qui, au mépris des lois et en violation patente de la constitution par moi jurée, font courir le danger le plus imminent au trône et aux libertés publiques, en apportant une grande instabilité à la loi fondamentale. Portugais, votre bonheur est le but de tous mes efforts; je crois que la liberté fondée sur les lois est la garantie la plus efficace de ma couronne; mais ni celte liberté ni la couronne ne peuvent subsister, et l'indépendance nationale ne saurait se soutenir si l'on emploie des moyens révolutionnaires pour changer, sans nécessité ni utilité, des institutions qui peuvent être légalement modifiées, lorsqu'on en reconnaît la nécessité. Portugais, j'ai confiance dans votre loyauté et dans l'affection que vous portez à ma personne. Ecoutez la voix de volre reine. Les corps militaires qui ont pris part à ces mouvements doivent se retirer immédiatement dans leurs cantonnements. Je pardonne à tous les

individus de ces corps militaires et à quiconque aurait momentanément dévié de son devoir.

« Palais des Nécessités, 27 janvier 1842.

LA REINE. »

Les députés présents à Lisbonne se réunirent et adressèrent à la reine un message qui se distinguait par un caractère de dignité calme qui n'est point habituel dans ce pays.

« Madame, les soussignés, députés de la nation portugaise, appelés en leur qualité à veiller plus particulièrement à la défense de la constitution de la monarchie, ne peuvent garder le silence au milieu de l'anxiété que tout le monde éprouve, par suite des actes criminels, effets d'une réaction qui veut la renverser. Convaincus que la tentative ayant pour objet de détruire le pacte que nous avons tous juré compromet gravement le trône et les libertés du pays, et menace son indépendance politique, les soussignés ont résolu de présenter à Votre Majesté cette adresse, et de manifester à la nation les sentiments dont tous sont animés pour la conservation de la constitution de 1838. Les soussignés ont la plus entière confiance dans Votre Majesté, ils ont la conviction qu'elle ne négligera rien de ce qui peut contribuer à maintenir la constitution et l'ordre légal, et à ramener la concorde et la tranquillité qui sont aujourd'hui les premiers besoins du pays et le vœu unanime des Portugais. »

Les partisans de Costa-Cabral n'avaient point signé cette adresse.

A cette époque (28 janvier), le journal officiel considérait encore le mouvement d'Oporto comme mettant en péril la cause de la liberté et de la paix; suivant l'organe du ministère, la charte, proclamée par une révolution, renversait les fondements les plus solides de l'ordre social et menaçait la monarchie. La même feuille pensait que la voix de la reine ne retentirait pas en vain à l'oreille des Portugais, que si le contraire arrivait, le gouvernement ferait rigoureusement son devoir, que si les événements provoquaient les moyens de répression, il les emploierait pour éviter des désastres à une nation digne d'un meilleur sort. Cependant, sitôt que le ministère apprit que les insurgés se disposaient à marcher sur Lisbonne au nombre de 6,000 hommes, il donna en masse sa démission. Le duc de Palmella fut chargé de la

formation d'un nouveau cabinet; l'exercice du pouvoir était suspendu, et à la faveur de l'inaction du gouvernement, l'insurrection se répandait dans le nord et y recueillait incessamment de nouvelles adhésions. Enfin, après plusieurs jours de crise ministérielle, la reine signa la liste suivante: Président du conseil, avec le portefeuille des affaires étrangères, le duc de Palmella; ministre de la guerre, Sada Bandeira; ministre de l'intérieur, J.-A. Mahalhaes; ministre de la marine, Jerva d'Alinquia; ministre de la justice, S.-F. de Soure; ministre des finances, par intérim, Avila. Bien que l'élément septembriste y dominât, ce ministère était un de ces cabinets de coalition formés d'éléments hétérogènes qui ne se maintiennent que par les mutuelles concessions de leurs membres, et qui sont particulièrement impuissants dans les moment difficiles, où une grande question diversement comprise exige une solution pressante. Les premières dispositions qu'il fit pour prévenir l'émeute à Lisbonne furent aussitôt paralysées; la garnison de la forteresse de Saint-Georges proclama la charte sans qu'on pût prendre aucune mesure pour la rappeler à l'obéissance. Des partisans septembristes, agissant par leur propre impulsion en dehors de l'activité administrative, avaient montré seuls quelque fermeté de résolution; mais une grande partie de la garnison, qui avait reçu l'ordre de seconder la résistance, refusa de marcher, et le cri de Vive la charte retentit bientôt par toute la ville. Alors une députation des officiers de la citadelle se présenta au palais dus Nécessités et demanda à être reçue par la reine, pour connaître ses opinions personnelles sur la révolution qui s'opérait; ils furent admis. La reine jugeait les événements assez avancés pour ne plus douter du succès des chartistes, mais, retenue par la crainte des soupçons que pouvait soulever un empressement trop vif à désespérer de la constitution de 1828, elle montra une grande indécision et répondit d'une manière évasive. Elle déclara qu'elle ne sanctionnerait jamais le renversement de la forme

actuelle du gouvernement par 'un mouvement militaire ; que du reste elle était prête à se conformer au vœu de la majorité de la nation, quel qu'il pût être. L'ordre fût rétabli et, à la faveur du calme, la charte fit de nouveaux prosélytes. Le ministère, voyant qu'il était impuissant à remplir la mission pour laquelle il semblait avoir été formé, résigna ses fonctions. Il fut remplacé par une administration composée de M. de Terceire, président du conseil et ministre de la guerre, de M. Mosinho d'Albuquerque, ministre de l'intérieur, du colonel Loureizo, ministre de la marine et des colonies; les départements de la justice et des affaires étrangères demeurèrent vacants.

En prenant possession du pouvoir, le ministère déclara que son intention était de soutenir la constitution de 1838; mais les septembristes ne se firent pas illusion sur cette démonstration peu sincère et qui ne s'appuyait ni sur les antécédents des membres du cabinet ni sur leurs sympathies actuelles. Ils remirent entre les mains de l'administration les armes qui leur avaient été confiées et se résignèrent à subir les événements.

Dans la matinée du 10 février, les barricades élevées les jours précédents avaient toutes été renversées; des bandes de chartistes parcouraient librement et gaiement les rues de Lisbonne; cinquante ou soixante jeunes gens d'une bonne tenue se présentèrent sous les fenêtres de la municipalité, et remplirent l'air des cris de Vive la charte, sans toutefois y mettre cet accent d'enthousiasme et de naïveté sincère qui, dans de pareils moments, donne aux masses un caractère imposant. La municipalité, à défaut d'une démonstration plus grave, saisit avec empressement cette occasion de tenter auprès de la reine, en faveur de la charte, une démarche qu'elle savait devoir être bien accueillie. Elle envoya une députation au palais avec mission de dire qu'une foule innombrable, irrésistible, demandait la charte.

Mais, dans les régions élevées du pouvoir, on avait déjà

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