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«gence et sans raison, sans mouvement et sans amour? Ce«< pendant, c'est le Verbe et la sagesse de Dieu qui est la rai<< son universelle des esprits; et c'est l'amour par lequel <«< Dieu l'aime, qui donne à l'àme tout le mouvement qu'elle <«< a vers le bien. L'esprit ne peut connaître la vérité que par << l'union naturelle et nécessaire avec la vérité même: il ne «< peut être raisonnable que par la raison : enfin, il ne peut <«< en un sens être esprit, intelligence, que parce que sa pro« pre substance est éclairée, pénétrée, perfectionnée par la << lumière de Dieu même. J'ai expliqué ailleurs ces vérités. « De même, la substance de l'âme n'est capable d'aimer le <«< bien que par l'union naturelle et nécessaire avec l'amour << éternel et substantiel du souverain bien : elle n'avance << vers le bien qu'autant que Dieu la transporte : elle n'est << volonté que par le mouvement que Dieu lui imprime sans <«< cesse ; elle ne vit que par la charité; elle ne veut que par << l'amour du bien dont Dieu lui fait part, quoiqu'elle en << abuse. Car enfin, comme Dieu ne fait et ne conserve les « esprits que pour lui, il les porte vers lui tant qu'il leur <«< conserve l'être; il leur communique l'amour du bien au<< tant qu'ils en sont capables. Or ce mouvement naturel et << continuel de l'âme vers le bien en général, vers le bien << indéterminé, vers Dieu, c'est ce que j'appelle ici volonté, << parce que c'est ce mouvement qui rend la substance de << l'âme capable d'aimer différents biens. >>

Mon dessein dans ce premier article est de déterminer précisément ce que j'entends par le mot de volonté. Car j'ai toujours cru que les termes les plus communs sont les plus confus, quoiqu'on s'imagine les bien entendre, à cause qu'ils sont familiers. Cela est visible. Mais il est encore plus visible que ce que je dis depuis le commencement de cet article jusqu'à ces paroles, j'ai expliqué ailleurs ces vérités, et où je renvoie à ce que j'ai enseigné de la nature des idées, n'est qu'une entrée de discours, qu'on pourrait absolument retrancher sans nuire à la suite. Mais dans les discours il y

faut des ornements ou des préambules, et je ne crois pas qu'on trouve que celui-ci soit trop long et tout à fait éloigné du sujet dont je traite.

VI. Mais pourquoi l'auteur de la lettre a-t-il marqué, non en particulier, comme le dit M. Arnauld, mais entre plusieurs choses, le lieu où je traite de la nature des idées? Puisqu'il faut rendre raison de tout, en voici, Monsieur, la véritable.

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C'est que j'ai cité deux fois ce même endroit à la marge du Traité de la Nature et de la Grâce. Je l'ai cité dans le premier article du troisième discours, afin qu'on pût s'instruire à fond si on le voulait des vérités qui sont renfermées dans ce même article. Mais je l'ai cité plus utilement à la marge du septième article du premier discours, de laquelle citation M. Arnauld ne parle point, et de laquelle seule il devait parler car ce n'est que par cette citation que ce que je dis de la nature des idées a quelque rapport au Traité de la Nature et de la Gráce. Je vous prie, Monsieur, de prendre garde à ceci.

VII. J'ai prouvé dans la Recherche de la Vérité, que nous voyons en Dieu toutes les choses dont nous avons des idées claires, c'est-à-dire dans une nature immuable, dans la sagesse éternelle, dans la raison universelle, j'ai prouvé que tous les esprits avaient un bien commun, la raison, qui éclaire tous les hommes, et par laquelle seule ils peuvent avoir entre eux, et même avec Dieu, une véritable société et communion de pensées et de mouvements. En un mot, j'ai prouvé dans l'éclaircissement que je cite, que si ce n'était pas la sagesse de Dieu même qui nous éclairât, si nous n'avions pas tous, lorsque nous rentrons en nous-mêmes, l'idée d'un ordre tellement immuable par sa nature, que Dieu même ne le peut changer et n'en pas suivre les lois, parce qu'il aime invinciblement sa sagesse et ne peut se démentir soi-même; il n'y aurait plus de preuve démonstrative de la morale et de la religion, ni même aucune science véritable.

VIII. Car comment pourrait-on prouver à un libertin que la nature est déréglée, s'il n'y avait point d'ordre immuable et nécessaire? Il n'a qu'à répondre hardiment que Dieu a fait les esprits pour les corps, pour boire, manger, jouir en repos des objets sensibles. Comment lui prouvera-t-on que Dieu récompensera les bonnes œuvres, et punira les crimes, et même que le juste et l'injuste n'est point un fantôme dont on se sert pour faire peur aux crédules? Le libertin n'a qu'à dire fièrement et brutalement, que la sagesse ou la raison de Dieu est bien différente de la nôtre; qu'il nous paraît juste de récompenser ce qu'on appelle de bonnes œuvres ; mais que ce qui paraît juste ne l'est nullement, ou ne l'est nullement à l'égard de Dieu, qui est le maître absolu de ses créatures; que sa sagesse, enfin, et sa justice, si on veut lui attribuer ces qualités, n'ont rien de commun avec nos faibles pensées.

IX. Ainsi voulant justifier dans le Traité de la Nature et de la Grâce, la sagesse de Dieu dans la construction de son ouvrage; voulant prouver que Dieu est toujours sage, juste, bon, et faire concevoir quelque chose par les termes de sagesse, de justice et de bonté, je devais renvoyer à ce que j'ai prouvé, ce me semble, incontestablement dans l'Éclaircissement sur la nature des idées. Mais tout le Traité de la Nature et de la Grâce ne suppose rien de ce que combat M. Arnauld dans son livre des Vraies et des Fausses Idées, dont il fait son préambule, pour renverser ce qu'il appelle mes nouvelles pensées. Et pourvu qu'il veuille bien demeurer d'accord que lorsqu'on dit que Dieu est juste, bon, sage, on ne prononce point des mots vides de sens, mais qu'on réveille des idées qui sont communes à tous ceux qui rentrent en eux-mêmes, pour y consulter la sagesse éternelle qui parle à tous les esprits immédiatement et par elle-même, comme le dit saint Augustin en plusieurs endroits; je lui accorde, par rapport seulement à mon Traité, tout ce qu'il avance d'extraordinaire et sans preuve dans son grand préambule de trois cents pages.

X. Mais, Monsieur, afin que vous voyiez clairement la raison de ma citation, et pourquoi uniquement je renvoie expressément, comme dit M. Arnauld, à l'Éclaircissement de la nature des idées, car je ne l'ai cité que deux fois; voici l'article VII du premier discours de la Nature et de la Grâce, avec la citation en marge.

ART. VII. «Si je n'étais persuadé que tous les hommes ne <<< sont raisonnables que parce qu'ils sont éclairés de la sa«gesse éternelle, je serais sans doute bien téméraire de << parler des desseins de Dieu, et de vouloir découvrir quel<< ques-unes de ses voies dans la production de son ouvrage; <«< mais comme il est certain que le Verbe éternel est la rai«< son universelle des esprits, et que par la lumière qu'il ré« pand en nous sans cesse nous pouvons tous avoir quelque << commerce avec Dieu, on ne doit point trouver à redire « que je consulte cette lumière, laquelle quoique substantielle «< à Dieu même, ne laisse pas de répondre à tous ceux qui << savent l'interroger par une attention sérieuse. »>

ART. VIII. « J'avoue néanmoins que la foi enseigne beau« coup de vérités qu'on ne peut découvrir par l'union natu<< relle de l'esprit avec la raison. La vérité éternelle ne ré<< pond pas à toutes nos demandes; car nous demandons << quelquefois plus que nous ne pouvons recevoir; mais il ne << faut pas que cela nous serve de prétexte pour couvrir notre << paresse et notre inapplication. »

ART. IX. « Le commun des hommes se lasse bientôt dans << la prière naturelle, que l'esprit par son attention doit faire « à la vérité intérieure, afin qu'il reçoive la lumière et l'in<«<telligence; et fatigués qu'ils sont de cet exercice pénible, <«< ils en parlent avec mépris, ils se découragent les uns les << autres, et mettent à couvert leur faiblesse et leur igno<«<rance sous les apparences trompeuses d'une fausse hu<< milité. >>

Il est donc visible, que M. Arnauld est trop éclairé pour avoir pu croire qu'effectivement il était à propos qu'il com

battît ce que j'enseigne des idées par un livre qui lui servît de préambule à son grand dessein, qu'il promet depuis longtemps d'exécuter au plus tôt. Néanmoins il ne pouvait mieux faire; mais pour d'autres raisons que celles qu'il donne, et qu'il n'est pas, ce me semble, trop difficile de reconnaître. Je ne vous les dirai pas, Monsieur, afin qu'on ne m'accuse pas de juger des intentions secrètes. Je serai content, pourvu que vous soyez persuadé qu'il n'a pas pu prendre le change, ni dû le donner aux autres, en laissant le Traité de la Nature et de la Grâce, pour des questions abstraites dont peu de gens sont capables; et surprendre ainsi le public par la réputation qu'il a heureusement acquise, et dont j'appréhende pour lui qu'un jour il ne rende compte.

CHAPITRE III. - Raisons pour lesquelles M. Arnauld est indispensablement obligé de donner incessamment son examen du Traité de la Nature et de la Grâce. Dogme nouveau qu'il avance sur la grâce et la prédestination.

Il y a, Monsieur, bien des raisons de justice, de charité, de religion et d'honneur qui obligent M. Arnauld à faire paraître incessamment ce qu'il pense sur le Traité de la Nature et de la Gráce. Je vous prie d'y faire attention; en voici les principales.

I. Il y a environ quatre ans qu'il me l'a promis, et il y en a deux ou trois qu'il l'a promis au public, j'entends à ses amis, qui n'ont rendu que trop publique la promesse qu'il leur en a faite. Il y est donc engagé par honneur.

II. En second lieu, on lui a fait savoir que le jugement qu'il en a porté il y a plus de quatre ans, « après l'avoir parcouru avec beaucoup de précipitation, » comme il le dit lui-même dans sa lettre, contre la condition que j'avais exigée, et qu'il avait acceptée, m'avait attiré le mépris, la calomnie et l'indignation de bien des gens. Il y est donc obligé par justice.

III. En troisième lieu, il sait qu'avant même que ce Traité

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