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la sagesse et la bonté de Dieu dans la construction de son

ouvrage.

J'ai cru, Monsieur, que tout ceci devait précéder ma réponse au livre de M. Arnauld des Vraies et des Fausses Idées. Mais il est temps de la commencer.

CHAPITRE V. Quel est l'état de la question. M. Arnauld prétend que les modalités de l'âme sont essentiellement représentatives des objets différents de l'âme; et je soutiens que ces modalités ne sont que des sentiments qui ne représentent à l'âme rien de différent d'elle-même.

I. Le sujet peut-être le plus abstrait de la métaphysique, est celui de la nature de nos idées. La plupart des philosophes ne se mettent point en peine de s'éclaircir sur cette matière, et, quoiqu'ils définissent l'homme animal rationis particeps, il y en a peu qui sachent que cette raison universelle à laquelle tous les hommes participent, c'est le Verbe ou la Raison de Dieu même, la sagesse éternelle qui éclaire et nourrit tous les esprits de la substance intelligible de la vérité qu'il renferme. M. Arnauld, au lieu d'éclaircir cette matière, prétend que l'homme est à lui-même sa lumière et sa raison, comme je ferai voir dans la suite, et brouille de telle manière les preuves que j'ai données, que Dieu ne nous fait rien connaître que par la manifestation d'une nature immuable, qu'il n'est pas possible, en lisan son livre, de comprendre clairement quelque chose dans le sentiment, que je crois avoir suffisamment expliqué pour des esprits attentifs dans la Recherche de la Vérité.

II. Il est donc nécessaire que je répète quelque chose de ce que j'ai déjà dit de la nature des idées, et ce qu'en croit M. Arnauld, afin qu'on reconnaisse par mes preuves et par les siennes, lequel de nous deux a raison. Je ne donnerai point d'autres preuves de mon sentiment, que celles qui sont imprimées avant le livre des Vraies et des Fausses Idées, dans

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la Recherche de la Vérité, et ailleurs, afin qu'on juge si M. Arnauld a eu raison de ne s'y pas rendre. Et je ferai voir que celles de M. Arnauld ne prouvent rien, ou plutôt que M. Arnauld n'a apporté aucune preuve de son sentiment; car, en effet, comme on ne connaît l'âme que par le sentiment intérieur, quand son opinion serait véritable, il ne pourrait jamais la démontrer comme il prétend faire. Ceux-là m'entendent bien qui savent la différence qu'il y a entre les idées et les sentiments confus, entre connaître et sentir. Je commence à expliquer mon sentiment par la Recherche de la Vérité.

Recherche de la Vérité, chapitre 1er de la deuxième partie du troisième livre. - III. «Toutes les choses que l'âme aper<< çoit sont de deux sortes: ou elles sont dans l'âme, ou elles << sont hors de l'âme. Celles qui sont dans l'âme sont ses << propres pensées, c'est-à-dire toutes ses différentes modifi<«< cations; car, par ces mots pensée, manière de penser ou « modification de l'âme, j'entends généralement toutes les << choses qui ne peuvent être dans l'âme sans qu'elle les << aperçoive, comme sont ses propres sensations, ses imagi<«< nations, ses pures intellections ou simplement ses concep«<tions, ses passions mêmes et ses inclinations naturelles << Or, notre âme n'a pas besoin d'idées pour apercevoir toutes. <«< ces choses, parce qu'elles sont au dedans de l'âme, ou << plutôt parce qu'elles ne sont que l'âme même d'une telle

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ou telle façon de même que la rondeur réelle de quelque <«< corps, et son mouvement, ne sont que ce corps figuré et << transporté d'une telle ou telle façon. Mais pour les choses <«< qui sont hors de l'âme, nous ne pouvons les apercevoir << que par le moyen des idées, supposé que ces choses ne << puissent pas lui être intimement unies. » Vous trouverez encore la même chose dans le chapitre 5 de la deuxième partie du troisième livre.

IV. J'ai dit : « supposé que ces choses ne puissent pas lui

être intimement unies,» parce que je prétends, comme on verra par la suite, que l'étendue intelligible, les nombres, l'infini, en un mot, toutes les natures immuables que Dieu renferme dans l'immensité et la simplicité de sa substance infiniment infinie, peuvent, sans idée, s'unir à l'âme, de manière qu'elle les contemple. Je prétends même qu'on ne connaît les créatures que par le moyen de cette substance divine et intelligible dans laquelle Dieu même les voit.

V. A l'égard des objets sensibles, je prétends, chapitre 1er de la deuxième partie du troisième livre, que nous ne pouvons les apercevoir, si leurs idées (je n'examine point encore ce que c'est qu'idée) « ne viennent ou de ces objets, ou que « notre âme ait la puissance de les produire, ou que Dieu << les ait produites avec elle en la créant, ou qu'il les pro<< duise toutes les fois qu'on pense à quelque objet, ou que « l'âme ait en elle-même toutes les perfections qu'elle voit « dans ces corps, ce qui revient au sentiment de M. Arnauld, <«< ou enfin qu'elle soit unie avec un Être tout parfait et qui « renferme généralement toutes les perfections des êtres «< créés. »

VI. M. Arnauld, page 33, rapporte aussi cette énumération des manières dont on peut voir les objets sensibles, et il ajoute « Si ces prétendus étres représentatifs des corps n'étaient pas de pures chimères, j'avouerais sans peine qu'il faudrait qu'ils se trouvassent dans notre esprit par quelqu'une de ces cinq manières. Mais, comme je suis persuadé qu'il n'y a rien de plus chimérique, j'ai le dernier étonnement que notre ami, qui a détruit tant d'autres chimères, ait pu donner dans celle-ci. >>

VII. Ainsi, selon M. Arnauld, mon analyse ou ma division est exacte, et il convient, page 107, « que les quatre premières n'ont aucune apparence de vérité, » et, par conséquent, il est nécessaire que la cinquième soit véritable, et que tout l'ouvrage de M. Arnauld se renverse, supposé que

je prouve la nécessité des idées différentes des modalités représentatives qu'il a découvertes, quoiqu'il n'y ait personne au monde qui n'en sache sur cela autant que lui, comme on verra dans la suite; car voici son sentiment.

VIII. Il prétend qu'afin que l'esprit aperçoive tel ou tel objet, il suffit qu'il soit modifié de telle ou telle manière. << Les vraies modifications, dit-il, ne se pouvant concevoir sans concevoir la substance dont elles sont modifications; si ma nature est de penser, et que je puisse penser à diverses choses sans changer de nature, il faut que ces diverses pensées ne soient que différentes modifications de la pensée qui fait ma nature; » et il croit que son opinion est si claire et si certaine, qu'il trouve qu'il est « ridicule de demander d'où vient que notre esprit aperçoit les objets? Ceux, dit-il, qui ne veulent pas voir ce que c'est qu'apercevoir les objets, je ne sais pas comment le leur faire mieux entendre qu'en leur disant que la nature de l'esprit est de les apercevoir.» Je pense qu'il n'y a point d'homme qui n'en pût dire autant que lui.

IX. M. Arnauld ne met donc point de différence entre les perceptions de l'âme, en tant que modalités de sa substance, et les idées des objets; il prend la perception et l'idée pour une même chose, page 36; en un mot, selon lui, page 37, << toutes nos perceptions sont des modalités essentiellement représentatives. » Il regarde enfin le sentiment de ceux qui prétendent qu'outre la modification de l'âme, il est nécessaire qu'il y ait une idée différente de la même modification, afin que cette modification soit perception de quelque chose, comme un préjugé dans lequel il croit que les philosophes ont donné sur de sottes raisons (chap. 2), et « que l'auteur de la Recherche de la Vérité les ait reçues aussi bien qu'eux sans autre examen; rien, en vérité, n'est plus étonnant. » Ce sont ses paroles.

X. Si M. Arnauld avait examiné avec les yeux de l'esprit,

et sans chagrin, le chapitre 5 de la Recherche de la Vérité, deuxième partie, livre 3, et la réponse à la seconde Objection qui est à la fin de l'Éclaircissement sur la nature des idées, deuxième partie, livre 3, endroits où je réfute son sentiment en peu de mots et comme par hasard; car son sentiment étant fort éloigné de celui des philosophes ordinaires, comme il le dit lui-même fort souvent, et principalement dans son quatrième chapitre, et mon dessein, dans les premiers livres de la Recherche de la Vérité, étant de délivrer l'esprit des préjugés ordinaires, avant la méthode pour découvrir la vérité que j'ai donnée dans le dernier, je n'avais garde de m'arrêter longtemps à la réfutation de son sentiment; si, dis-je, M. Arnauld avait apporté quelque attention à la lecture des deux endroits que je cite, il aurait bien compris que ce n'est point par préjugé et sans examen que je soutiens que nos perceptions, en tant que modifications de l'esprit, sont différentes de nos idées. Je parle des idées qui nous représentent des êtres différents de nos modifications; car j'ai dit, dans la Recherche de la Vérité, chapitre 4 er et 5 de la deuxième partie du troisième livre, et ailleurs, qu'il ne faut point d'idée pour représenter à l'âme son plaisir, sa douleur et généralement tous ses sentiments, ni pour lui représenter ses propres connaissances, mais seulement les objets de ses connaissances; car je connais un carré par une idée, mais ce n'est que par sentiment intérieur de ma perception que je le connais. Pour connaître, il faut des idées différentes des modifications de l'esprit; mais il n'en faut point pour sentir ce qui se passe en soi-même. Vérité que M. Arnauld jusqu'ici n'a pas pu comprendre; car il croit même que sentir c'est connaître, et c'est pour cela qu'il s'imagine connaître l'âme et ses modifications, aussi clairement que les géomètres connaissent l'étendue et les vérités des mathématiques. Voyez, Monsieur, les chapitres 23, 24 et 25 des Vraies et des Fausses Idées, après avoir lu l'Éclair

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