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semblant de l'ètre, il a fait une géométrie sans avoir d'idée de l'objet unique de cette science; car la géométrie n'a point d'autre objet que l'étendue intelligible.

CHAPITRE VIII.

Extrait des Méditations chrétiennes, contenant plusieurs preuves.

I. Voici, Monsieur, un extrait des Méditations chrétiennes, où sont contenues diverses preuves contre les modalités essentiellement représentatives. J'ajoute ici ces preuves, parce qu'elles sont imprimées avant le livre des Vraies et des Fausses Idées. Vous jugerez, après tout cela, si M. Arnauld a eu raison de dire, « que je suis entré, sans autre examen, dans les préjugés des philosophes » qui, selon sa décision, se sont imaginé sur quelques expériences des miroirs, qu'il fallait des être représentatifs pour voir les objets.

C'est la raison qui parle à l'esprit. — II. Tu demeureras peut-être d'accord que les idées des objets qui t'environnent se produisent en toi, par une puissance que tu ne connais pas et qui ne t'appartient pas, pourvu que l'on t'accorde aussi, que cette puissance ne produise tes idées que de ta propre substance: car tu veux trouver en toi toutes choses; et si tu sens bien que tu ne les renfermes pas toutes actuellement, tu prétends du moins les renfermer en puissance et dans leurs idées.

III. Mais, je te prie, peut-on tirer d'un être aussi limité que tu es, les idées de tous les êtres; d'un être d'une seule espèce, les idées de toutes les espèces; d'un être imparfait et déréglé, les idées que tu as de la perfection et de l'ordre? trouveras-tu dans la mutabilité de ta nature, des vérités nécessaires; dans l'inconstance de tes volontés, des lois incapables de changement; dans un esprit de quelques jours, des vérités et des lois éternelles?

IV. Tu pénètres les cieux, tu perces les abîmes, tu découvres le mouvement et la situation des astres, tu devines la qualité et la formation des métaux, tu te répands même au

delà des cieux; car tu passes les bornes du monde que tu considères; et cependant tu t'imagines que tu renfermes en toi-même tout ce que tu vois. Quoi! penses-tu être assez grand pour renfermer en toi les espaces immenses que tu aperçois? Penses-tu que ton être puisse recevoir des modifications qui te représentent actuellement l'infini? penses-tu même avoir assez d'étendue pour contenir en toi l'idée de tout ce que tu peux concevoir dans ce qu'on appelle un atome? car tu conçois clairement que la plus petite partie de la matière que tu imagines, se pouvant diviser à l'infini, elle renferme en puissance une infinité de figures et de rapports tous différents.

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V. Je t'accorde cependant que tu puisses recevoir actuellement en toi des modifications infinies; mais quand tu penses à des espaces immenses, tu ne vois pas seulement des modifications infinies, tu vois une substance infinie; tu ne la vois donc pas en toi.

VI. Réponds-moi. Tu vois clairement que l'hyperbole et ses asymptotes, et une infinité de lignes semblables prolongées à l'infini, s'approchent toujours sans jamais se joindre : tu vois évidemment qu'on peut approcher à l'infini de la racine de 5, de 6, de 7, de 8, de 10, et d'une infinité de nombres semblables, sans pouvoir jamais la rencontrer; comment, je te prie, te modifieras-tu pour te représenter ces choses?

VII. Comment toi, qui es un être particulier, te modïfierais-tu pour te représenter une figure en général? comment toi, qui n'es pas tout être, mais seulement esprit, pourraistu voir en toi cent ou un centième; en toi, qui ne peux ni te multiplier par cent, ni te diviser en cent? conçois-tu que la modification d'un être particulier puisse être une modification universelle; qu'on puisse découvrir des corps dans des ètres qui ne renferment que les propriétés des esprits; qu'on puisse diviser à l'infini les esprits comme les corps, afin d'en multiplier les parties?

VIII. Ne conçois-tu pas qu'un cercle en général ne peut être fait, et qu'il peut être connu? Ne sens-tu pas que les corps que tu vois sont entièrement distingués de toi ? et ne comprends-tu pas que les nombres que tu compares entre eux, et dont tu reconnais les rapports, sont bien différents de tes modifications, que tu ne peux comparer entre elles, et dont tu ne peux découvrir aucun rapport?

IX. Tu t'imagines qu'il est nécessaire que tes idées soient des manières d'ètre de toi, afin que tu les aperçoives aussi clairement que tu fais : et tu ne prends pas garde, que tu ne comprends rien dans tes propres sensations, qui certainement sont des modifications de ta substance.

X. Sais-tu clairement ce que c'est que ton plaisir et ta joie, ta douleur et ta tristesse? peux-tu comparer ces choses entre elles, pour en reconnaître les rapports aussi clairement que tu connais que six est double de trois, et que le carré de la sous-tendante d'un angle droit est égal aux carrés des deux côtés? si tu ne connais tes modifications que d'une manière fort imparfaite, pourquoi mets-tu tes idées de leur nombre, comme si sans cela tu ne pouvais les apercevoir aussi clairement que tu fais?

XI. Tu sens tes modifications, et tu ne les connais pas : tu connais tes idées et les choses par leurs idées, et tu ne les sens pas : dès que tu veux t'appliquer à quelque idée, elle se représente à toi; et quoi que tu veuilles sentir, du plaisir ou de la joie, tes volontés ne produisent rien en toi. Comment donc ne vois-tu pas la différence qu'il y a entre tes modifications et tes idées?

XII. Tu ne te modifies pas comme tu veux, et tu penses à ce que tu veux. D'où vient cela? si ce n'est que tu n'es pas fait pour te sentir, ni pour te connaître, mais pour connaître la vérité, qui ne se trouve pas en toi; tu ne connais point clairement tes sensations, quoiqu'elles soient en toi, et une même chose avec toi. D'où vient cela, si tu es ta lumière à toi-même, si ta substance est intelligible, si ta substance est

lumière illuminante? car je t'accorde qu'elle est lumière, mais lumière illuminée.

XIII. Sache donc, que tu n'es que ténèbres, que tu ne peux te connaitre clairement en te considérant, et que jusqu'à ce que tu te voies dans ton idée, ou dans celui qui te renferme, toi et tous les êtres, d'une manière intelligible, tu seras inintelligible à toi-même. Tu reconnaîtras peut-être dans la suite de tes méditations, la vérité de ce que je te dis présentement: convaincs-toi seulement que les idées par lesquelles tu aperçois les objets ne sont point des modifications de ta substance, puisque tu connais clairement tes idées, et que tu ne connais que par sentiment intérieur, et d'une manière fort confuse et fort imparfaite, tes propres modifications, et encore pour les autres raisons que je viens de te proposer. .

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CHAPITRE IX.

Réponse à quelques objections.

. I. A quoi bon soutenir cette mystérieuse pensée que nous voyons en Dieu toutes choses? « Quand nous ne dépendrions point de Dieu en cela, cette dépendance, dit M. Arnauld, ne serait point assez considérable pour en faire tant de bruit. » Voici deux réponses :

II. La première : A quoi bon prouver que nos modalités sont essentiellement représentatives, je ne dis pas des créatures, mais du Créateur? A quoi bon combattre par un livre de trois cents pages le sentiment que j'ai que c'est Dieu qui nous éclaire? Cette dépendance ne peut point faire assez de mal pour en faire tant de bruit. M. Arnauld fait un livre exprès pour prouver que nos modalités sont essentiellement représentatives. Je n'ai écrit que quelques pages pour défendre l'honneur de la raison universelle. Lequel de nous deux fait le plus de bruit sur un plus maigre sujet?

III. La deuxième réponse, c'est que le devoir indispensable de ceux qui se mêlent de philosopher, aussi bien que celui

de toutes les conditions, c'est de rendre soi-même et de porter les autres à rendre à Dieu tout l'honneur qui lui est dû. Si un homme simple parlait de Dieu, comme s'il ne se mélait point des insectes, et n'en connaissait pas le nombre, peut-être ne ferait-il pas grand mal; car il pourrait entrer dans ce sentiment de peur d'abaisser la majesté de Dieu. Mais si un philosophe ne fait pas tout ce qu'il peut pour faire rendre à Dieu tout l'honneur qui est dû à sa puissance, en prouvant que c'est lui qui fait tout, et que la nature est une chimère, ou c'est un méchant philosophe, ou un méchant homme. De même, s'il ne fait pas tout ce qu'il peut pour faire rendre à Dieu tout l'honneur qui est dù à sa sagesse ou à son Verbe, en prouvant que ni les corps qui nous environnent, ni nos modalités, ni même les intelligences, ne peuvent nous apprendre aucune vérité, mais seulement la raison universelle qui les renferme toutes en sa substance, toujours lumière à ceux qui la contemplent avec attention, comme dit saint Augustin, ou c'est un philosophe peu éclairé, ou du moins c'est un homme peu délicat sur ses devoirs. M. Arnauld continue:

IV. « Je dis donc premièrement, que quand nos âmes dépendraient de Dieu, en ce qu'elles ne pourraient trouver qu'en lui des êtres représentatifs qu'il appelle idées; cette dépendance n'ajouterait guère à celle qu'elles ont comme créatures. » Je réponds qu'on n'a point de tort de faire comprendre que l'esprit dépend de Dieu en toutes manières, et qu'on a grand tort de composer un livre de trois cents pages, et faire grand bruit pour tirer l'homme de la dépendance où je l'avais mis, quand même on ne l'en tirerait guère.

V. Il continue « Il n'y aurait donc rien en cela de considérable, et nous avons tant d'autres sujets de reconnaissance envers Dieu infiniment plus importants. >>

VI. RÉPONSE.

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Les philosophes chrétiens ont grand tort de prouver aux hommes que c'est Dieu qui fait tout, jus

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