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dessein de réfuter, c'est que l'àme voit les objets par des espèces expresses, ou exprimées des impresses qu'impriment les objets, etc. Ne pouvais-je pas, leur parlant, commencer par cette proposition, « qu'on tombait d'accord que nous n'apercevions point les objets qui sont hors de nous, par euxmèmes, » puisque ces philosophes la reçoivent?

IV. Mais, dira M. Arnauld, je n'en conviens pas : pourquoi le supposez-vous? Et moi je lui répondrai : Je ne vous parle pas encore. Attendez un peu, Monsieur, ou passez au chapitre 5', et vous y verrez que je prouve par d'autres principes, que « nos modalités ne sont point essentiellement représentatives. >>

V. Vous croyez, Monsieur, que les bêtes raisonnent, moi qu'elles sentent, et M. Arnauld qu'elles ne raisonnent ni ne sentent. M. Arnauld, pour vous convaincre, vous dit, par exemple Tout le monde demeure d'accord, que pour raisonner, il faut être uni à la raison, etc. Sur cela je lui déclare qu'il se trompe, et qu'il avance une proposition qui ne fait rien contre mon sentiment. Et je vas jusqu'à en conclure, que c'est une démonstration que les bêtent sentent. Suis-je en cela raisonnable? Car, Monsieur, prenez garde à la proposition à démontrer, que M. Arnauld s'est proposée, et voyez s'il raisonne juste. Certainement, quand j'aurais été assez ridicule, pour supposer ce qui est en question; quand tout ce que j'ai écrit de la nature des idées, serait tout à fait impertinent, M. Arnauld n'aurait encore nul droit de prétendre avoir prouvé sa proposition à démontrer, qui est << que notre esprit n'a point besoin, pour connaître les choses matérielles, de certains êtres représentatifs distingués des perceptions. >> Car il se pourrait faire fort facilement qu'un autre plus habile que moi, convaincrait M. Arnauld, ou du moins toute la terre, que les « modalités de l'âme ne sont point essentiellement représentatives, » et qu'il faut des idées

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Livre troisième, partie deuxième de la Recherche de la Vérité.

distinguées de ces modalités, afin d'avoir la perception de quelque objet. Enfin, quand personne ne pourrait donner de preuves qu'il ne réfutât, c'est une nouvelle manière de démontrer les propositions, qu'on ne recevra jamais, que de conclure qu'une chose n'est pas, à cause que la preuve qu'on en donne ne vaut rien.

VI. Comme M. Arnauld a une idée de l'àme plus claire' que celle que les géomètres ont de l'étendue et des figures, que ne démontre-t-il par cette idée, que ses modalités sont essentiellement représentatives? Rien ne lui est plus facile. Car rien n'est plus facile à comprendre à celui qui a l'idée de l'étendue, que toute figure en est une modification. Et personne, que je sache, que M. Arnauld, n'a jamais compris clairement que l'idée d'un cercle, ou de l'infini, fùt une modification de son esprit.

M. Arnauld dira tant qu'il voudra, que pour lui il en est convaincu : «< Que rien ne peut être plus clair, pourvu que l'on ne s'arrête qu'à ce que l'on voit clairement dans soimême, et qu'on n'y mêle point d'autres choses que l'on n'y voit point, mais qu'on s'est imaginé faussement y devoir être. Que si je m'étais consulté moi-même, si j'avais considéré attentivement ce qui se passe dans mon esprit, j'y aurais vu clairement, etc. » C'est à de semblables affirmations que toutes ses démonstrations se réduisent. Car pour moi je lui répondrai que je ne vois rien de clair sans idées que je me sens, et que je ne me connais pas que lorsque je pense à un cercle, ou que je connais quelque chose par une idée, je le vois comme séparé de moi. Je lui donnerai des preuves, que je n'appellerai point démonstrations, parce qu'on ne démontre que les propriétés des choses dont on a des idées claires; mais des preuves dont on ne fera jamais voir la fausseté.

VII. Au reste, Monsieur, ma proposition, que nous n'aper

Voyez les chap. 23, 24 et 25.

cevons point les objets par eux-mêmes, n'est équivoque qu'en ce qu'elle est générale. Elle marque seulement, que l'objet qu'on regarde n'est point l'idée, ou selon M. Arnauld, la modalité qui en est représentative. De sorte qu'elle est vraie au sens même de M. Arnauld: et je ne vois pas pourquoi il ne lui plait pas de la recevoir. Mais de dire, que cette première phrase, ou cette entrée de discours dont je me sers pour venir à la définition du mot d'idée, soit le principe de ce que je veux prouver de la nature des idées, assurément c'est du moins ne prendre pas garde à ce qu'on dit. Car quand je n'aurais point marqué le sentiment de M. Arnauld dans l'énumération que j'ai faite des diverses manières dont on peut voir les objets ' : quand je n'aurais point réfuté son sentiment dans le chapitre 5 de la deuxième partie du troisième livre et dans l'Éclaircissement sur ce sujet; il devrait avoir cette équité de croire, que je ne suppose qu'on ne peut voir les objets en eux-mêmes (ce qui néanmoins est certain) que parce que je veux réfuter des personnes qui en conviennent.

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CHAPITRE XII.

Réponse à la deuxième et troisième prétendue Démonstration de M. Arnauld,

Ne trouvez pas mauvais, Monsieur, si je vous arrête à la lecture de choses qui n'ont nulle utilité, ni nul agrément. La réputation de M. Arnauld m'oblige, à cause de la vérité, à faire remarquer ses méprises, et qu'il a bien désappris à faire des démonstrations. Voici comme il commence sa seconde.

IIe Démonstration de M. Arnauld.-I. « Ce n'est pas philosopher avec justesse, en traitant d'une matière importante, que de prendre d'abord pour un principe général, dont on fait dépendre tout ce qu'on dit dans la suite, ce qui non-seulement n'est pas clair, mais tout ce qui est contraire à ce qui

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Chap. 1 de la deuxième partie du troisième livre.

nous est si clair et si évident qu'il nous est impossible d'en douter.» (C'est ce qu'il devrait prouver, et qu'il a mis dans sa proposition à démontrer, qu'apparemment il a oubliée.)

« Or c'est ce qu'a fait l'auteur de la Recherche de la Vérité dans son Traité de la Nature des Idées.

<< On ne peut donc philosopher avec moins de justesse qu'il a fait dans cette matière, ni d'une manière plus opposée à celle qu'il a suivie dans presque toutes les autres. Il n'y a que la mineure à prouver.

« Ce qu'il a supposé d'abord comme un principe clair et indubitable, est que notre esprit ne pouvait connaître que les objets qui sont présents à notre âme. Et c'est ce qui lui fait dire nous voyons le soleil, les étoiles, et une infinité d'objets hors de nous. »

RÉPONSE. - II. M. Arnauld a mis pour le titre de son huitième chapitre, aussi bien que des trois suivants, Démonstration. Mais vous voyez bien, Monsieur, que c'est la mème méprise que dans le chapitre précédent. C'est là un moyen court et facile de faire des démonstrations à peu de frais. Mais aussi de ma part, je ne veux pas faire les frais d'une seconde réponse. Car ce que je viens de dire dans le chapitre précédent, suffit pour réfuter cette seconde démonstration. Je vous prie, Monsieur, d'y prendre garde.

III. Après que M. Arnauld, content de sa prétendue démonstration, s'est un peu égayé, il continue:

«Mais raillerie à part, il est certain que notre ami a supposé, par ce qu'il dit en cet endroit et dans tout le reste de son Traité de la Nature des Idées, que notre âme ne peut voir ni connaître, ni apercevoir (car tout cela est la même chose) les objets éloignés du lieu où elle est, tant qu'ils en demeurent éloignés. » Or, non-seulement je doute de ce prétendu principe, mais je soutiens qu'il est faux de la dernière fausseté.

RÉPONSE. IV. Sans doute ce principe est faux de la dernière fausseté, je l'ai toujours cru tel: il faudrait être bien

stupide pour en douter. M. Arnauld a grand tort de me l'attribuer, et de dire « qu'il est certain que je le suppose dans tout le reste du Traité de la Nature des Idées. »

V. Le supposé-je, lorsque je dis dès le premier chapitre de la Nature des Idées', ces paroles sept ou huit lignes après sa citation: <«< Il faut bien remarquer, qu'afin que l'esprit « aperçoive quelque objet, il est absolument nécessaire que « l'idée de cet objet lui soit actuellement présente; il n'est « pas possible d'en douter (je n'examine point là ce que « c'est qu'idée); mais il n'est pas nécessaire qu'il y ait au « dehors quelque chose de semblable à cette idée. Car il ar<< rive très-souvent que l'on aperçoit des choses qui ne sont point, et qui n'ont jamais été. » Remarquez, Monsieur, ces paroles, et comparez-les avec celles-ci de M. Arnauld: « Mais raillerie à part, il est certain que notre ami a supposé, par ce qu'il dit en cet endroit et dans toût le reste de << son traité, que notre àme ne peut voir les objets éloignés <«< du lieu où elle est, tant qu'ils en demeurent éloignés. »

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<< Ainsi, continué-je, l'on a souvent dans l'esprit des idées << réelles de choses qui ne furent jamais. Lorsqu'un homme, <«< par exemple, voit une montagne d'or, il est absolument né<«< cessaire que l'idée de cette montagne soit réellement présente << à son esprit; mais cette montagne n'est point réellement. » Encore un coup, je n'examine point dans ce chapitre ce que c'est qu' idée, et je n'établis mon sentiment, qu'après avoir prouvé, que toutes les diverses manières d'expliquer comment on voit les objets, sont fausses, excepté la mienne.

VI. M. Arnauld a-t-il pu croire que j'ai « supposé qu'on ne pouvait voir les objets lorsqu'ils étaient éloignés, » après les reproches qu'il me fait en tant d'endroits, que je dis qu'on ne les voit pas que le soleil, par exemple, qu'on regarde, n'est pas celui que l'on voit; que ce qu'on voit, c'est l'étendue intelligible jointe avec la couleur, etc.? A-t-il pu

1 Liv. III, part. 11.

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