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grimace d'un homme qui pleure, et les différents airs d'un visage; je pense, en conséquence des lois admirables de l'union de l'âme et du corps, à sa misère et à ses besoins, sans qu'il y ait le moindre rapport entre des grimaces et la tristesse. Cela me suffit pour la société, pour me porter à secourir mon prochain, sans que j'aie une connaissance plus particulière de la nature de son âme, et de la construction admirable de sa machine. Il me prie par cette prière naturelle, plus instamment et plus efficacement que par sa prière intérieure, quand elle me serait connue. Je me soulage en le soulageant; et je souffre même, lorsqu'un chien, que je crois n'avoir point d'âme, dit à mes sens, ou à moi par mes sens, qu'il souffre de la douleur, et qu'il a besoin de mon secours : parce que Dieu a lié entre eux tous ses ouvrages pour leur mutuelle conservation, d'une manière sûre, et qu'on ne peut trop admirer.

XVIII. Mais que M. Arnauld sache exactement, et ne combatte point inutilement cette vérité qu'il n'y a que la raison qui nous éclaire; que nous ne connaissons les ouvrages de Dieu, qu'en la consultant, qu'en la contemplant; que pour découvrir ce que c'est qu'un animal, ou le moindre des ouvrages de Dieu, il faut s'élever au-dessus des sens, faire abstraction de la couleur, objet unique de la vue; et de toutes les autres qualités sensibles, et penser à l'étendue dont ils sont composés étendue qui ne se peut connaitre dans les modalités de l'âme, qui ne sont que ténèbres; mais par l'idée claire que nous en avons dans la nature immuable et illuminante de la vérité, qui renferme l'archétype de tous les corps. C'est pour contempler la raison, que Dieu a fait les esprits, et dans la raison Dieu même, et tous les êtres et créés et possibles. Dieu n'a pas fait les esprits pour connaître les corps, au sens de M. Arnauld; il les a faits pour lui, et uniquement pour lui. C'est assez que nous sentions les corps, ou que nous les connaissions par la voie courte et sûre, mais confuse, de l'instinct ou du sentiment, pour avoir le com

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merce que Dieu veut que nous ayons avec eux, et société avec les âmes qui leur sont unies. L'objet immédiat de nos connaissances, celui pour lequel Dieu a fait les intelligences, c'est la substance intelligible, immuable, éternelle, nécessaire de la raison, sagesse commune à tous les esprits, et consubstantielle à Dieu même. Tous les ouvrages de Dieu sont subordonnés la fin de l'esprit, c'est la vue de la vérité. Il faut donc que cette vérité intelligible ne se trouve point dans les corps, substances inférieures, ni dans des modalilés essentiellement représentatives (car l'âme n'est point à elle-même sa lumière et sa raison, elle ne voit que ténèbres, ou sentiment confus, en se contemplant); mais dans celui hors duquel l'esprit ne peut vivre, parce que hors de lui rien n'est intelligible, rien n'est capable de l'éclairer, rien n'est capable de le pénétrer et de le nourrir.

Je pense, Monsieur, que cela suffit, afin que vous jugiez solidement des deux dernières démonstrations de M. Arnauld. Prenez la peine de les lire.

CHAPITRE XIV. - Réponse au douzième chapitre des Vraies et des Fausses Idées.

I. Après avoir réfuté les prétendues démonstrations de M. Arnauld, et établi mon sentiment, il semble que je devrais finir ma réponse. Car si jusques ici j'ai eu raison, il est évident que le reste du livre de M. Arnauld ne mérite point par lui-même d'être réfuté ; mais sa réputation le mérite peutêtre. Ainsi, je vas parcourir tous les chapitres de son livre, et remarquer non toutes ses méprises (un volume infolio n'y suffirait qu'à peine) mais, quelques-unes seulement dans chaque chapitre, pour ménager mon temps et celui du lecteur.

II. M. Arnauld, dans son douzième chapitre, aussi bien que dans la plupart de ceux qui suivent, ne tend qu'à prévenir son lecteur contre mes sentiments, en me représentant

comme « un homme qui n'a rien de ferme dans sa nouvelle doctrine de la philosophie des idées, et qui en parle tantôt d'une façon et tantôt d'une autre. »

III. J'ai dit dans le titre d'un chapitre, que nous voyons toutes choses en Dieu, et ailleurs, qu'il n'y a que Dieu qui nous puisse éclairer en nous représentant toutes choses. J'ai dit aussi dans d'autres endroits, que nous ne voyons point en Dieu, ni notre âme, ni celle des autres hommes. Cela suffit à M. Arnauld pour conclure, que je ne suis pas ferme dans mon sentiment, et que je me contredis. « Toutes choses, ditil, se réduisent donc aux choses matérielles et aux nombres. Et encore pour les choses matérielles, il en excepte dans les éclaircissements toutes celles qui existent, et généralement tous les êtres singuliers. » M. Arnauld le prouve, et conclut par ces paroles: Voilà un grand retranchement du mot de toutes choses!

RÉPONSE. — IV. Si je croyais que nous eussions une idée claire de notre âme et de celle des autres hommes: si nous la voyions, ou si nous la connaissions autrement que par le sentiment intérieur et ténébreux que nous avons de nousmèmes, peut-être M. Arnauld pourrait-il conclure que je me contredis. Il faudrait de l'équité pour restreindre ce mot de toutes choses; mais il ne faut que du sens commun, pour voir que je suis ferme dans mes principes, et que je parle exactement, quoique je dise, qu'on ne connaît point en Dieu ce qu'on ne fait que sentir ou connaître par sentiment. Ne puisje pas dire, Monsieur, que c'est de Dieu que j'ai toutes choses, quoique je ne possède presque rien? Le sens commun ne veut-il pas qu'on restreigne ce toutes choses au peu que j'ai ? Ainsi, comme je n'ai point cet avantage qu'a M. Arnauld d'avoir une idée claire de l'âme; et que même tous ceux avec qui j'ai traité de cette matière, m'ont paru n'en point avoir, j'ai pu dire que nous voyons toutes choses en Dieu, sans craindre la critique des personnes qui ont du sens, ou du moins de l'équité.

V. Mais quoi! j'ai encore retranché les étres singuliers? RÉPONSE. Je le veux, qu'en conclura-t-il? Je pourrai toujours dire, que je vois toutes choses en Dieu, si tout ce que je vois, c'est en lui que je le vois. Mais voici le passage de la Recherche de la Vérité, que cite M. Arnauld, et par lequel il prétend prouver que je me suis contredit, et duquel il conclut même, que « ma dernière pensée, c'est qu'on ne voit en Dieu aucun des ouvrages de Dieu. >>

<<< Il est, ce me semble, fort utile de considérer, que l'esprit << ne connaît les objets de dehors qu'en deux manières, par « lumière et par sentiment. Il voit les choses par lumière, << lorsqu'il en a une idée claire, et qu'il peut, en consultant «< cette idée, découvrir toutes les propriétés dont elles sont ca« pables. Il voit les choses par sentiment, lorsqu'il ne trouve << point en lui-même d'idée claire de ces choses pour la con<< sulter, qu'il ne peut ainsi en découvrir clairement les pro«< priétés, qu'il ne les connaît que par un sentiment confus, <«< sans lumière et sans évidence. C'est par lumière et par une « idée claire, que l'esprit voit les essences des choses, les nom<«<bres et l'étendue. C'est par une idée confuse, ou par senti«ment, qu'il juge de l'existence des créatures, et qu'il con<< naît la sienne propre. »

VI. Il serait assez à propos que vous lussiez la suite : mais M. Arnauld n'a fait transcrire que cela. Cependant, je crois que vous voyez bien, par les dernières paroles de ce passage, que ma pensée dans cet endroit, aussi bien que dans tous les autres, c'est qu'à l'égard des êtres corporels, je prétends qu'on ne les voit ou connaît, que dans l'étendue intelligible; idée qui représente toutes leurs essences ou ce qu'ils sont, et qui ne se trouve qu'en Dieu; mais que pour juger de leur existence, ou les voir comme présents, il faut que nos sens en soient frappés; car il est certain qu'on ne voit comme actuellement existants les ouvrages de Dieu, que par la couleur, la chaleur, la douleur, en un mot, par l'impression qu'ils font sur nos sens ou pour parler plus chré

tiennement, plus exactement, plus philosophiquement, que par une espèce de révélation, que Dieu, comme auteur de la nature, nous en donne, en conséquence des lois générales de l'union de l'âme et du corps, qu'il a établies pour agir en Dieu, et d'une manière qui porte le caractère d'une sagesse infinie, d'une cause générale, d'une nature immuable ( voyez le chap. 4), toujours constante, et dans ses desseins, et dans sa conduite.

VII. Vous savez, Monsieur, que les essences des êtres sont nécessaires, et que leur existence dépend d'un acte libre de Dieu. Sur ce fondement, j'ai dit qu'on voyait en Dieu, ou dans une nature immuable, les essences des choses matérielles, par le moyen de l'étendue intelligible, archétype de tous les corps; «parce que les essences des êtres ne dépendent point d'un acte libre de Dieu. » J'ai dit ailleurs, qu'on voyait en Dieu les ouvrages de Dieu, qui dépendent néanmoins d'un acte libre de Dieu. De là M. Arnauld triomphe, et conclut que je me contredis. « C'était donc en ce temps-là, dit-il, les ouvrages de Dieu, les astres que Dieu a créés, les choses changeantes et corruptibles, aussi bien que les immuables et incorruptibles que nous voyons en Dieu. Et maintenant ce n'est plus cela. Nous n'y voyons plus que ce qui ne dépend point des actes libres de Dieu, d'où ont dépendu certainement tous les êtres que Dieu a créés. » Je croirais me rendre ennuyeux et ridicule, de répondre sérieusement à ces vétilles. Le reste de ce chapitre est de même force. Ceux qui savent mon sentiment seront surpris des raisonnements de M. Arnauld. Et je crois que du moins ils le plaindront de s'être engagé à parler d'une matière sur laquelle il n'a que de fausses et confuses idées.

CHAPITRE XV. Réponse au chapitre treizième.

I. Afin, Monsieur, que vous compreniez ou l'injustice que me fait M. Arnauld, ou l'ignorance où il est du sentiment

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