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tant qu'elle est participée par sa créature corporelle. Il prétend que l'étendue intelligible, idée de tous les corps, ne se trouve qu'en Dieu, parce qu'on ne peut pas dire que l'idée que l'âme a des corps, soit l'âme même en tant qu'elle est participée par les corps; car l'âme est un être particulier qui participe à l'Être universel, mais duquel nul être ne participe. Ainsi, l'âme ne voit point dans ses propres modalités les ouvrages de Dieu, mais dans l'idée même dans laquelle Dieu les voit, c'est-à-dire dans la raison universelle qui renferme ces idées.

VII. Le même auteur prétend encore, que c'est par la couleur que l'étendue intelligible devient sensible, et est déterminée à faire voir un visage, et tel visage. Lisez seulement l'endroit même que vous citez. Ainsi, comme dans la Recherche de la Vérité, il a dit en plus de cent endroits qu'il ne dépendait pas de nos volontés, mais des lois de l'union de l'âme et du corps, de voir des couleurs, ou d'ètre frappé de quelque sentiment que ce puisse être, vous ne lui rendez pas justice, en me demandant à moi, que je représente par mes couleurs un visage que je n'ai jamais vu. Vous n'êtes pas non plus fort équitable, lorsque vous m'offrez ce bloc de marbre pour en faire la tète de saint Augustin, qui est une figure dont on ne peut avoir de connaissance que par ses sens et vous ne trouverez rien dans tout le livre de la Recherche de la Vérité, qui donne le moindre sujet à votre raillerie. En un mot, voulez-vous que je vous le dise en ami? vous raillez si mal à propos, que vous vous rendez ridicule.

VIII. Ne vous fàchez pas, je vous prie; mais plutôt, Monsieur, prenez garde que vous vous trompez encore, de croire que pour concevoir quel est le mouvement propre à tracer une ligne courbe, il faut déjà la connaître; car il n'en est pas de même des vérités nécessaires que des faits, et des sciences que des histoires. Il faudrait avoir vu le visage de saint Augustin, pour savoir comment il était fait. Mais pour former des lignes géométriques, et en découvrir les propriétés, il ne faut que consulter l'étendue intelligible, et contempler les

rapports exacts qui sont entre les grandeurs. Si, par exemple, une ligne droite et un point étant donnés immobiles sur un plan, je veux m'imaginer qu'un autre point quelconque se meuve sur ce plan, en conservant toujours le même rapport de distance à ce point et à cette ligne immobiles; alors j'aurai les trois lignes parabole, hyperbole et ellipse, sans que j'en aie jamais ouï parler. La parabole, si le point mobile est pris d'une distance égale entre la ligne et le point immobiles l'hyperbole, s'il est pris plus proche de la ligne que du point: et l'ellipse, s'il est pris plus proche du point que de la ligne. C'est ainsi qu'en examinant d'abord les rapports les plus simples dans l'étendue intelligible, on vient peu à peu à découvrir les vérités les plus composées de la géométrie, et même de la physique, pourvu qu'on y joigne les faits, à cause de l'obscurité qui naît de la combinaison des rapports. C'est ainsi à l'égard des nombres, qu'on apprend peu à peu à faire les opérations nécessaires pour en découvrir les rapports; et qu'en multipliant 15 par 49, et leur produit par 28, on a ce qu'il a plu aux hommes d'appeler la période julienne, qui a les usages qu'on sait dans la chronologie.

IX. Ainsi nos désirs, nos volontés, notre attention à la contemplation des nombres et de l'étendue, sont les causes occasionnelles qui produisent la lumière dans l'esprit. C'est, comme dit fort bien l'auteur de la Recherche de la Vérité, la prière naturelle par laquelle on mérite d'être éclairé de la lumière de la vérité. Et vous ne prenez nullement sa pensée, lorsque vous dites qu'il est inutile de vouloir penser à une ellipse pour la découvrir dans l'étendue intelligible, si on ne la connaît déjà. Car il est évident, qu'ayant l'idée de l'étendue, il ne dépend que de nous de nous appliquer à en considérer les rapports. Mais il faut toujours commencer par les plus simples, selon la méthode que l'auteur même donne à son sixième livre de la Recherche de la Vérité.

Voilà ce que pourrait répondre un homme que M. Arnauld

ne ferait pas sottement parler. Mais il faut que je n'aie pas de sens commun à quelque prix que ce soit. Examinez, je vous prie, le reste de ce chapitre 15 de M. Arnauld, et prenez garde à ceci.

X. Je n'ai dit nulle part, que j'étais l'auteur des idées particulières qui se forment de l'étendue intelligible, mais seulement, que je pouvais désirer de connaître distinctement ce que je ne sais que confusément; que je pouvais désirer, pour ainsi dire, de voir de près ce que je ne vois que de loin; et que le mouvement par lequel l'esprit s'approche des idées particulières, ou plutôt que la cause occasionnelle de la présence des idées, c'est l'attention. Le sentiment intérieur qu'on a de soi-même prouve cette vérité; et il est facile de reconnaître que c'est là le principe de la liberté.

XI. Or ce sentiment est bien différent de celui de M. Arnauld, ou de ceux qui pensent que l'esprit a la faculté de former ses idées et le raisonnement que je fais contre son sentiment ne touche nullement le mien. Il suffit de connaître confusément quelque chose, pour désirer et mériter par le travail de l'attention de la connaître clairement, en conséquence des lois qui unissent l'esprit avec la raison. Mais il ne suffit pas d'avoir une idée confuse ou générale, pour en pouvoir former une distincte ou particulière; car on ne peut mieux faire que son exemplaire. Cela est visible; cependant M. Arnauld croit bien répondre lorsqu'il me rend les objections que je lui fais, ou à ceux qui veulent que l'âme ait le pouvoir de se former les idées des choses; et il est si content de lui-même à cet égard, qu'il conclut son chapitre en ces termes : « Je serais fort surpris, Monsieur, si on me peut montrer, que ce qu'il dit est concluant contre ceux qu'il combat, et que ce que je dis à son exemple, ne le soit pas encore plus contre lui-même. »

CHAPITRE XVIII.

-

Réponse au seizième chapitre.

I. M. Arnauld commence ainsi son chapitre 16:

<«< Après avoir fait voir, dans le chapitre 14, que cette étendue intelligible infinie est tout à fait inintelligible, et n'est qu'un amas de contradictions; et après avoir montré, dans le quinzième, que quand on la supposerait telle qu'il veut qu'elle soit, il serait impossible que notre esprit y pût trouver les idées des choses qu'il ne connaîtrait pas, et qu'il aurait besoin de connaître : il ne me reste plus, pour un entier renversement de cette nouvelle philosophie des idées, qu'à montrer que, quand ce qu'il fait faire à notre esprit, pour lui faire trouver ses idées dans cette étendue intelligible infinie, pourrait lui servir à les y trouver (ce qui ne peut être, comme nous venons de le voir), on n'en devrait pas moins rejeter, comme des chimères, tout ce qu'il dit sur cela, parce qu'il est manifestement contraire à ce que nous savons certainement se passer dans notre esprit, qui est la plus certaine des expériences, et aux lois générales que Dieu s'est prescrites à lui-même, pour nous donner la connaissance de ses ouvrages. >>

Voilà, Monsieur, de quoi surprendre les simples. Ce style et ces manières faisaient autrefois des conquêtes; mais présentement on s'en défie, les philosophes surtout. Et peut-être que les autres n'oseront parler de métaphysique, de peur qu'on se moque d'eux.

II. Après cinq ou six pages de discours assez inutiles à la question, M. Arnauld suppose une vérité dont je conviens, qui est que du marbre paraît blanc ou noir, à cause de la différence de l'arrangement des parties de leur surface : Dieu ayant jugé à propos de nous donner moyen de discerner les objets par les sensations de différentes couleurs.

(( Mais, continue-t-il, ce dessein de Dieu serait renversé, si sous prétexte que nul de ces marbres n'est proprement ni

blanc, ni noir, ni jaspé, mais que ces couleurs ne sont que des modifications de mon âme, je pouvais attacher chacune de ces couleurs auquel je voudrais ; car alors, bien loin que ces couleurs me servissent à les distinguer, elles ne me serviraient qu'à les confondre. C'est pourquoi Dieu n'a pas voulu que cela dépendit de ma liberté, et j'en suis convaincu par l'expérience. >>

RÉPONSE.

III. Mais quel est cet impertinent, qui croit qu'il dépend de sa liberté de voir la neige blanche ou verte? C'est moi, Monsieur, selon ce que vous allez lire.

« Il faut donc que l'auteur de la Recherche de la Vérité ait renoncé à tout ce qu'il sait le mieux, lorsque dans la nécessité de défendre à quelque prix que ce soit sa nouvelle philosophie des idées, il s'est trouvé réduit à attribuer à notre áme cette puissance imaginaire d'attacher la sensation du vert, du rouge, du bleu, ou de quelque autre couleur que ce soit, à une partie quelconque de l'étendue intelligible, qu'il ne peut pas seulement feindre avoir causé quelque mouvement dans l'organe de notre vue. »

RÉPONSE. Pensez-vous, Monsieur, qu'il soit vraisemblable que M. Arnauld ait pu s'imaginer que j'eusse le sentiment qu'il m'attribue? Je veux que j'aie dit, que lorsque je vois de la neige, l'âme y attache la sensation de blancheur, comme elle attache la douleur d'une piqûre au doigt piqué. Mais cela peut-il faire croire, que j'aie pensé que ce fût «< par le choix et l'usage de ma liberté; et que j'ai été réduit à attribuer à notre âme une puissance imaginaire d'attacher les sensations à ce qu'elle aperçoit? >>

Mais, supposé que M. Arnauld n'ait pas cru cela de moi, les honnêtes gens peuvent-ils être contents de lui, lorsqu'ils font réflexion, qu'il attribue à son ami la plus ridicule et la plus sotte pensée qui puisse entrer dans l'esprit d'un homme? Mais vous allez voir, Monsieur, encore une faute plus difficile à couvrir.

IV. C'est le second Éclaircissement de la Recherche de la

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