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DÉFENSE D'ARNAULD

CONTRE

LA RÉPONSE DE MALEBRANCHE

On a publié sous ce titre à Cologne (Bruxelles), chez Nicolas Schouten, en 1684, un volume in-12, contenant plusieurs lettres d'Arnauld à M. le marquis de Roucy, dans lesquelles il réfute les arguments que le P. Malebranche avait opposés aux siens. Nous donnons en entier la première lettre, qui sert d'introduction, et qui roule sur des points importants de métaphysique, et nous extrayons de la cinquième partie de la Défense proprement dite, un long passage qui complète la discussion relative à l'étendue intelligible. Nous avons supprimé les quatre premières parties dans lesquelles Arnauld ne réfute que des reproches personnels.

Nous nous bornons à en transcrire les titres: PREMIÈRE PARTIE.

- Endroits de la Réponse que l'on prétend etre faux, injurieux, téméraires ou pleins de mépris, et d'une fierté dédaigneuse, rapportés mot à mot, sans glose et sans commentaire. SECONDE PARTIE.

Récit fidèle et exact de tout ce qui s'est passé entre le P. Malebranche et M. Arnauld, par rapport au Traité de la Nature et de la Grâce. TROISIÈME PARTIE. Refutation de tout ce que dit l'auteur de la Réponse pour appuyer ses reproches personnels contre M. Arnauld, de chagrin, de passion, d'attache à ses opinions erronées, au préjudice de la vérité. QUATRIÈME PARTIE. Qu'il n'y a rien dans le livre des Idées qui ait pu donner sujet à l'auteur de la Réponse de traiter M. Arnauld aussi injurieusement qu'il l'a fait.

Quant à la cinquième Partie, nous n'en avons donné que la première moitié le reste a trait à quelques points d'une moindre importance, ou dont la discussion présente moins de difficultés : tels que la conformité que Malebranche veut établir entre sa doctrine et celle de saint Augustin, et son opinion sur la nécessité du témoignage des livres saints pour fonder notre croyance au monde extérieur.

LETTRE DE M. ARNAULD,

DOCTEUR DE SORBONNE,

A M. LE MARQUIS DE ROUCY,

SUR

LA RÉPONSE AU LIVRE DES IDÉES.

Je viens présentement, Monsieur, de recevoir la Réponse au livre des Idées, par le libraire qui l'a imprimée, qui me témoigne, par un billet fort civil, du 25 décembre, que je n'ai reçu que le 6 de janvier, que c'est un ouvrage de M. Malebranche, qui lui a ordonné de me le faire tenir.

Comme c'est vous, Monsieur, à qui j'ai adressé le livre auquel on répond par celui-là, la première pensée qui m'est venue, en lisant la lettre du libraire, qui me l'envoyait de la part de l'auteur, a été de vous prier d'avoir la bonté de faire à notre ami mes remercîments pour son présent. Mais dès que j'eus ouvert le livre, et que j'en eus lu les premières lignes, je vis tout d'un coup que ce n'était plus cela :

Sensi medios delapsus in hostes.
Improvisum aspris veluti qui sentibus anguem
Pressit humi nitens, trepidusque repente refugit
Attollentem iras et cærula colla tumentem.

J'aurais été satisfait si j'y avais au moins trouvé quelques marques de notre ancienne amitié. Quand elles auraient été entremêlées de quelques plaintes honnêtes, s'il avait cru

avoir lieu d'en faire, comme cela peut arriver aux meilleurs amis, entre lesquels il peut survenir de petites dissensions. Mais, loin de cela, j'ai été surpris d'y rencontrer d'abord, pour toute civilité, et encore plus dans la suite, lorsque je l'ai parcourue, des reproches personnels, aigres et envenimés, tout à fait hors de propos, qui ont aussi peu de rapport à la matière des idées qu'à la guerre contre le Turc, et qui ne sont fondés que sur les jugements du monde les plus téméraires, et qu'on devait le moins attendre de la piété d'un prêtre, et de l'honnêteté d'un ami qui aurait encore quelque respect pour une amitié passée, à laquelle il aurait voulu renoncer.

Il débute par fouiller dans mon cœur, et il prétend y avoir trouvé que je n'ai fait ce livre des Idées que par le chagrin que j'ai contre lui. Il conclut de là, qu'il ne me répond que parce que je suis un trop illustre critique; mais que, sans cela, il n'en aurait pas pris la peine, parce qu'il y a longtemps qu'il a protesté qu'il ne répondrait point à tous ceux dont les discours lui donneraient quelque sujet de croire qu'il y a quelque autre chose que l'amour de la vérité qui les fait parler. On ne voit pas que cette protestation soit fort raisonnable car si l'éclaircissement de la vérité demande que nous satisfassions aux difficultés qu'on nous propose, qu'est-il nécessaire de deviner les intentions de celui qui les propose, pour lui répondre, s'il le fait par l'amour de la vérité, et ne lui répondre point, si quelque chose nous fait croire que ce n'est pas cela qui le fait parler? Mais, que cette protestation soit raisonnable ou non, il en a eu besoin pour faire entendre qu'il me faisait grâce en me répondant; parce qu'il avait sujet de croire que ce n'était pas l'amour de la vérité qui m'avait fait faire ce livre, mais que c'était le chagrin que j'avais conçu contre lui.

On pourrait s'imaginer que cela lui est échappé dans la première chaleur de la composition, et pour n'avoir su comment entrer en matière. Mais il a donné bon ordre qu'on ne

pût avoir de lui cette pensée. Il serait fâché que l'on crût que ses injures ne fussent pas bien préméditées. C'est pourquoi il a employé son premier chapitre à chercher des preuves de mon chagrin; et ce n'est pas sans raison qu'il a voulu qu'on ne doutât pas de cette grande vérité, qui lui était si nécessaire pour bien soutenir sa bizarre philosophie des étres représentatifs; car ce reproche de chagrin lui est pour cela d'un merveilleux usage: c'est le plus grand fondement de toutes ses autres injures, et le sel qui assaisonne toutes ses solutions. S'il se trouve convaincu de variations, de contradictions et d'absurdités manifestes, le plus fort de sa réponse est que je suis un ami piqué, qui lui fait dire à tout moment des extravagances, pour contenter mon chagrin. S'il ne peut se défaire autrement de ce que je lui ai fait voir être insoutenable dans son système des idées, qu'en prétendant que ce ne sont pas ses vrais sentiments que j'ai combattus, il croit l'avoir bien prouvé en disant que je n'y ai point donné la moindre atteinte, faute de les bien concevoir, et d'écouter trop mon chagrin, qui m'en empêchait. Enfin, ce chagrin revient à tout, remédie à tout, et rétablit heureusement tout ce que j'avais renversé dans ce palais fantastique des êtres représentatifs.

Mais il n'a pas jugé que ce fût assez de m'accuser de ce chagrin, qui pourrait n'être qu'un mouvement passager, qui ne me décrierait qu'au regard du livre que j'ai fait contre ses idées, il a pensé qu'il était bon de m'attribuer une disposition permanente opposée à l'attachement inviolable qu'un théologien et un prêtre doit avoir à la vérité, préférablement à toutes choses. C'est ce qu'il fait, en me représentant comme possédé de l'amour d'un rang qu'il me donne dans un parti, engagé, à ce qu'il prétend, dans des sentiments dangereux; comme on parlerait d'un ministre, que l'on croirait être incapable de se convertir, parce qu'il ne pourrait se résoudre de déchoir de l'autorité qu'il aurait acquise parmi ceux de sa religion. Il donne de moi la même idée,

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