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temps qu'une morale très haute, un principe de foi intime très large, de justification individuelle, de mysticisme per

bien sans le secours de la Nouvelle Alliance; mais il en plaçait le théâtre dans un monde supraterrestre, où avaient vécu et enseigné les prophètes, où Jésus avait souffert la Passion avant de descendre dans l'enfer humain pour secourir les âmes qui y étaient déjà tombées. (Sur le système de Jean de Lugio, voir tout un chap. de Rain. Sacch., p. 1769 et les documents recueillis par M. Molinier, p. 286).

La rigueur de ses principes donnait au parti albanais tout entier plus de cohésion qu'aux autres écoles cathares. Pour s'en rendre compte, il suffit d'examiner le chapitre que Rainier Sacchoni consacre aux dualistes mitigés. Le principe métaphysique même de cette doctrine manque de netteté, et M. Schmidt a dû user d'une explication plus ingénieuse que satisfaisante pour introduire quelque logique dans les idées des Concorreziens sur le principe mauvais, son rôle et sa nature. Sur le péché originel, il nous semble que le témoignage de Moneta (en laissant de côté les textes insignifiants d'Eckbert et de Bonacursus) n'est pas suffisant pour contrebalancer ceux de Rainier et de l'auteur d'un traité contemporain, le Supra stella de Salve Burce. D'après ceux-ci, les Concorreziens n'auraient pas donné comme origine au mal dans le monde, la fornicatio carnalis, mais auraient adopté un traducianisme extrêmement simple, suivant lequel d'une âme primaire seraient descendues toutes les autres. De même la condamnation des patriarches et des prophètes est probablement moins absolue que ne le dit M. Schmidt (id., voy. Rain. Sacch., 1773). Quant à leur croyance au libre arbitre, elle est formellement niée dans deux textes dont la date nous manque malheureusement (v. Döllinger II, 326 et 612; le second est vraisemblablement le plus ancien). Au sujet du docétisme, Rainier nous donne un tableau succinct, mais assez clair, de la variété de leurs opinions. Nous savons d'autre part qu'ils admettaient la possibilité de miracles matériels, mais leur théorie de la rédemption n'est nulle part exposée; il semble bien, comme le veut M. Schmidt (II, 73), qu'on peut l'assimiler à celle des dualistes absolus. Nous n'avons pas à parler ici des opinions des Cathares de Concorrezzo sur le sort définitif des âmes. Elles sont fort originales, surtout en ce qui concerne l'état de la matière au jour du Jugement dernier; mais elles n'ont aucun rapport avec la morale.

Nous sommes mal renseignés sur la secte de Bagnolo. Rainier nous apprend seulement que, selon les théories de ces dualistes mitigés, les àmes auraient péché avant la création du monde (Rain. 1774). Peregrinus Priscianus ne nous semble, quoi qu'on en ait dit, qu'assez médiocrement informé des doctrines de ces sectes: il en fait des dualistes absolus, ce qui est entièrement contraire à l'assertion de Rainier, dont le témoignage est évidemment préférable au sien, et il leur donne, sauf sur la condamnation dernière des âmes, les mêmes opinions qu'aux Albanais, qui, nous l'avons vu, partent de principes totalement opposés. Le traité Supra Stella ne les nomme que rarement et toujours en même temps que les deux autres groupes. Le traité de la « Minerve » qu'a publié M. Molinier, les

sonnel. Forcément ce principe s'opposait au cruel fatalisme des parfaits cathares et surtout à leur dogme de la métempsycose par lequel chacun était amené à considérer son âme

passe sous silence, et ce n'est que la mention spéciale qu'en fait Rainier qui a donné quelque importance à ce groupe. Les partis dissidents de cette école avaient, surtout sur la question fondamentale du docétisme (Rain., 1774), des opinions au moins aussi intéressantes que celles du groupe principal qui portait le nom d' « ordre de Bagnolo ».

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Nous n'avons voulu exposer ici que les tendances générales de la morale cathare dans les écoles les plus réputées. Nous n'avons donc pas à parler de celles qui n'ont d'intérêt qu'au point de vue du développement historique de la secte. Cependant quelques groupes encore semblent avoir eu leur physionomie propre ce sont ceux qui, éloignés du centre du catharisme (midi de la France, nord de l'Italie) vivaient en églises de la dispersion, ne devaient comprendre que des parfaits, n'épuisaient pas leurs forces en des disputes théologiques. Il est indéniable que le terme de Popelicant (Pauliciens Hlavλixtavo:) désigne une école de Cathares établie dans les pays du Nord de l'Europe. Le seul auteur qui nous fournisse quelques données sur leurs opinions, Raoul de Coggeshall, ne nous dit pas qu'il y ait eu parmi eux des croyants simplement affiliés. Les Cathares espagnols, si du moins l'on en croit leur adversaire Luc de Tuy, furent plus agressifs, et se livrèrent à une propagande plus hardie et plus ingénieuse, surtout par le livre. D'autre part, les églises cathares du midi durent avoir une vie assez caractéristique et nulle part il ne dut y avoir, entre les parfaits et les croyants, une séparation aussi marquée que dans les groupes de l'Albigeois, de Toulouse et de Carcassonne, qui étaient des groupes albanais, c'est-à-dire d'un rigorisme absolu. Comme l'a remarquablement montré M. Schmidt, la civilisation méridionale se prêtait à merveille à la réforme que préchait la secte par ses deux tendances : « Les esprits sérieux, choqués de la frivolité des mœurs des laïques et « des clers, se sentaient attirés par les prédications des Cathares, qui << annonçaient l'intention de ramener l'Eglise et la vie à une simplicité << plus austère, tandis que les hommes du monde s'associaient volontiers « à une secte qui leur permettait de vivre à leur gré, à la seule condition de « se faire imposer les mains à l'heure de la mort ». Le comte de Toulouse était le type de cette classe d'indifférents chez lesquels la superstition du consolamentum tenait lieu du ritualisme catholique des seigneurs du Nord. Parmi la population intellectuelle de ces pays, le repos des Cathares était assuré, grâce à la tolérance dont jouissaient dans la Provence et l'Aquitaine les représentants de toutes les religions, et aussi à la curiosité, généralement sympathique, qu'inspiraient à des esprits raffinés et dégagés de préjugés les doctrines originales des Cathares, leur morale toute d'absolus, où les savants pouvaient même retrouver quelques reflets des philosophies orientales. D'autre part, le mysticisme facile, les mythes étranges et parfois romanesques que l'imagination populaire trouvait dans la cosmogonie

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seulement comme un bien en dépôt qu'il était inutile d'accroître et impossible de diminuer. Le témoignage de Luc de Tuy ne peut cependant suffire à nous persuader que les Cathares ont essayé de jeter le discrédit sur les nouveaux ordres en les accusant d'hérésie 1; de même les invectives lancées au cours du procès d'Armanno Pungilupo contre les Frères Mineurs par des parfaits, ne sont évidemment que de la rhétorique pieuse et s'appliquent à la généralité des moines qui, à ce moment, se coalisaient pour ruiner définitivement la secte. Mais nous voyons des Cathares attaquer plus sérieusement les Franciscains dans quelques interrogatoires d'Inquisition, datant, il est vrai, de la fin du XIIe siècle : l'un d'entre eux refuse toute valeur aux miracles accomplis par Saint François et reproche à son ordre d'avoir prèché la croisade. C'est évidemment là que se trouvent, aux yeux des Cathares soucieux de polémique, les deux points faibles de l'enseignement franciscain le merveilleux utilisé pour affermir la foi et le non occides ne s'appliquant pas aux guerres contre les infidèles, Sarrasins ou hérétiques. Mais, soit qu'ils fussent occupés à cette époque par les événements du pays albigeois, soit que, très forts encore en Italie, ils aient dédaigné l'apostolat du mendiant de l'Ombrie, soit enfin qu'ils aient redouté la comparaison que n'eût pas manqué

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cathare, impressionnaient beaucoup d'intelligences rudimentaires et passionnées. Cette propagande ne donnait à vrai dire que des résultats assez factices, et dans les interrogatoires d'Inquisition nous ne voyons qu'un nombre relativement faible d'accusés vraiment dignes du nom d'hérétiques; aussi la morale du catharisme n'eut-elle qu'une influence très restreinte et ne pénétra-t-elle jamais dans les couches profondes de la société méridionale. Elle resta toute superficielle, et en certains endroits la doctrine vaudoise n'eut pas de peine à la supplanter dès son apparition dans le Midi. 1. Op. cit., p. 244.

2. Ils sont appelés « mauvais hommes » par opposition aux «< bons hommes » cathares. On les traite aussi de loups ravisseurs qui détruisent les brebis de Dieu (Muratori. Antiqu., V, 138).

3. Döllinger, II, 23, 40. Il y a cependant une restriction : « Damnavit Petrus Garcias omnes ordines praeter ordinem Fratrum Minorum;... dixit tamen quod ille ordo nihil valebat, quia praedicabat crucem » p. 40.

de faire la foule entre leur froid raisonnement et l'enthousiasme lyrique de Saint François, il est à remarquer que les Cathares semblent ne s'être jamais rencontrés avec le saint ni avec ses disciples immédiats. L'anecdote rapportée par Etienne de Bourbon n'a qu'une importance très relative le représentant du catharisme qui y est opposé à Saint François ne soutient devant lui aucun des dogmes constitutifs de la doctrine de la secte, mais seulement un principe admis par toutes les hérésies contemporaines celui de la pureté morale exigée des prêtres - auquel le saint répond d'une manière très évasive, par un de ces élans de foi qui lui sont propres. D'ailleurs, un débat entre Saint François et un cathare, même bien informé du système de sa secte, ne nous apprendrait rien comme l'a très nettement fait ressortir un de ses plus récents historiens 3, il y a, entre l'inspiration de Saint François et les doctrines des églises cathares d'Italie, une antinomie irréductible. Le saint, bien loin de condamner la matière, l'ennoblit en la faisant participer à la glorification de Dieu la nature, dans ses personnifications d'un lyrisme inoubliable et qui sont si caractéristiques de l'esprit religieux et littéraire de son époque, se dépouille de la malédiction dont l'avait chargée le pessimisme cathare. Le corps lui-même, l'œuvre par excellence de l'Ennemi, est sanctifié par l'immense foi du « Pauvre du Christ ».

1. Sur les Cathares et la seconde génération franciscaine, v. Wadding. II, 166, 191.

2. Et. de Bourbon, p. 264. Le même récit est répété p. 305. D'après ce récit, le saint aurait rencontré dans une église de Lombardie, un hérétique « quidam paccharius sive manichaeus ». Celui-ci, profitant de ce que le prêtre de la paroisse dans laquelle ils se trouvaient était méprisé pour ses mauvaises mœurs, aurait demandé au saint comment on pouvait respecter un prètre souillé. Le saint lui aurait répondu : « ... Quia per manus istas multa beneficia Dei et carismata populo Dei fluunt, istas osculor ob reverenciam eorum que ministrant, et cujus auctoritate administrarent ea. >> 3. Sabatier. Vie de Saint François d'Assise. Paris, 1896 (16o édition), p. 46-47.

CHAPITRE IV

LES VAUDOIS

L'origine apostolique des Vaudois n'est plus affirmée aujourd'hui que dans quelques ouvrages émanant directement des groupes lombards qui subsistent encore, et cette opinion ne doit avoir pour la science qu'un intérêt rétrospectif. Mais, comme l'a très justement fait observer M. Tocco 2, si « la continuité de l'église vaudoise depuis « les temps apostoliques jusqu'à nous est une fable, la lente préparation de sa doctrine, dans les siècles qui ont pré«< cédé sa manifestation définitive, est un fait historique ». Rien n'en saurait être une meilleure preuve que l'absence de toute partie polémique dans les premiers exposés de la doctrine vaudoise 3. Une lutte passionnée contre les abus et

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1. On s'étonne d'autant plus de la trouver émise dans un ouvrage tout récent sur les Vaudois (A. Bérard, Les Vaudois, Paris, 1902, in-12), ouvrage qui se présente comme un essai de vulgarisation de l'histoire vaudoise et dont les intentions apologétiques sont évidemment le moindre défaut. 2. Op. cit., p. 153.

3. Voy. les traités d'Alain, Bernard de Fontcaude, etc. Les invectives des Vaudois contre l'Eglise de Rome, contre le pape Sylvestre ne s'y trouvent pas mentionnées comme dans les traités postérieurs. (Voy. plus loin, p. 123 et suiv. Contre les ministres du culte catholique : « Isti Waldenses asserunt neminem debere obedire alicui homini, sed soli Deo. Quod probare nituntur auctoritate Petri et Johannis qui, ut in Actibus Apostolorum legitur, ad scribas et Pharisaeos loquens ait: Vos ipsi judicate an potius obediendum sit Deo praecipienti, an vobis prohibentibus (Act. ix, 19)...

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