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derniers entretiens, tu as subi ta destinée avec courage et sans regret il semblait que tu voulusses accorder, autant qu'il était en toi, l'innocence au prince. Mais moi, mais ta fille, ce n'est point assez pour nous de l'amertume de ta perte : il faut encore qu'à notre tristesse s'ajoute la douleur de n'avoir pu assister à ta maladie, soutenir ta vie défaillante, nous rassasier de ta vue.... » Ajoutons qu'un peu avant la péroraison, on trouve une phrase entière empruntée presque textuellement au passage de Cicéron, dont la péroraison n'est que la paraphrase: « Déplorable pour nous, triste pour ses amis, sa perte ne resta point indifférente aux étrangers et aux inconnus eux-mêmes. >>

Mœurs des Germains.

Le livre intitulé Mœurs des Germains, ou, comme on dit plus communément, la Germanie, fut écrit à peu près en même temps que la Vie d'Agricola, et publié en l'an 98 de notre ère. La Germanie est tout à la fois, comme le remarque un critique, un traité de géographie, une étude politique sur les peuples les plus redoutables pour Rome, une étude des mœurs barbares, et, par le simple effet du contraste, une satire des mœurs romaines. Il n'y a pas un ouvrage ancien aussi précieux pour nous peut-être : c'est là que sont les racines mêmes de toute l'histoire des peuples modernes. Il est presque incroyable qu'on ait pu renfermer tant de choses, et des choses si importantes, dans ce petit espace. Ce livre si court, sur un vaste sujet, comme dit Montesquieu, est d'un homme qui abrége tout, parce qu'il voit tout. «< On peut encore aujourd'hui, après dix-huit siècles, dit M. Louandre, juger de son exactitude, vérifier par les événements la parfaite connaissance qu'il avait du monde barbare. Ainsi, lorsque effrayé de l'énergie sauvage des peuples germaniques, il prie les dieux de Rome d'inspirer à ces nations belliqueuses des haines intestines, comme dernière sauvegarde de la sécurité de l'empire; lorsqu'il prête à Boïocale ces paroles caractéristiques: Que la terre est aux hommes, comme le ciel est aux dieux; lorsqu'il montre les peuples du Rhin, entraînés vers la Gaule par la même pente

et, pour ainsi dire, par le même instinct que les eaux du fleuve, les invasions sont là pour témoigner qu'il savait prévoir. Tacite, cependant, si élevé que fût son génie, ne pouvait se soustraire aux préjugés de son époque ; et sa science devait être incomplète comme celle de son temps. De là ces nombreuses erreurs en géographie, et ces erreurs plus regrettables encore sur la religion des Germains; car, dans la mythologie des peuples teutoniques, il ne voit que les dieux de Rome et de la Grèce. » On ignore si Tacite avait visité personnellement la Germanie, ou s'il avait écrit sur les Germains d'après des documents fournis par d'autres. Peut-être son ouvrage doit-il son caractère de vérité aux récits de quelques soldats romains ou à ceux d'otages et de captifs barbares; peut-être Tacite s'est-il borné à extraire, à concentrer, à s'approprier par le style et l'éloquence, toutes les particularités utiles et curieuses que Pline l'Ancien avait disséminées à travers ses vingt livres des Guerres de Germanie.

Histoires; Annales.

Sous le règne de Trajan, Tacite écrivit d'abord l'ouvrage intitulé Histoires, ensuite l'ouvrage intitulé Annales. Les Histoires étaient l'exposé des événements contemporains de l'auteur, depuis l'avénement de Galba jusqu'à la mort de Domitien, c'est-à-dire pendant un espace de vingt-huit ans. Les Annales reprenaient les événements à la mort d'Auguste, et les conduisaient jusqu'à la mort de Néron. Tacite s'était proposé de compléter les deux ouvrages, en ajoutant plus tard au commencement de celui-ci l'histoire du règne d'Auguste, et à la fin de l'autre celle des règnes de Nerva et de Trajan. C'était l'occupation qu'il réservait à sa vieillesse. On ne sait pas si la mort lui laissa le temps d'exécuter son projet. En tout cas, eût-il rédigé ses règnes d'Auguste, de Nerva et de Trajan, nous n'en serions guère plus avancés, puisque ces livres auraient péri jusqu'au dernier mot. Nous ne possédons pas même intégralement les Annales et lès Histoires. Il ne reste, des Histoires, que les quatre premiers livres et le commencement du cinquième : or, l'ouvrage en avait vingt à l'origine. Les Annales sont moins mu

tilées. Nous avons les six premiers livres : le cinquième, à la vérité, est incomplet. Les livres suivants manquent; mais, à partir du onzième, l'ouvrage se continue sans interruption notable, jusqu'au trente-cinquième paragraphe du livre XVI: la fin du seizième livre n'existe plus. C'est avec ce livre que finissaient les Annales et le règne de Néron.

Nous n'avons plus à revenir sur les mérites ou sur les défauts des deux grandes compositions de Tacite. Nous remarquerons seulement qu'il n'est pas facile de dire pourquoi l'auteur a donné deux titres différents à deux ouvrages si parfaitement analogues. Aulu-Gelle en donne des raisons qui ne sont ni bien convaincantes ni bien claires. L'opinion la plus probable, et la plus généralement admise, est celle qui établit la distinction d'après la manière dont les faits sont racontés. Les faits sont plus développés dans les Histoires, plus serrés dans les Annales.

Quant au Dialogue des Orateurs, nous en avons parlé assez longuement dans un autre chapitre, pour n'avoir rien à en dire dans celui-ci.

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Misères littéraires du deuxième siècle.

Quand Rome eut conquis l'univers, il en fut d'elle, dit la poëtesse Sulpicia, comme de l'athlète des jeux d'Olympie, qui, resté seul vainqueur dans le stade, languit et s'énerve, consumant son courage dans un immobile repos. Ce repos, selon la remarque de Sulpicia, fut employé du moins aux pacifiques travaux de la pensée. Mais le génie littéraire de Rome eut à son tour sa défaillance, et une défaillance plus profonde encore que celle où s'était jadis affaissé son génie

politique. Après Juvénal, la poésie disparaît; après Pline le Jeune, l'éloquence; après Tacite, l'histoire. Le deuxième siècle, du moins à partir du règne d'Adrien, est la stérilité même. On cite pourtant un nom de poëte, ou plutôt de versificateur, Flavius Avianus. Mais quel poëte que cet Avianus, si c'est lui qui a rédigé les quarante-deux apologues en vers élégiaques, que d'ordinaire on lui attribue! Un poëte de la force de Dionysius Caton! un écrivain presque sans esprit, et quasi-barbare! Ces vers sont si mauvais, que plus d'un critique ont refusé d'y voir une production du siècle, et qu'ils les rapportent non point à Avianus, mais à Aviénus, écrivain du Ive siècle. Quant au véritable Avianus, si on le dépouille des apologues, nous ne savons plus ni ce qu'il a fait, ni quelle était la nature de son talent, ni même s'il avait l'ombre du talent. Je ne parle pas de quelques épigrammes, dont les auteurs sont inconnus, ni même des jolis petits vers de l'empereur Adrien à son âme : ces bluettes prouvent seulement que les études de versification n'étaient pas négligées. Adrien, malgré son esprit, n'est pas plus un poëte qu'Avianus. On cite un nom d'orateur; mais cet orateur était Fronton: nous dirons tout à l'heure jusqu'à quel point Fronton a mérité ce beau titre. Quant à l'histoire, on ne cite ni un livre ni un nom. Qu'on juge de ce que nous allons rencontrer à travers ces landes! Notre chapitre sur les écrivains du 11° siècle se réduirait presque à rien, si nous n'avions pas à parler du rhéteur Aulu-Gelle et du romancier Apulée.

Fronton et Marc Aurèle.

Marcus Cornélius Fronto a eu du malheur. Avant les découvertes d'Angelo Mai sur les manuscrits palimpsestes, il ne restait que quelques mots de ses écrits, et il était permis de voir en lui un homme de grand talent, sinon, comme quelques-uns le nomment, un orateur du premier ordre.

Les anciens s'étaient complu à lui décerner à l'envi les plus magnifiques éloges. Aulu-Gelle, qui l'avait connu personnellement, célèbre la pureté de son goût, la grâce de son langage, et les charmes de sa conversation, nourrie de tou

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tes les bonnes doctrines. Marc Aurèle, disciple reconnaissant, consacre, dans ses Pensées, quelques lignes bien honorables à celui qui avait été un de ses maîtres : « J'ai senti, grâce à Fronton, tout ce qu'il y a, dans un tyran, d'envie, de duplicité, d'hypocrisie, et combien il y a peu de sentiments affectueux chez ces hommes que nous appelons patriciens. » Marc Aurèle avait nommé Fronton consul, et lui avait fait élever une statue dans le sénat. Euménius, le panégyriste de l'empereur Constance, met Fronton sur la même ligne que Cicéron : « Fronton, dit-il, cette autre, mais non seconde lumière de l'éloquence romaine. » Il est vrai que Macrobe accuse Fronton de sécheresse, et qu'il remarque que cette sécheresse n'a rien de commun avec la concision de Salluste. Mais un écrivain peut être sec dans son style, et avoir encore des qualités fort recommandables : rien n'empêche de donner à tels et tels, qui sont la sécheresse même, le titre de penseurs et de bons esprits.

La publication des Lettres de Marc Aurèle et de Fronton a fait évanouir tous les prestiges, et on sait maintenant à quoi s'en tenir sur la valeur littéraire du prétendu orateur. Fronton est de l'école de Gorgias; il déclame et fait déclamer son disciple sur les sujets les plus ridicules ici, c'est un éloge du sommeil, en réponse à une diatribe contre le sommeil; là, c'est l'éloge de la fumée. Ailleurs, vous trouvez des narrations où Fronton est parvenu à rendre ennuyeuses même des aventures contées jadis par Hérodote : nulle cha- leur, nul intérêt, nulle grâce. Ailleurs, ce sont des compliments sans esprit. Fronton ne passe guère que de la puérilité au ridicule. Ajoutez que, si ses phrases sont construites avec une sorte d'art prétentieux, sa diction est loin d'être irréprochable les tours vicieux, les termes impropres, les acceptions forcées, y abondent. Rien de nauséabond comme la lecture de ces élucubrations de rhéteur. On serait presque tenté de plaindre l'homme illustre qui les a exhumées, d'avoir perdu un temps précieux à tirer du néant ce qui n'est après tout que cendre et poussière. Mais on rend grâce à M. Mai, parce que Fronton a eu quelquefois la bonne idée de transcrire des extraits de ses lectures. D'admirables cho

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