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D'après Philon, qui idéalise les esséniens et les représenté comme les modèles de la sagesse pratique, ils rejetaient tout sacrifice et prétendaient n'adorer Dieu qu'en esprit. Josèphe, au contraire, affirme que le sacrifice était saint à leurs yeux, mais seulement alors qu'il se célébrait à leur manière. Ils observaient rigoureusement la solennité du sabbat, vivaient en communauté de biens, et se soumettaient avec une inquiète exactitude, et contrairement à l'esprit primitif de leur secte, à une multitude de formes et de pratiques extérieures, telles que les lustrations, l'abstinence des choses impures, et les quatre degrés de leur hiérarchie. Ainsi leur piété avait à la fois un caractère mystique et légal, contemplatif et servile. On commit donc une erreur grave lorsqu'on voulut affilier directement les esséniens au Christianisme, d'après l'opinion d'Eusèbe, puisque l'essence même du Christianisme leur manque. On peut tout au plus présumer que les assemblées des thérapeutes ont pu avoir une certaine influence sur la forme de vie des monastères chrétieus.

Aucune de ces sectes ne pouvait donc, en définitive, avoir une influence prépondérante sur l'esprit religieux du peuple. Les pharisiens, dévots en apparence, étouffaient le sens intérieur par leurs formes exagérées et leur piété mesquine. Quelle vertu, quelle foi pouvaient inspirer au peuple l'indifférence et le doute des sadducéens? Quelle action, quelle influence pouvaient exercer sur la masse les esséniens soli

taires?

Le tableau des divisions religieuses des Juifs se complète par le souvenir des luttes et de la haine mutuelle des Juifs et des Samaritains. Ces derniers tiraient leur nom de Samarie, ancienne capitale du royaume d'Israël. L'origine de leur

(1) Sylvestre de Sacy, Mémoires sur l'état actuel des Samaritains. Paris, 1812. Gesenius, de Pentateuchi Samar. origine, indole et auct. Halæ, 1815. Ejusd. Programma de Samar. theologia ex fontibus ineditis. Halæ, 1822. Ejusd. Carm. Samar. e codd. Lond. et Goth. Lipsiæ, 1824. (Sieffert) Progr. de temp. schismatis Eccl. Judæos inter et Samar. oborti. Regiom., 1828, in-4.

séparation religieuse remonte au temps de Salmanasar, alors qu'en place des captifs emmenés à Babylone le vainqueur envoya des Babyloniens et des Cuthéens, auxquels se mêlèrent les Juifs demeurés à Samarie 1. Ce mélange les rendit l'objet de la haine universelle. Quoique païens par le fait, ils prétendirent dès lors et toujours être Israélites d'origine. De tristes et déplorables expériences leur firent désirer de revenir au monothéisme, et de prendre part à la construction du nouveau temple, dont ils furent exclus comme idolâtres. La réforme religieuse qu'ils désiraient ne s'opéra donc parmi eux qu'au temps d'Alexandre le Grand, par le Juif exilé Manassé. Il réintroduisit le Pentateuque parmi les Samaritains, bâlit, d'après un texte du Deuteronome (XXVII, 4), un temple sur le mont Garizim, avec l'autorisation d'Alexandre, et ordonna des prêtres de la tribu de Lévi. Cependant leur liturgie différa beaucoup de celle du temple de Jérusalem, comme d'ailleurs les Samaritains différaient des Juifs, en n'admettant des livres de l'Ancien Testament que le Pentateuque, et en croyant que le temple où l'on devait adorer Dieu ne pouvait être que sur le mont Garizim 3. Ils tenaient à la doctrine nationale d'un Dieu, de la Providence, du Messie futur (, conversor), mais ils la comprenaient d'une manière plus large que les Juifs. Les deux nations s'adressaient des noms injurieux, se reprochaient l'idolâtrie, évitaient toute société entre elles, se refusaient l'hospitalité", et cherchaient, en voyageant, à ne pas toucher leurs limites mutuelles. Elles combattirent souvent l'une contre l'autre et restèrent toujours irréconciliables. Le Christ, par ses paroles et par ses actions', leur en fit d'amers reproches.

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L'influence des pharisiens avait fait régner parmi les Juifs, avec une apparence de justice légale, le fanatisme et l'im

(1) 2 Roi, XVII, 24; Cf. 2 Paralip. XXXI, 1. —(2) 2 Rois, XVII, 29. - (3) Jean, IV, 19.—(4) Eccles. L, 28; Jean, VIII, 48. — (5) Luc, IX, 53. — (6) Luc, X, 25, 57. — (7) Jean, IV, 4. — Luc, IX, 52.

pureté. On ne comprenait plus en général la religion que comme une chose extérieure. Le doute et le trouble de l'âme avaient été les résultats de l'influence moins active des sadducéens. Au milieu de ces agitations religieuses, qu'augmentait encore le joug des Romains, se réveillaient dans tous les cœurs le désir et l'espérance d'une double amélioration, extérieure et intérieure. Mais plus la foi des Juifs était troublée, plus ils étaient portés à interpréter les glorieuses promesses du Messie d'après leurs désirs terrestres et leurs opinions mondaines. Ils attendaient un guerrier puissant et fort, conquérant et dominateur de la terre. Un petit nombre d'entre eux seulement, représentés par les glorieux personnages du Nouveau Testament, Zacharie, Élisabeth, Simon, Anne, Marie, etc. ', espéraient en un Messie, libérateur du péché et de l'erreur. C'était précisément à la fin de la période où nous sommes arrivés que, s'appuyant sur la dernière prophétie de Daniel relative aux soixante-dix semaines d'années (490 ans), les Juifs attendaient le Messie promis avec une impatience que redoublait chaque jour la tyrannie des successeurs d'Hérode et des gouverneurs romains; le joug de Rome surtout leur était odieux. Ils avaient tellement l'espoir d'en être délivrés, ils l'annonçaient si hautement, que les païens, et les Romains principalement, en eurent connaissance, et s'en étonnèrent d'autant moins qu'eux aussi, gémissant sous la tyrannie nouvelle des empereurs, ayant perdu toute croyance religieuse, dédaignant le culte de leurs pères, désiraient ardemment un libérateur qui mit un terme à leur incertitude, guérit leurs plaies, calmât leurs angoisses, et leur rendît espoir et confiance en Dieu '.

Ainsi, partout, on attendait le Désiré des nations, comme l'avait prédit le Prophète, et comme, chaque année, l'Église nous le rappelle, quand elle entonne durant l'Avent l'hymne antique: Rorate, cæli, desuper, nubes pluant Justum! Le Verbe éternel n'avait jamais cessé d'agir dans le monde, et de ré

(1) Luc, I-II. — (2) Dan. IX, 24.

(3) 1 Pierre, II, 25.

pandre sa vie et sa lumière sur l'humanité déchue; mais le monde ne l'avait pas compris 1; ni les siens, ni les Juifs, ni les païens ne l'avaient reçu et n'avaient porté encore des fruits de vie.

C'est alors que le Fils de Dieu quitta les demeures éternelles de son Père, se fit homme, pour vivifier, réconcilier, libérer, éclairer, sanctifier les hommes, et conduire, par sa grâce et sa vérité, toutes choses à leur fin éternelle. «< Le <«< Christ, dit saint Augustin, apparut aux hommes au milieu << d'un monde vieux et mourant, pour vivifier et rajeunir tout « ce qui se flétrissait et tombait autour d'eux. »> « Au-dessus « de toutes les étoiles, s'écrie dans un pieux et profond en« thousiasme saint Ignace d'Antioche, saluant la venue de « l'Homme-Dieu; au-dessus de toutes les étoiles du ciel bril<< lait une étoile d'une ineffable lumière, d'une merveilleuse « pureté. Les astres du firmament, le soleil et la lune for<< maient autour d'elle un chœur éblouissant; mais tous rece<< vaient leur lumière, empruntaient leur éclat de cette étoile <«< unique et mystérieuse. Et toute magie fut abolie; les liens « du péché furent rompus, l'ignorance fut dissipée, l'empire <«< du mal ruiné, lorsque Dieu parut sous la forme humaine << pour rendre la vie à tout ce qui périssait sans elle'.» « La « plénitude des temps était venue'; Dieu envoyait son Fils pour << racheter ceux qui étaient sous sa loi et les faire ses enfants

d'adoption. » C'était aussi le moment le plus favorable pour fonder l'influence universelle du Christianisme. Jamais on n'avait autant désiré une religion selon l'esprit et la vérité; jamais le monde n'y avait été plus préparé; l'opposition si tranchée des Juifs et des païens tombait et se fondait dans le sentiment universel de la désolation intérieure et de l'oppression du dehors. L'état politique de la plupart des peuples civilisés les avait merveilleusement préparés à l'action salutaire du Christianisme. Rome étendait alors son empire sur presque tout le monde ancien connu : à l'Occident

(1) Jean, 1, 5, 9, 10, 11. (2) Jean, 1, 12-14. — (3) Ep. ad. Ephes. c. XIX. (4) Gal. IV, 4; Rom. V, 6; Ephes. 1, 10; Tit. 1, 3.

de cet immense empire prédominaient la langue et les mœurs de Rome; à l'Orient les conquêtes d'Alexandre avaient fait triompher la civilisation grecque, qui avait étendu sa domination jusque dans Rome même, au temps des empereurs. Combien l'union de tant de peuples soumis à une même domination, parlant une même langue, facilitait l'annonce de l'Évangile! Paul écrit en grec aux habitants de Corinthe et de Philippes, à l'orientale Éphèse comme à l'occidentale Rome, aux Asiatiques comme aux Européens. L'amour des conquêtes avait produit chez les Romains, en place de leur rigueur première, une grande tolérance à l'égard des cultes étrangers. On admettait généralement que les dieux avaient eux-mêmes ordonné les cultes divers, qui devaient se tolérer réciproquement, tant qu'ils se bornaient au pays, au peuple auquel ils appartenaient. Il en était résulté une assez grande faveur pour le syncrétisme religieux. L'invasion des dieux étrangers avait néanmoins été telle à Rome, malgré la loi en vigueur et qui exigeait l'autorisation de l'État, qu'on fortifia les lois circa sacra peregrina 2, jusqu'à ce qu'enfin le Christianisme, vainqueur du monde, se manifesta aux Romains, dans la plénitude de sa force et de sa vérité. Comment ne pas reconnaître la main de la Providence dans tous ces préparatifs, si favorables à l'annonce et à la propagation du Christianisme? Comment ne pas s'écrier avec le grand apôtre du monde : « Dieu a tout enfermé dans l'incrédulité, afin de <«< faire miséricorde à tous. O profondeur des trésors de la sa« gesse et de la science de Dieu! que ses conseils sont incom« préhensibles et ses voies insondables '! »

(1) Cf. Hug. Introd. au Nouveau Testament; 3° édit. 2o part., p. 30. — (2) 327, a. U. C. — (3) Rom. XI, 32, 33.

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