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Cette inconstance et cette infidélité du peuple étonnent d'abord, quand on se rappelle combien le Juif devait être préparé à la mission du Sauveur; mais l'étonnement diminue quand on s'arrête aux faits suivants. 1° La masse comprenait d'une manière sensible et charnelle l'élection et la destinée d'Israël; elle ne comprenait guère l'action mystérieuse de Dieu sur les âmes pour leur vraie sanctification; elle ne comprenait pas mieux la part de l'homme dans cette œuvre de régénération; les sacrifices qu'elle offrait avec une bruyante pompe au Seigneur étaient vides, car il y manquait l'esprit d'amour et d'obéissance, et le Juif était souvent assez présomptueux pour croire que Dieu n'avait de miséricorde que pour les Juifs; 2° le Messie que le peuple attendait devait être un héros, un conquérant, apparaissant avec gloire et magnificence, élevant le peuple juif au-dessus de tous les peuples de la terre. A peine faisait-on mention des prophéties qui représentaient le Messie souffrant et mourant pour les péchés du monde '; on les avait entièrement oubliées..... Et le même oubli ne se fit-il pas douloureusement sentir à Jésus jusque dans le cercle étroit de ses douze apôtres et de ses soixante-douze disciples'? 3° C'était surtout aux pharisiens hypocrites, tout occupés d'œuvres extérieures et jaloux de dominer le peuple, que s'adressaient les reproches menaçants du Sauveur. Ils en étaient d'autant plus irrités qu'ils étaient incertains si Jésus ne se déclarerait point le Messie, dans leur sens charnel. Aussi cherchaientils à éloigner le peuple de la foi en Jésus-Christ, comme

(1) Cf. Hirscher, Vie de Jésus, 2o éd., p. 88-112.

(2) Cf. † Reinke, Exegesis critica in Isaiam LII, 13-53, sive de Messia expiatore, passuro et morituro, comment. Monast., 1836.

(3) Ce nombre est en rapport avec celui des membres du grand conseil de Jérusalem, comme celui des douze apôtres avec les douze tribus d'Israël. Eusèbe, Hist. ecclésiast., I, 12, dit déjà qu'il n'existait plus, de son temps, aucun témoignage de ces soixante-dix (ou soixantedouze) disciples. Ce qui a été ajouté aux Lib. III de Vita et morte Mosis (ed. J.-A. Fabricius) est postérieur et peu authentique.

(4) Jean, X, 24.

Messie. Ils y réussirent facilement, car, 4°, sous tous les rapports, l'esprit et la doctrine de Jésus étaient opposés à l'esprit et aux maximes du monde, et se prêtaient peu aux penchants, aux désirs, aux espérances terrestres des hommes en général, et des Juifs en particulier. Ainsi, méconnu de tous côtés, Jésus vit, après trois années de travaux, s'approcher le terme des desseins de Dieu. Sans craindre ni rechercher la mort, il se rendit à Jérusalem avec ses apôtres, pour accomplir la loi, aux fêtes de Pâques1; et là il déclara ouvertement que sa mort était proche, et qu'après trois jours il sortirait triomphant du tombeau ; et en même temps il pleurait, en dévoilant prophétiquement à ses disciples les malheurs qui menaçaient Jérusalem'.

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Certain de sa mort prochaine, certain de la durée de son œuvre, Jésus, après avoir donné les preuves les plus touchantes de son amour et de son humilité, institua, durant cette dernière pâque qu'il avait désirée d'un désir ardent', un banquet d'alliance et de perpétuelle commémoration. Là devaient se réunir désormais tous ses véritables disciples; là Jésus se donnerait à eux spirituellement et corporellement jusqu'à la fin des temps. Ainsi devait se réaliser à jamais la parole prophétique qu'il avait adressée au peuple : « Ma chair est une véritable nourriture, mon sang est un véritable breuvage'. » Alors aussi, arrivé au terme de sa vie terrestre, il soutint, comme au commencement de sa carrière publique, une lutte terrible contre les infirmités de la nature humaine".

Pendant cette agonie douloureuse, les pharisiens, le conseil des prêtres et le peuple, conspirant sa mort, se disaient : « C'est un blasphémateur; » et en même temps ils l'accusaient de haute trahison auprès du gouverneur Ponce-Pi

(1) Luc, XVIII, 31. Cf. Jean, X, 18. — (2) Luc, XIX, 41 sq.— (3) Luc, XXII, 24 sq. Cf. Jean, XIII, 1sq.-(4) Jean, VI, 56.-(5) Matth. XXVI, 37 sq.

T. I.

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late. Amené devant eux et interrogé s'il est le Christ, s'il est roi « Je le suis, » dit-il; car désormais il parle ouvertement et sans parabole.

On le bafoue, on le conspue; il souffre les tourments les plus cruels ; il meurt sur la croix, priant pour ses ennemis, répandant son sang pour la rémission des péchés et la réconciliation de l'humanité avec Dieu. La nature frappée de terreur s'émeut, les rochers s'entr'ouvrent, la mort vaincue rend sa victime. Le rideau du Saint des saints se fend du haut en bas; le paganisme reconnaît le vrai Dieu : << En vérité, cet homme était un juste, c'était le Fils de Dieu *. » Une voix mystérieuse se répand au loin à travers les mers: « Le grand Pan est mort, » et l'on entend des soupirs mêlés à des cris d'admiration *. Joseph d'Arimathie ne craint plus les hommes; il réclame le corps de Jésus auprès de Pilate. Les prophéties s'accomplissent tout entières : « Il donnera les impies pour le prix de sa sépulture et les riches pour la récompense de sa mort *. »

Et ce fait de la mort de Jésus-Christ devient le premier anneau auquel se rattacheront désormais toutes les prédications apostoliques; car tout est dans la mort de Jésus-Christ; le péché de l'homme, qui en est la cause; la médiation de Jésus-Christ, qui en est le remède; la réconciliation avec Dieu, qui en est le prix; dans le Christ, dans le Dieu-Homme, s'est réalisée l'idée éternelle de l'humanité (Yio's Tou ávŋçáTOU, l'homme par excellence, xar' ox). Mais cet idéal pur, ce modèle immaculé a subi la mort; il a donc fallu que (1) Jean, XIX, 12.

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(2) Matth. XXVI, 63-64; Jean XVIII, 37. (3) Matth. XXVI, 28 sq.; 2 Cor. V, 18; Rom. IV, 25. (4) Matth. XXVII, 51 sq. Cf. Luc, XXIII, 47 sq.

(*) D'après le récit de Plutarque, de Oraculorum defectu (Opp. ed. Reiske, t. VII, p. 651). Plutarque rapporte plus loin que cet événement fut connu aussitôt à Rome, et que l'empereur Tibère fit faire une exacte enquête à ce sujet.-Tacit., Annal. XV,44. « Auctor nominis ejus (sectæ christianorum) Christus qui, Tiberio imperante, per procuratorem Pontium Pilatum supplicio adfectus erat. »

(5) Isaïe, LIII, 9.

le péché de l'humanité fût bien grand pour rendre nécessaire une pareille expiation. L'homme, contemplant le Christ, apprend à se connaître et trouve dans cette connaissance le fondement de l'humilité, de l'obéissance et de l'amour le plus filial.

§ 42.-Résurrection du Christ; son Ascension.

Le fait de la résurrection de Jésus-Christ est parfaitement établi par les quatre Évangiles. Quelques différences peu importantes, des contradictions apparentes dans des circonstances accessoires, confirment la sincérité du récit et prouvent clairement que la narration des quatre évangélistes n'est pas concertée. Thomas, l'un des douze, nie avec opiniâtreté, dit Léon le Grand, afin que le monde croie avec d'autant plus d'assurance. Jésus-Christ livré à la mort pour nos péchés, étant ressuscité pour notre justification, selon la parole du grand apôtre des Gentils, la résurrection a parfait l'œuvre de la rédemption; elle en est l'apogée, et c'est pourquoi le même apôtre nous dit hardiment : « Si JésusChrist n'est pas ressuscité, notre prédication est vaine, notre foi inutile. » C'est dans ce fait aussi que les apôtres puisèrent un inébranlable courage pour annoncer l'Évangile. Jésus, glorifié, demeura quarante jours au milieu de ses apôtres, faisant beaucoup de miracles devant eux et leur donnant ses dernières instructions pour le développement de son œuvre “. Puis il les conduisit à Béthanie. Là, il leur adressa ses dernières paroles pour les fortifier dans leur foi : « Toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre. Allez, leur dit-il une seconde fois, annoncez l'Évangile à toutes les créatures; baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit . » Et les bénissant, il étendit les mains sur eux, et au même instant il fut élevé mystérieusement au ciel, comme il était mystérieusement descendu sur la terre ; et les disciples

(1) Rom. IV, 25.—(2) 1 Cor, XV, 14.— (3) Jean, XX, 50.—(4) Act. des Ap. I, 3. (5) Matth. XXVIII, 20; Marc, XVI, 15. (6) Luc, XXIV, 51; Act. 1,

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étonnés retournèrent, en priant, à Jérusalem, pour y attendre la réalisation de la promesse de leur Maître : « Mais, pour vous, restez à Jérusalem, jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en haut *. »

(*) Luc, XXIV, 49.-Outre les quatre Évangiles, sources de cette exposition de la vie de Jésus, on peut encore faire mention d'autres sources plus ou moins apocryphes. Parmi les dernières se trouve : 1° une prétendue Correspondance du Christ avec Abgar, roi d'Édesse, qu'Eusèbe dit avoir trouvée dans les archives de l'Église d'Édesse et avoir traduite du syriaque. Cf. son Hist. ecclésiast., I, 3. Assemanni Bibl. oriental., t. I, p. 554; t. III, P. 2, p. 8. Nat. Alex. Hist. ecclesiast. I sæc., diss. III, t. IV, p. 175 sq. Parmi les moins authentiques sont : 2o les récits apocryphes de la naissance, de la jeunesse et de la vie de Jésus, dans Fabricii Cod. apoc. Nov. Testam., ed. II. Hamb., 1719 sq., t. III, et dans Thilo, Cod. apocr. Nov. Testam. Lipsiæ, 1832, t. I. Ejusd. Acta Thomæ apost. Lipsiæ, 1823. 3o Acta Filati, dont déjà Justin fait mention, Apol. I, c. 35-48, et Tertullien, Apologet. c. 5 et 21 (Opp. ed. II. N. Rigaltii. Paris., 1641), p. 6 et 22, en parle aussi. Les païens dans Eusèbe, Hist. ecclésiast., IX, 5, et les chrétiens dans Épiphan. Hæres. L, c. 1, ed. Petav., t. 1, p. 420, les citent également. Un travail postérieur sur ces Actes fut Evangelium Nicodemi. Cf. Thilo, Acta Thom., p. 30 sq. Cf. Braun, de Tiberii Christum in deorum numerum referendi consilio comment. Bonn, 1834. Ces Actes doivent certainement reposer sur un fait historique. Mais nous tenous pour authentique et sans interpolation: 4° le témoignage du Juif Jos. Flav. Antiq. XVIII, 3, 3, sur le Christ, surtout parce que, nonob stant les considérations extérieures et intérieures, il est tout à fait en rapport avec l'éclectisme religieux de Josèphe. Il est ainsi conçu : riverai δὲ κατὰ τοῦτον τὸν χρόνον Ἰησοῦς, σοφὸς ἀνὴρ (εἶχε ἄνδρα αὐτὸν λέγειν χρή· ἦν γαρ) παραδόξων ἔργων ποιητής (διδάσκαλος ἀνθρώπων τῶν σὺν ἡδονῇ τἀληθῆ δεχομένων). Καὶ πολλοὺς μὲν τῶν Ἰουδαίων, πολλοὺς δὲ καὶ ἀπὸ τοῦ Ἑλληνικοῦ ἐπηγάγετο. (ὁ Χριστὸς οὗτος ἦν.) Καὶ αὐτὸν ἐνδείξει τῶν πρώτων ἀνδρῶν παρ' ἡμῖν σταυρῷ ἐπιτετιμηκότος Πιλάτου οὐκ ἐξεπαύσαντο οἱ τὸ πρῶτον αὐτὸν ἀγαπήσαντες. (Εφάνη γὰρ αὐτοῖς τρίτην ἔχων ἡμέραν πάλιν ζῶν, τῶν θείων προφητῶν ταῦτά τε καὶ ἄλλα μυρία περὶ αὐτοῦ θαυμάσια εἰρηκότων. ) Εἰσέτι τε νῦν τῶν Χριστιανῶν åñò toũde ¿vouzoμévæv dùx étéλite tò quλov. Eusèbe, Hist. ecclésiast., I, II, Démonstr. évang., II, 5, est le premier écrivain chrétien qu'on puisse démontrer s'en être servi. Nous ne pouvons admettre comme interpolės les passages qui se trouvent ici entre parenthèses et qu'indique comme tels Gieseler, pas plus que le changement de la leçon à en ánoñ. Cf. Oberthur, dans la préface de la 2o part. de la trad. de Josèphe par Friese. Altona, 1805. Bochmert, des Témoignages de Jos. Flav. sur le Christ. Leipzig, 1840. Contre l'authenticité, dans les temps modernes, Eichstadt, Flaviani de Jesu Chr. testimonii au@evrix, quo jure nuper defensa sit Question IV. Jen., 1813-41. Cf. Ruttenstock, Inst. hist. ecclesiast., t. I, p. 146-154.

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