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§ 50.

Rapide propagation du Christianisme au milieu des persécutions.

Précis de l'Histoire des missions chrétiennes dans l'empire romain jusqu'à la chute de cet empire au Ve siècle. Strasb., 1843.

Si l'on considère la rapidité avec laquelle le Christianisme se propagea en Asie, dans la Palestine, en Syrie, dans l'Asie Mineure, à Damas et à Antioche, en Mésopotamie, à Édesse ; en Europe, particulièrement en Grèce, dans plusieurs îles, en Italie (en Espagne?); en Afrique et surtout en Égypte; si l'on énumère les nombreuses Eglises établies de toutes parts; si l'on pèse toutes les mesures qui furent nécessaires pour fonder et régler toutes ces Églises naissantes, on concevra une idée consolante de la faveur qui accueillit partout le Christianisme, dès l'origine. Et qu'on ne s'imagine pas que c'étaient tous gens pauvres et grossiers qui composaient ces communautés primitives. Qu'on se rappelle les nombreux envois d'argent dont font mention les épîtres des apôtres, et la conversion du proconsul Sergius Paulus à Chypre, et celles de l'eunuque d'Éthiopie, du centurion Corneille, de Denys l'Aréopagite'; qu'on se souvienne des rapports de Paul avec les habitants du palais des Césars'. Flavius Clément, oncle de Vespasien, Domitille, sa femme, et d'autres Romaines distinguées, n'appartenaient-ils pas au Christianisme, dans les derniers temps de la vie de Jean? Enfin les fréquents avertissements des apôtres contre ceux qui introduisent dans le Christianisme des erreurs tirées des systèmes de la philosophie et de la théologie païennes, ne prouvent-ils pas que les savants du monde étaient entrés dans l'Église, et menaçaient d'y introduire les dangereuses spéculations dont ils étaient imbus?

Les obstacles mêmes que rencontra le Christianisme rendent

(1) Act. XIII; Phil. III, 24. (2) Act. XIII. (3) Act. VIII, IX. (4) Act. XVII, 34. — (5) Phil. IV, 22. (6) Col. II, 8; 1 Tim. I, 20.

plus merveilleuse encore sa rapide propagation. Quelle violente opiniâtreté que celle des Juifs incrédules! quelle opposition ardente que celle des païens contre Paul surtout, à Athènes, à Éphèse! quelles persécutions sanglantes, enfin, que celles des empereurs romains! Claude exile de Rome les chrétiens, confondus avec les juifs bannis [an 53 apr. J.-C.]1. Après l'incendie de Rome, sous Néron, la persécution devient cruelle et dure plusieurs années. Les chrétiens sont déchirés par les bêtes dans les arènes, précipités dans le Tibre, enduits de poix et allumés comme des flambeaux, pour éclairer les carrefours de la ville'. On élève cependant des doutes fondés sur l'existence d'une persécution générale à cette époque, telle que l'admet Orose au IVe siècle. Vespasien ne persécute pas directement les chrétiens [ans 69-79 apr. J.-C.], mais il en exige avec rigueur, comme des Juifs, l'impôt personnel. Domitien agit de même [ans 81-96 apr. J.-C.]; de plus il condamne à mort Clément Flavius, accusé d'impiété et de tendance au judaïsme, c'est-à-dire au Christianisme'; il bannit Domitille dans l'île de Pandataria; il relègue une autre de ses parentes à Pontia; il exile l'apôtre Jean à Pathmos", surtout, dit-on, afin de confisquer les biens de tous ces proscrits. Il fait citer à Rome quelques-uns des parents de Jésus, dont il craint la rivalité; mais il les renvoie à la vue de leurs mains calleuses, endurcies par de pénibles travaux. Sous le règne malheureusement trop court de Nerva [ans 96-98 apr. J.-C.], on rejeta, comme dénuée de fondement, l'accusation d'impiété et de judaïsme.

(1) Suet. Vit. Claud. c. 25.

(2) Tacit. Ann. XV, 44; Suet. Vit. Neron. c. 16. Tertull. Apol. c. 5, ed. Havercamp, p. 64, parle déjà de lois portées par Néron et Domitien contre les chrétiens, mais en partie rapportées par Trajan (quas Trajanus ex parte frustratus est).

(3) Dio Cassius et Epitomator de Xiphilinus, LXVII, 14; Euseb. Chron. lib. II, ad. Olymp. 218. Hyreronym. ep. 86.

(4) Tertull. Præscript. hær. c. 36; Euseb. Hist. ecclesiast. III, 20. (5) Euseb. Hist. ecclesiast. III, 20.

(6) Dio Cass. LXVIII, 1.

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Flav. Joseph. de Bello Jud. lib. VII, var. lection. instrux. et notis illustr. Ed. Cardwell. Oxoniæ, 1837, 2 vol. (raconte en grande partie comme témoin oculaire); Tac. Hist. V, 1-13; Stolberg, t. VII, p. 1-163.

que

Dès le Christianisme fut né, le judaïsme, qui en avait été la préparation, ayant accompli sa mission dans l'histoire du monde, devait disparaître. Jérusalem et son temple, centre du culte judaïque, n'avaient plus désormais leur valeur primitive; ils ne pouvaient subsister plus longtemps sans nuire au Christianisme, qu'ils menaçaient d'un double péril, la confusion des doctrines et la persécution des personnes. Les chrétiens nés Juifs devaient en être les principales victimes; mais, en même temps, s'appuyant toujours sur le culte ancien mêlé au culte nouveau, d'un côté ils fomentaient dans l'Église, contre les païens reçus dans son sein, un esprit de division tout à fait contraire au Christianisme, et de l'autre ils tendaient à produire un amalgame des deux religions bien plus déplorable encore.

La ruine de Jérusalem et de son temple fut donc un événement de la plus haute importance pour la prorogation et les succès de l'Église chrétienne', ainsi que l'avait prédit le Sauveur d'une manière positive, alors que le temple était encore dans toute sa gloire et sa magnificence. Les Juifs, jadis instruments choisis de la Providence pour l'accomplissement des desseins de Dieu, voulaient se prévaloir aux yeux des nations des prérogatives dont ils étaient complétement déchus. Les plus touchantes preuves de la miséricorde divine, les plus terribles châtiments n'avaient pu amener ce peuple, au cou roide, à accepter librement sa véritable mission sur la terre et

(1) Cf. Dieringer, Syst. des faits divins, t. 1, p. 240; surtout 362-296.

à se conformer franchement aux vues de Dieu. Il avait interprété les prophéties les plus sublimes sur le Sauveur dans un sens politique et restreint, et il niait avec d'autant plus de passion la réalisation de ces oracles divins, que la fondation de l'Église de ce Jésus, méprisé et réprouvé, et la durée de la domination romaine rendaient son attente plus vaine, sa déception plus notoire. Opprimé par les proconsuls romains à Césarée, le peuple chéri de Jéhovah crut le moment de la vengeance arrivé; il se révolta ouvertement sous le proconsulat de Cassius Florus [64 apr. J.-C.], attaqua les armes à la main la puissance romaine [66 apr. J.-C.], et s'enhardit dans sa révolte par la défaite de Cestius Gallus. Mais le jour terrible était proche où les malheurs épouvantables prédits par le Sauveur en larmes devaient fondre sur Jérusalem, où le sang de l'Homme-Dieu devait retomber sur les enfants réprouvés d'Israël. Vespasien, chargé du commandement par Néron, envahit la Galilée à la tête d'une puissante armée [67 apr.. .J.-C.]; il s'empara de Jotapat, la plus forte citadelle de la Galilée, après une défense opiniâtre de quarante jours, massacra quarante mille Juifs et soumit toute la province. Victorieux et pleins d'impatience, les soldats romains brûlaient de terminer la guerre par la prise et la ruine de Jérusalem; mais le prudent Vespasien attendit le moment favorable, que devaient nécessairement amener les divisions intestines des Juifs. En effet, les vieillards, mûris par l'expérience, voulaient la paix ; la jeunesse téméraire, irréfléchie et ne respirant que la guerre, se précipita dans Jérusalem, où Jean de Giscala l'accueillit. Vespasien soumit alors toute la Judée, et campa, toujours menaçant, devant Jérusalem; il attendait les ordres de l'empereur qui devait avoir succédé à Néron. Bientôt l'armée romaine se souleva, s'agita, le proclama auguste; Titus, son fils aîné, arriva avec des forces nouvelles devant la malheureuse ville, dont les défenseurs, après avoir combattu l'ennemi commun, s'entr'égorgeaient les uns les autres. Les chrétiens, se souvenant alors des paroles du Seigneur : «Lorsque vous ver« rez une armée environner Jérusalem, sachez que sa des

<«<truction est proche, » s'enfuirent vers Pella en Galilée. Alors aussi les Juifs virent se réaliser à la lettre les malheurs prédits par le Christ; mais rien ne put triompher de leur invincible opiniâtreté, ni les horreurs de la guerre civile, ni les angoisses de la famine, qui se montra hideuse, insensée, épouvantable dans la fille désespérée d'Éléazar. La horde de Simon avait enlevé aux femmes riches et distinguées tout ce qu'elles possédaient. Marie mourait de faim, et l'enfant qu'elle allaitait mourait d'inanition, sur son sein desséché. Elle le tue; elle fait rôtir au feu l'enfant de son amour et de ses douleurs; elle en mange une partie, et livre l'autre à la troupe avide, qui vient de nouveau fouiller sa maison, en s'écriant dans sa rage et son effroyable désespoir : « C'est <«< mon enfant ! c'est moi qui l'ai tué! Mangez! j'en ai bien <«< mangé, moi! Seriez-vous plus délicats et plus compatissants << qu'une femme, qu'une mère ! >>

La nouvelle de ce crime inouï se répandit aussitôt à travers la ville jusque dans le camp romain. Mais si les Juifs, toujours opiniâtres, ne profitèrent pas plus de ces expériences terribles que des paroles du Sauveur : « Bienheureuses alors « les stériles et celles qui n'auront point d'enfants, et dont les << mamelles n'auront point allaité, » les Romains, saisis d'horreur et de dégoût, résolurent de terminer victorieusement la lutte et d'ensevelir ces forfaits sous les ruines de Jérusalem. En effet, sa chute fut effroyable et l'incendie du temple plein d'horreur et d'épouvante [an 70 apr. J.-C.].

La perte de leur nationalité, leur dispersion à travers toute la terre, tel fut désormais le partage des Juifs. Mais l'Église de Jésus-Christ commença à se développer plus largement sur la terre.

(1) Matth. XXIV; Luc, XXI, 6.

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