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seule religion véritable, non point en procédant par méthode rationnelle, logique, strictement philosophique, mais en donnant à leur doctrine le caractère d'une révélation divine, qui excluait par là même toutes autres recherches longues et pénibles. Les représentants du système étaient considérés comme des voyants et des saints qui, affranchis du joug des sens, avaient obtenu le don de la contemplation des choses divines. Ammonius fut nommé le savant de Dieu (od`id`axтos); Plotin, rougissant d'avoir reçu la vie comme le reste des mortels, ce qui répugnait à la nature sublime et démiurgique qu'il s'attribuait, cachait avec soin quand et par qui il avait été engendré. Il s'attribuait une grande puissance magique; deux fois, disait-il, au milieu des efforts qu'il avait faits pour s'élever audessus des flots ensanglantés de la mer du monde, le Dicu, qu'aucune forme, qu'aucune image spirituelle ne peut représenter, lui avait apparu. Son but étant d'établir l'unité foncière de toutes les religions, il ne devait point y avoir pour lui d'opposition entre son système et celui de l'Évangile ; aussi s'en appropria-t-il diverses propositions1. On dit même qu'Ammonius et Porphyre appartinrent d'abord au Christianisme. Mais la lutte devait éclater nécessairement, puisque la doctrine de Jésus-Christ se présentait comme la seule vraie révélation divine et rejetait positivement toute fusion avec la religion païenne 2. Cette opposition absolue du Christianisme à toutes les religions païennes et populaires était considérée, par les néoplatoniciens, comme une interprétation fausse et judaïque des principes d'ailleurs vrais de la doctrine chrétienne, provenant de ce qu'on ne distinguait point entre la Divinité, une dans le tout (To Jɛïov), et la Divinité multiple dans sa manifestation (edì μepixsí, ¿Ováρxai). Ce ne fut qu'après la mort de Plotin que les néoplatoniciens, partant de ce point de vue, évidemment dirigé contre les vérités chrétiennes, entrèrent

(1) Mosheim, de Stud. ethnicor. christianos imitandi. (Diss. ad. Hist. ecclesiast. pert. Alton., 1733.)

(2) Euseb. Hist. ecclesiast. VI, 19; Præpar. evang. XI, 19; Socrate. Hist. ecclesiast. III, 23. Cf. Dieringer, Système des faits divins, t. I, p. 79.

214 § 68.

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SITUATION DES CHRÉT. DANS LE TROISIÈME SIÈCLE. en une opposition ouverte et directe avec le Christianisme. Ce fut d'abord Philostrate l'ancien, dans sa biographie d'Apollonius de Tyane, dont les prétendus miracles devaient éclipser toutes les merveilles de l'Évangile; ce fut ensuite, et d'une manière plus marquée, le Syrien Porphyre, disciple de Plotin [† 304]. Porphyre attaque la véracité des sources du Nouveau Testament, cherche à y relever des contradictions en s'appuyant particulièrement sur la discussion de Pierre et de Paul, blâme les interprétations des docteurs, l'allégorisme d'Origène, se moque des prophéties du Messie, de Daniel surtout, torture les faits de la vie de Jésus, demande pourquoi il est venu si tard pour sauver les hommes, pourquoi les chrétiens rejettent les sacrifices, tandis que Dieu paraît s' s'y complaire dans l'Ancien Testament; déclare enfin le Christianisme une doctrine hostile à toute civilisation avancée, ennemie de toutes les lois de l'État.

On ne peut cependant méconnaître dans les ouvrages de Porphyre des éléments chrétiens, particulièrement dans sa lettre à sa femme Marcella ', et il est obligé d'avouer qu'il y a des témoignages solides en faveur de la sainteté du Christ. Ce fut dans des vues analogues qu'Hiéroclès, gouverneur de Bithynie et préfet d'Alexandrie, sous Dioclétien, composa son Discours véridique. Pour ramener les chrétiens au paganisme, il reprend en partie les objections de Celse et de Porphyre, et compare les miracles de Jésus à ceux d'Apollonius de Tyane 2. « Vous dites que le Christ est Dieu, parce qu'il a rendu la vue « à quelques aveugles et fait quelques autres œuvres du même << genre; mais les Grecs ne regardent pas le grand Apollonius <«< comme un dieu; malgré ses nombreux miracles, ils ne le « considèrent que comme un homme chéri de Dieu. >> Toutes

(1) Porphyrii Adyoi natà Xpiotiavõv, lib. XV, fragm. dans Holstenius, de Vita et script. Porphyr. Romæ, 1630, et Fabricius, Bibl. gr, t. 4, p. 207 sq. Methodius, év. d'Olympe (au commenc. du IVe siècle), écrivit contre lui. Cf. Ullmann, Infl. du Christ. sur Porphyre (Études et critiques théol., ann. 1832, 2o livrais.).

(2) Euseb. Contra Hierocl. Col., 1688. Cf. Lactant., de Mortib. persecut.

c. 16.

215 ces altaques furent vigoureusement repoussées plus tard par Eusèbe.

OBSERVATION. On varie beaucoup sur le nombre des persécutions. On en compte ordinairement dix depuis le IVe siècle, et l'on a évidemment voulu par là faire allusion aux dix plaies de l'Egypte et à la bête aux dix cornes de l'Apocalypse 1. On diffère encore dans l'énumération de ces dix persécutions; mais on admet généralement les indications de saint Augustin 2: I, sous Néron; II, sous Domitien; III, sous Trajan; IV, sous Marc-Aurèle; V, sous Septime-Sévère; VI, sous Maximin; VII, sous Dèce; VIII, sous Valérien; IX, sous Aurélien; X, sous Dioclétien.

§ 69.

-Les apologistes chrétiens; leur tendance.

Les apologistes grecs (Justin, Athenagore, Théophile, Tatien, Hermias), ed. Prudentius Maranus. Paris., 1742, 1 t. in-f.; Venet., 1747. Fabricius, Delectus argumentor. et Syllabus scriptor. qui verit. relig. christ. asseruerunt. Hamb., 1725, in-4. Cf. Malher, Patrologie, t. 1, p. 188-313; Ritter, Hist. de la Philos. chrét., t. I, p. 289-344.

Les chrétiens se défendaient contre les plus cruelles persécutions en les supportant avec patience, contre les plus indignes calomnies en les réfutant avec calme. Ainsi se défendirent surtout ceux des chrétiens qui étaient instruits dans les lettres humaines ou la jurisprudence romaine; ainsi, déjà, un disciple immédiat des apôtres, l'auteur de la lettre à Diognet3, avait à la fois réfuté les reproches et les fausses accusations des païens et justifié les chrétiens, en décrivant leur vie avec une inimitable simplicité. Plus tard, d'après le témoignage d'Eusèbe, le philosophe Aristide et l'évêque Quadratus, d'Athènes, adressèrent à l'empereur Adrien des apologies du Christianisme, qui se sont perdues, ainsi que celles de Méliton, évêque de Sardes, d'Apollinaire d'Hiérapolis, et de Miltiade, adres

(1) Exode, VII, 10; Apoc. XVII, 22.

(2) August., de Civ. Dei, XVIII, 52. Lactance, 1. c., ne parle que de six persécutions; Sulpice Sévère en compte neuf.

(3) Ėmiaтoλù mpòç Ayvntov (Patr. apostol. opp. ed. Hefele.). Cf. Mæhler, Patrologie, t. 1, p. 164-174. Id. OEuvres complètes publiées par Dællinger, t. I, p. 19-31.

sées à Marc-Aurèle1. Heureusement la postérité a conservé un modèle accompli de ces défenses, simples et éloquentes, des chrétiens des premiers siècles, dans la grande apologie adressée à Antonin le Pieux, et la petite apologie à Marc-Aurèle, par saint Justin2. Ce philosophe, mécontent des systèmes philosophiques qu'il avait étudiés, saisi d'enthousiasme à la vue des martyrs chrétiens, embrassa hardiment le Christianisme. et scella à son tour sa foi de son sang [vers 167]. Son disciple Tatien' attaqua et mit à nu, dans un langage passionné, les ignominies du paganisme [vers 170]. Athenagore, philosophe athénien, repoussa, avec autant de douceur que de dignité, les accusations d'athéisme et d'inceste, dans son apologie adressée à Marc-Aurèle; il chercha à y démontrer philosophiquement le dogme de la résurrection, bafoué par les païens, et à convaincre l'empereur, par la vie des chrétiens, qu'ils n'étaient point indignes de sa protection. Theophile, évêque d'Antioche [entre 170 et 180], écrivit bientôt après trois livres au païen Autolyque, et, dans un style aussi élégant que pur, il dépeignit les divisions intestines et l'insuffisance palente du paganisme'. Il y a souvent de l'obscurité et rarement assez de sérieux dans les sarcasmes d'Hermias contre les philosophes païens, dont il démontre les contradictions".

(1) Euseb. IV, 3; Hieronym. de Viris illustr. c. 19-20; Euseb. IV, 26, 27; Hieronym. 1. I, c. 26; Euseb. V, 17; Hieronym. I. 1, c. 39.

(2) Justin. Apolog. I et II, ed. Braun. Bonn, 1830. Cf. Arendt., Recherches crit. sur les écrits de Just. dans la Rev. trim. de Tüb., 1834, 2o livrais. Semisch, Justin le Martyr, monographie ecclésiast. P. 1. Berlin, 1840. Olto, de Justini Mart. scriptis et doctrina. Jen., 1841. Id. ed. Just. Opp. Jen., 1842.

(3) Adyos πpès Exλnvas, ed. Worth. Oxon., 1700. Cf. Daniel, Tatien l'Apolog. Halle, 1838.

(4) Пpeo¤six meçi xptoriavõv, ed. Lindner. Longosal., 1744 (Galland. Biblioth. t. II, p. 3 sq.). Cf. Le Nourry, Appar. ad Max. Bibl. Patr., t. 1, p. 476. Mosheim, de Vera ætate apolog. quam Athenag., elc. (Diss. vol. I, p. 269).

(5) Euseb. IV, 20; Hieronym. de Viris illustr. c. 25, Nɛgì tñ; tÕV XRISTIZVĪV misrews, ed. Fell. Oxon., 1648; ed. Wolf. Hamb., 1724.

(6) Alaaupuòs tāv ğm qiàccópov, ed. Dommerich. Hala, 1764; ed. et illustr. Menzel. Lugd. Batav., 1840.

Clément d'Alexandrie, au contraire, homme d'une science profonde et d'une haute culture, s'efforça d'amener peu à peu les païens à la conviction de la vertu du Christianisme, par une démonstration graduelle, tout à fait conforme au besoin de la nature humaine 1. Origène, le plus illustre de ses disciples, garda d'abord le silence, comme le Sauveur devant Pilate, ne jugeant pas les libelles de Celse et consorts assez importants pour pouvoir égarer de vrais croyants. Mais, bientôt après, il composa, à la prière.de son ami Ambroise, et en réponse aux attaques de Celse, l'apologie du Christianisme, la plus complète et la plus pure de ce temps et des siècles postérieurs 2.

En Occident, la plus ancienne défense du Christianisme est l'Octave de l'Africain Minutius Félix (à Marc-Aurèle ou à Antonin); c'est un dialogue d'un bon style, dans le genre des Tusculanes: le païen Cécilius y présente les objections les plus ordinaires de cette époque; le chrétien Octave les réfute, et Cécilius finit par s'écrier: « Nous avons triomphé tous deux: << toi de moi, moi de l'erreur ! » Plus habile et plus éloquent que tous ses prédécesseurs, Tertullien entreprit victorieusement la justification politique des chrétiens dans son Apologėtique. L'éloquent et saint évêque de Carthage, Cyprien, demanda à son tour qu'on épargnât les chrétiens, en démontrant la vanité des idoles qu'ils repoussaient. Enfin le rhéteur africain Arnobe, de persécuteur devenu fidèle, donna, au commencement de la persécution de Dioclétien, une preuve au

(1) Clem. Alexand. Opp. omn. ed. Potter. Oxon., 1715, t. II Venet., 1755. 1. Λόγος προτρεπτικὸς πρὸς Ἕλληνας, 2. Παιδαγωγός; 3. Στρώματα. (2) Orig. Contra Cels. lib. VIII, ed. Spencer, Cantabr., 1677 (Orig. ed. Delarue, t. 1).

(3) Ed. Lindner. Longosal., 1773.

(4) Tertull. ad Nation., lib. II; ad Scap. procons. (Opp. omn. ed. Havercamp, c. perpetuo commentario. Lugd. Bat., 1718; ed. Ritter. Bonn, 1824). Hefele, Tertull. comme apologiste (Tub., Revue trimestrielle, 1838, fre livr., p. 30).

(5) Cypr. ad Demetrian. de idolor. vanit. (Opp. omn. Venet., 1728, p. 431-462).

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