Il faut encore faire ici mention des historiens qui écrivivent au VIe siècle, à Constantinople, qu'on a appelés les Byzantins, et dont nous parlerons au paragraphe 17.

§ 15.-Historiens ecclésiastiques latins.

L'Église d'Occident resta en arrière de l'Église grecque. Ses historiens ne firent point de recherches par eux-mêmes, point de travaux originaux ; ce ne furent que des traducteurs ou des compilateurs des historiens grecs. Nous voyons d'abord Rufin1, prêtre d'Aquilée, traduire, outre plusieurs ouvrages du grand Origène, l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe (vers 400), dont il fondit arbitrairement les dix livres en neuf, en y ajoutant, comme continuation, en deux livres, l'histoire des Ariens (jusqu'en 395), qui est inexacte. Son contemporain, Sulpice Sévère, prêtre de la Gaule, parla de l'histoire de l'Eglise dans son Histoire depuis l'origine du monde jusqu'en 393 après J.-C. Son style serré et classique lui valut le glorieux surnom de Salluste chrétien. Paul Orose3, qui, à la suite de l'invasion des Barbares, se réfugia d'Espagne auprès de saint Augustin et de saint Jérôme, composa, sur l'invitation du premier, une histoire générale depuis l'origine du monde jusqu'en 416 après J.-C., dans laquelle il cherche à démontrer que ce n'est point à leur adhésion au Christianisme qu'il faut attribuer les malheurs terribles dont les Romains furent accablés par les Barbares. Marc-Aurèle Cassiodore', homme d'État distingué et qui conserva son influence sous plusieurs

in-8. Euseb. Hist. ecclesiast., lib. X, ad codd. manuscr. recens. Ed. Burton. Oxon. 1838, 2 t. in-8.

(1) Rufini Hist. ecclesiast., lib. XI, ed. P.-Th. Cacciari. Romæ, 1740 sq., 2 t. in-4. Cf. Kimmel, de Rufino Eusebii interprete lib. 11. Ger., 1838. (2) Sulp. Severi presbyt. Hist. sacræ lib. II, a mundo cond. 400 p. Chr. ed. Hieronym. de Prato. Veron., 1741 sq., 2 vol. in-4; et cum commentar. Hornii. Lugd. Bat., 1647. Galland. Biblioth., t. VIII.

(3) P. Orosii lib. VII Historiar. ad paganos, ed. Sigb. Havercamp. Lugd., (1738) 1767 in-4.

(4) Hist. tripart. lib. VII (opp. ed. T. Garetius, ord. S. Ben. Rotomagi, 1679, 2 t. in-f. Ven., 1729). Rufin, édité par Beatus Rhenanus. Bas., 1523.

T. I.

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règnes, à Rome († vers 562), fit, après s'être retiré dans un couvent, de concert avec un certain Épiphane, un extrait en latin des histoires de Socrate, Sozomène et Théodoret ( Historia tripartita), et une continuation de Socrate (jusqu'en 518), qui devint au moyen âge la source des plus anciennes histoires ecclésiastiques. Denys le Petit, moine de Scythie, élu abbé d'un monastère à Rome au VIe siècle, rendit de grands services à l'histoire ecclésiastique en introduisant la chronologie de la période dionysienne et en composant la collection des canons de l'Église et des décrétales des papes, depuis Sirice jusqu'à Anastase II (384-496).

DEUXIÈME PERIODE.

HISTORIENS ECCLÉSIASTIQUES ROMANO-GERMAINS DEPUIS LE III JUSQU'AU HISTORIENS DE l'église grecqUE DURANT CETTE PÉRIODE.

XVI SIÈCLE.

§ 16. Historiens chez les peuples germains.

Après les historiens que nous venons de nommer, il ne parut de longtemps aucun historien ecclésiastique original. Les invasions, les dévastations des Barbares, en Occident, anéantirent pendant plusieurs siècles presque toute culture scientifique. On ne pensa guère alors à écrire l'histoire de l'Église. Néanmoins les couvents des Bénédictins conservèrent soigneusement les sources de l'histoire ecclésiastique et en multiplièrent les exemplaires. Les tentatives faites plus tard pour écrire l'histoire ecclésiastique se distinguent très-nettement des travaux des Grecs et des Romains. En effet on n'écrivit point alors l'histoire de l'Église universelle, mais celle de telle ou telle contrée; encore ne fut-ce point, la plupart du temps, une histoire ecclésiastique spéciale, mais une

histoire politique et civile où l'Église trouvait sa place. C'était le résultat de l'intime union de l'Église et de l'État au moyen âge. Saint Grégoire, évêque de Tours († 595), commence le premier à écrire l'histoire de l'Église; mais il se borne principalement à celle de France'. Le vénérable Bede', ce moine anglais qui eut une si grande influence sur la culture scientifique des Germains († 735), fit, outre une chronique sur les six âges du monde (vers 721 après J.-C.), une précieuse histoire de l'Église d'Angleterre. Haymon 3, évêque d'Halberstadt, disciple d'Alcuin († 853), donna un extrait de la traduction latine d'Eusèbe par Rufin, et y ajouta des observations qu'il eut soin de distinguer du texte. Anastase 1, prêtre et bibliothécaire à Rome, fit une histoire ecclésiastique extraite des trois chroniques grecques. Flodoard, évêque élu, si connu par sa vie active et agitée († 966), composa une histoire de l'Église de Reims très-estimable (vers 948). L'histoire ecclésiastique d'Adam, évêque de Brême (de 788 à 1076), est précieuse par sa fidélité et comme unique source pour l'histoire ecclésiastique du Danemark, de la Suède et de la Saxe. Orderic Vital', Bénédictin à Saint-Evreul († après 1142), écrivit, à l'âge de soixante-sept ans, une histoire ec

(1) Greg. Turon. Hist. Francor. lib. X. 594. (Bouquet, Scriptores rer. Gallic., t. 2, Biblioth. max. PP. Lugd. t. XI.)

(2) Bedæ Venerab. Hist. gentis Anglor. lib. V, jusqu'à 731 (op. ed. P.-F. Chifflet), et stud. J. Smith. Cantabr., 1722, in-f. Stevenson. Lond., 1838. (3) Haymo, lib. X rer. christianar. memoria, ed. P. Gallesini. Romæ, 1564; ed. Boxhornii. Lugd. Bat., 1650, in-12; ed. opt. Joach. Mader. Helmst., 1671, in-4.

(4) Hist. ecclesiast., s. Chronographia tripartita ex Nicephori, Gregorii in-f. Syncelli et Theophanis, ed. Fabrotti. Paris., 1649,

(5) Flodoard, Hist. eccl. Rhemensis, ed. stud. Jac. Sirmondi. Paris., 1611, in-8 (Sirmond. Opp., t. IV); ed. stud. G. Colvenarii. Duaci, 1617, in-8.

(6) Adami Bremensis Hist. eccl. præsert. Bremens. lib. IV, ed. Lindenbrog. Lugd. Bat., 1595, in-4.; ed. Fabric. in Lindenbrogii script. rer. German. settentr. Hamb., 1706, in-f. 1823. Cf. J. Asmussen, de Foutibus Adami Bremensis. Kil., 1834, in-4.

(7) Order. Vital. Hist. ecclesiast. lib. XIII, ed. du Chesne (Scriptor. veteris hist. Norii unor. Paris., 1019, in-l.).

clésiastique en treize livres (vers 1142). Le Dominicain Ptolémée de Fiadonibus (Barthélemy, † 1327, évêque de Torcello) laissa une histoire ecclésiastique en vingt-quatre livres 1.

Outre ces ouvrages, nous retrouvons l'histoire ecclésiastique de ces temps mêlée à l'histoire politique, dans les nombreuses chroniques italiennes, françaises et allemandes, qu'on a réunies dans des collections spéciales. Freher en a donné un aperçu général satisfaisant; Fr. de Raumer, dans sa Chrestomatie, en fait connaître les récits les plus originaux. Les chroniques de Regino de Prümm (†915), Hermann Contractus (1054), Lambert d'Aschaffenbourg († 1080), Otto de Freisingen († 1148), Matthieu Paris († 1259), Guillaume de Tyr († 1178), etc., méritent une mention particulière. Vers la fin du moyen âge l'esprit spéculatif et dialectique se dirigea davantage vers l'histoire. Le schisme papal du XVe siècle con'ribua surtout à développer ce goût historique. Les accusations nombreuses dirigées contre le pape obligèrent d'étudier l'histoire des temps passés pour soutenir ou réfuter ces accusations. La propagation de la langue et de la civilisation grecques, peu avant et immédiatement après la prise de Constantinople, eut aussi une grande influence sur les études historiques. Cette influence se fait sentir déjà dans Antoine, évêque de Florence, mais mieux encore dans Laurent Valla, chanoine de Rome († 1457); ses recherches sur diverses matières historiques, et surtout son travail pour démontrer la fausseté de l'acte de donation fait par Constantin au pape Sylvestre *, excitèrent singulièrement la critique et

(1) Ptolemæi. de Fiadonibus Hist. ecclesiast. (Murat. Script. rer. Italicar., t. XI, p. 741).

(2) Directorium historicum medii potissimum ævi post Freherum et iteratas Koehleri curas rec. et emend. et aux. Hambergerus. Gætt., 1772, in-4. Roesler, de Annalium medii ævi varia conditione. Tub., 1788 sq., in-4. De Raumer, Man. des passages les plus remarquables des auteurs latins du moyen âge. Breslau, 1813.

(3) Anton. Florent. Summa historialis (1459). Norimb., 1484, 3 t.; ed. Joh. de Gradibus. Lugd., (1512-27) 1587, in-f.

(4) Laur. Valla, de Falso credita et ementita Constantini donatione de

les travaux historiques. L'étude plus consciencieuse des sources, une laborieuse érudition placent au-dessus de ses devanciers le Bénédictin allemand Jean de Tritheim

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(† 1516). L'histoire de l'Église du nord de l'Allemagne (jusqu'en 1504), ou la Metropolis de Albert Cranz, chanoine de Hambourg († 1517), est estimable par la sagacité des recherches; mais le tableau qu'il fait des fautes de l'Église à la fin du moyen âge est souvent outré.

L'Église grecque, à partir de sa séparation de l'Église d'Occident, présente peu d'intérêt, et n'a presque plus de vitalité. Aussi les ouvrages d'histoire ecclésiastique deviennent de plus en plus rares dans son sein. L'histoire de l'Eglise s'y confond avec celle de l'État, à mesure que l'Église elle-même devient de plus en plus esclave du despotisme politique. C'est ce qui est évident dans les nombreux travaux des historiens de Constantinople à partir du VI' siècle, et qu'on nomme les Byzantins. Le plus remarquable d'entre eux est, sans contredit, Nicephore Calliste, qui fut probablement ecclésiastique à Constantinople. Il ne reste que dix-huit livres (allant jusqu'en 610) des vingt-trois qu'il composa au XIVe siècle. Son histoire est inexacte, mais le style en est en général bon, quoique souvent affecté.

clamatio (Opp. Basil., 1540-1543, in-f.). Lugd., 1620. Calumnia theologica Laur. Valla Neapoli intentata, quod negasset, symbolum membratim articulatimque esse compositum ipso Laur. Valla auctore. (Opp. Bas.)

(1). J. Trithemii Annal. Hirsaug. cur. J. Mabillon. S.-Gallæ, 1690, 2 t. in- f. Fabricii Biblioth.

(2) La Metropolis contient une hist. des archiv. de Hambourg et de Brême avec celle des év. de la basse Saxe et de Westphalie, depuis 780-1504. Bâle, 1548, et Westphalie, 1576.

(3) Scriptores histor. Byzantinæ. Paris., 1648 sq., 27 vol. in-f. Ven., 1727, 22 t. in-f. Corpus scriptor. historiæ Byzant. Bonnæ, 1828 sq. (4) Niceph. Callisti Hist. ecclesiast., ed. Frontoducæus. Paris., 1630, 2 t.