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perte de cette innocence. La plupart des religions anciennes ont également conservé la mémoire de cette faute première, qui affaiblit dans l'homme le sentiment vivant de la Divinité, ternit en lui l'intelligence des traditions du paradis perdu, et obscurcit à ses yeux la lumière brillante de la révélation primitive'. Pour comprendre comment le sentiment de la Divinité et la vie religieuse en général se sont développés parmi les païens, il faut peser à la fois les deux opinions opposées qui se sont formées à cet égard dans le sein du Christianisme. Les uns ne veulent admettre rien de vrai dans la connaissance, rien de divin dans la vie religieuse des païens. Tout, à leur avis, y est d'origine satanique, et dès lors il n'y a plus de capacité dans le paganisme pour la doctrine chrétienne; ce que contredit évidemment la propagation du Christianisme parmi les païens. Les autres prétendent que le paganisme est un état parfaitement conforme à la nature de l'homme, un degré nécessaire du développement de l'esprit humain, et qui devait le préparer et l'amener au Christianisme; ce que contredit à son tour l'Évangile, qui, montrant partout comme fausse et contraire à Dieu la voie suivie par les païens, les appelle à la pénitence, à une vie nouvelle, à dépouiller le vieil homme, à revêtir le nouveau, et à reconquérir ainsi, par leur fidélité à cette doctrine régénératrice, leur état et leur rang primitifs. Ces deux opinions extrêmes résultent, entre autres, de ce que l'on n'a pas séparé de l'expression et de la forme populaires l'idée qui fait la base du mythe païen. Le juge impartial doit donc reconnaître à la fois, dans le paganisme, les erreurs contraires à la nature de Dieu et de l'homme, et les semences de vérité divine qui rendaient le païen capable de recevoir, de comprendre le Chris

(1) C'est aussi le résultat des recherches de Garres, Schelling et Creuzer. Ce dernier s'exprime ainsi dans sa Symbolique (t. I, p. xi et x, 2o édit.) : « Je soutiens avec force mon idée principale; elle est, en effet, la base d'une connaissance claire, d'une adoration pure de la Divinité vers laquelle couvergeut toutes les religions, quelque brisés, quelque pâles que soient les rayons qu'elles ont reçus du Soleil éternel. »

tianisme et d'être relevé jusqu'à sa ressemblance avec son divin Créateur. D'après cela, nous pouvons donner comme avéré ce qui suit.

L'homme déchu, séparé de Dieu, s'égara jusqu'à glorifier la nature et adorer la créature en place du Créateur'. Dans cette substitution de la nature à la Divinité, l'idée de l'unité de Dieu se perdit presque entièrement. En même temps et par là même se perdit l'idée de l'unité du genre humain, et l'on vit partout naître et dominer le polythéisme, en rapport avec les forces, les influences, les phénomènes multiples de la nature que seule l'homme comprenait. De toutes parts il se forma une multitude de cultes locaux et nationaux. La Divinité se confondant avec la nature dans la croyance des hommes, ils perdirent l'idée de la spiritualité, de la sainteté, et par là même de la liberté de Dieu. Les dieux, comme toutes choses, furent soumis au pouvoir souverain de la nécessité (άvayxń, fatum).

Cependant peu à peu les religions naturelles cherchèrent à se libérer de l'esclavage de la nature et à substituer la forme humaine aux formes naturelles de la Divinité. Ce fut chez les Grecs que, pour la première fois, les dieux apparurent sous la forme déterminée et permanente de l'homme, c'est-à-dire comme des esprits individuels, ayant conscience d'eux-mêmes, de leur liberté et de leur personnalité. Le paganisme avait de l'homme une idée aussi fausse que de Dieu. La Divinité, n'étant point conçue comme un être essentiellement spirituel, ne pouvait être honorée qu'extérieurement. Le sacrifice spirituel de soi-même, l'abandon de sa volonté à la volonté divine, l'offrande d'un cœur pur étaient inconnus au paganisme vulgaire il n'avait de sacrifices que pour conserver la faveur des dieux dans l'avenir, ou leur exprimer sa joie et sa reconnaissance pour les bienfaits du passé. Il ne concevait pas mieux les motifs moraux des actions humaines, par cela même que son dieu n'avait ni sainteté ni liberté. Aussi ne trouve

(1) Rom. I, 23.

t-on parmi les païens aucun vestige de sainteté ou d'humilité: quant à celle-ci elle n'avait pas même de nom dans leur langue, et quant à celle-là, qu'on se rappelle les abominations des cultes publics, ceux de Bel à Babylone et d'Aphrodite à Cypre et à Corinthe. Des vertus civiques étaient tout ce qu'on pouvait attendre de ces hommes, pour qui la patrie terrestre était tout, et qui ne comprenaient plus ni leur éternelle destinée, ni l'immortalité de l'âme, tant leur religion les attachait exclusivement aux choses finies de la terre. Et ceci explique pourquoi la mort leur apparaissait si terrible, pourquoi ils en avaient une si profonde horreur. Sous les formes les plus variées, dans les tons les plus divers, c'est toujours la sombre plainte d'Homère. Il n'est pas d'être plus misérable que l'homme, de tous ceux qui respirent et se meuvent sur la terre. Cet oubli de la destinée de l'homme et de l'immortalité de sa nature produisit l'esclavage, les traitements cruels infligés aux esclaves, le mépris de la vie humaine, vouée, dans les jeux des gladiateurs, aux joies féroces de la multitude. Quand l'homme ne reconnaît plus dans l'homme qu'une existence temporaire, il ne peut plus respecter la dignité humaine, ni en lui, ni dans les autres.

Et malgré ces profondes erreurs du paganisme, il conservait encore bien des choses qui le rattachaient et le rappelaient à Dieu, comme il se conserva toujours dans la vie de certains païens des éléments de la vie divine. L'image de Dieu, altérée, obscurcie dans l'âme des païens, n'était point entièrement détruite. La croyance aux dieux multiples prouvait que le sentiment de la Divinité, quoique horriblement faussé, ne s'était point complétement évanoui en eux; les restes de la révélation avaient maintenu parmi les peuples un reste de conscience divine. Les éléments de cette tradition primitive et le sens profond du mythe, conservés surtout dans

(1) Lasaulx, de Mortis dominatu in veteres. Monaci, 1835,

(2) Homère, Iliade, XVII, v. 446 et 447. Cf. Sophocle, Antigone, v. 1011: «La destinée universelle de l'homme est de pécher. » — Voir Staudenmaier, Encyclopédie, t. I, p. 283-86, 2o édit.

les mystères, formèrent en partie la philosophie païenne, dont les lumières divines nous charment et nous étonnent souvent au milieu des ténèbres qui l'enveloppent d'ailleurs. Les systèmes philosophiques, abstraction faite de ce qu'ils contiennent positivement, ont dû contribuer à former, à développer l'esprit humain, en l'élevant de la sphère sensible, sinon au monde surnaturel, du moins à la sphère des choses invisibles. Plus cette culture de l'esprit se répandait, plus on se moquait des mythes, dont les formes étaient souvent si ridicules dans la religion populaire. De là les accusations fréquentes portées contre les philosophes grecs et romains, qui payèrent leur incrédulité de leur vie. Cette incrédulité devint peu à peu générale; un vide immense se fit sentir dans les esprits, une désolation indicible dans les cœurs; et telle était la situation morale de l'empire romain à la naissance de Jésus-Christ. Dans leur désespoir les païens semblaient, pour se sauver, saisir convulsivement, comme planche de salut, tous les cultes étrangers; ils se faisaient initier aux mystères, pour calmer ou étouffer les angoisses de leur conscience. Les poëtes romains avaient beau s'en moquer dans leurs satires, ils ne calmaient point le trouble des âmes; les philosophes pouvaient bien tout détruire, ils ne parvenaient à rien édifier. Dans ce besoin universel naquirent une multitude de prophéties sur un Sauveur, qui de l'Orient se répandirent dans l'Occident. On se pressait de toutes parts vers ce Sauveur attendu, comme le prouvent les oracles qui l'annonçaient et l'appelaient avec ardeur.

Le vieux monde païen s'est donc développé, sous le rap-port religieux, par la triple action : 1° des restes obscurcis de la révélation, conservés parmi les peuples; 2° du Verbe éternel' qui veille sur le développement religieux du genre humain, qui l'excite et le soutient; 3° de l'esprit humain, déchu de Dieu, et s'efforçant de sortir du vide affreux où il tombe quand il est abandonné à lui-même.

(1) Jean I, 4, 5, 9, 10; Apoc. XIII, 8.

§ 25.- Religion des peuples célèbres de l'Orient 1.

Windischmann, Hist. de la philosophie dans le développement de l'hist. univ. Rozenkranz, Religion naturelle, p. 244 à 278. Iserlohn, 1831; Staudenmaier les suit tous les deux, p. 249 à 271. — Léo, Histoire univ., t. 1, p. 36-149.

Quoique ce fût dans la religion des peuples les plus célèbres de l'Orient que se conservèrent les plus nombreuses et les plus vivantes traces de la révélation primitive, celles-ci y furent bientôt altérées et défigurées; l'astrologie en devint le fondement général.

1. Commençons par la Chine2. Tian est l'être absolu en qui

(1) Afin de pouvoir suivre les progrès du symbolisme dans la religion, afin de saisir avec précision la différence entre celui-ci et la religion naturelle, il sera bon de se rappeler ce qui suit : « On peut se représenter l'Orient sous deux formes qui font contraste : toute l'Asie orientale incline au panthéisme; toute l'Asie occidentale au dualisme. Dans la Chine, le panthéisme est tout objectif : c'est une raison froide et sèche; dans le Thibet, il se résout dans une pure perception de l'être, mais pourtant dégénère continuellement en sensualisme. Dans l'Inde, ce même pantheisme finit par prendre les formes fantastiques des idées, et se confond avec tous les éléments. Le dualisme, à son tour, nous apparaît en Perse comme la magnifique organisation d'une raison puissante; dans l'Asie-Mineure, il revêt la forme humaine et s'enfonce avec passion dans les plaisirs sensuels; en Égypte, enfin, la raison s'unit au sauvage culte de la nature en même temps qu'à l'idée d'une divinité compatissante, ainsi que nous le montrent la mort et la résurrection d'Osiris. » (Rosenkranz, p. 248).

(2) Windischman, 1 partie.-Schmitt, Révélation primitive, ou vestiges des principaux dogmes du Christianisme dans les traditions et les documents des plus anciens peuples, principalement dans les livres canoniques des Chinois. Landsh., 1834.- Frédéric Schlegel montre en ces termes le développement et en même temps la décadence. de la religion des Chinois « La première époque est celle de la révélation sacrée qui sert de base à l'organisation politique. La seconde, qui commence vers 600 ans avant J.-C., est l'époque de la philosophie scientifique. Celle-ci prit deux directions diverses: l'une sous l'impulsion de Confucius, qui se dévoua complétement au côté moral et pratique de l'enseignement; l'autre sous celle de Lao-tseu, qui fut toute spéculative et qui réfléchit en quelques points les doctrines de la Perse et de l'Egypte. La troisième époque est caractérisée par l'introduction du boud

dhisme.

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