Immagini della pagina
PDF
ePub
[ocr errors]

VI. L'Egypte rappelle à la fois l'Orient et l'Occident; elle présente tout ensemble beaucoup d'analogie et de grandes différences avec les Indes; sa religion fixe et immuable offre le plus grand contraste avec la mobilité fantastique de celle de l'Inde; elle a, comme le brahmisme, une base astrologique. Nous retrouvons dans le monde mystique et bizarre de l'Égypte l'apothéose des sept planètes, leurs rapports avec les douze signes du zodiaque, avec les mois et les autres périodes de l'année, le soleil et la lune jouant un rôle principal, apparaissant, le premier, tantôt comme Jao, conception abstraite semblable à celle de Brahm, dans l'abîme; tantôt à certains mois, comme Osiris, le soleil d'été, Serapis, le soleil d'hiver. Osiris préside au royaume de la lumière et de la vie, Serapis à celui des ténèbres et de la mort. En hiver, Osiris, s'inclinant vers le monde inférieur, meurt assassiné par Typhon, le dieu du mal. Dans les trois saisons admises par les Égyptiens, ils ont une trimurti solaire formée par Aman, Phtha et Kneph, semblable aux Brahma, Wischnou et Schiva des Indiens. Une des principales tendances de cette religion est de résoudre la question de l'opposition qui règne dans l'univers, et que la religion des Perses laisse indécise. De là le dieu souffrant, mourant et ressuscitant, Osiris, qui souffre et meurt, non dans et par des manifestations diverses et des incarnations multiples, mais dans un sens beaucoup plus sérieux et plus profond, comme un sujet substantiel, qui, après sa mort, ressuscite et s'élève glorieux. Mais ici reparaît l'erreur; tout cela se perd dans des faits naturels, et c'est tantôt le Soleil, tantôt le Nil qui est ce dieu souffrant, mourant et ressuscitant. Ainsi se conserva à la fois et s'altéra profondément parmi les peuples du monde ancien l'idée du Libérateur promis, vers

(1) Kircher, S. J., OEdipus Ægyptiacus. Romæ, 1652; Obeliscus Pamphilicus. Romæ, 1656; Apotelesmatica, s. de Viribus et effectis astror., ed. Gronov. Lugd., 1698.-Movers, Recherche sur la religion des Phéniciens, considérée dans ses rapports avec celle des Carthaginois, des Syriens, des Babyloniens, des Assyriens, des Hébreux et des Egyptiens, 1 vol. Bonn, 1840.

lequel se portait sans cesse leur vague et ardent désir. Quant à l'immortalité, il est probable que les croyances populaires différaient de la religion des prêtres.

[blocks in formation]

C'est vraisemblablement de l'Égypte et de la Phénicie que le peuple puissant de la Grèce reçut les germes de sa civilisation et de sa foi. Mais en les développant plus tard d'une manière si originale et si classique dans les sciences, les arts et la poésie, les Grecs revêtirent toutes les antiques traditions des couleurs de leur imagination brillante, vivement excitée par la ravissante nature qui les entourait. Nul peuple de la terre ne fut à la fois si spirituel et si sensuel : et ce double caractère s'imprima dans toutes ses opinions religieuses. Homère et Hesiode furent ses autorités principales; Homère surtout sut, avec un génie et un cœur éminemment grecs, embellir l'0– lympe fort obscur et fort confus avant lui. Cependant toutes les divinités de son Olympe ont la plus hideuse ressemblance avec l'homme, dont elles partagent les mœurs, les occupations, les désirs, les passions, les vices et les vertus, et qui, comme lui, sont soumises à la puissance du Fatum1. Des conceptions si sensuelles sur Dieu ne pouvaient satisfaire longtemps l'homme qui pense et avance dans la science. Il les abandonna bientôt comme des fables destinées à servir de frein au peuple, et le seul dieu des êtres, l'être unique et primordial qu'il reconnut, fut lui-même. Ainsi dès l'origine, à la religion populaire, symbolique, à la doctrine exotérique, s'opposa une religion mystérieuse, une doctrine ésotérique, et c'est dans ce sens que l'historien Polybe dit ouvertement : « Il << faut pardonner aux historiens qui ont raconté des fables, << puisqu'elles servent à nourrir la piété de la multitude; et « c'est ainsi qu'il faut excuser les législateurs romains, qui

(1) La Pythie répondit aux Lydiens: «Dieu lui-même ne saurait se soustraire aux arrêts du destin. » Cf. Hérodote, Histor. I, 91. Sophocle est le premier chez lequel on voit percer l'idée de la justice distributive.

« sont parvenus à maintenir le peuple sous le joug par l'in«vention de dieux invisibles et terribles. » C'est par respect pour les lois, et non par l'espoir d'être agréable à la Divinité, que, selon Plutarque, le sage rend aux dieux un hommage public.

Les philosophes grecs avaient, il est vrai, hâté la ruine de la religion populaire, mais ils n'avaient pu ni la remplacer, ni faire tomber complétement le voile mystérieux de la Divinité; car jamais la philosophie n'a pu ni ne pourra suppléer la religion. Entouré des temples magnifiques de la Grèce et des statues admirables des dieux de l'Olympe, Platon s'écrie dans l'esprit des temps anciens : Qu'il est difficile de trouver Dieu! mais, quand on l'a trouvé, qu'il est bien plus difficile encore de le faire connaître à tous! Ce qu'il y a de plus vrai et de plus consolant dans la philosophie grecque se trouve certainement dans les œuvres de Pythagore et de Platon. Inspirés par l'esprit de l'Orient', ils introduisirent un élément religieux dans la civilisation grecque en alliant la philosophie à la religion. Selon Pythagore, né à Samos et fondateur de l'école de Crotone, en Italie (584-504 ou 489 av. J.-C.), le système des nombres est l'archétype et la forme nécessaire de toutes choses; le monde est un tout harmonieusement ordonné, qui gravite, dans des rapports harmoniques, vers le centre de l'univers (le soleil, feu de Jupiter). Les étoiles sont animées et ont quelque chose de divin; les démons sont des êtres intermédiaires entre les dieux et les hommes. Dieu est la force même de la nature, le principe actif universel, le fatum, mais un fatum ennobli par les attributs moraux de la véracité et de la bonté. Ce qui caractérise proprement la doctrine des pythagoriciens, c'est l'idée de la métempsycose et des conséquences qui en ressortent.

(1) Lactant., Institut. IV, 2 : « Unde equidem soles mirari quod quum Pythagoras et postea Plato, amore indagandæ veritatis accensi, ad Egyptios et Magos et Persas penetrassent, ut earum gentium ritus et sacra cognoscerent (suspicabantur enim sapientiam in religione versari!); ad Judæos tamen non secesserint, penes quos tunc solos erat, et quo facilius ire potuissent. » Cf. Cicero, de Finib. bonor. et malor. V, 19.—Minut. Felix, Octavius, c. 34.

Platon, né à Athènes (430-348 av. J.-C.), enseignait l'existence d'un Dieu suprême, libre, juste et sage, d'un Dieu esprit, et la préexistence des âmes. Il connaissait vaguement la chute de l'humanité, pressentait l'immortalité de l'âme, les récompenses et les peines après la mort'. Quant à la certitude sur toutes ces vérités, on ne pouvait l'attendre, disait-il, que d'une parole divinement révélée 1. C'est à lui qu'appartient cette belle définition: « La philosophie est une préparation à la « mort (μɛλéτn Dávarov). » Cet enseignement, qui semble préluder aux vérités chrétiennes, ce sentiment de la nécessité d'un secours supérieur qu'on trouve chez Platon, cette espèce de prédiction de la rédemption du monde, ont toujours rendu la doctrine platonicienne précieuse aux penseurs chrétiens, et l'ont fait nommer par Boost la préface humaine de l'Évangile. Mais alors même que Platon s'élève au-dessus des images de la Grèce, il n'en reste pas moins le fils de son peuple. La beauté, qui charme et captive le Grec, non point la beauté éternelle et sainte de l'Être universel dans sa divine manifestation, mais la beauté terrestre et sensible, devient aussi le but de la philosophie platonicienne, qui n'est plus, dit Staudenmaier, qu'une œuvre artistique, l'union brillante et parfaite de l'art et de la science. Mais, tout en prétendant fondre en unité harmonieuse les éléments de l'art et de la science, de la religion et de la politique, du mythe sensible et formel et de la pensée libre et abstraite, Platon ne parvient point à donner à sa doctrine cette unité que nous cherchons dans la philosophie et la religion. Son esprit plane dans la sphère infinie des idées, qu'il ne réussit point à saisir, à for

(1) Bilharz: La doctrine de Platon est-elle le théisme? Carlsr., 1842.

(2) Platon dit dans le Phédon : Εἰ μή τις δύναιτο ἀσφαλέστερον καὶ ἀκινδυνότερον ἐπὶ βεβαιοτέρου οχήματος ἢ λόγου θείου τινὸς διαπορευθῆναι. Xenophon dit de même, Memorabil. lib. IV, c. 3, § 16: П; ouv av tig máλλiov καὶ ἐυσεβέστερον τιμών Θεοὺς ἢ ὡς αὐτοὶ κελένουσι οὕτω ποιῶν. Conf. IV, 4, 25. (3) Boost, Hist. mod. de l'humanité. Ratisb., 1836, 1" part., p. 20. Ackermann, le Christianisme de Platon. Hamb., 1836.-August., de Civit. Dei, VII, c. 4-13.

muler, à déterminer nettement. Il ne dit rien de la manière dont les idées, qui meuvent la vie comme puissances spirituelles, se comportent, soit par rapport à la réalité, au fait, soit par rapport aux dieux eux-mêmes. Aussi, quoique Platon s'élève bien au-dessus des erreurs de son temps, qu'il soupçonne et proclame un Créateur qui a conscience de lui, un Dieu personnel qui dirige tout avec sagesse, il ne peut demeurer longtemps à cette hauteur, et son regard va bientôt se perdre dans cet avenir incertain dont il attend toute solution. Quant à la morale de Platon, pour en rappeler les misères, il n'y a qu'à citer la communauté des femmes qu'il voulait introduire dans sa république.

Aristote, de Stagire, en Macédoine (384-322), fonda l'école péripatéticienne, rejeta les idées de son maître Platon, et devint, par son enseignement empirique et dialectique, le phi− losophe de la raison. Il se borne aux étroites limites de ce monde, qu'il répute éternel et immuable, et circonscrit la science dans les notions qu'il tire du fini. Il met des bornes à l'action de la Providence, à l'influence d'un Dieu personnel saint et sage, en même temps qu'à la liberté humaine, et sous ce double rapport il ébranle les bases de tout vrai système religieux. Sa doctrine morale, conforme à son point de vue empirique, est un pur Eudæmonisme. C'est l'utile et l'agréable qui déterminent les moyens d'arriver au bonheur, et c'est par là qu'Aristote justifie l'esclavage. Il méconnaît tellement la dignité humaine dans l'esclave, qu'il prétend que son âme est privée de tout attribut rationnel.

Les écoles philosophiques qui s'élevèrent par la suite prétèrent un bien plus faible appui encore à la religion et à la morale, puisqu'elles ne firent qu'augmenter les contradictions et les erreurs de ces grands maîtres de la philosophie. Selon Epicure, de Gargette, près d'Athènes (337-270), et d'après ses disciples, le souverain bien est dans la jouissance terrestre; de là leurs efforts pour bannir toute croyance en une Providence et en l'immortalité, qui aurait pu troubler leur grossière sécurité. Le monde n'est si admirablement

« IndietroContinua »