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disposé pour atteindre sa destination que par le hasard; les dieux ne prennent aucun soin des choses humaines. L'âme de l'homme n'est qu'un corps plus subtil que les autres, qui naît et meurt comme eux. A l'encontre de l'épicuréisme, le Portique, fondé par Zénon, de Cittium, dans l'île de Chypre (vers 300), a mérité l'estime des âmes fortes et généreuses, par son noble enthousiasme pour l'idéal de la moralité, en enseignant que la vertu est le bien souverain, l'unique bien parfait en soi, en apprenant à mépriser la douleur, à se suffire à soi-même dans le sentiment de sa dignité. Mais en même temps qu'il paraît ainsi fonder une morale plus pure, il détruit la religion, car il exalte l'orgueil jusqu'à l'apothéose du moi humain. Le stoïcien panthéiste et fataliste croit cependant encore à un Dieu plein de patience et d'amour, à un Esprit universel qui émane du tout et qui réabsorbe tout en lui. On objecta dès le principe aux stoïciens que leurs idées de liberté et de fatalité étaient inconciliables.

La nouvelle Académie date d'Arcésilas (vers 318-241); elle prend un caractère plus marqué sous Carnéade (215-130) (deuxième et troisième Académie). Elle déclare la guerre à la vérité même, d'abord en niant le criterium de la connaissance admis par les stoïciens, puis en s'attaquant à toute certitude en général. Son scepticisme augmente le désordre, achève de troubler et de désoler les intelligences, en sapant complétement les croyances de la religion populaire.

Avec la religion, la Grèce perd la conscience et les mœurs, et de là cet avea si pénible au sentiment national, et qui échappe au Grec Polybe : « Je ne confierais pas un talent « d'or à un Grec, quand il me donnerait dix écrits signés de << sa main, scellés, légalisés et confirmés par deux fois autant « de témoins; le serment d'un magistrat romain suffit pour <«< garantir l'administration des plus fortes sommes. » De là la pédérastie, généralement répandue, divinisée dans

(1) Polybii Histor. VI, 54.

Ganymède, inspirant les chants des poëtes, les œuvres de l'art; de là le culte immoral d'Aphrodite et d'autres divinités honteuses, images fidèles et modèles infâmes de la dépravation universelle. De là enfin la douleur indicible des esprits les plus nobles, que de plus généreux besoins poussaient invinciblement vers la vérité et une nouvelle alliance avec le Ciel. Partout se prononçait le désir d'une révélation divine, qui seule pouvait donner certitude et repos, au milieu de la lutte des opinions humaines. Le temps où cet ardent désir devait être satisfait était proche.

§ 27. Religion. - Mœurs des Romains.

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Hartung, la Religion des Romains d'après les sources. Erlangen, 1836. - Ambroseh, Livres religieux des Romains (Bonner, 1842, 2 et 4 livraisons). Pellegrim, Distinction primitive des patriciens et des plébéiens fondée sur la religion. Leipzig, 1842.

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L'art, l'élément esthétique prédomine dans la religion des Grecs; dans celle des Romains, c'est l'élément politique et moral. Conformément à son origine étrusque, celle-ci est sérieuse, presque sombre, et exerce dès les temps les plus anciens une immense influence sur la morale publique et privée. Lucrèce, atteinte dans sa chaste vertu, s'arrache une vie déshonorée. Que de magnifiques preuves les premiers Romains nous donnent de leur amour de la vérité et de la justice 1, de la patrie et de la liberté ! C'est à ses vertus que Rome dut sa grandeur. Mais avec l'esprit républicain s'évanouit l'esprit religieux, intimement uni à la constitution politique et civile de l'antique Rome; avec la religion s'évanouit le sérieux moral des Romains. A la suite des victoires, des conquêtes et des dépouilles des vaincus, s'introduisirent les cultes étrangers et leurs pratiques immorales. A mesure que la puissance romaine grandit, que les richesses augmentent, le respect des dieux tombe, le vieux sens romain s'oblitère, la vertu patriotique s'affaiblit, le désintéressement se perd. La corruption gagne rapidement, à me

(1) Augustin., de Civit. Dei, 1, 19, 24; V, 18.

sure que les Romains admettent la mythologie, les arts et les pédagogues de la Grèce, si nombreux depuis Livius Andronicus (240 av. J.-C.), ainsi que sa littérature, déjà si altérée par les Grecs, et que les Romains rendirent bien plus profane encore. Puis arrivent les philosophes de la Péninsule (155 av. J.-C.). La députation de Carnéade, Diogène et Critolaüs est accueillie avec faveur, leur doctrine applaudie; les stoïciens et les épicuriens viennent à leur tour partager avec les académiciens l'empire des esprits. Le luxe et tout son attirail de vices et de malheurs s'ajoutent à toutes ces causes de désordre après les guerres asiatiques.

Rome avait pu héroïquement vaincre Carthage et Corinthe (146 av. J.-C.), mais elle fut vaincue à son tour par sa propre victoire, le signal de sa décadence. Comme le sens du beau était inné aux Grecs, le sens du droit l'était aux Romains. Mais en s'efforçant de faire prévaloir et dominer partout le droit et la justice, ils en étaient venus à vouloir établir partout leur propre domination et à y soumettre le monde entier. «< Fonder << une monarchie universelle, dit Staudenmaier, telle était leur «< pensée unique; ils ne connaissaient point de but plus noble « de leur vie. La République devint leur dieu; la religion était « toute vouée à son service. Rome devait subjuguer le monde, « non pour y propager par son empire des idées pures, mo« rales et divines, mais pour y établir sa vaine domination. « Alors, et uniquement dans ce point de vue, elle pratiqua à « l'égard de toutes les religions possibles une tolérance qu'on << a vainement exaltée, et qui n'était fondée que sur l'indiffé<<<rence religieuse la plus absolue'.

Quand, maîtresse du monde, Rome se fut repue du sang des nations et infectée de leurs vices, alors elle se mit à dévorer ses propres entrailles. Au temps des Gracques (133 ans

(1) Léon le Grand dit avec beaucoup de justesse : « Quum Roma universis dominaretur gentibus, omnium gentium servivit erroribus.» (Sermo I de SS. App. et Paulo.) Cf. Wach, de Romanorum in tolerandis diversis religionibus disciplina publica. (Nov. commentar. Soc. Goett., t. III, 1773.)

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av. J.-C.) et des partisans de Marius, de Sylla et Cinna, de sanglantes guerres civiles s'allumèrent le meurtre, l'empoisonnement, les plus horribles cruautés caractérisèrent son histoire jusqu'au gouvernement absolu d'Octave-Auguste, maître de l'empire (30 ans av. J.-C. 14 ans apr. J.-C.). Il régna durant quarante-quatre ans, dit Jean de Muller, et fit oublier par sa douceur la république, dont les vieillards euxmêmes ne se rappelaient que les malheurs, les guerres civiles et les proscriptions. Le scepticisme, propagé par la philosophie grecque, non-seulement étouffa toute semence de religion chez les grands, mais engendra même parmi le peuple un mépris universel pour les dieux. Au temps de Cicéron, on sait que deux augures ne pouvaient plus se rencontrer sans rire comment auraient-ils conservé parmi le peuple une croyance dont ils n'étaient plus convaincus eux-mêmes? Aussi, dit encore Cicéron, n'y avait-il plus de vieille femme << qui voulût croire aux fables du Tartare, aux joies de l'Élysée.>>

Mais c'est sous les empereurs que le désordre religieux et la perversité des Romains arrivèrent à leur apogée. Le peuple, asservi et abruti, divinisait jusqu'à ses tyrans, surtout quand ceux-ci, flattant ses cruelles passions, comme Claude, lui donnaient en spectacle, non plus seulement les combats ordinaires des gladiateurs, dans les cirques et les amphithéâtres, mais l'appareil terrible d'un combat naval' dans l'enceinte même de Rome. L'apothéose de ces tyrans 2 profanait et détruisait complétement toute croyance aux anciens dieux de la patrie; partout se dressaient les statues impudiques de Priape, de Pan et de Vénus. C'étaient au théâtre les représentations les plus obscènes, pour exalter les sens; les désordres étaient sans bornes; l'on inventait chaque jour des moyens nouveaux et contre nature d'assouvir ses passions. Le patriotisme s'évanouissait avec toutes les vertus; le crime seul régnait. Tel

(1) Tacit., Annal. XII, 56. Cf. Sueton., Vila Claud. c. 21.- Dio Cassius, LX, 33.

(2) Domitien commençait ses lettres par ces mots : « Dominus et Deus noster hoc fieri jubet. » (Sueton., Vita Domit. c. 18.)

était le monde païen, quand le grand apôtre des nations en fit l'effrayant tableau1, dont nous trouvons dans Sénèque le terrible commentaire 2.

Il était impossible que la nature humaine persistât longtemps dans une aussi épouvantable situation. L'incrédulité et l'immoralité, son inséparable compagne, produisaient un malaise indéfinissable et de terribles angoisses dans les cœurs. Où il n'y a plus de dieux, dit Novalis, règnent les spectres : la superstition remplace toujours la foi. Les Romains, pour apaiser leur conscience bourrelée, se jetèrent aux pieds des dieux étrangers. Les cultes les plus divers se répandirent d'Orient en Italie, malgré les défenses répétées des empereurs. Des prêtres de toutes nations, des astrologues, des magiciens, des devins, des interprètes des songes vinrent exploiter la superstition générale; on porta des amulettes et des talismans, on praliqua des sortiléges, on consulta les entrailles des victimes; le sort se montra de plus en plus sombre, et jamais culte ne fut plus mystérieux et plus charnel, plus ténébreux et plus sensuel que celui de l'empire romain d'alors. Les Juifs eux-mêmes, d'ailleurs si haïs, parvenaient à faire beaucoup de prosélytes. Quel texte pour les satires de Perse et de Juvenal, sans que les philosophes les plus sérieux en pussent atténuer l'influence! Les cyniques étaient voués à un juste mépris; les péripa

(1) Rom. 1, 21-31.

(2) Omnia sceleribus ac vitiis plena sunt; plus committitur quam quod possit coercitione sanari. Certatur ingenti quodam nequitiæ certamine: major quotidie peccandi cupiditas, minor verecundia est. Expulso melioris æquiorisque respectu, quocumque visum est, libido se impingit; nec furtiva jam scelera sunt: præter oculos eunt; adeoque in publicum missa nequitia est, et in omnium pectoribus evaluit, ut innocentia non rara, sed nulla sit. Numquid enim singuli aut pauci rupere legem? undique, velut signo dato, ad fas nefasque miscendum coorti sunt. (Seneca, de Ira, II, 8.) Déjà Salluste, Bell. Catil., c. 12-13, avait fait la peinture suivante des temps de la république incomparablement meilleurs Ex divitiis juventutem luxuria atque avaritia cum superbia invasere; rapere, consumere; sua parvi pendere, aliena cupere; pudorem, pudicitiam, divina atque humana promiscua, nil pensi neque moderati habere.— Sed lubido stupri, ganeæ, cæterique cultus, non minor incesserat : viros pati muliebria, mulieres pudicitiam in propatulo habere, etc.

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