Immagini della pagina
PDF
ePub

pouvait comprendre ce qu'il lui importait le plus de savoir. Tout sage qu'il est, Virgile se méprend sur le sens du conseil de la tête de bronze, et, pour rendre plus frappante encore la morale de cette tradition, il meurt victime de son art (1): c'est sa propre sagesse qui l'aveugle et le perd. Le talisman magique dont les réponses devaient lui apprendre à prolonger sa vie au delà des limites assignées à l'Humanité ne fait que hâter l'époque de sa mort.

Trop de souvenirs historiques sont encore apparents pour que le germe de cette tradition ne soit pas italien (2), et ne remonte pas à une époque assez rapprochée de Virgile; mais les fictions qui le recouvrent n'ont pu avoir pour la plupart qu'une date fort récente. Evidemment le peuple n'avait plus une foi entière à la puissance de la magie : s'il répète, sans en rien retrancher, les merveilles qu'on lui a racontées, il croit déjà que de purs hasards sont plus forts que l'art des enchanteurs et peuvent détruire leurs plus puissants prodiges. En vain Virgile a-t-il épuisé toutes les ressources de son art: son propre archer éteint le feu inextinguible dont il avait voulu doter le peuple de Rome (3); le

(1) Cette idée se produit d'une manière encore plus sensible dans la version anglaise et allemande, que, pour cela même, nous avons traduite, p. 452.

(2) Aliprando et le Chronica di Parthenope ont certainement recueilli des traditions populaires : cette dernière source, que l'on attribue à Giovanni Villano, est même la première histoire de Naples qui ait été écrite, et l'auteur n'a pas même pris la peine de corriger la lingua materna, antica e goffa napoletana du peuple. Les autres renseignements les plus anciens et les plus détaillés nous ont été transmis par Gervasius de Tilbury, chancelier de l'empereur Othon IV, et par Konrad, évêque de Hildesheim et chancelier de Henri VI, qui se trouvaient tous deux à Naples en 1191. Les critiques les plus considérables regardent ce fait comme incontestable; ainsi, pour n'en citer qu'un seul, on lit dans Görres: Es ist, wie mehrere Spuren andeuten, italiänischen Ursprungs,

und entweder unmittelbar von einem Italiäner, oder auch wohl von einem Spanier oder Griechen in Italien geschrieben; Teutsche Volksbücher, p. 228.

(3) C'est un clerc de Lombardie qui en est cause dans le Roman des sept Sages, p. 50; un évêque dans la version en vers, v. 3924-3957, éd. de M. Keller; une demoiselle dans les Faictz marveilleux; et un empereur dans la Fleur des histoires. Comme cette rédaction est 'assez courte et entièrement inédite, nous la citerons textuellement : Il fist ung feu en une grant place a Romme, ou chescun se chauffoit. Aupres duquel feu avoit une moult grant statue de coivre tenant ung arc en sa main et la sayette encochee. Ce feu dura loing temps a Romme, et faisoit moult de bien aux poures gens, car tousjours ardoit sans y rien mettre. Ung empereur vint qui fu moult convoitteux, lequel leut les lettres qui estoient en la poitrine de celle statue qui disoie(n)i: Qui me ferrira, je trairray,

miroir qui en assurait le salut est mis en pièces par l'astuce de ses ennemis (1), et pour ne plus être complice d'un parjure, il lui faut briser lui-même le serpent d'airain qui devait assurer la vérité des serments (2). On n'acceptait plus même aveuglément les prodiges de la magie: elle était obligée de compter avec l'incrédulité publique, et d'expliquer par l'influence des astres (3) ou par des moyens plus naturels encore les merveilles les plus impossibles. Si Virgile traverse les airs comme il lui plaît, c'est à l'aide d'un pont qu'il jette dans l'espace (4); pour franchir les murs de sa prison, il se sert d'une barque qui navigue dans l'air avec des ailes (5), et ne parvient à retenir prisonnier l'Fmpereur, qui vient l'assiéger à la tête d'une puissante armée, qu'en rendant tout autour l'air impénétrable (6). Partout enfin la tradition s'efforce de légitimer son merveilleux, et l'on comprend qu'elle cherchera bientôt à l'atténuer encore quelque temps, et ce ne sera plus qu'une historiette morale où un sage, qui ne met sa confiance qu'en lui, est trompé par une femme, à qui il fait expier sa perfidie.

et cuidoit cel empereur par sa desloyale convoitise que celle statue voulsist par son trait enseignier aucune tresor repons: si fery la statue qui incontinent tray dedens le feu et s'estaint tout soubdainement; B. R., no 7655, t. II, ch. c.

(1) C'est un roi de Puile dans la version en prose française du Roman des sept Sages (p. 51, éd. de M. Le Roux de Liney), et un roi de Hongrie dans la version en vers; p. 156, éd. de M. Keller.

(2) Voyez ci-dessus, p. 445.

(3) C'est probablement la raison secrète de ces statues d'airain qui indiquaient l'heure de midi et le signe du zodiaque. Herbers représente Virgile comme un astronome; le Chronica di Parthenope dit expressément que le cheval qui

guérissait tous les chevaux avait été fait sub certa constellatione, et Gervasius de Tilbury croyait la mouche d'airain formée arte mathematica.

(4) Quid quod pontem aerium construxit, cujus beneficio loca destinata pro arbitrio suo adire consuevit? disait Alexander Neckam, et une gravure sur bois nous le montre, dans l'Eine schöne Historie von dem Zauberer Virgilius, enlevant la fille du soudan sur un pont au milieu des airs.

(5) C'est la version d'Aliprando.

(6) Dans les Faiotz marveilleux. Mansel dit aussi dans sa Fleur des histoires: Il encloy ung jardin d'une nuee a maniere d'un mur.

ADDITIONS ET CORRECTIONS.

P. 28, note 41, ajoutez: M. Leo a publié depuis une seconde brochure, Halle, 1845, et il a répondu à un article publié par M. Pott dans l'Allgemeine Literaturzeitung, 1844, p. 276. Mais sa singulière hypothèse n'a trouvé presque aucun approbateur, et M. J. Grimm l'a combattue, avec l'autorité que lui donne son immense érudition, dans un travail spécial; Geschichte der deutschen Sprache, p. 548-564. Les savants que n'aveugle point l'esprit de système en sont restés à l'opinion exprimée par M. Mone: Die malberger Glossen, salisch-fränkische Mundart, wahrscheinlich aus dem sechsten Jahrhundert. Sie sind das einzige Denkmal altfränkischer reiner Sprache, das ich kenne; Quellen und Forschungen zur Geschichte der teutchen Literatur und Sprache,

P. 262.

P. 29, note 2, ajoutez: Dans les Gloses de saint Paul, qui remontent au Vle ou au VIIe siècle, Evv, Evva, est encore interprété par Loi; ap. Zeitchrift für deutsches Alterthum, t. III, p. 464

et 465.

P. 50, note 1, col. 2, l. 19, ajoutez : Equos emissarios equabus magnis commiscuerunt et procreati sunt in nostro territorio destrarii nobiles qui in magno pretio habentur; ap. Muratori, Antiquitates Italiae medii aevi, t. II, p.394.

P. 59, 1. 10, ajoutez: Stottus signi fiait aussi Etalon dans la basse-latinité (voyez du Cange, Glossarium, t VI, p. 582, col. 3), et l'on trouve encore dans le Canterbury tales, v. 617 :

This reve sate upon a right good stot. P. 6', note 1, lisez :; ailleurs il a la forme du ч.

P. 72, notes, col. 2, 1. 8, lisez :

Bi water he sent adoun,

et ajoutez On lit encore dans des vers d'Allan Ramsay, Poems, p. 81: Waes me, for baith I canna get, to ane by law we're stented;

then I'll draw cutts, and take my fate, and be with ane contented.

P. 82, 1. 21: L'évêque donatiste Petilianus reconnaissait aussi l'individualité de l'écriture: Notas non novimus, neque ea natura rerum est atque ipsarum, ut ita dixerim, litterarum ut quisquam notas legat alienas; ap. Baluze, Capitularia regum Francorum, t. II, col. 1162. Dans son Histoire de l'origine des langues de cest univers, p. 862, 866 et 867, Duret a donné quatre alphabets germaniques différents.

P. 206, note 6, ajoutez : Equus a plus d'analogie avec le sanscrit Açva: nous ferions également venir Pecu du sc. Paçu plutôt que de Пov; Ovis du sc. Avis plutôt que de ois; Canis du sc. Cvan plutôt que de Kuv, et Anser du sc. Hansa plutôt que de X. La conjugaison latine du verbe substantif se rapproche aussi beaucoup plus, dans quelques personnes, du sanscrit que du grec; telles sont, par exemple: sumus, ¿que, smas. sunt,

εἰσι,

santi.

sim,

sjám.

75, sjás.

sját.

sis sit,

simus,

μev, sjama. sitis, Tε, sjála. sint, ὦτι, sjus.

Un fait qui rend ces analogies encore plus remarquables, c'est qu'en gothique les mêmes personnes se rapprochent aussi beaucoup plus du sanscrit que du grec: Sijum, Sind, Sijan, Sijais, Sijai, Sijaima, sijaith, Sijaina.

P. 207, note 3, ajoutez: Nous en dirons autant des divers travaux de Mommsen, Oskische Studien, Berlin, 1845; Nachträge zu den oskischen Studien, Ibidem, 1846, et Iscrizioni messapiche, ap. Annali dell Instituto archeologico, t. XX; du Mémoire de Curtius ap. Zeitschrift für die Alterthumswissenschaft, 1847, nos 49, 50, 61-65, et de l'article sur le messapique publié dans

le Bulletino archeologico napoletano, senschaft, 1856, col. 355; Moser, ap.
1846, n° 72.
Ciceronis Tusculanarum t. I, p. vii,
et Hertzberg, ap. Philologus, t. II,
p. 556.

P. 221, l. 11, note. Non seulement les
efforts sont restés jusqu'ici bien infruc-
tueux, mais des érudits considérables
ont nié qu'il pût en être autrement: Ete-
nim persuasi mihi, oleum et operam eos
perdere, qui de restituenda vetustissimo-
rum scriptorum quam dicunt orthogra-
phia laborant; Klussmann, Livii An-
dronici dramatum reliquiae, p. 5.
Voyez aussi Welcker, ap. Rheinisches
Museum, t. III, p. 635; Osann, ap.
Zeitschrift für die Alterthumswis-

P. 237, note 5: M Egger les a citées
en note, p. 167, c'était reconnaître for-
mellement qu'elles n'importaient pas as-
sez à l'histoire de la langue latine pour
figurer dans son texte,

P. 352, 1. 27: Quelques ms. écrivent
Gasse Brules et Gace Brule.
P. 427, note 2, lisez: Gervasius de
Tilbury.

TABLE DES MATIÈRES.

991

[graphic]
« IndietroContinua »