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rieux ; le nom que portaient quelques unes (1), l'origine divine qu'on leur reconnaissait à toutes (2), les sites sauvages et désolés où se dressaient les rochers qui en étaient couverts, leur firent supposer d'innombrables pouvoirs surnaturels. Elles donnaient la victoire (3), garantissaient la fidélité des femmes (4) et leur assuraient une facile délivrance (5), empêchaient les naufrages (6), guérissaient tous les maux du corps (7), préservaient l'âme de toute injure (8), et doublaient la force de l'esprit (9). Avec elles on déliait la langue des morts (10), et l'auteur du Hava-mal leur attribue la puissance de les rappeler à la vie (11). Aussi, dès le temps de l'Edda, les baguettes sur lesquelles on écrivait habituellement jouent-elles déjà un grand rôle dans les opérations magiques :

Tams vendi ek þik drop (12)

dit le För-Skirnis, et, au moment de l'introduction du christianisme, le nom des runes avait pris la signification d'enchantements (13). Sans doute ces grossières superstitions et

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vafa virgil-na;
sva ek rist
ok i runom fak
at sa gengr gumi
ok mælir viþ mik.

Voyez aussi sur la puissance magique des Hava-mal, str. CLX. runes Rigs-mal, si. XL et XLI; För-Skirnis, str. xxxvi, et Stephanius, Notae ad Saxonem Grammaticum, p. 45.

(12) Je te touche d'une baguette qui domptera ta résistance; str. XXVI, et l'on trouve str. xxxII: Gambantein ek

gat, j'ai acquis une baguette magique.

(13) Voyez la note suivante; il avait conservé ce sens dans les poésies populaires danoises du moyen âge : Her Du, favren Ungersvend!

og vil Du hos os blive, da ville vi kjende Dig ramme Runer, dertil at læse og skrive. Elvehoj, str. vII, ap. Danske Viser fra Middelalderen, t. I, p. 235.

La strophe du Riddaren Tynne que nous avons citée p. 36 prouve qu'il en

les liens nombreux qui rattachaient les runes au paganisme eussent aussi suffi pour les faire remplacer par des caractères plus en harmonie avec la nouvelle croyance; mais l'autorité civile (1) et religieuse (2) en voulut hâter le moment par de sévères prescriptions. La popularité que le christianisme donna aux livres latins familiarisa avec d'autres formes de lettres, que la connaissance du parchemin et la préparation des peaux d'oiseaux sauvages (3) rendirent d'un usage facile. Insensiblement l'incommodité d'une écriture sans unitė, lente à tracer et difficile à lire (4), en détacha les gens lettrés, et le peuple la connaissait encore trop peu pour tenir opiniâtrement à la conserver (5). On introduisit

était de même en suédois, et Gisle Brynjolfsson dit à la page 9 de son Periculum runologicum, publié en 1823, que l'on croyait encore en Islande à la puissance magique des runes.

(1) Ef madr foer met Spaadom, Runum, Galdrum, Gjerningom, Lifiom edr adrom thvilikom lutom, sem domizt fyri villa, fare utlægr, en kongr oc biscop skifti fe hans; Ancienne loi norvégienne, ap. Keysler, Antiquitates septentrionales, p. 463.

(2) Dans la préface de son Lexicon latino-scandicum Schröder a publié d'après un vieux manuscrit, une bulle de Sylvestre II, datée de 1001, par laquelle il aurait engagé Olaus Skautkonung à proscrire entièrement l'usage des runes; et, quoique plusieurs écrivains aient révoqué en doute son authenticité, on doit convenir qu'elle s'accorde fort bien avec les intentions et les actes qu'attribue à ce roi Petrus Petri,Chronicon suecicum,1.1; voy. aussi p. 59, où il confirme ce fait d'une manière positive. Au reste, on connaît les efforts du clergé romain pour substituer partout les lettres latines aux autres, et la liaison étroite des runes avec les croyances payennes dut le rendre encore plus hostile à leur usage. Il faut cependant reconnaître qu'il existe un certain nombre d'inscriptions runiques terminées par des formules chrétiennes API, amen, ou И.YARI, ave, Maria.

(3) Le code des Gragas était, comme son nom l'indique, écrit sur des peaux d'oies grises; il y avait cependant aussi des écritures runiques sur parchemin : telles étaient, par exemple, les deux chronologies royales publiées par Langebek dans le premier volume de son Rerum danicarum scriptores.

(4) Les runes ne convenaient point à l'écriture cursive; on ne les liait ensemble que par des traits qui changeaient leur signification ou les rendaient inintelligibles.

(5) Les nombreuses pierres runiques, qui semblent des premiers temps du christianisme, prouvent cependant que l'ancienne écriture avait alors une certaine popularité; et il est certain que les anciennes coutumes avaient été écrites, car on lit dans un appendice aux lois du Westgothland qu'Eskil, qui vivait au XIIIe siècle, spurdhi innurllikä oc lettädhi all Lums lagh, oc annurär, at nyträ häfd lanzsins for äldri. Sidhän han fan lanzsins lagh, tha huxädhi han them mädh myklli oc syalfsins forsco. Dans la préface des lois de l'Upland, qui furent réunies à la fin du XIIIe siècle, on voit qu'elles étaient éparses in flerum flokkum, l'on ne saurait douter qn'elles ne remontassent au paganisme, puisque le roi Birger les fit corriger conformément à la lat affat våra swa sum är i kristnu rät ok loi chrétienne : Hwat ok är hin hedne kirkiu laghum, that skulum vir til ökiä i upbyriän thässäri bok. On donnait même

et

dans le nouvel alphabet les runes qui étaient nécessaires pour exprimer tous les sons de la langue (1), et les autres finirent par disparaître. S'il s'en trouve encore dans quelques manuscrits du XIVe siècle (2) ou dans des inscriptions plus récentes (3), ce n'est plus une écriture nationale, mais des caractères de fantaisie bizarrement adoptés par des archéologues (4), que le peuple ne pouvait plus comprendre.

autrefois aux chapitres le nom de Balker, Cloisons; Loccenius, Antiquitates sueogothicae, p. 56. Dans un monument publié par Sjöborg, Samlingar, t. I, p. 30, l'inscription est même écrite avec les deux alphabets, et l'on en connaît de composées en latin qui étaient écrites avec des runes; ap. Wormius, Monumenta danica, p. 176. Mais le très petit nombre de monuments païens ne permet pas de donner à cette connaissance des runes une date assez reculée pour que le peuple y tint par la force de l'habitude.

(1) Le thorn et le ven avaient été conservés en anglo-saxon et dans le saxon du Heljand, et le thor est resté en islandais; suivant Ihre, il était même admis pour exprimer le Tu dans l'écriture latine, et on lit dans le Svenska chronica d'Olaus Petri, ap.Fant, Scriptores rerum suecicarum, 1. I, sect. I, p. 218: Och när then latiniske Skrifften uptogs, tha med tijden förlades ock alt thet som med then Skrifft skrifvit var, dock hafver ändå then förra Skrifiten vordet någon tijd brukad bredevijd then latiniske Skrifiten, thet nog är märkandes af the Rimstafvar som Bönderne ännu bruka, och af många Runostenar som upsatte äro sedan Christendomen hijt kom, finnes ock thesslijkes igen gambla Lagböcker och andre skref ne svänska Böcker, några Runobockstäfver insatte ibland the latiniske Skriffterne.

(2) On connaît un recueil des lois de Skanie, daté de 1519, deux listes chronologiques des rois de Danemark, qui se

trouvent dans le même manuscrit, et ont été imprimées par Olaus Wormius en 1642; le Hialmars saga, publié à Stockholm en 1699, et le Soliloquium Deiparae virginis, édité par Peringskjöld en 1721.

(5) Dans son Monumenta danica, p. 171, Wormius a fait connaître un monurieur à 1252, puisqu'on y demande à ment runique qui est certainement postéDieu le repos de l'âme d'Esbern Mule, qui mourut cette année, suivant Isaac Pontanus, Rerum danicarum historiae J.VI, p.517; et M. Geijer a cité deux inscriptions runiques datées de 1444 et de 1449; Svea Rikes Häfder, p. 150, note 10,

trad. allemande.

(4) C'est ainsi qu'au milieu du XVII• siècle, Olaus Wormius imprimait en caractères runiques tous les vers qu'il citait dans son Literatura runica, et qu'en 1482 on s'est amusé à écrire en runes l'inscription de Brescia que M. Mai nous a fait connaître d'après un manuscrit de Milan. la vérité, suivant Näsman, qui écrivait en 1755, les Dalecarliens se seraient encore servis de l'alphabet runique (Historiola linguae dalecarlicae,p.50); inais nous doutons beaucoup qu'ils connussent réellement l'ancien : car nous savons par lhre, De runarum in Suecia occasu, P. II, p. 20, qu'ils se servaient d'un mélange de runes et de lettres latines, et nous avons déjà dit que pendant le dernier siècle les habitants d'une contrée de la Dalékarlie en avaient inventé

un nouveau.

ESSAI SUR L'ORIGINE,

La destination et l'importance historique,

DES MONUMENTS

CONNUS SOUS LE NOM DE CELTIQUES.

Il est des époques si pauvres de documents et de souvenirs, que celles-là même qui sont rapprochées de nous semblent appartenir à ces temps antè-historiques dont l'imagination a fait le domaine de ses rêves. Une critique circonspecte évite de s'aventurer dans ces limbes de l'histoire, parce que toute lumière y manque à sa marche et toute base solide à ses déductions. Telle est cette période de nos annales connue sous le nom de celtique. A l'aide de renseignements épars dans des écrivains étrangers, vivant à des époques diverses et réunissant au basard des traditions trop indifférentes et trop éloignées de leur berceau pour n'avoir pas été corrompues, d'ingénieux historiens ont écrit le roman de toutes les migrations des Celtes. De patients philologues ont recueilli çà et là quelques centaines de mots, d'une origine plus ou moins suspecte; ils les ont rapprochés des patois modernes, dont les anciennes langues parlées dans la GrandeBretagne et dans les Gaules ont vraisemblablement fourni les premiers éléments, et, sans chercher à distinguer ni

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