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chantiez, et de la manière qu'il le demande; c'est à quoi je me propose de vous exhorter dans cette instruction qui sera la seconde sur la manière d'assister aux vêpres.

Les motifs et les règles du chant eu feront les deux points, et les deux objets de votre attention.

PREMIER POINT.

Venez, disait autrefois le Roi - Prophète, réjouissons-nous au Seigneur, chantons à l'honneur de ce Dieu Sauveur, hâlons-nous de nous présenter devant lui pour célébrer ses louanges: « Venite, exsultemus Domino, jubilemus Deo,» etc. (Psal. XCIV, 1.) Venez, vous dirai-je de même, considérez avec moi quelle est l'excellence, l'utilité, l'antiquité du chant ecclésiastique, et de ces considérations, concluez combien de motifs puissants vous engagent à chanter, du moins à vous mettre en état de chanter avec nous le saint office, celui du soir principalement.

D'abord, si nous jugeons de l'excellence d'une pratique, par la dignité de ceux qui en usent, quelle haute estime ne concevronsnous pas de ce même chant pour lequel nous n'avions auparavant que du mépris et du dégoût? le chant divin sera l'occupation des saints pendant toute l'éternité. Saint Jean qui l'apprit dans son ravissement extatique, nous dit qu'ils chantaient dès lors un cantique nouveau, disant : Vous êtes digne, Seigneur! de recevoir le livre, et d'ouvrir ses sceaux, parce que vous nous avez rachetés de votre sang. (Apoc. v, 9.) Ce même chant des louanges du Seigneur, de ses perfections et des effets admirables qui en sont sortis, est aussi l'occupation des anges, depuis le moment de leur création. Le prophète Isaïe qui vit le Seigneur assis sur un trône sublime et élevé, nous apprend que les séraphins criaient d'une voix infatigable: Saint, saint, saint est le Seigneur, le Dieu des armées; la terre est toute remplie de sa gloire (Isa. VI, 3); et voilà aussi, mes frères, ce que l'orgue nous rappelle chaque fois qu'on la touche; elle nous représente les neuf chœurs des anges qui, dans le ciel, chantent les louanges de Dieu.

A son bruit barmonieux élevons donc notre cœur vers les montagues saintes, -unissons-nous à ces esprits célestes; bénissons le Seigneur avec eux; offrons à l'Etre suprême toute la gloire et tous les hommages que les anges et les saints lui rendent aujourd'hui dans le ciel, et lui rendront dans la suite des siècles; désirons le moment où, affranchis des liens de ce corps de. mort, nous entonnerons cet Alleluia qui sera éternel, et que cependant nous chanterons toujours avec un plaisir nouveau. C'est l'effet que l'orgue, et généralement tous les instruments de musique doivent produire sur nos cœurs. C'est à ce dessein uniquement que l'usage s'en est introduit dans la plupart des grandes églises. C'est en faveur des Chrétiens moins parfaits. C'est pour les soutenir dans l'exercice du chant, par les objets sensibles, par l'idée de ce que sont les bienheureux, var l'idée de ce que nous

ferous nous-mêmes, si nous sommes de leur nombre, par cette idée, que chanter les louanges du Seigneur sur la terre, c'est y commencer ce que nous espérons de continuer dans le ciel, pendant les siècles des siècles. Premier motif qui nous invite à "exercice angélique du chant.

Le second se tire de ces grands avantages que produit le chant ecclésiastique, et aux-. quels vous avez si peu réfléchi jusqu'à présent. Le premier de tous, dit un ancien concile (Bieuri), c'est d'exciter ceux dont la dévotion languissait: Ad excitandum languentium affectum. O Dieu! disait saint Augustin, pour avoir éprouvé lui-même cette vertu du chant, que j'ai été vivement touché de vos hymnes, de vos eantiques et des voix mélodieuses qui les chantaient dans votre Eglise que ces voix y ajoutaient de dou! ceur! qu'elles m'ont fait verser de larmes ! Quantum flevi in hymnis et canticis tuis, suave sonantis ecclesiæ tuæ vocibus commotus acriter! l'accord harmonieux de tant de voix me rendait plus attentif et plus sensible à vos vérités; elles entraient ainsi dans mon cœur avec un plaisir extrême: Voces illæ influebant in auribus meis, et eliquabatur veritas tua in cor meum: elles remuaient mon âme par le sentiment d'une piété si vive et si tendre, que je ne pouvais retenir mes larmes, et que je trouvais une consolation indicible à les laisser couler: Et exæstuabat inde affectus pietatis, et currebant lacrymæ, et bene mihi erat cum eis.

Cette consolation, mes frères, dont parle ici saint Augustin (Conf. 1. 1x), et qui doit être si douce dans cette terre d'exil, c'est le second avantage que nous pouvons tirer du chant ecclésiastique. Le monde, il est vrai, a des fêtes, des spectacles et des chants dont, il tâche de nous divertir, ou plutôt de nous étourdir sur les misères de la vie humaine; mais qu'est-il ce monde pour un disciple de Jésus-Christ, sinon une vraie Babylone? en vain donc lui présente-t-il la coupe de ses plaisirs? en vain cherche-t-il à le distraire par la variété de ses amusements? ce juste exilé répond toujours avec le Prophète, que son âme ne goûte aucune consolation de cette espèce, qu'il ne veut en recevoir aucune de la part d'un monde qu'il méprise; Renuit consolari anima mea. (Psal. LXXVI, 3.) Mais quoi! mes frères, dans cette vallée de larmes, en versera-t-il donc toujours ? sera-t-il toujours dans les gémissements? toujours soupirant ? toujours sanglotant? ne serait-il pas à craindre qu'une tristesse si continuelle ne le jetât dans l'abattement et de l'abattement dans le désespoir ?

Le Seigneur, mes frères, a pourvu luimême à ce danger, il a voulu que plusieurs de sès prophètes écrivissent en vers, c'est afin que nous pussions charmer l'ennui de notre exil par le chant de leurs écrits, et dire avec autant de vérité que David: Vos ordonnances, 6 mon Dieu! seront pour moi un chant d'allégresse dans le lieu de mon pès lerinage Cantabiles mihi erant justificationes tuæ, in loco peregrinationis meæ. »

(Psal. cxvIII, 54.) Je me suis souvenu de vous, Seigneur! et j'y ai trouvé ma joie : « Memor fui Dei et delectatus sum. » (Psal. LXXVI, 4.) L'Eglise a aussi pourvu à ce danger d'une tristesse qui vous absorberait, en vous ordonnant des fêtes, en vous invitant à ses saintes assemblées, en vous donnant ses spectacles édifiants, en vous appelant à ses pieux concerts, en vous permettant d'y participer, en vous pressant même de mêler vos voix à celles de ses ministres, en vous mettant dans la bouche ses hymnes sacrées. Eh! mes frères, comment en effet, comment pouvez-vous les prononcer, ces hymnes? comment pouvez-vous les entendre, ces chants mélodieux, sans avouer par votre propre expérience, que ni les joies du monde, ni les rires de ses théâtres n'ont rien de comparable, pour la douceur èt la solidité, au plaisir que goûtent les vrais Chrétiens dans les temples du Seigneur? La résolution en est donc prise de votre part, âmes chrétiennes! citoyens de la vraie Jérusalem? vous regardez désormais le temps des offices, comme le temps d'une récréation spirituelle, vous en craindrez autant la fin que Ja plupart la désirent; cette maison sera celle de vos plaisirs et vous direz de ce temps, ce que David disait du tabernacle : C'est ici le lieu de mon repos et de mes consolations : « Hæc requies mea in sæculum sæculi ! » (Psal. CXXXI, 14.) Second avantage que produit le chant ecclésiastique.

Un troisième est de nous faire connaître et aimer la vertu, presque sans nous en apercevoir. C'est la réflexion que fait saint Basile en ces termes (In psal. i): « l'EspritSaint, dit ce Docteur célèbre de l'Orient, voyant que nous étions lents à la pratique du bien, et prompts à la pratique du mal, nous a donné ses dogmes et ses préceptes composés en forme de cantique ; pourquoi? c'est afin que le plaisir de leur chant aidât à faire entrer dans nos esprits les idées, et dans nos cœurs les sentiments dont ils sont remplis. >>

Un quatrième avantage qu'il produit encore et qui doit nous paraître bien précieux est qu'en chantant les psaumes, les hymnes et les cantiques de l'Eglise, nous témoignons à Dieu que sa loi n'est donc pas un joug pénible, ni un fardeau pesant, comme on se l'imagine; mais qu'elle est au contraire un joug aimable, un fardeau léger. Par là nous lui témoignerons aussi que loin de rougir de notre foi, non-seulement nous la confessons à voix haute en présence de ses enfants, mais que nous sommes disposés à la confesser devant ses ennemis, à l'exemple de tant de saints qui la confessaient en chantant pour confondre ceux qui la persécu

taient.

·

Tels étaient, pour en citer ici quelques uns, tels étaient ces Chrétiens d'Antioche qui assistaient à la translation de saint Babylas. Ils regardaient, dit Rufin qui en rapporte l'histoire, ils regardaient cette translation comme un triomphe du martyr vainqueur des démons, et témoignaient leur joie en

chantant des psaumes. Ceux qui savaient mieux chanter commençaient, et tout le peuple répondait (répétant à chaque verset pour couvrir de honte Julien l'Apostat, et lui montrer la faiblesse des idoles dont il s'efforçait de soutenir le culte chancelant): Que tous ceux-là soient confondus qui adorent les statues et qui se glorifient en leurs idoles « Confundantur omnes qui adorant sculptilia, et qui gloriantur in simulacris suis.» (Psal. xcv1, 7.) Cet empereur païen recut le même affront d'une femme aussi illustre par sa vertu que par sa naissance. Publie, c'est le nom de cette sainte veuve, Publie gouvernait alors une communauté de vierges avec lesquelles elle chantait les louanges de Dieu, et quand le prince idolatre passait, elles élevaient leurs voix toutes ensemble, et chantaient principalement les psaumes qui relèvent la faiblesse des idoles comme celui-ci : Les idoles des gentils sont or el argent, ouvrages des mains des hommes; puissent leur ressembler ceux qui les font et se confient en elles ! « Similes illis fiant qui faciunt ea, et omnes qui confidunt in eis! » (Psal. cxm, 8.) Voilà un des avantages que les saints savaient tirer du chant; ils le faisaient servir à publier leur foi et à confondre ses ennemis.

Enfin pour les exprimer tous par les paroles du martyr saint Justin, et pour vous les rassembler sous un seul point de vue : « Le chant excite en nous le désir ardent des choses que nous chantons; il diminue les forces de la concupiscence; il dissipe les mauvaises pensées; il encourage les athlètes généreux de la piété; il les fortifie dans l'adversité; il les réjouit dans l'affliction; il guérit de toutes les plaies que causent les souffrances de cette vie; il prépare nos cœurs à porter les fruits des bonnes œuvres en abonde grands avantages procurés par le chant dance. » (In resp. ad quæst. 107.) Combien ecclésiastique !

Aussi, mes frères, est-i! de l'antiquité la plus reculée, et les saints y ont exhorté avec le zèle le plus vif. Que j'ouvre les livres de l'Ancien Testament, celui des psaumes principalement; combien de fois les jeunes et les vieux, les vierges et les époux, les pretres et les justes, toute la terre n'y est-elle pas invitée à chanter des cantiques nouveaux? à louer le Seigneur avec les trompettes, les psaltérions, les harpes et les autres instruments de musique ? Que j'ouvre les lettres de saint Paul; avec quel soin ne recommande-t-il pas aux Ephésiens, aux Colossiens, de chanter des psaumes, des hymnes et des cantiques? Que je lise les écrits des Pères et l'Histoire de l'Eglise, j'apprends de saint Basile que de son temps les hommes chantaient à l'Eglise, les enfants même, les femmes même, pourvu sans doute qu'elles chantassent d'une voix moins forte que es hommes, ce que nous leur recommandons très-spécialement aujourd'hui, vu surtout que leur chant n'est que toléré, et qu'un concile d'Antioche leur défendait expressé

ment de chanter dans les églises avec les hommes. J'apprends de saint Jérôme, que l'amen des fidèles à l'Eglise imitait le bruit d'un tonnerre céleste: Ad similitudinem tonitrui cœlestis amen reboat : et qu'aux environs de Bethleem, de quelque côté qu'on se tournât, c'était ici un laboureur conduisant sa charrue qui chantait un alleluia, là, un moissonneur trempé de sa sueur qui se récréait par la psalmodie; plus loin, un vigneron tondant sa vigne qui chantait quelques cantiques de David, et que, remarquez bien ceci, vous qui connaissez si bien les cantiques de la Babylone terrestre, et si peu les cantiques de la Jérusalem céleste, et que nulle part on n'entendait d'autre chant que celui des louanges divines: Hæ amatoriæ cantiones, hic pastorum sibilus, hæc arma culture (Epist. 17, ad Marc.) Les fidèles alors eussent cru profaner leur bouche en chantant autre chose. Et certes avec raison, mes frères ! car s'il n'est jamais permis de faire servir les cloches où les orgues à des airs déterminés par l'usage à des chansons profanes, comment serait-il permis à des Chrétiens de mettre ces mêmes chansons sur des lèvres bénites, et consacrées à Dieu par le baptême? Enfin j'apprends de saint Augustin, que dans un temps de persécution et pour consoler les fidèles, saint Ambroise introduisit le chant de l'Eglise orientale dans l'Eglise d'Occident, ce qui s'entend non du chant simplement (puisque Tertullien dans son Apologétique (c. 2), et saint Hilaire sur les psaumes (In psal. LXV), nous disent qu'en Occident il subsistait de leur temps), mais d'une certaine espèce de chant, peutêtre d'un chant qui devint commun, et dont l'usage fut permis aux simples fidèles. J'apprends de saint Césaire qu'il avait longtemps désiré, et qu'entin son désir était accomplì, que son peuple chantait des psaumes et des hymnes à l'église. Chantez-en donc aussi, nous y consentons; mais pour cela observez les règles du chant, c'est le sujet de mon second point.

SECOND POINT.

Ce sujet que je vous annonce, mes frères ! n'est, je le sais, ni dogmatique, ni moral; cependant quoique de pure discipline, combien n'influe-t-il pas sur la piété et les mœurs? combien un office chanté avec dignité, avec gravité, avec majesté, n'élève-til pas les esprits vers Dieu ? et au contraire, combien un office chanté sans décence, sans ordre, sans modestie, ne scandalise-t-il pas? Appuyé de cette réflexion, un des plus saints et des plus savants Pontifes qui aient occupé le Saint-Siége, s'est fait une affaire sérieuse de cet objet. Saint Grégoire le Grand, c'est le nom de ce Pape, ne se contenta pas de régler les prières que l'on devait chanter, il en régla aussi le chant; il fut lui-même auteur d'un antiphonaire, et afin de conserver la tradition de celui-là et l'usage de celui-ci, il établit à Rome une école de chantres, qui subsistait encore trois cents ans après sa

mort.

Pour exciter votre émulation par l'exemple de vos aïeux, j'observerai ici un second trait d'histoire relatif à ce premier, et qui honore véritablement votre ville, c'est que sous l'empire de Charlemagne, et par son ordre sous le pontificat d'Adrien, et par ses soins, tous les chantres français ayant été obligés d'apprendre la note romaine, l'école de Metz, dit un historien de ce huitième siècle, fut la plus célèbre, et autant supérieure aux autres écoles des Gaules, que celle de Rome était au-dessus d'elle. De ce fait et du précédent, voici donc comme je raisonne. Si les chefs de l'Eglise; si ceux de l'empire même se sont fait une occupation singulière du chant et de ses règles, quel reproche n'aurais-je pas à me faire, si je négligeais de vous enseigner ici au moins celles que saint Paul nous a marquées? Les voici donc au nombre de trois; la première est de chanter avec modestie, in gratia; la seconde est de chanter du fond du cœur, in cordibus vestris; la troisième est de chanter avec pureté d'intention, Deo.

La première règle que nous devons observer dans le chant, selon l'Apôtre, c'est la modestie; la modestie de la vue, la modestie de la posture, la modestie de la voix, la modestie du ton, la modestie de la prononciation, la modestie de la panse. La modestie de la vue; tenant les yeux baissés ou appliqués à la considération des choses saintes, jamais à regarder ce qui se passe ni derrière nous, ni même à nos côtés. La modestie de la posture; nous souvenant que nous sommes dans la compagnie des anges et de Dieu même, évitant tout geste des pieds, des mains, de tout le corps, que nous n'oserions nous permettre devant un prince de la terre. nous levant, nous asseyant, nous agenouillant avec le prêtre célébrant. La modestie de la voix ; ne la contrefaisant pas, ne la forçant pas, ne l'adoucissant pas d'une manière molle et efféminée; non fractis et remissis vocibus, muliebre quiddam balba de nare sonantes, dit saint Bernard (Serm. 47 in Cant.) La modestie du ton; supprimant celui qu'on appelle faux-bourdon, et qu'on pourrait également appeler le symbole ordinaire d'une âme sans sentiment, sans respect devant Dieu, remarquant celui sur lequel le psaume, l'hymne, ou le cantique a été commencé pour le suivre de même, ce que vous négligez si souvent, si sensiblement, que vous causez, je dirai presqu'à chaque office du soir, les dissonances les plus désagréables. La modestie de la prononciation; chantant distinctement, appuyant sur chaque syllabe, n'omettant les mots ni entièrement, ni en partie: Non præcidentes verba dimidia, non integra transilientes (Ibid.) La modestie de la pause; faisant une demi-pause où nous remarquons des virgules, une pause pleine que nous appelons médiante au milieu du verset, en sorte que nous nous y arrêtions d'une manière sensible tous ensemble, une pause semblable à la fin du verset, de sorte que ceux, par exemple, qui occupent le côté droit ne commencent jamais le verset sui

vant, que le côté gauche n'ait tini la dernière note du verset précédent, de sorte aussi que personne ne commence un verset avant, ou ne le finisse après les autres. Voilà, frères que le est cette modestie que saint Paul exige dans le chant, et qu'à son imitation j'exigèrai de vous dès ce soir.

mes

L'office en sera plus long, je le prévois; mais souvenons-nous que cet office nous est proposé sous l'idée du délassement, de récréation, de concert spirituel. Il ne faut que cette réflexion pour rendre cette longueur supportable, et même agréable à ceux à qui Dien plaît. Quant à ceux à qui Dieu ne plaît pas, à ceux qui n'ont que l'apparence de la piété, à ceux qui n'ont aucun goût pour les choses de Dieu, le moyen de les retenir à nos assemblées serait d'en abréger les offices, je l'avoue; mais quel nom mériterait le ménagement que nous aurions pour ces ennemis secrets de la dévotion? à quoi a abouti celui dont nous avons usé jusqu'à présent? où est l'âme qu'il a gagnée à Dieu ? C'en est fait, mondains! nous ne vous écouterons plus; vous crierez, et nous serons sourds à votre voix; la vôtre, ô mon Dieu! l'emportera toujours sur la critique du monde et sa censure. Gédéon eut ordre de ne prendre que trois cents hommes pour combattre, et de renvoyer la multitude délicate qui s'était présentée; nous, nous avons aussi ordre de combattre ici les ennemis de l'Israël de Dieu, ordre de prier avec majesté, fût-ce avec le petit nombre des justes, ordre de laisser aller le grand nombre de murmurateurs plutôt que de mutiler le saint office, ou de le célébrer avec précipitation, et cet ordre nous l'exécuterons avec la fidélité des Gédéon.

Cette longueur, et même cette sorte de lenteur est nécessaire pour éviter la confusion des voix, vous en conveuez; mais, ajoutez-vous et je l'ajoute avec vous, mes frères, elle ne remédie pas à tout: outre ce premier moyen il en est un second dont il conviendrait de faire usage, et puisque c'est ici le lieu de vous en parler, permettez que je vous ouvre ma pensée à cet égard. Vos enfants apprennent souvent à grands frais la science d'un chant profane en lui-même; d'un chant rarement innocent dans ses objets, lesquels sont des chansons impures ou bachiques; presque toujours pernicieux dans ses airs efféminés, et propres à amollir le cœur et à remuer des passions dangereuses: eh! pourquoi donc nos jeunes personnes qui doivent vivre dans le monde, sans être du monde, n'apprendraient-elles pas la science d'un chant tout spirituel, d'un chant toujours saint dans ses objets, d'un chant toujours édifiant dans ses tous et utile dans ses effets? pourquoi les parents dans leurs maisons, pourquoi les maîtres dans leurs écoles, n'enseigneraient-ils pas ce que nos frères séparés enseignent dans les Jeurs? Ceux-ci avant de se rendre à leur assemblée sont toujours prêts à chanter, et ils chantent en effet les psaumes de David avec un accord que j'ai quelquefois admiré;

quelle confusion pour nous, me disais-je alors, que les louanges du Seigneur soient mieux chantées dans la synagogue de Satan que dans l'Eglise du Seigneur! Oh! que ne puis-je un jour contribuer à effacer une tache si honteuse et si humiliante pour les catholiques! Ce jour, mes frères, est arrivé; c'est le jour, c'est le moment où je vous parle, et sur les réflexions que je vous ai proposées, je vous en prie, ou plutôt c'est saint Chrysostome qui vous en conjure par ma bouclie, ne vous contentez pas de savoir vous-mêmes chanter les cantiques divins, apprenez aussi à vos enfants et à toute votre famille à les chanter: Hæc dico, non ut vos tantum laudetis, sed ut filios et uxores docestis talia cantare cantica. (In psal. XLI.) Jusqu'à ce qu'il en soit ainsi, parlez dans l'église, mais, comme dit saint Paul, de manière à n'être entendus que de vous et de Dieu Sibi autem loquatur el Deo. (1 Cor. XIV, 28.) Ainsi l'ordonne un concile de Lacdicée, et l'ordre le veut, l'édification le demande, la modestie l'exige.

:

La seconde règle à observer dans le chan, selon saint Paul, c'est de chanter de cœur ; in cordibus vestris. Le chant pour être agréable à Dieu, dit saint Jérôme (In Epist. ad Ephes.), doit sortir du fond du cœur, et non de la bouche seulement; un serviteur de Jésus-Christ doit chanter de manière que ce soit, non sa voix qui plaise, mais les choses qu'il a chantées : Sic cantet servus Christi, ut non vox canentis, sed ea placeant quæ leguntur. Nous devons donc chanter de cœur, et non sans dévotion, avec nonchalance et dégoût, d'une voix faible, languissante et sans vigueur, avec un cœur dur et insensible à ce que nous chantons : Non pigri, non somnolenti, non oscitantes, non parcentes vocibus mais nous devons chanter avec joie, avec ferveur, avec force, strenue et alacriter, dit saint Bernard. (Serin. 47, in Cant.) Nous devons chanter de cœur, c'est-à-dire encore, éloigner de notre esprit toute distraction libre et volontaire, appliquer notre cœur au sens des paroles, ou du moins à Dieu même qui est l'objet principal de nos prières.

Nous devons, et c'est la troisième règle de saint Paul, nous devons aussi chanter au Seigneur, « Deo; » c'est-à-dire, dans le Seigneur et pour le Seigneur. Dans le Seigneur, c'est-à-dire, ou dans sa grâce et son amour, parce que hors de cet état nos voix ressembleraient à celle d'un airain sonnant et d'une cymbale retentissante, ou du moins avec un vrai désir de recouvrer cette grâce, si nous l'avions perdue, de peur, dit saint Grégoire, que nous n'irritions Dieu, tandis que notre chant plairait au peuple. Nous devons chanter pour le Seigneur, c'est-à-dire, pour le louer, l'honorer et le glorifier, et non-seulement pour nous contenter, nous récréer et nous délecter. C'est ce que saint Augustin dans ses Confessions nous apprend en ces. termes : « Quelquefois, dit-il en parlant de ce plaisir qu'il éprouvait au chant de l'Eglise, quelquefois je me reproche de ce que je me sens plus ému des paroles saintes lorsqu'on

les chante, que quand on les lit, je voudrais éloigner de mes oreilles toute mélodie, et je crois plus sûre la pratique du grand êvêque d'Alexandrie Athanase, qui faisait réciter les psaumes par un lecteur avec si peu de flexion de voix, que c'était plutôt une simple prononciation qu'un chant; cependant, Seigneur! lorsque je me souviens des larmes que j'ai versées au chant de votre Eglise, au commencement de ma conversion, je reconnais la grande utilité de cet usage: Cum reminiscor lacrymas meas quas fudi, ad cantus Ecclesiæ tuæ, magnam instituti hujus utilitatem agnosco. Après avoir comparé les dangers du chant pour ses agréments, avec la vertu qu'il a de porter les faibles à la piété, je penche enfin à approuver la coutume où est l'Eglise de chapter; de sorte » eh! que ne puis-je faire entendre ces paroles à tant de personnes de tout état, plus curieuses que chrétiennes, qui n'assistent aux oflices (je parle des offices chantés en musique), que pour avoir le plaisir de l'ouïe! « de sorte cependant, dit saint Augustin, que si le chant me touche plus que les paroles chantées, j'avoue humblement que je pèche, et que je mérite d'en être puni: Pœnaliter me peccare confiteor.... Pleurez done avec moi, continue-t-il, pleurez pour moi, mes frères, et vous, Seigneur mon Dieu ! exaucez-moi, regardez-moi, ayez pitié de moi et guérissez-moi : Tu autem, Domine Deus meus, exaudi, respice, miserere, et sana me. (Conf. I. x, c. 33.)

Voilà, mes frères, jusqu'où les saints craignaient d'offenser Dieu, et jusqu'où ils l'aimaient; en tout et jusque dans le chant ecclésiastique, ils le cherchaient lui-même, pour lui-même, et non pour le plaisir qu'ils avaient à le louer, à l'aimer et à lui témoigner combien ils l'aimaient. C'est aussi de cette manière, c'est avec cette pureté d'intention, c'est avec ces dispositions d'esprit et de cœur, avec ces dispositions intérieures et extérieures, que vous devez chanter les saints offices, si vous désirez joindre votre chant au nôtre. Ce sont là les règles qui doivent vous guider, et qu'il suffira, je l'èspère, de vous avoir mis sous les yeux pour en apercevoir l'exécution dès aujourd'hui. Mais que puis-je espérer de votre peuple sans votre grâce, & mon Dieu! Ah! que vous m'en faites bien connaître la nécessité, par toutes les contradictions que je rencontre dans mon ministère! Je vous demande donc pour moi et pour les miens celle de chanter dignement vos hymnes ici-bas; faites que non-seulement nos voix, mais nos cœurs surtout s'accordent à y célébrer vos louanges. Que ce soit tout notre plaisir sur la terre, jusqu'à cet heureux moment où il sera consommé dans le ciel. Ainsi soit-il

INSTRUCTION XCIV.

SUR LE TROISIÈME COMMANDEment de l'église : Tous les péchés confesseras, à tout le moins une fois l'an.

(Voy. ci-après, Instruction 110.)

INSTRUCTION XCV.

SUR LE QUATRIÈME COMMANDement de l'Eglise : Ton Créateur recevras, au moins à Pâques humblement.

Hæc est religio Phase. (Exod. x, 43.)

Voici la discipline que vous observerez dans la célébration de la Pâque.

Une instruction solide et pathétique sur ce point, mes frères, ne vous parait-elle pas à tous bien juste, bien nécessaire et bien intéressante ? Le premier jour de cette sainte quarantaine, vous avez couvert vos têtes de cendres et vos poitrines de cilices; vous avez soumis vos cœurs à la loi du jeune et vos corps à sa pratique; vous avez consacré vos âmes à Dieu, vos soins à l'Eglise et vos biens à votre prochain: en un mot, vous avez fait ce qu'il fallait faire pour entrer dans les dispositions éloignées à la célébration de la Pâque. Aujourd'hui, que nous sommes à la veille de cette solennité, quoi donc de plus digne de mon ministère que de vous instruire des dispositions prochaines pour célébrer dignement ce grand jour?

Mais que dis-je, mes frères, de vos dispositions éloignées? Est-ce un devoir que je viens de vous rappeler? Est-ce un reproche dont je vous fournis à vous-mêmes le sujet contre vous-mêmes? Vos esprits, aujourd'hui, sont-ils élevés vers le ciel? Le feu de vos passions est-il éteint? La vertu a-t-elle jeté dans la terre de vos âmes une racine profonde? La pénitence a-t-elle produit en vous des effets salutaires? A ces questions, demi-observateurs du précepte, vous baissez les yeux, il est vrai; mais non, vous ne baissez point votre cœur, et aussi hardis pour le mai qu'indolents pour le bien, on vous verrait ces jours prochains faire violence an corps de Jésus-Christ jusque dans son temple, jusque dans son sanctuaire, jusque dans l'asile inviolable qu'il s'est réservé, si nous n'opposions la vertu de notre ministère à la témérité de votre projet sacrilége. A ce mot de sacrilége, à la pensée du grand nombre de communions indignes qui se feront dans ces jours, vous frémissez, justes du Seigner, et, au défaut de notre zèle, vous nous armeriez du glaive de la parole, pour le faire étinceler aux yeux des Chrétiens impénitents, pour porter la terreur et l'effroi dans leur cœur endurci, pour les engager munier, et plus encore à communier saintement. C'est, mes frères, une des fins que je me propose en cette instruction.

à com

les

Une autre que je n'ai pas moins en vue, c'est d'engager les justes à se justifier encore, les saints à se sanctifier encore, fervents à devenir plus fervents encore. Dans ce dessein, je vais vous entretenir du quatrième commandement de l'Eglise et de ses circonstances principales. Ecoutez, et jugez vous-mêmes de l'importance de la matière.

POINT UNIQUE.

Ton Créateur recevras au moins à Pâques humblement. Voilà, si j'ose ainsi parler, la substance du quatrième commandement gé

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