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Il tient donc, mes frères, le Seigneur tient envers nous, après notre baptême, la même conduite qu'il tint à l'égard des Israélites après le passage de la mer Rouge. Ceux-ci, dit saint Augustin, n'entrèrent pas d'abord dans la terre de promission, mais dans un vaste désert où ils souffrirent beaucoup; de même après le baptême nous n'arrivons pas tout d'un coup à la gloire que Dieu nous promet; mais nous soupirons longtemps dans l'exil et le désert de cette vie. Des ennemis visibles s'élevèrent contre les Israélites; des ennemis invisibles s'élèvent sans cesse contre nous, et dans nous et hors de nous Post mare Rubrum non continuo patria datur, nec secure triumphatur; restat eremi solitudo, restant hostes insidiantes in via. De la multitude innombrable qui avait passé la mer Rouge, deux seulement entrèrent dans la terre promise, tous les autres périrent misérablement dans le désert fasse le ciel qu'une figure si terrible ne s'accomplisse pas en nous, que nous ne périssions pas ou par notre incrédulité, ou par notre lâcheté, mais que nous marchions avec constance et courage, jusqu'à ce que nous soyons arrivés au sommet de la montagne sainte.

Nos infirmités y formeraient, je l'avoue, un obstacle invincible, si elles étaient sans remède; mais grâces vous en soient rendues,

mon Dieu notre baptême y a pourvu abondamment. C'est, mes frères, ce que nous représentent sensiblement les divers signes de croix qui ont été imprimés sur nous, dans la cérémonie des exorcismes principalement. Ils nous marquent ces signes : le premier, que nous étions esclaves, et que nous sommes devenus libres; le second, que nous étions aveugles, et que nos yeux se sont ouverts; le troisième, que nous étions sans goût pour les vérités du salut, et que nous y sommes devenus sensibles; le quatrième, que nous étions sourds à la voix du ciel, et que cette surdité spirituelle a cessé ; le cinquième, que notre cœur avait une répugnance extrême pour le bien, et que cette répugnance a beaucoup diminué; le sixième, que le joug de l'Evangile nous était insupportable, et qu'il nous est devenu léger; le septième, que nous étions muets, et que nous avons recouvré l'usage de la langue; le huitième enfin, que nous étions faibles, infirmes, hors d'état de combattre, et que nous avons été fortifiés dans tous les sens de notre corps, dans toutes les facultés de notre ame; que nous sommes devenus capables de connaître Dieu, de l'aimer et de garder ses commandements.

Ce que nous marquent ces divers signes, les noms différents de ce sacrement peuvent nous le marquer encore. Il s'appelle bapté me, c'est-à-dire, ablution et purification, parce qu'il lave nos consciences de leurs taches, et qu'il les purifie; il s'appelle illumination, parce qu'il nous éclaire; rénovation, parce qu'il renouvelle, quoique d'une manière peu perceptible, tout notre intérieur; régénération, parce qu'il nous donne une Couvelle naissance; il s'appelle mort, parce

que nous y mourons au péché; sépulture, parce que nous y sommes comme ensevelis pour tout ce qui porte au péché; résurrection, parce que nous y ressuscitons à la grâce; il s'appelle circoncision, parce que nous y renonçons à tout désir inutile, à tout bien superflu; et croix, parce que nos péchés et nos concupiscences y sont comme attachés et cloués à la croix de Jésus-Christ.

Les noms et les cérémonies de ce sacrement vous instruisent donc de cette troisième vérité que je vous annonçais, et que je vous prouverai encore dans le discours suivant, que le baptême remédie à nos infirmités spirituelles. Il nous purifie d'ailleurs de tout péché, et il nous remet toutes les peines dues au péché. Il nous délivre douc des plus grands maux. C'est ce que nous avons vu dans cet entretien, ce qui a dû nous pénétrer de la reconnaissance la plus vive envers le Seigneur qui nous fait ces grâces, et qui doit nous engager à lui offrir la victime eucharistique dans les sentiments de la gratitude la plus sincère. C'est, mes frères, dans cette intention que je vais remonter à l'autel; unissez vos esprits an mien, et tous ensemble demandons à Dieu qu'après nous avoir délivrés des maux présents, il nous délivre des maux futurs. Je vous le souhaite au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.

INSTRUCTION C.

SUR LE BAPTÊME.

Biens qu'il nous procure.

Christus dilexit Ecclesiam, et seipsum tradidit pro ea... mundans, lavacro aquæ... ut exhiberet ipse sibi gloriosam Ecclesiam. (Ephes. v, 25.)

Jésus-Christ a aimé son Eglise, et il s'est livré pour He... la purifiant par le baptême de l'eau, pour se la rentre toute glorieuse

Il y en a, dit saint Chrysostome (hom, 3 ad Neoph.), qui font consister la grâce du baptême dans la rémission des péchés: pour nous qui connaissons la vertu de ce sacrement, nous comptons dix grands avantages qu'il procure à ceux qui le reçoivent. Nonseulement ils deviennent libres à l'égard du péché, à l'égard de la peine due au péché, à l'égard de la concupiscence qui vient du péche, qui incline au péché, et qui cependant n'est point un péché tandis qu'elle est involontaire; mais, outre qu'ils sont délivrés de ces trois maux, du troisième en partie, et des deux premiers pour le tout, ils deviennent saints et justes; ils deviennent enfants et héritiers de Dieu; ils deviennent frères, cohéritiers et membres de Jésus-Christ ; ils deviennent les temples et les organes de l'Esprit - Saint. (Rom. vin; I Cor. VI.) Ils sont donc enrichis des biens les plus précieux. Le baptême qui les leur procure est donc le plus grand de tous les biens. Son souvenir doit donc exciter en nous la reconnaissance la plus étendue envers celui qui nous y a appelés dans les jours de sa miséricorde. Mettons ces conséquences dans toute leur évidence, en expliquant les paroles

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de saint Chrysostome, et par ses paroles les neuf effets positifs que le baptême produit. C'est, mes frères, ce qui va faire le sujet de cetté troisième instruction sur le sacrement de baptême.

POINT UNIQUE.

Les effets que le baptême produit en nous sont les uns absolus, et les autres relatifs entre nous et chaque personne de la Trinité. Je vais vous apprendre ce que vous devez savoit des uns et des autres, après vous avoir fait observer que si je me sers ici de quelques termes de l'école, c'est le désir de mettre de l'ordre dans vos pensées qui m'y oblige.

Par le baptême, dit saint Chrysostome, non-seulement nous avons recouvré notre liberté, mais nous sommes devenus des saints, non tantum liberi, sed sancti. Nous sommes devenus des saints, non-seulement de nom, c'est celui que saint Paul donnait à tous les baptisés, el dont nous devons nous rendre dignes tous les jours de notre vie; des saints non-seulement de souhaits, nous avons reoncé aux désirs de ce siècle trompeur en attendant l'heureuse espérance, et l'avénement du Dieu de gloire et de majesté; des saints, non-seulement de profession, nous nous sommes engagés à professer une doctrine sainte et sanctifiante; mais nous sommes devenus des saints d'effet; la charité parfaite qui les fait a été répandue en nous par l'Esprit-Saint qui nous y a été donné. (Rom. v, 5.) Le même Jésus-Christ, qui nous y a purifiés par l'eau, nous y a aussi communiqué cette grâce que nous appelons sanctitiante, et dont je voudrais ici vous décrire les beautés, pour vous faire sentir avec quel soin vous devez la conserver, si vous l'avez encore, et la rechercher, si vous avez eu le malheur de la perdre; mais que vous diraije qui vous en donne une juste idée?

Figurez-vous d'un côté la grâce qui vous a sanctifiés dans votre baptême, et de l'autre les dons des langues et des prophéties, les dons de sagesse et de science, les dons de discernement d'esprit et de guérison des malades, toutes ces grâces que nous appelons gratuites, et que l'Esprit-Saint distribuait aux premiers fidèles pour l'édification comDune; quelque précieuses que soient ces grâces, elles le sont incomparablement moins que la première; plusieurs de ceux qui les auront possédées diront au jugement dernier: Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé à votre nom? n'avons-nous pas chassé les démons? n'avons-nous pas fait d'autres miracles? Et Jésus-Christ leur répondra Retirez-vous de moi, ouvriers d'iniquité, je ne vous connais point (Luc. XIII, 27); aucun, au contraire, de ceux qui auront possédé et conservé la grâce sanctifiante ne périra jamais. Avec elle seule vous êtes ce que vous devez être sans elle, quoique riches de tous les autres dons spirituels, vous n'êtes qu'un airain sonnant, qu'une cymbale retentissante. Quelle dignité de la grâce 'sanctifiante, à laquelle aucune autre grâce

n'est comparable! c'est le principe sur lequel s'appuyait saint Paul, en exhortant les Corinthiens à rechercher des dons plus riches que ces dons de miracles: mulamini charismata meliora. (I Cor. xi, 31.) Aussi après avoir dit qu'il veut leur en montrer un plus excellent: Adhuc excellentiorem viam vobis demonstro (ibid.), il nomme aussitôt la charité, qui est la grâce sanctifiante, selon les uns, ou qui n'en est distinguée que virtuellement, selon les autres.

Ensuite de cette comparaison de saint Paul, faites-en une seconde de vous-mêmes; figurez-vous ici, je ne dis ni la puissance des rois de la terre, ni l'éclat de leur diadème, ni la magnificence de leurs palais, ni les richesses de leurs trésors; mais élevez plus haut vos regards; représentez-vous la sublimité des trônes, l'empire des dominations, la pénétration des chérubins, toutes les qualités des esprits clestes: oui, mes frères, quelque admirables qu'elles soient, elles le seront peu encore à vos yeux, si vous les séparez de la grâce sanctifiante; c'est principalement de cette grâce qu'elles empruntent toute leur gloire et leur beauté, et les intelligences du premier rang sans elle ne seraient que des démons.

Portez vos yeux sur un objet plus grand encore; voyez Marie, reine des anges; l'éclat majestueux qui l'environne, le crédit sans borne dont elle jouit, le pouvoir presque infini qu'elle exerce, et, ce qui est encore plus auguste que tout cela, sa maternité divine; j'oserai vous dire ensuite que ces priviléges sont moins excellents que la grâce sanctifiante; j'ajouterai même avec saint Augustin, que Marie a été plus heureuse de concevoir le Fils de Dieu dans son cœur que dans ses entrailles: Felicius fuit Maria Deum concipere mente, quam corpore.

Qu'est-ce donc que la grâce sanctifiante? Selon la belle et la riche expression de saint Pierre, c'est une grâce qui nous rend participants de la nature divine: Divinæ consortes naturæ. (11 Petr. 1, 4.) C'est une grâce, j'ai donc eu raison de le dire, c'est une grâce qui élève le Chrétien, le dernier des Chrétiens, le dernier des esclaves parmi les Chrétiens, au-dessus des rois qui n'ont pas reçu la grâce baptismale; une grâce qui l'élèverait au-dessus des anges, au-dessus de la Reine des anges mêmes, si, par impossible, les anges et Marie manquaient de cette grâce.

Aussi les saints Pères n'ont pas craint de comparer la grâce que le baptisé reçoit dans le baptême, à la grâce que Marie, reine des anges, a reçue au moment le plus heureux de sa vie mortelle, au moment qu'elle a conçu le Verbe divin. L'Esprit-Saint, dit le grand saint Léon, opère dans les eaux du baptême ce qu'il a opéré dans le sein de Marie; il a rendu fécond le sein virginal de Maric, il rend fécondes les eaux du baptême; il a préservé Marie de tout péché, il purifie le catéchumène de tout péché; il a orné l'âme de Marie d'une grâce qui la sanctitiait; il orna l'âme du Chrétien d'une grâce qui le sanctifie,

qui le renouvelle, qui le refond pour en faire un vase tout nouveau.

C'est l'expression de saint Grégoire de Nazianze (oral. 40), et de saint Chrysostome encore. (Hom. 4 ad bapt.) Il arrive, dit ce Père, à celui qu'on baptisé, un changement semblable à celui que vous remarquez dans une statue antiqué que l'on nettoie par le feu lavez-la seulement, il lui restera toujours quelques-unes de ces taches que lui ont fait contracter la fumée, la poussière et la rouille; mais faites-la passer par le creuset, elle en sortira aussi pure, aussi belle qu'elle était en sortant des mains de l'ouvrier. Notre âme, ajoute ce Père, notre âme, créée à l'image de Dieu, est figurée par cette statue. Le péché et les œuvres de ténèbres, désignées par la rouille et la fumée, avaient terni l'éclat de cette excellente image; l'eau seule ne pouvait enlever ces taches qui la déshonoraient; mais l'Esprit-Saint descendil dans la piscine sacrée ? alors se vérifie la parole de saint Jean Mon baptême n'est qu'un baptême. d'eau pour vous porter à la pénitence; mais celui qui doit venir après moi... vous baptisera dans le Saint-Esprit et dans le fcu. «Ipse vos baptizabit Spiritu sancto et igni (Matth. 111, 11); » eet esprit dans lequel sera donné le baptême est une flamune fournaise ardente qui emporte toutes les souillures de nos consciences, qui nous rend, aux yeux du Saint des saints, plus éclatants que les rayons du soleil; c'est un vent impétueux qui brise en nous le vieil homme, et qui y crée un homme nouveau dans la sainteté et dans la justice.

Je dis, et dans la justice, parce qu'en effet dans le baptême nous sommes devenus nonseulement des saints, mais aussi des justes: «Non tantum sancti, sed et justi: » et au lieu qu'auparavant nous étions ce que dit saint Paul, insensés, désobéissants, égarés, asservis à une infinité de passions et de voluptés, pleins de malignité et d'envie, dignes d'être haïs et détestés, nous sommes devenus des justes, sed et justi: des justes, parce qu'avec la grâce sanctifiante, nous avons reçu toutes les vertus et tous les dons de l'Esprit-Saint; les vertus de la foi, de l'espérance et de la charité; les dons de sagesse, d'intelligence, de conseil et les autres: des justes, parce que moyennant ces vertus et ces dons nous avons été disposés à remplir toute justice, et à vaincre tous les obstacles qui s'opposeraient à l'accomplissement des devoirs que la justice nous impose: des justes, parce que Dieu ne nous a pas simplement imputé sa justice mais il nous a communiqué une justice réelle el véritable, et c'est, dit saint Augustin, ce que saint Paul nous a enseigné par ces papoles, que Dieu nous a sauvés par l'eau de la renaissance, et par le renouvellement du Saint-Esprit qu'il a répandu sur nous avec une riche effusion, par Jésus-Christ notre Sauveur: «Quem effudit in nos abunde per Jesum Christum Salvatorem nostrum. » (Til. 111, 5, 6.)

El me direz-vous peut-être ici, si nous sommes ainsi ornés et munis de toutes sor

tes le vertus par le baptême, comment donc ne pouvons-nous ni commencer, ni achever aucune bonne œuvre qu'avec bien des peines des travaux et des difficultés? C'est, mes frères, qu'après le baptême la chair continue à faire une guerre cruelle à l'esprit, et ce qui est honnête, juste et saint, ne nous devient facile et agréable qu'après avoir persévéré longtemps dans l'exercice d'une bonne vie. Voilà, disent les interprètes du dernier concile général, ce que nous devons continuellement méditer, si nous voulons que le Dieu de paix soit avec nous, et nous avec lui par la grâce de notre baptême.

. Par ce sacrement, dit saint Chrysostome, non-seulement nous sommes devenus des saints et des justes: Non tantum sancti et justi; mais nous avons contracté les liaisons les plus étroites avec les trois personnes adorables de la très-sainte Trinité; et d'abord nous sommes devenus les enfants, par conséquent les héritiers du Père céleste; « filii et hæredes. (Rom. vIII, 17.) Dans notre baptéme il est arrivé quelque chose de semblable à ce qui s'est passé au baptême de Jésus-Christ; les cieux se sont ouverts, le Saint-Esprit est descendu, cette voix s'est fait entendre aux fidèles qui nous assistaient : C'est ici un de mes enfants bien-aimés en qui je mets mes complaisances. (Matth. 1, 17.) Quelle charité infinie du Seigneur envers nous ! C'était beaucoup pour nous il est vrai, mais c'était peu pour lui que nous pussions prendre le beau nom d'enfants de Dieu, c'était peu pour lui que nous pussions nous parer de ce titre qui excelle par-dessus tous les titres; il a fallu pour contenter son cœur que nous fussions ses enfants véritablemen', par une communication intime de son esprit et de ses dons. Voilà ce que nous sommes devenus par notre baptême, et voilà ce que saint Jean nous exhorte à considérer pour comprendre, s'il est possible, quelle a été la charité du Père éternel envers nous dans notre baptême: Videle qualem charitatem dedit nobis Deus Pater, ut filii Dei nominemur et simus. (Joan. 111, 1.)

Telle est donc, reconnaissons ici, ô Chrétiens, no re dignité, telle est la noblesse de notre extraction, nous descendons de Dieu, nous venons de Dieu, non-seulement comme saint Matthieu le remarque de Joseph l'époux de Marie, par une longue suite de patriarches, en renontant jusqu'au premier des hommes, et jusqu'à Dieu par le premier des hommes; mais nous en venons iminédiatement, c'est lui qui nous a fait renaître de l'eau et de son Saint-Esprit, lui qui nous a engendrés par sa volonté et par la parole de vérité, lui qui nous a élevés à l'auguste adoption de ses enfants, lui qui aussitôt et pour nous faire vivre comme ses enfants, a envoyé son Esprit-Saint dans nos cœurs pour les mouvoir et les faire agir (Galat. iv), lui enfin qui nous a permis de dire au sortir des fonts sacrés: Notre Père qui êtes dans les cieux. (Matth. vs, 9.)

Nous sommes donc nés de Dieu; nous sommes les enfants, non de quelques orin

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ces, de quelques rois de la terre, mais de Dieu même; nous pouvons nous glorifier, non comme les poètes païens, en suivant des fables doctement inventées, mais comme les apôtres, en suivant des vérités prouvées, que nous sommes la race de Dieu : « Ipsius genus sumus.» (Act. xvii, 28.) Et de là, mes frères, quelle nécessité pour nous de vivre saintement, et d'éviter jusqu'à l'ombre du péché non, dit l'apôtre saint Jean, celui qui est né de Dieu ne pèche point, et même ne peut pécher: « Omnis qui natus est ex Deo peccatum non facit..... et non potest peccare » ( 1 Joan. 111, 9.)

Mais que dites-vous, grand apôtre? tant de Chrétiens qui pèchent n'étaient-ils pas nés de Dieu ? ou dirons-nous que le baptême rend impeccables ceux qui le reçoivent? Non, mes frères! cette pensée n'est point celle du disciple bien-aimé. Selon lui, celui qui est né de Dieu ne peut pécher; c'est-àdire qu'il est impossible qu'il pèche tandis qu'il agira en enfant de Dieu, tandis qu'il suivra l'impression de la charité qui le fait enfant de Dieu, et qui est, selon la riche expression de saint Jean, le germe de l'adoption divine: Semen ipsius. (Ibid.) Il ne peut pécher; c'est-à-dire, qu'il est inconcevable comment un baptisé se détermine à offenser un Dieu qui l'a aimé, qui l'a honoré, qui l'a élevé jusqu'à vouloir qu'il fût son enfant, jusqu'à lui dire: Vous êtes mon fils; je vous ai engendré aujourd'hui : « Filius meus es tu, ego hodie genui te (Psal. 11, 7): » car c'est là, dit saint Chrysostome, ce que Dieu nous a dit au moment de notre baptême.(Hom.4 ad bapt.)

Par ce même sacrement, dit le saint patriarche, nous sommes devenus non-seulement les enfants de Dieu, mais ses héritiers, pourvu cependant que nous ne fassions rien qui, selon les lois divines, nous prive du droit à l'héritage. Ce que dit ce saint docteur, il l'avait appris de ce maître des nations qui se glorifiait, disait-il, dans l'espérance de participer à la gloire des enfants de Dieu : Gloriamur in spe gloriæ filiorum Dei. (Rom. v, 2.) Cette espérance, mes frères, ne seraitelle pas aussi un sujet de gloire, un sujet de joie pour nous?

Je suppose, c'est saint Augustin qui vous parle ici (Enarr. in psal. LXXXIV), je suppose parmi nous un étranger accablé de travaux, réduit à une misère extrême, ignorant qu'il est sorti d'un sang illustre; on vient dire à cet infortuné qu'il est fils d'un sénateur, que son père possède un ample patrimoine, et qu'il ne souhaite rien tant que de voir son fils en jouir ; quelle serait l'agréable surprise de cet étranger, s'il était sur de la nouvelle qu'on lui annonce? Nous sommes tous des étrangers sur la terre, continue ce saint, nous y sommes des malheureux exilés: l'apôtre de Jésus-Christ vient nous trouver dans cet état et nous dire: pourquoi vous désespérez-vous? pourquoi vous aflligez-vous ? pourquoi vous laissez-vous abattre par le chagrin ? réjouissez-vous au contraire; car voici la bonne nouvelle que je vous annonce : vous avez un père; vous

avez une patrie, vous avez un patrimoine Vous avez un père qui est Dieu; vous avez une patrie qui est la cité de Dieu; vous avez un patrimoine qui est le royaume de Dien; de quelle joie ne doit pas nous pénétrer cette nouvelle, si celui qui nous l'apprend est croyable, comme véritablement il l'est? que ne devons-nous pas faire pour en assurer l'effet? Eh! cependant que faisons-nous pour le mériter, ce riche héritage de notre Père céleste? Non, mon Père ! Père adorable! je n'ai rien fait jusqu'à présent qui le mérite; mais enfin je veux désormais m'en rendre digne; fortifiez en moi cette volonté; rendez en tout la mienne conforme à la vôtre, et que par cette conformité jo parvienne à votre royaume Adveniat regnum tuum. (Matth. vi, 9.)

Par le baptême, dit saint Chrysostome, nous sommes devenus nou-seulement les enfants et les héritiers du Père: Non tantum filii... et hæredes; mais aussi les frères, les cohéritiers et les membres de Jésus-Christ; « sed et fratres Christi... sed et cohæredes, sed et membra. » O mes frères ! qu'il y a de consolation à repasser ces titres dans son esprit ! que j'ai de satisfaction à me dire : j'ai pour Père selon la grâce celui que Jésus-Christ a pour Père selon la nature... j'ai l'honneur d'être le frère de ce Jésus, et il ne rougit pas de m'appeler le sien Non confundetur fratres eos vocare... (Hebr. u, 11.) Ce frère a pour moi toute la tendresse de l'amour fraternel; je puis en le priant lui dire mon frère, ayez pitié d'un frère que vous aimez et qui réclame votre secours; pourrais-je en le disant n'être pas rempli de la confiance la plus certaine ?

Ce frère, autre réflexion aussi consolante que la précédente, ce frère, bien loin de m'envier cette qualité, n'a rien négligé pour me la procurer; il est né selon la chair pour me faire renaître selon l'esprit; il a voulu devenir enfant de David, afin que je devinsse enfant de Dieu; il a voulu hériter de toutes mes misères, pour me faire hériter de toutes ses richesses; mieux traité qu'Ismaël qui n'eut que des dons modiques, je partage ou plutôt je possède l'héritage tout entier avec le vrai Isaac; ce fils de la maison veut que je sois où il est, que je jouisse du bonheur dont il jouit, que j'exerce un jour avec Jui l'empire qu'il exercera dans les siècles des siècles; où trouver des frères dont l'amour soit aussi pur, aussi généreux ?

Plus étroit que ces deux liens précédents, est le troisième qui nous unit à l'HommeDieu; il est notre chef et nous sommes les membres de ce corps mystique dont il est le chef. De même donc que tous les membres du corps humain reçoivent de la tête la force et le mouvement qui leur est nécessaire pour exercer leur fonction, c'est aussi de la plénitude de Jésus-Christ que la grâce se répand sur tous ceux qui sont purifiés par le baptême c'est de sa plénitude que tous reçoivent, les apôtres, leur zèle; les martyrs, leur constance; les vierges, leur pureté; les pénitents, leurs regrets; les soli

taires, leur recueillement; les époux, leur fidélité; les supérieurs, leur vigilance, etc. Je vais plus loin encore, et je dis que comme les membres ne font qu'un avec le corps, nous ne sommes qu'un avec Jésus-Christ: Omnes unum estis in Christo Jesu (Galat. III, 28): c'est-à-dire, selon l'explication que saint Chrysostome donne à ces paroles de saint Paul, c'est-à-dire, que nous avons la même forme et la même figure que lui; que nous sommes comme transformés en lui; qu'il y a une telle ressemblance entre ses traits et les nôtres, que voir l'un c'est voir - l'autre, qu'il est en nous comme son père est en lui; tranchons le mot, et disons avec saint Augustin, que nous devenons des hommes divinisés, des hommes confondus avec Dieu, des autres christs: Christus facti sumus. Combien grands, combien respectables sont de tels hommes!

Je parle ici, mes frères, de ce que nous sommes devenus par notre baptême, de ce que nous avons dû être depuis notre baptème, de ce que je voudrais que nous eussions été jusqu'à ce jour, mais non de ce que nous avons été en effet. Nous n'aurions jamais dû ni avoir de pensées, ni concevoir de désirs, ni former de projets, ni faire aucune action qui ne fût digne du chef dont nous avons l'honneur d'être les membres; voilà ce que nous avons dû être. Qu'avons nous été cependant ? qu'ai-je été moi-même, devez-vous vous dire ici? Puis-je y penser sans horreur de ma personne? Je regarderais comme un monstre dans la nature un être qui vivrait d'une vie différente de celle de son chef: eh! qui suis-je donc, moi qui aj vécu si différemment de mon Jésus ? Je regarderais comme un sacrilége celui qui ferait servir les choses saintes à des usages profanes eh! qui suis-je donc, moi qui ai fait des membres de Jésus-Christ les instruments de mes iniquités ? Je regarderais comme un meurtrier celui qui séparerait de leur chef les membres qui en dépendent: eh! qui suis-je donc ? hélas ! je suis le meurtrier de mon Jésus, je suis le mien propre; j'ai arraché à Jésus ses membres; je me suis arraché au principe qui devait m'animer pardon, Seigneur Jésus! chef vivant et vivifiant! vivifiez ce membre mort et corrompu; mettez-moi de nouveau, au rang de vos frères, de vos cohéritiers, de vos membres, et rétablissez-moi dans le premier, le magnifique état de mon baptême.

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Par ce sacrement nous avons formé des Jiaisons saintes, non-seulement avec le Père et le Fils, mais aussi avec le Saint-Esprit; d'abord nous sommes devenus ses temples, dit saint Chrysostome: Non tantum membra, sed templum. En effet, qu'observe-t-on à la dédicace d'un temple que le ministre du baptême n'ait observé en nous baptisant? il a fait sur nous des signes de croix; il a prononcé sur nous des exorcismes; il a récité sur nous des prières, il nous a oints d'une huile sainte et d'un chrême bénit: que prétendait-il par là? nous purifier, nous sanclifier, nous tirer de notre état primitif et pro

fane, nous rendre dignes d'être les temples. de l'Esprit-Saint, et voilà en effet ce que nous sommes devenus. L'ignorez-vous, demande saint Paul? Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'EspritSaint habite en vous ? « Nescitis quia templum Dei estis, et Spiritus Dei habitat in vobis? » (I Cor. II, 16. Sachez donc de même et ne l'oubliez jamais, que si quelqu'un viole le temple du Seigneur, si quelqu'un souille le temple de son corps ou le tabernacle de son âme, par des actions ou des désirs criminels, Dien le perdra, Dieu l'exterminera, Dieu en tirera la vengeance la plus sévère : Si quis autem templum Dei violaverit, disperdet illum Deus. (Ibid. 17.) Les temples de Dieu sont saints et respectables; il exige qu'ils soient sanctifiés et respectés. All mes frères, conctuait de là saint Augustin, mes chers frères, puisque Dieu par sa grâce et sans aucun mérite précédent de notre part, a bien voulu que nous fussions les temples de son EspritSaint, autant qu'il nous est possible, avec son secours veillons à ce que ce divin hôte ne trouve rien dans son temple qui offense les yeux de sa majesté, purifions-le de tout vice, et embellissons-le de toutes les vertus; tenons-le exactement fermé au démon, et ouvrons-le à Jésus-Christ à tous les moments du jour Claudatur diabolo et aperiatur Christo. (Serm. 252, de temp.)

Le même esprit, mes frères, qui anime ce divin Sauveur, nous a animés au moment de notre baptême; il å dès lors habité en nous, non-seulement comme un maître dans sa maison, mais comme notre âme habite dans notre corps : nous y sommes devenus, je ne dis plus ses temples, ce terme n'exprime pas assez l'intime société que nous avons formée avec lui sur les fonts sacrés, mais je dis ses organes; mais je dis ses yeux pour voir; ses oreilles, pour entendre; sa langue, pour parler; sa main, pour agir; ses pieds, pour marcher; son esprit, pour penser; son cœur, pour aimer; en sorte que ce n'est plus nous qui vivons, c'est lui qui vit en nous, lui qui pense et qui désire en nous, lui qui prie et qui pousse en nous des gémissements ineffables: Ipse spiritus postulat pro nobis gemitibus inenarrabilibus (Rom. viii, 26), ou ce qui est le même, c'est par lui que nous pensons, que nous désirons, que nous gémissons, que nous crions: Mon Père: « In quo clamamus, abba Pater (ibid. 15); » c'est de lui que les facultés de notre âme et les sens de notre corps prennent leurs impressions, et de là la valeur de nos bonnes œuvres; elles sont d'un prix infini, parce que leur auteur principal est d'une dignité infinie, c'est l'Esprit-Saint dont nous sommes devenus les organes et les temples dans le baptême.

Nous y sommes aussi devenus les frères, les cohéritiers et les membres de Jésus-Christ, les enfants et les cohéritiers du Père; nous y sommes devenus des saints et des justes, c'est ce que vous avez vu dans ce discours; nous y avons recouvré notre liberté à l'égard du péché, des peines du péché, des

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