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d'un côté et l'inclination des hommes de l'autre, comment une épouse peut-elle plaire à Dieu et à son mari tout ensemble ? à Dieu qui exige certains temps pour que des époux vaquent à l'oraison: Ut vacetis orationi (Ibid., 5); et à un mari sensuel qui ne respecte aucun des temps spécialement destinés à ce saint exercice ? à Dieu qui ordonne que le lit nuptial soit sans tache et sans souillure; Honorabile connubium in omnibus et thorus immaculatus (Hebr. xIII, 4); et à un mari voluptueux qui, à la manière des païens, se livre aux désirs déréglés de son cœur corrompu ? à Dieu qui défend aux épouses de mettre leur ornement à se parer par la frisure des cheveux, par les enrichissements de l'or et par la beauté des habits: Quarum non sit extrinsecus capillatura, aut circumdatio auri aut indumenti vestimentorum cultus (I Petr. m, 3); et à un mari qui demande de son épouse, qu'elle suive dans ses parures les modes scandaleuses des lieux où elle se trouve ? à Dieu qui interdit la fréquentation des spectacles profanes; et à un mari qui ferait, s'il le pouvait, une obligation à son épouse d'être de toutes les parties et de toutes les fêtes du monde et de son prince à Dieu qui a en horreur le vol et toute espèce d'injustice; et à un mari dont les mains à cet égard ne sont pas tou. jours innocentes devant les hommes, ni le éeur devant Dieu ? est vrai, dans ces occasions et cent autres semblables il n'y a pas à hésiter, une épouse doit plaire à Dien plutôt qu'à son mari, il faut qu'elle craigne celui qui n'a de pouvoir que sur le corps, moins que celui qui peut perdre son eorps et son âme, et envoyer l'un et l'autre dans l'enfer; mais je vous le demande à vous, épouses affligées, à vous qui tous les jours en faites la triste expérience, combien la pratique de ce devoir n'est-elle pas difficile ? et vu cette difficulté, qui ne dira avec les apôtres, qu'il n'est donc pas expédient de se marier? Non expedit nubere.

Si de ces premières considérations nous passions à d'autres aussi essentielles, si nous observions que ce jeune homme si aimable tandis qu'il espère devenir époux, ne le sera pas plutôt devenu qu'il se changera en un homme tout autre ; si nous observions qu'alors il sera peut-être impérieux jusqu'au mépris, peut-être soupçonneux j'usqu'à la jalousie, peut-être avare jusqu'à la dureté, peut-être prodigue jusqu'à la dissipation totale de ses biens, peut être emporté jusqu'à la violence, peut-être intempérant jusqu'à la crapule, peut-être infidèle jusqu'au divorce; combien ces observations ne vous inspireraient-elles pas d'éloignement pour l'état du mariage? combien à leur suite ne vous paraîtrait pas juste la réflexion des apôtres, que si la condition des époux est telle, il n'est point expédient de se marier? Non expedit nubere.

Mais, je le suppose, vous recevriez du ciel un époux selon votre cœur et selon le cœur de Dieu même, un époux modeste, pieux, modèle accompli des vertus conjugales et

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chretiennes ; c'est jusque dans la supposition d'un privilége si rare et si singulier, que je le répète, il n'est point expédient de Vous marier: Non expedit nubere': et la raison que je vous en donne, c'est que plus une union semblable est heureuse sous un point de vue, plus elle est malheureuse sous un autre aspect, sous celui de la fin j'ose le dire le paradis même deviendrait un enfer, si ses citoyens imaginaient une fin à leur félicité; cette pensée: Je serai un jour privé de ce bien souverain qui fait aujourd'hui mes délices, oui, cette pensée serait seule un tourment plus cruel que tous les autres tourments des réprouvés. Lors donc que je dis à ces époux si étroitement unis de cour et de sentiments, que la mort rompra sûrement les liens si doux d'une union si tendre, et peut-être dans un an, peut-être dans un intervalle plus court encore, combien dou loureux est le glaive dont je perce l'âme des deux époux ? lequel ne me répond pas intérieurement avec les apôtres, que la nature du mariage étant telle, il n'est pas expédient de se marier? Non expedit nubere: ou du moins avec saint Paul, que le temps est court que la figuré de ce monde passe, qu'il faut donc être marié comme ne l'étant pas ? Tempus breve est, reliquum est ut et qui uxores habent, tanquam non habentes sint. (I Cor., VII, 29.)

Votre état, vierges chrétiennes, vous préserve de toutes ces tribulations, ou qui précèdent, ou qui accompagnent, ou qui suivent la naissance des enfants et l'état du mariage, je me tais, mes frères, sur les tribulations de la chair auquel il expose, pour vous faire entendre saint Ambroise sur le même sujet. Dans le mariage, disait cet éloquent prédicateur de la continence perpétuelle, combien de liens incommodes? Combien d'afflictions se succèdent l'une à l'autre? Dépendance d'un époux, premier sujet d'affliction si grande qu'elle est le chatiment d'Eve désobéissante; naissance des enfants, second sujet d'affliction si facheuse, que dans l'Evangile elle marque les douleurs les plus violentes; éducation physique des entants, troisième sujet d'affliction; éducation morale des enfants, quatrième sujet d'affliction qui croît à proportion que les enfants deviennent grands; établissement de ces mêmes enfants, lorsqu'ils sont en âge, cinquième sujet d'affliction; la manvaise conduite qu'ils tiennent avant et après leur établissement, sixième sujet d'affliction trop ordinaire encore; la perte d'un époux qui passe au tombeau lorsqu'il devenait plus nécessaire au gouvernement de sa maison, septième sujet d'affliction. Ajoutez à tout cela la nécessité de fréquenter le monde lorsqu'on est dans le mariage, et cependant les dangers de voir ce monde où tout est concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie; combien d'inconvénients? Quanta in conjugiis incommoda? Combien de sujets d'afflictions capables de détourner des noces? Pouvez-vous y réfléchir attentivement, et ne point répéter ce

que j'ai dit souvent avec les apôtres ? Si telle est la condition des époux, il n'est pas expédient de se marier: Non expedit nubere. Il n'est pas expédient, parce que le mariage prive d'une heureuse liberté que laisse le célibat; c'était mon premier moyen pour vous démontrer que ce second état est préférable au premier. Il est aussi plus méritoire; il élève à un plus haut degré de gloire devant Dieu, c'est un second moyen de démonstration que me fournissent les divines Ecritures, les saints Pères et la raison même, Heureux, s'écrie le Sage, heureux celui qui demeure vierge, celui dont la main n'a point commis d'iniquités, et qui n'a point eu de pensées contraires à Dieu, parce que sa fidélité recevra un don précieux et une trèsgrande récompense au temple de Dieu! (Sap.

, 14.) O combien est belle la race chaste! sa mémoire est immortelle, et elle est en honneur devant Dieu et devant les hommes, elle triomphe et elle est couronnée pour jamais comme victorieuse, pour avoir remporté le prix dans les combats pour la chasteté. (Sap. Iv, 1, 2.) Voici, disait aussi Isaie dans un temps où les célibataires n'étaient pas plus communs que dans le siècle du Sage: « Voici ce que le Seigneur déclare à ceux qui gardent la virginité en vue du royaume des cieux Je leur donnerai dans ma maison et dans l'enceinte de mes murales, une place avantageuse et un nom qui leur sera meilleur que des fils et des filles; je leur donnerai un nom éternel qui ne périra jamais. (Isa. LVI, 4, 5.) Ceux-là, dit aussi saint Jean dans Apocalypse (c. XIV, 8, 4), ceux-là, c'est-àdire les vierges, suivront dans le ciel l'Agneau partout où il ira. C'est un privilége qui leur est propre. Les autres fidèles, qui ont perdu la virginité du corps, suivent l'Agneau, uit saint Augustin sur ces paroles, non pas par tout où il va, mais jusqu'où ils peuvent le suivre. Or ils peuvent le suivre partout, excepté lorsqu'il marche dans la beauté et dans l'éclat de la virginité; c'est aux vierges à marcher après lui par le sentier de la virginité, et à le suivre dans le chemin où il va: Vos ergo vos ite post eum, virgines ejus, vos illuc ile post eum, quia propter hoc quocunque ieris, sequimini eum (Lib. De sancta virgin., c. 28, 29); parce qu'elles l'ont suivi sur la terre dans toutes ses démarches, nonseulement dans la voie des préceptes, mais aussi des conseils, elles lui seront attachées par une familiarité particulière, elles entreront dans ses confidences les plus secrètes. Enfin le Sauveur lui-même dit dans l'Evangile, que la semence de sa parole rend dans la bonne terre, » dans des auditeurs bien disposés, « cent dans les uns, soixante dans les autres et trente dans les autres; » cent dans les vierges, soixante dans les veuves et trente dans les personnes mariées. (S. HIER., in Matth. xvII.)

Conformément à cette doctrine de l'Esprit Saint dans les divines Ecritures, jusqu'où les Pères de l'Eglise n'ont-ils pas élevé la virginité? Tous, ou presque tous ont fait dans leur temps ce que je fais aujourd'hui;

ils ont exhorté à la virginité, et en y exhortant ils en ont fait les éloges les plus sublimes: que ne puis-je vous rapporter ici ce qu'en ont dit les Tertullien, les Cyprien, les Basile, les Grégoire de Nazianze, les Chrysostome, les Ambroise, les Jérôme et les Augustin! mais où me conduirait l'exécu tion d'un dessein semblable, puisque ces grands hommes ont composé des livres enfiers sur ce sujet ? Ainsi donc qu'un homme, après s'être promené dans un riche parterre, et avoir considéré les fleurs admirables de toutes espèces dont il est émaillé, ainsi, disje, que cet homme se contente de cueillir un petit nombre de ces fleurs, de même, après avoir lu les écrits édifiants de ces saints, je me hornerai à vous citer quelques paroles, principalement des derniers de ces saints docteurs. Puissent celles de ce Père que je vous nommerai d'abord, faire sur les vierges chrétiennes de notre temps l'impres sion qu'elles faisaient sur celles de son siècle! quel succès admirable de ses discours touchant l'aimable vertu que je vous prêche! de Plaisance, de Boulogne, de la Mauritanie même, ils attiraient des vierges qui venaient à Milan recevoir de ses mains le voile sacré; tandis qu'à Milan même certaines mères faisaient (ce que feraient encore aujourd'hui ces mères mondaines qui ne goûtèrent jamais combien le Seigneur est doux, qui ne connaissent et ne veulent procurer d'autres plaisirs à leurs enfants que les plaisirs fades et grossiers des sens), tandis qu'à Milan même plusieurs mères, dis-je, enfermaient leurs filles, de peur qu'elles n'assistassent aux instructions du saint archevêque, et qu'ensuite elles ne se consacrassent entre ses mains,

Qui pourra, demandait cet éloquent prédicateur de la continence, le grand Ambroise, qui aura le génie assez vaste pour comprendre l'excellence d'un bien que la nature même ne renferme pas dans ses lois? Quel sera l'orateur assez disert pour exprimer par la voix de la nature, le prix d'une vertu dont la nature ne connaît pas même l'usage? La virginité a fait descendre des cieux le modèle qu'elle devait imiter sur la terre; elle a cherché là haut, l'époux qu'elle ne trouvait pas ici-bas; s'élevant au-dessus de notre région, au-dessus des anges, au-dessus de tous les astres, elle l'a trouvé dans le sein du Père éternel, et sans délai elle a célébré avec lui les noces spirituelles du chaste et tendre amour: non, sans doute, on ne s'étonnera plus, si désormais nous comparous les vierges aux saints anges, puisqu'elles ont pour époux le Dieu niême des anges: Nemo ergo miretur, și angelis comparentur, quæ angelorum Domino coulantur. (De virginit., lib. 1.)

Qu'il est grand, disait saint Jérôme, d'éteindre une flamme alluniée par les flambeaux de la jeunesse, de mépriser les consolations de l'alliance conjugale, et de se rendre insensible aux doux noms de père et de mère, de compter pour rien tous les autres avantages de la vie présente en vue de

fa béatitude céleste! C'est une action supérieure à la nature corporelle, c'est une vertu digne de l'immortalité : Grande est et immortale. (De laude virg.) Il ne faut, continue ce Père, qu'une réflexion pour connaître le rare mérite de la virginité, il ne faut que penser que Notre-Seigneur a voulu naître d'un sein virginal et demeurer vierge lui-même, se donnant ainsi pour modèle de virginité, lui aux hommes et sa mère aux femmes: In se viris, et in matre feminis præbuit virginitatis exemplum.

Enfin saint Augustin, dans son livre de la sainte virginité, enseigne que l'intégrité virginale est une vertu angélique, que ceuxqui la gardent sont déjà sur la terre ce que les bienheureux sont dans le ciel, où il n'y a ni époux ni épouses, et où tous sont comme les anges de Dieu. Il ajoute que toute fécondité corporelle, que toute chasteté conjugale lui cède en dignité, puisque le ciel admet la virginité et non la chasteté des époux Pudicitiam conjugalem non habet cœlum (Ibid., c. 13); que, selon la foi, remarquez bien ce terme selon la foi, le mariage n'est pas un péché à la vérité, mais qu'il est inférieur à la virginité, et que les époux ne peuvent prétendre à l'excellence de la gloire et de l'honneur réservés à la continence perpétuelle. (Ibid., c. 21.)

La raison en est, mes frères, et c'est aussi celle que nous donnent ici saint Augustin et les autres Pères, la raison en est que nos couronnes se multiplient et s'enrichissent à proportion des combats que nous avons à soutenir. Or, la virginité n'a point de jour sans combat de la part, soit de l'esprit impur, soit du monde ou de la chair: Quotidiana pugna: elle est non-seulement la mère des martyrs, comme le dit saint Ambroise, mais elle est elle-même un martyre et plus qu'un martyre, puisque le martyre souvent se consomme en peu de temps, au lieu que celui-ci est de toute la vie; par conséquent les vierges peuvent prétendre dans le ciel à des couronnes auxquelles ni les veuves, ni les personnes mariées n'ont aucun droit. Continuez donc, saints de Dieu, continuez, jeunesse de l'un et de l'autre sexe; continuez, vierges et célibataires, jusqu'à la fin dans votre louable dessein de garder la virginité: Pergite itaque sancti Dei, pueri et puellæ, mares et feminæ, cœlibes et innuptæ, pergite perseveranter in finem. C'est la conséquence que saint Augustin tirait de ce qu'il avait dit dans vingt-six chapitres d'un livre tout composé à la louange de la sainte virginité; combien n'est-elle pas opposée aux assertions de nos philosophes !

La première chose que nous disent ceuxci, c'est que l'état du célibat est un état trop commode et celui du mariage trop pénible pour ne pas donner la préférence à ce dernier sur le premier. J'en conviens, leur répond saint Chrysostome, le mariage expose à de grandes nécessités; les époux ont pour se sauver de grands travaux à soutenir; mais de là que s'ensuit-il? recevront-ils donc une récompense plus copieuse, et leur couronne

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sera-t-elle plus éclatante? Non, Chrétiens, répond ce Père, si une vierge court avec légèreté dans la carrière de la vertu, c'est un effet qui suit de son choix; si au contraire une épouse y est arrêtée à chaque instant, c'est de sa volonté que vient son retard; elle s'est mise dans la nécessité d'y marcher lentement, lorsqu'elle pouvait y aller à pas de géant : Sibi hanc necessitatem conscivit, cumliceret effugere si vellet. (Adv. vit. monast., lib. 1.)

La seconde difficulté que nous objectent ces mêmes philosophes, et avec eux s hommes charnels plongés dans la vie des sens, c'est, nous disent-ils, par un aveu qui devrait les humilier jusqu'à les faire rougir, c'est que la virginité n'est pas une vertu possible. Non, nes frères, elle n'est pas possible à la nature abandonnée à ses propres forces, et l'histoire tant sacrée que profane nous prouve qu'elle est un don particulier du Seigneur. Elie, Elisée, Jérémie sont presque les seuls dont il soit fait mention dans l'histoire sacrée. On y remarque si peu de vierges que saint Chrysostome prononce généralement que les saints de l'Ancien Testament regardèrent la virginité comme une vertu au-dessus de leurs forces: Nec apud veteres, a priscis illis, sanctisque viris, coli potuit. in Matth. xxv.) Dans l'antiquité profane combien trouverons-nous de vierges en un même temps? C'est ici, paganisme que tu dois reconnaître ta faiblesse et la force du christianisme que tu as combattu si longtemps. Là, dit saint Ambroise (Epist., lib. v, c. 31), à peine y avait-il sept vestales, et ici quelle multitude de vierges! Là, ces vestales ne gardaient la virginité qu'un temps prescrit, et ici les vierges demeuraient vierges toute leur vie; là, on invitait les filles romaines à la virginité par des ornements de tête, par des habits de pourpre, par la pompe de leurs litières, par un grand nombre de sénateurs qui les suivaient, par de grands priviléges, de grands revenus, des honneurs si grands que les consuls même leur cédaient partout le premier rang; et ici, loin d'inviter les filles chrétiennes à cette vertu, que ne faisait-on pas pour les en détourner? on employait pour cela les promesses les plus flatteuses, les menaces les plus terribles, les tourments les plus cruels. Combien de jeunes Agnès ont reçu la couronne du martyre parce qu'elles ont constamment aspiré à celle de la virgin nité, et parce qu'elles ont eu le courage de dire au tyran : « Je suis mariée à celui que les anges servent, et dont le soleil et la lune admirent la beauté » Ipsi sum desponsata cui angeli serviunt, cujus pulchritudinem sol et luna mirantur. Il est donc vrai que la grâce opère facilement ce que peut la nature avec tous ses moyens; c'est que tout ce que les ennemis de la virginité peuvent conclure de la faiblesse humaine. Celui qui a reçu le don de continence peut tout en celui qui le fortifie Omnia possum in eo qui me confortal. (Philip. iv, 13.)

Mais, disent en troisième lieu nos philo

sophes politiques, si on usait de ce don deviendrait la société, que devienque draient les provinces et les royaumes, sinon de grands déserts? Ainsi parle ce nombre prodigieux de célibataires qui ne le sont que par l'amour d'une vie plus oisive, plus commode, plus indépendante et plus licencieuse, qui par conséquent sont dignes de toutes les peines décernées par les lois romaines contre les célibataires inutiles. Méchants serviteurs, pourrais-je dire d'abord à cette sorte d'honimies, je vous juge par vos propres paroles; censeurs sévères du célibat voué au pied des autels, combien n'êtes-vous pas condamnables de garder un célibat aussi réprouvé de Dieu selon nous, qu'il est selon vous-mêmes opposé au bien de la société ? Mais négligeons cette première victoire, et battons nos ennemis par d'autres armes plus puissantes encore.

Le conseil de la virginité, dit saint Ambroise, est un conseil que le Seigneur savait devoir être prêché à tous à la vérité, mais pour être suivi de cenx-là seulement à qui le don en est donné d'en haut, pour être suivi par conséquent d'un petit nombre, d'un nombre trop petit pour faire jamais un vide dans les générations qui se succèdent les unes aux autres, et qui ont nécessairement leurs bornes sur la surface de la terre Dominus sciret prædicandam omnibus integritatem, imitandam paucis. (De virg., lib. I.)

C'est la réponse tranchante que le saint archevêque de Milan, il y a quatorze siècles, faisait déjà aux ennemis de la virginité; et quand ceux-ci répliquaient ce qu'on réplique encore aujourd'hui, que la consécration des vierges diminuait le genre humain, l'expérience, leur disait-il, détruit ici toutes vos spéculations idéales; le fait est connu : où il y a peu de vierges, il y a moins d'hommes; où la virginité est en honneur par le nombre qui l'embrasse, là la multitude est beaucoup plus considérable. Dans les Eglises d'Alexandrie, d'Afrique, de tout l'Orient, combien de vierges sont consacrées tous les ans! Cependant, bien loin que leur consécration diminue le nombre des hommes, il y a chaque année plus de vierges à voiler qu'ici d'hommes à baptiser. Par conséquent la virginité, loin de nuire, est au contraire très-utile dans l'ordre même de la société, surtout depuis que le salut nous est venu d'une vierge.

C'est l'observation que faisait saint Ambroise pour son siècle, et c'est celle que nous pouvons faire d'après lui pour le nôtre. Nous pouvons demander aux ennemis de la virginité si la Suède a été plus peuplée, et plus beureuse après les règnes de Charles XI et Charles XII pour n'avoir pas de célibataires semblables à ceux que forme notre religion; si le Dannemark et la Norwége dont il sortait autrefois de si nombreuses colonies de guerriers, ont recouvré cette ancienne fécondité depuis qu'ils ont embrassé l'hérésie; si les vastes contrées d'Orient, aujourd'hui soumises à l'empire

des Turcs, sont plus peuplées qu'elles ne l'étaient sous la domination des princes chrétiens battus sur le terrain qu'ils ont euxmêmes choisi, ils seront forcés d'avouer le contraire. C'est, mes frères, qu'une religion qui exalte la virginité d'un côté, et qui de l'autre néanmoins élève le mariage à l'auguste dignité de sacrement, n'est pas faite pour dépeupler le genre humain.

Citer après cela les paroles du Seigneur à nos premiers parents: Croissez et multipliez (Gen., 1, 22); conclure de là que le célibat est contraire à l'intention du Créateur, et le condamner comme une observation superstitieuse, qu'est-ce autre chose que forger de nouveau des armes toujours brisées avec avantage? Lorqu'on en fit usage la première fois, on dit que ces paroles avaient été adressées à la collection du genre humain, et non à chaque individu; on dit qu'elles avaient été prononcées dans un temps où le monde sortait de son chaos, ou reparaissait de dessous les eaux du déluge; on dit que le premier testament ordonnait le mariage, et que le second conseillait la virginité: Prima sententia crescere et generare præcepit, secunda continentiam suasit. (S. CYPR.) On dit avec l'Apôtre, que celui qui mariait sa fille faisait bien, et que celui qui ne la mariait pas faisait encore mieux, et il n'en fallut pas davantage pour réduire l'hérétique au silence. Que faut-il de plus aujourd'hui ? ne vous semble-t-il pas, en entendant ces réponses, apercevoir un soleil qui s'élève, et qui dissipe les ténèbres que l'incrédule s'efforçait de répandre sur cette matière ? Non, mes frères, il ne faut qu'examiner ces raisons sans préjugé et sans obstination, pour avouer que les réflexions des libertins contre l'état de la virginité sont on ne peut pas plus faibles; que celles des amis. du célibat pour le soutenir, sont on ne peut pas plus solides; qu'y être appelé et répondre à sa vocation, c'est un dour excellent de la divine bonté, pour ces deux raisons que j'ai expliquées dans cette instruction; un don excellent, parce que dans cet état on jouit d'une liberté de servir Dieu, qu'on n'a pas aussi pleine dans celui du mariage; un don excellent, parce que son usage enrichit de mérites sur la terre, et couronne dans le ciel d'une gloire particulière, et plus éclatante que ne fera la gloire des personnes mariées.

Dès cette vie même, quel honneur n'at-elle pas reçu de Jésus-Christ vierge, né d'une vierge, époux des vierges, et comme l'Eglise le dit dans ses hymnes, paissant parmi les lis de la virginité? quel honneur n'a t-elle pas reçu de Marie, Mère de Dieu, de cette fille d'Israël qui eût préféré la virginité à la maternité divine, si, par un miracle unique, elle n'eût pu devenir mère qu'en cessant d'être vierge? quel honneur n'a-t-elle pas reçu de la protection particulière et miraculeuse que le ciel lui à accordée ? De ce grand nombre de prodiges qui déposeront, dans la suite de tous les siècles, en faveur de cet état angélique, je ne citerai

que celui de la délivrance de sainte Thècle, rapportée par saint Ambroise.

Vous auriez vu, dit ce Père, les lions que le ministre de l'injustice avait lâchés contre elle, se coucher à ses pieds, les lécher, et témoigner par un silence éloquent qu'ils ne -pouvaient violer le corps sacré de cette vierge. Ces bêtes féroces adoraient leur proie; elles oubliaient leur nature; elles semblaient avoir pris celle dont les tyrans s'étaient dépouillés; vous auriez vu, par une espèce de métempsycose, les hommes changés en lions faire des leçons de cruauté aux lions mêmes, et les lions baisant les plantes de la jeune vierge, faire des leçons d'humanité aux hommes. La virginité est si admirable que les lions mêmes l'admirent ; ni la faim n'est capable de les exciter contre les vierges, quoiqu'on les fasse jeûner; ni leur ardeur de les transporter, quoiqu'on les irrite; ni la fureur de les animer, quoiqu'on les aiguillonne; ni l'habitude de les tromper, quoiqu'il leur soit ordinaire de manger de la chair humaine; ni la nature de les rendre voraces, quoique naturellemet ils le soient autant et plus que la plupart des autres animaux. Que font-ils donc? Ils enseignent la religion en adorant une martyre, et ils enseignent la virginité en baisant les pieds d'une vierge, les yeux baissés et rougissant, pour ainsi dire, de peur qu'un homme et même une bête ne voie une vierge dans une indécence involontaire et forcée. Ce sont jusque-là les paroles de saint Ambroise, rapportant le martyre de sainte Thècle (De virginib., lib. 1). Quel miracle n'y voyez-vous pas en faveur de la virginité attaquée? La belle éloquence de ce saint nous représente les lions non-seulement comme des protecteurs, mais comme des docteurs de la virginité.

Que Jésus-Christ, le lion de la tribu de Juda, l'ait enseigné, et même y ait exhorté, surtout dans cet endroit de saint Matthieu où il établit l'indissolubilité du mariage, c'est une remarque qu'ont faite avant moi les saints interprètes. Au sentiment de saint Chrysostome que je cite pour tous, c'est comme s'il nous y disait: D'un côté vous regarderez l'état de virginité comme plus com-mode que celui du mariage; d'un autre côté il est beau, il est sublime, il est un don singulier du ciel. Qu'est-ce donc qui vous arrête dans ce choix? Si la nature, si la malice des hommes, si l'infortune, si l'indigence vous interdisaient le mariage, il faudrait vous passer des avantages qui s'y rencontrent, et vous en passer sans récompense. Vous pouvez garder la virginité plus facile ment, plus sûrement, plus agréablement que ces personnes que j'ai désignées; plus facilement, parce que l'espérance de la rétribution vous fortitie; plus sûrement, parce que Vous êtes moins tentés de l'esprit impur; plus agréablement, parce que vous vous réjouissez du témoignage que votre conscience vous rend de votre vertu. Quelle doit donc être votre reconnaissance envers Dieu qui vous a préparé des prix si magnifiques, si

vous voulez vivre par bonne volonté, comme tant d'autres vivent par nécessité? Que celui donc qui est capable d'une telle résolution la prenne; je ne l'ordonne pas, mais je la conseille comme une chose très-méritoire et très-louable: Qui potest capere, capiat. (Matth. XIX, 12.)

Jeunesse chrétienne, voilà ce que vous dit Jésus-Christ, l'époux des vierges, touchant l'état de virginité; quelle préférence ne lui donnez vous pas maintenant sur l'état du mariage? O vous donc qui en avez la grâce, vous en qui un directeur sage l'a remarquée, embrassez avec joie le célibat, non pour vous délivrer des inquiétudes du siècle, ou pour vous procurer une vie plus paisible, mais pour vous rendre plus dignes du royaume des cieux. Je vous le souhaite au nom du Père, etc.

INSTRUCTION CXXXII!.

SUR LA VIRGINITÉ.
Suite du même sujet.

De virginibus præceptum Domini non habeo, consilium autem do, quonian bonum est homini sic esse. (I Cor. VI, 25.)

Quant aux vierges, je n'ai point reçu de commandement de Dieu, mais voici le conseil que je donne : c'est qu'il est bon à l'homme de ne se point marier.

Saint Jérôme louant la virginité, appuyait le conseil de saint Paul de cette raison: Cette vertu, disait-il, conduit au détachement des biens du monde; le détachement des biens du monde dispose à l'observation des commandements; l'observation des commandements assure la vie éternelle. La virginité conduit au détachement des biens du monde; dans cet état l'avarice ne s'enveloppe pas du prétexte le plus spécieux dont elle à coutume de s'envelopper, de la nécessité d'établir des enfants. Le détachement des biens de ce monde dispose à l'observation des commandements divins: on court avec légèreté dans leur voie lorsque l'on est déchargé du fardeau aussi pesant que dangereux des richesses temporelles. L'observation des commandements assure la vie éternelle; la parole du Seigneur est expresse sur ce point; Hoc fac et vives, «Faites cela et vous vivrez.» (Luc. x, 28.) De quelle utilite n'est done pas la virginité pour arriver au royaume des cieux ?

Le démon le sait, mes frères, et pour abolir un état si saint et si sanctifiant, il n'est ni temps, ni lieu où il ne lui ait suscité des ennemis. De ce nombre ont été les persécuteurs d'abord, les hérétiques ensuite, puis de nos jours ces déistes qui osent s'annoncer sous les noms imposants de patriotes et de politiques. Enfin, outre ces trois espèces d'ennemis que j'ai combattus autant qu'il était nécessaire dans le discours précédent, il en est une quatrième sorte plus dangereuse encore pour vous, jeunesse chrétienne; c'est vous-mêmes; car c'est à vous que l'esprit impur s'adresse immédiatement pour vous dissuader de prendre cette généreuse résolution à laquelle vous exhorte

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