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que ses menaces ne se changent bientôt en supplices.

L'espérance qui nous sauve est donc une espérance vive, une espérance qui suppose ou la grâce sanctifiante, ou le désir de la recouvrer, avec un commencement de conversion vers Dieu; en un mot, une espérance telle que, dimanche dernier, je vous J'ai dépeinte dans ses motifs, et qu'aujourd'hui je vais vous la dépeindre dans ses effets. C'est le sujet de cet entretien.

POINT UNIQUE.

Voici, mes frères, l'ordre que je vais suivre en vous entretenant des effets que produit l'espérance chrétienne, je les considérerai sous trois rapports d'où nous pourrons tirer trois conséquences: la première, combien l'espérance est glorieuse à Dieu; la seconde, combien elle est utile à la société; la troisième, combien elle nous est nécessaire.

Touchant la première, taisons-nous nousniêmes, mes frères, et bornons-nous à écouter celui qui a l'espérance qui fait les saints. O Dieu ! l'entendrons-nous s'écrier cent fois le jour, Dieu, ma portion! je languis sans vous. O héritage céleste! quand vous posséderai-je? Qu'elle paraisse enfin, cette vie cachée qui pourra demander à la mort où est sa victoire et son aiguillon ! Qu'il arrive, ce règne où il n'y a plus de combats à livrer ni de victoires à remporter! Qu'il luise à mes yeux, ce jour qui ne sera suivi d'aucune nuit! O mort trop tardive! quand viendrastu donc me débarrasser des liens de ce corps? O ma chère Jérusalem, mon aimable patrie! que le soleil s'arrête au milieu de sa course, que les astres retirent leur lumière, que ma langue s'attache à mon palais, que je sois oublié, haï, méprisé de l'univers, si jamais je vous oublie! Malheur à moi, si je rampais un moment sur la terre, négligeant de m'élever vers vous! Malheur à moi, si je concevais un dessein, si je formais un projet à la tête duquel vous ne fussiez pas!

Tels sont, mes frères, les saints désirs, les aspirations ferventes, les vifs transports du Chrétien espérant le ciel; rien ne l'arrête ici-bas; tous ses regards, toutes ses vues, toutes ses pensées, il les porte vers les montagnes saintes. S'agit-il pour lui du choix d'un état? l'examen des dangers et des moyens du salut est ce qui l'occupe uniquement dans ce choix. S'agit-il d'entrer dans un emploi ou d'occuper une dignité? il y cherche, non les émoluments, non les distinctions ou les priviléges, mais la gloire de Dieu et son salut. Faut-il entreprendre un procès ? il ne le fait qu'après avoir épuisé les moyens d'accommodement, qu'après s'être 'assuré de son droit, qu'après s'être bien mis en garde contre la perte du temps et de la charité fraternelle principalement. Lie-t-il une conversation? s'assied-il à table? prendil une récréation? qu'est-ce que cela pour l'éternité, se demande-t-il d'abord, bien résolu de ne rien faire qui l'en détourne? Hæc quid ad æternitatem?

Ainsi, mes frères, parle, ainsi pense le fidèle qui vit de l'espérance; 'ainsi rend-il à Dieu la gloire la plus excellente qu'un mortel puisse lui rendre. C'est le Roi-Prophète qui nous en assure en ces termes : J'espérerai en vous, Seigneur, lui dit-il, oui, j'espérerai en vous et j'espérerai toujours : « Ego autem semper sperabo: » Je couronnerai par cet hommage que je rends à votre miséricorde, toutes les louanges que les mortels peuvent vous donner : « Et adjiciam super omnem laudem tuam. » (Psal. LXX, 74.) Il est donc vrai que l'espérance considérée dans son premier objet, dans la vivacité de ses désirs, dans l'assiduité de ses recherches, est infiniment glorieuse à Dieu, et, sans insister sur une conséquence de cette évidence, en voici une autre qui devrait bien vous affliger tous; c'est, mes frères, qu'il y a donc parmi vous bien peu de Chrétiens qui vivent de l'espérance de la vie éternelle.

En effet, vous venez de l'entendre, chers auditeurs, ceux qui ont cette espérance cherchent premièrement le royaume des cieux et sa justice; et vous, vous cherchez premièrement la vie de ce corps, ce qui la soutient, ce qui la rend commode et même délicieuse; vous vous traînez sur la terre comme des vermisseaux, oubliant la noblesse de votre origine et la grandeur de votre destinée. Ceux qui sont animés de l'espérance d'une vie meilleure, que font-ils encore? ils s'en occupent comme de la plus importante de leurs affaires : que sert à l'homme, dit ce père au milieu de sa famille nombreuse, ce négociant dans son commerce, ce juge_assis sur son tribunal, que sert à l'homme de gagner le monde entier, s'il vient à perdre son ame? (Matth. XVI, 26.) Et vivement pénétré de cette parole du Sauveur, ce père, ce négociant, ce juge, tous consentiront à vivre dans l'indigence, à perdre leur crédit, leur appui, leur réputation, plutôt que de proférer un mensonge, que de commettre une injustice, que de faire une action indigne d'un Chrétien; et vous, au contraire, vous consentez, et avec quelle scandaleuse facilité ne consentez-vous pas à la fraude, au parjure, à l'abus de l'autorité, au mépris des lois divines et humaines, lorsqu'elles sont en concurrence avec un plaisir frivole, un léger intérêt?

Ceux qui sont remplis de l'espérance de la vie future, que font-ils encore? ils ne désirent rien que par rapport à elle; les richesses ou la pauvreté, les honneurs ou les humiliations, la bonne ou la mauvaise réputation, la santé ou la maladie, tout ce qui par soi-même ne rend ni juste ni pécheur leur est indifférent; le ciel est l'unique nécessaire auquel ils se bornent et vous, au contraire, excepté le salut, vous regardez tout comme nécessaire. Quels cris ne jetez-vous pas lorsque le Seigneur vous frappe dans vos bieus et dans vos personnes ? qu'une de vos maisons tombe, vous êtes comme accablés de son poids; qu'une langue médisante décoche un de ses traits meurtriers contre vos mœurs, vous en êtes percés jusqu'au fond

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qui vous en avait imposé : un vrai patriote, nous disent nos raisonneurs à la mode, aime sa pairie, et en procure les avantages à son préjudice personnel le Chrétien, ajoutent

de l'âme; que la mort vous enlève un de vos proches, vous en paraissez inconsolables. Vos péchés se sont accumulés comme de lourdes montagnes sur vos têtes; votre âme est blessée de mille coups que vos prévari-ils, cet homme qui n'a d'espérance que pour cations lui ont portés; vous avez perdu la vie éternelle par vos fautes, et vous n'y faites pas même attention. Est-ce ainsi qu'on perd tranquillement le plus grand des biens lorsqu'on le désire?

Ceux qui en ont un désir sincère sont dans une crainte continuelle que les objets de leur espérance ne leur échappent; il est vrai, se disent-ils, la grâce ne me manquera pas, si auparavant je ne lui manque; mais n'y aura-t-il pas un moment fatal où le flambeau de la religion et de la raison sera éteint par le torrent des passions? un rayon du soleil de justice tombant sur ces eaux bourbeuses rallumera-t-il ce flambeau ? Vous seul le

savez, ô mon Dieu ! et voilà ce qui me fait opérer mon salut avec tremblement. Ainsi ont parlé les plus grands saints, les Paul élevé au troisième ciel ; et vous, hommes d'un mérite si inférieur, vous vivez cependant dans une sécurité que rien ne trouble; ah! c'est que les saints espéraient beaucoup, et vous espérez peu. Voilà la raison pour laquelle ils craignaient tant et vous craignez si peu.

*

Que font enfin ceux qui espèrent la vie éternelle? ils ont cet objet devant les yeux lorsqu'ils se lèvent et qu'ils se couchent, lorsqu'ils commencent et qu'ils finissent une action; c'est là le terme où vont aboutir leurs soupirs, leurs affections, les palpitations de leur cœur; et vous, au contraire, la première pensée qui vous vient et la der nière qui vous quitte, celle qui précède et qui suit toutes vos actions, a pour objets vos affaires temporelles, les besoins de votre famille, les moyens d'y subvenir. Au lieu que, touchés d'une noble émulation, vous devriez prendre votre essor vers les cieux, vous planez sur terre par tous vos désirs et vos actions. Que feriez-vous de plus pour le temps? que feriez-vous de moins pour l'éternité, si vous étiez formés pour celui-là et non pour celle-ci? O ciel! que vous êtes désirable et qu'on vous désire peu! ô espérancel que vous êtes faible parmi nous, puisque nous désirons si faiblement, puisque nous recherchons si négligemment le premier de vos objets! que vous êtes rare, puisque vos effets à l'égard de Dieu sont si peu communs!

Pour vous expliquer maintenant ceux qui concernent la société, je commence par déplorer l'erreur de la plupart des mondains sur ce point, cette erreur que les prétendus philosophes du siècle appuient de tout ce qu'une fausse éloquence peut avoir de sé duisant, de ces raisonnements qu'une attention trop superficielle vous a peut-être fait juger concluants, et dont une attention plus sérieuse vous aurait sûrement découvert le faux et le faible. Rassemblons-les ici ces raisonnements, afin que de retour sur vos pas vous discerniez le vrai d'une apparence

le ciel, ne peut avoir ni ce sentiment, ni ce désintéressement généreux; comment serait-il capable de l'un et de l'autre, lui qui par principe est détaché de sa patrie, lui à qui les succès bons et mauvais sont indifférents, lui qui n'ose jouir de la félicité publique si l'Etat est florissant, lui qui bénit la main du Seigneur, si elle s'appesantit sur son peuple?

J'en conviens, mes frères, ce portrait du Chrétien espérant le ciel, est ressemblant dans quelques-uns de ses traits; le cœur du fidèle est détaché de sa patrie, c'est-à-dire, que sa patrie n'occupe pas dans son cœur la place qui n'est due qu'à Dieu. Les succès de l'Etat, 'heureux ou malheureux, lui sont indifférents, c'est-à-dire, pour parler un langage plus exact, qu'il sait se résigner à la volonté de l'arbitre suprême des événements lorsqu'ils sont fâcheux, comme il sait reconnaître sa bonté lorsqu'ils sont favorables. Si l'Etat est florissant, il n'ose jouir de la félicité publique, c'est-à-dire qu'il en jouit comme n'en jouissant pas, dans la pensée que la figure de ce monde passe. Si l'Etat est affligé, il bénit la main qui l'afflige, mais en s'affligeant lui-même, mais en implorant la miséricorde du Seigneur, mais en lâchant de fléchir sa justice par la pratique de toutes sortes de bonnes œuvres. Conclure de ces principes que la patrie n'a ni attachement, ni service à se promettre du Chrétien qui en fait sa règle, quelle conséquence ! où peut en être la justesse?

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En effet, je vous le demande, nes frères, et je veux bien que vous soyez juges entre nous et les esprits raisonneurs du siècle, comment un Chrétien qui a pour chef et pour modèle ce Jésus, qui aimait si tendrement sa patrie, serait-il sans affection pour celle que le ciel lui a donnée; comment ce Chrétien, qui aime le Tartare, parce qu'il est son frère selon la nature, ne chérirait-il pas un voisin auquel il est de plus uni par les liens de l'intérêt ? Je vous lo demande encore, lequel travaillera davantage pour la patrie, ou de celui qui, comme le citoyen de la Jérusalem céleste, lève ses regards vers les montagnes saintes, et attend de ses travaux des récompenses certaines, infinies, éternelles; ou de celui qui, comme le citoyen de Babylone, fixe ses yeux sur la terre, et n'attend de ses peines que des récompenses fort douteuses, très-médiocres et toujours périssables? Lequel procurera plus d'avantages à la patrie, ou de celui qui préfère le bien général à son bien particulier, comme le fait un Chrétien détaché du monde par l'espérance; ou de celui qui préfère son intérêt particulier à l'intérêt commun, comme fait celui qui est attaché la terre. Lequel s'intéressera le plus vivement au bien de la patrie, ou de celui qui s'en fait une obligation de conscience, et devant ce Dieu duquel il a à

craindre les châtiments les plus sévères, s'il ne mérite des récompenses ; ou de celui qui ne se conduit que par les principes d'une probité naturelle ? c'est-à-dire, que par des principes faibles et presque toujours inefficaces, dès qu'on peut les violer impunément. Je suppose ce dernier dans le cas où il s'agit d'opter entre ce qu'il doit à sa patrie et ce qu'il chérit plus tendrement; dites-le-moi, quel motif affermira sa main chancelante dans l'immolation des victimes précieuses que sa patrie lui demandera ? Non, mes frères, il n'en est plus de suffisant pour le résoudre aux sacrifices rigoureux qu'elle peut exiger, dès que vous mettez à part l'espérance chrétienne. Elle seule peut tirer les affections de l'homme de la bassesse du moi humain, et les élever à l'amour pur et sublime du bien public. Elle seule peut, dans le cœur de l'homme, l'emporter sur l'amour naturel du repos, des biens, des plaisirs, de la vie même dont le sacrifice est quelquefois nécessaire aux intérêts de la patrie. Mais laissons ces maximes spéculatives touchant les effets de l'espérance à l'égard de la patrie, c'est surtout par des observations de pratique qu'il faut les rendre sensibles.

Quel est, par exemple, le magistrat plus appliqué à l'étude des lois, plus attentif à distinguer le faux et le vrai, plus intègre dans ses décisions, ou de celui qui n'appréhende et n'attend que de Dieu seul, comme cet enfant d'espérance dont nous par lons, ou de celui qui professe cette religion que les incrédules nous annoncent? J'en appelle ici aux incrédules mêmes, auquel de ces deux juges s'en référeraient-ils dans une affaire de conséquence?

Or ce que je dis d'un homme de magistrature, je le dirais également d'un homme d'épée. Quelles armées furent jamais plus entreprenantes et plus terribles, que cette poignée de justes à la tête desquels commandaient les Machabées? quel soldat fut jamais plus redoutable que David attaquant Goliath au seul nom du Seigneur? quel général fut jamais plus magnanime et plus généreux qu'Abraham combattant pour son neveu Loth, et refusant les dépouilles qu'on lui offrait après la victoire ? Loin donc que l'espérance énerve le courage, elle l'élève, elle l'ennoblit, elle le rend capable des entreprises les plus difficiles dans l'ordre civil, et pour le bien de la patrie.

Or ce que je dis d'un militaire, je le dirais avec autant de justice d'un négociant, d'un artisan, d'un domestique, de tout homme de quelque condition qu'il fût: tous contribuent efficacement au bien de la patrie, dès qu'ils se conduisent par l'espérance d'une vie meilleure. Assurons-nous bien de ce seul point, et nous n'avons plus à craindre ni injustice de ce négociant, ni tromperie de cet artisan, ni infidélité de ce domestique, ni malversation de personne. Quelle paix ! quelle tranquillité d'une république composée de tels hommes! A la place de ceux-ci substituez les élèves de nos incrédules, quel trouble succédera à cette paix ! Non, ce ne

sera plus que soupçon, qu'inquiétude, que défiance des uns à l'égard des autres, d'un client à l'égard de son juge, d'un malade à l'égard de son médecin, d'un inférieur à l'égard de son supérieur. En vain ces hommes affectent-ils parmi nous beaucoup d'humanité, beaucoup de probité, beaucoup de droiture, je ne me fierai jamais à eux, et la même chose arriverait dans cette république. C'est, qu'on me permette ici de combattre l'incrédulité avec les armes des incrédules mêmes, avec les armes d'un d'entre eux qui sentait la force de ces principes, c'est que l'irréligion, dit celui-ci, a pour effet infaillible d'attacher à la vie, d'efféminer, d'avilir les ames, de concentrer toutes les passions dans la bassesse de l'intérêt particulier, dans l'abjection du moi humain, de saper ainsi à petit bruit les fondements de toute société. Vous l'entendez, mes frères, l'irréligion, de l'aveu même de ceux qui combattent la vraie religion, n'est propre qu'à faire des tyrans dans l'exercice de l'autorité, et dans les conditions particulières des brigands et des assassins; elle est l'ennemi le plus dangereux, le fléau le plus terrible de la patrie; le bien, le repos de cette patrie est essentiellement lié avec l'espérance d'une vie future. Second aspect sous lequel j'avais à considérer l'espérance chrétienne, ses effets à l'égard de la patrie.

Maintenant que je dois les considérer par rapport à nous-mêmes, mes frères, que vous en dirai-je ? quels éloges assez magnifiques en ferai-je en votre présence? O espérance, O ma consolation, ma force, ma joie, dans cette vallée de larines! Sans vous je me traîne comme les reptiles dans la fange et la poussière; avec vous je prends comme l'aigle mon élan vers les cieux. Sans vous je n'ai que des pensées timides et des prévoyances incertaines; avec vous mes craintes se dissipent et font place à une sage assurance. Sans vous je me fie à des hommes fourbes et menteurs qui me tromperont; avec vous une noble fierté me défend de mettre ma confiance ailleurs qu'en Dieu mon refuge et ma vertu. Sans vous je changerais mon exil en patrie; avec vous je vis en étranger soupirant sans cesse après ma demeure céleste. Sans vous je ne puis rien de grand, de difficile; avec vous je puis tout, et, pour me servir de l'expression hardie de saint Bernard (Serm. 85 in Cant.), je deviens en quelque façon tout-puissant; je puis arracher l'œil qui me scandalise, rompre les liens de mes mauvaises habitudes, quitter les occasions du péché, mépriser les vanités enchanteresses du monde, porter ma croix, renoncer à mies penchants les plus chers, devenir patient, modeste, sobre, juste, compatissant;... je pourrais comme Josué arrêter le soleil dans sa course s'il le fallait. Sans vous enfin je suis inconsclable dans les maux de cette vie, et avec vous, ah! qu'il m'est facile de les supporter !

Je ne suis point surpris de cet effet de l'espérance, dit saint Chrysostome (hom. 17 in Gen.); si les ondes effroyables de la mer

en fureur, si les pirates, si les naufrages n'épouvantent pas les matelots; si les pluies, si les grêles et les glaces d'un hiver rigoureux ne font point perdre courage aux la boureurs; si la vue d'une mort prochaine, si les blessures ne font point fuir le soldat; si tous ces hommes soutiennent les peines de leur état dans l'espérance d'un bien trompeur qu'ils se proposent pour récompense, combien plus ceux qui aspirent au royaume des cieux souffriront-ils les calomnies, les outrages, les persécutions, les misères attachées à la vie présente, avec patience, avec courage, avec une consolation mêlée de joie ?

Ce sont, mes frères, les sentiments dont celui qui espère est constamment pénétré dans toutes les situations fâcheuses où il se trouve. Est-il affligé de quelque maladie? il s'en console dans l'espérance qu'elle l'éprouvera, qu'elle le purifiera, qu'elle le perfectionnera. La mort l'a-t-elle séparé d'un ami qu'il aimait tendrement? il s'en console dans l'espérance de lui être réuni en peu de jours ou peu d'années. Vit-il dans une triste indigence? il s'en console dans l'espérance que sa pauvreté sera changée en opulence, et sa tristesse en joie. Se trouve-t-il sans état après avoir rendu des services considérables? il en remercie le Seigneur, et remet son sort entre les mains de ce proviseur général. Est-il persécuté de ceux de qui il devait attendre des récompenses? il s'en console en disant, avec David: Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindraije? le Seigneur est le défenseur de ma vie, qui me fera trembler? oui, on me livrerait des combats, que j'y mettrais mon espérance: Si exsurgat adversum me prælium, in hoc ego sperabo. (Psal. xxvi, 3.)

Tels sont, mes frères, les principaux effets de l'espérance chrétienne; elle enchante, elle enivre, elle noie dans un fleuve de plaisirs ineffables l'âme de celui qu'elle anime; elle en fait un bon parent, un bon ami, un bon sujet, un bon citoyen; eile l'embrase de l'amour de Dieu; elle le rend fervent dans les bonnes œuvres; et c'est là la marque à laquelle vous pouvez connaître si vous avez l'espérance chrétienne. Je le prononce hardiment, non, mes frères, vous ne l'avez pas, si vous ne pratiquez les œuvres de la loi. En vain direz-vous que vous êtes les enfants d'Abraham: il ne vous suffit pas d'en tirer votre origine, vous répliquera-t-on, si vous n'imitez sa conduite. Je dis bien plus encore, comme il n'a servi de rien à Bethléem que Jésus-Christ y soit né, à Jérusalem qu'il y ait enseigné, à Nazareth qu'il y ait habité, comme, il n'aurait servi de rien à Marie d'avoir été sa mère, si elle n'eût pratiqué ses vertus (S. Chrys., in cap. 1 Joan.); de même tous les mérites de ce divin Sauveur sont perdus pour vous, s'ils ne vous sont appliqués, s'ils n'influent sur vos actions, s'ils ne vous rendent féconds en bonnes œuvres, s'ils ne les élèvent à un ordre surnaturel, s'ils ne les divinisent, si vous ne

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pratiquez les commandements dans toute leur étendue.

Le faites-vous, mes frères, êtes-vous pardonnables de ne le point faire? dites-le-moi, sectateurs du monde jusqu'à l'oubli du ciel ! que sont donc ces espérances qui vous séduisent et vous occupent, si on les compare à l'espérance chrétienne? ce qu'est la terre par rapport au ciel, le temps par rapport à l'éternité, l'ombre par rapport au corps, la figure par rapport à la vérité, le néant par rapport à la plénitude des êtres. Vous regardez quelquefois comme des insensés ceux qui abandonnent parents, fortune, patrie, villes, siècle et univers pour suivre Jésus-Christ, pour se cacher dans les sépulfrères, permettez-moi de vous le dire, c'est cres et se consacrer à la pénitence; ah! mes bien vous qui êtes des insensés de renoncer aux biens du ciel, seuls solides et véritables, pour vous attacher à des biens sans consistance et sans réalité. Que les apôtres aient tout quitté à la première parole du Sauveur; qu'un illustre pénitent expire sur le mont des Olives, par le vif désir de suivre sans délai ce digne Maître montant au plus haut des cieux; que saint Bernard quittant le monde, et disant au plus jeune de ses frères que tout l'héritage paternel sera pour lui, cet enfant lui réponde: le ciel pour vous! la terre pour moi! ah! mon frère le partage est trop inégal pour que j'y souscrive; ni la réponse de cet enfant, ni la mort de ce pénitent, ni le détachement de ces apôtres ne m'étonnent point: mais que dans le sein du christianisme on trouve des Esau qui vendent leur droit d'aînesse pour un plat de lentilles; qu'il y ait des juifs charnels qui préfèrent la graisse de la terre à la rosée du ciel, et qui se croient heureux lorsqu'ils jouissent de la santé, lorsque leurs récoltes sont abondantes, lorsque leurs celliers sont remplis, lorsque leurs troupeaux sont nombreux, voilà ce qui m'étonnera toujours. Qu'un laboureur sème dans l'espérance de moissonner; qu'un vigneron cultive la vigne dans l'espérance d'en recueillir du raisin; qu'un berger paisse son troupeau pour en tirer le lait; que chacun remplisse les devoirs de son état pour trouver dans son état même de quoi'subsister; que chacun fasse des prières pour obtenir de Dieu cette subsistance; jusque-là tout est régié ; l'équité naturelle le veut ainsi, le bon ordre l'exige, la religion le commande: mais qu'on ne porte pas plus loin ses espérances; qu'on murmure lorsqu'on est frustré de son attente; qu'on prie pour les biens du temps comme pour ceux de l'éternité, qu'on les demande aussi absolument, souvent et avec plus de ferveur que la grâce la plus nécessaire, quel abus! quel désordre!

Enfants des hommes! jusques à quand au rez-vous le cœur appesanti vers la terre? « Filii hominum usquequo gravi corde? » jusques à quand aimerez vous la vanité, le luxe et les pompes du siè le? Utquid diligitis vanitatem? jusques à quand chercherezvous avec tant d'ardeur les biens apparents

et trompeurs de ce monde? et quæritis mendacium? (Psal. iv, 3.) Offrez enfin un sacrifice de justice à Dieu, en détachant votre cœur des créatures: Sacrificate sacrificium justitiæ (Ibid., 6): Espérez en Dieu, et mettez toute votre espérance en lui comme dans l'unique objet digne de vos désirs: Sperate in Domino (Ibid.); en ce moment, et souvent dans le jour, produisez-en cet acte dont l'EspritSaint vous a tracé la formule.

Qu'y a-t-il pour moi dans le ciel, ô mon Dieu! et que désirerais-je sur la terre qui ne fût pas vous-même? Ma chair, mon cœur tombent en défaillance, lorsque je pense que vous voulez vous-même être le Dieu de mon cœur, ma portion dans l'éternité: oh! qu'il m'est avantageux de m'attacher à vous uniquement ! de mettre en vous toute mon espérance, afin que j'annonce vos grandeurs aux portes de la fille de Sion (Psal. LXXII, 24 et seq.), dans la cité de la céleste Jérusalem, dans la société de vos élus ! C'est, mes frères, le bonheur que je vous souhaite, au nom du Père, etc.

INSTRUCTION XXIX.

SUR L'ESPÉRance.

Nécessité de la prière mentale.

Omnia quæcunque petieritis in oratione credentes, acelpielis. (Matth. xx1, 22.)

Tout ce que vous demanderez avec foi dans l'oraison, rous le recevrez.

Nous obtiendrons donc aussi la vie éternelle et les grâces pour y arriver, si nous les demandons avec confiance: la prière est donc un moyen dont l'usage conduit infailliblement à la possession de ces grands biens; elle peut, elle doit donc trouver sa place dans les entretiens que nous formons sur l'espérance. C'est pour cette raison que dès aujourd'hui je commencerai à vous en parler. Déjà j'ai considéré cette vertu sublime de l'espérance dans ses biens, c'est la vie éternelle et les secours qui y disposent; dans les péchés qui lui sont opposés, c'est le désespoir et la présomption; dans les motifs qui l'appuient, ce sont les promesses de Dieu, les mérites de Jésus-Christ et les bonnes 'œuvres faites en vertu de ces mérites; dans les effets qu'elle produit, c'est le mépris de la terre et le désir du ciel. Combien n'en produisait-elle pas de cette nature au commencement du christianisme surtout? A peine le royaume céleste fut-il proposé au inonde par les apôtres, qu'aussitôt on vit partout des armées d'une nouvelle espèce se disposer à la conquête de ce royaume, les uns se confinant dans les déserts, les autres Courant au supplice, chacun foulant le monde, et sur ses débris s'élevant vers le ciel; chacun tendant ses mains, chacun portant ses soupirs vers cette terre de promission. Après avoir considéré l'espérance sous ces quatre aspects, l'ordre demande que je l'examine sous un cinquième, qui est, comme on vous l'a appris dès votre enfance, le moyen le plus ordinaire pour obtenir la grâce de Dieu, je veux dire la prière.

Si, pour vous inspirer l'amour de cet exercice, il ne fallait que des éloges, quel sujet en fut jamais plus digne? quelle force! quelle utilité! quelle nécessité de la prière l Moïse prie, et par sa prière il désarme le bras du Seigneur déjà étendu pour frapper de mort un peuple d'ingrats et de rebelles. Josué prie, et par sa prière il arrête le soleil au milieu de sa course. Elie pric, et par sa prière le feu descend du ciel, les malades sont guéris, les morts sont ressuscités, les cataractes des cieux s'ouvrent et se ferment à son gré. Les enfants de la fournaise prient, et par leur prière l'activité de la flamme se change en un doux zéphir qui les rafraîchit. Le Chrétien prie, et par la prière il obtient du Père éternel tout ce qu'il demande au nom du Fils: Omnia quæcunque. Quelle force de la prière! Quelle utilité de la prière encore! Par elle nous rendons à l'Etre suprême le culte qui lui est dû; nous reconnaissons ses bienfaits; nous faisons tomber de sa main le glaive vengeur de l'iniquité; nous obtenons les secours nécessaires au salut : Omnia quæcunque. Quelle nécessité de la prière sans elle nous sommes dans l'indigence la plus grande: Non habetis, propter quod non postulatis (Jac. iv, 2) avec elle nous obtenons tout ce dont nous avons besoin: Omnia quæcunque.

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Ces éloges, mes frères, sont un abrégé de ce que je vous dirai, en différentes homélies sur les Evangiles, des dispositions et des avantages de la prière, de sa nécessité dans tous les temps de la vie, et principalement en certains temps de l'année, des défauts qu'il faut y éviter, et des vertus qu'il faut y pratiquer. Que vous dirai-je donc aujour d'hui sur cette matière intéressante? j'exa.. minerai ce que nous devons demander, à qui nous devons le demander, pour qui nous devons demander; et, avant d'en venir à ce sujet d'instruction, j'en examinerai un plus important encore: j'examinerai ce que c'est que demander, ce que c'est que prier mentalement, ce que c'est que méditer, et combien grande est la nécessité de la méditation ou de l'oraison mentale. C'est la matière de cet entretien.

POINT UNIQUE.

Qu'ai-je dit, mes frères? je montrerai combien la nécessité est grande de méditer. Cette proposition ne vous a-t-elle point étonnés ? avez-vous cru qu'elle vous regardait, vous qui en connaissez à peine le nom! vous qui en ignorez absolument la pratique! Oui, mes frères, elle vous regarde tous; c'est à vous tous, sans exception ni d'état, ni de rang, ni de condition, que je viens déclarer avec ce digne maître de la vie spirituelle, qui fut autrefois comme l'âme du concile de Constance, que sans un miracle de la toutepuissance il est impossible que vous parveniez à l'accomplissement des devoirs du christianisme si vous ne méditez; et avec saint Chrysostome (1. 1 De orando Deum), que si vous n'êtes hommes d'oraison, il e-t absolument impossible que vous pr. tiquiez

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