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tices, et de quels principes elles viennent; nous avons montré auparavant en quoi consiste la justice; il nous sera donc facile de reconnaître notre devoir dans toutes les circonstances de la vie, à moins que nous ne nous aimions aveuglément nous-mêmes. Il est vrai que nous nous intéressons ordinairement assez peu à ce qui touche les autres. Le Chrémès de Térence dit bien que rien ne lui est étranger de ce qui touche les hommes; mais cependant il faut avouer que nous remarquons et sentons mieux nos prospérités et nos adversités que celles d'autrui, qui nous semblent si fort éloignées de nous ;et que nous avons, pour juger des intérêts de nos semblables et des nôtres, deux poids et deux balances. C'est donc un excellent précepte que celui qui nous défend de faire une chose quand nous ne savons si elle est juste ou injuste. L'équité brille assez d'elle-même; l'incertitude dans la conscience est la marque de l'injustice.

X. Mais il se présente des circonstances où la nature des devoirs vient subitement à changer, où l'homme de bien ne doit plus faire ce qui paraît le plus digne de lui et le plus conforme à la justice. C'est ainsi que parfois la justice consistera à ne point rendre un dépôt, à ne pas tenir sa promesse, à manquer apparemment aux règles de la bonne foi. Il faut, pour entendre ceci, remonter aux fondements de la justice, tels nous les avons établis en commençant. L'essence de la justice est d'abord de ne nuire à personne; en second lieu, de veiller à l'utilité publique. Quand l'intérêt public ou privé vient à changer, le devoir change et varie avec lui. Il peut arriver que l'exécution d'une promesse soit nuisible à celui qui l'a reçue comme à celui qui l'a faite; j'en

que

easque res ante constituimus, quibus justitia continere. tur facile, quod cujusque temporis officium sit, poterimus, nisi nosmet ipsos valde amabimus, judicare. Est enim difficilis cura rerum alienarum. Quanquam Terentianus ille Chremes humani nihil a se alienum putat: sed tamen, quia magis ea percipimus atque sentimus, quæ nobis ipsis aut prospera aut adversa eveniunt, quam illa, quæ ceteris (quæ quasi longo intervallo interjecto videmus), aliter de illis ac de nobis judicamus. Quocirca bene præcipiunt, qui vetant quidquam agere, quod dubites æquum sit an iniquum. Æquitas enim lucet ipsa per se : dubitatio cogitationem significat injuriæ.

X. Sed incidunt sæpe tempora, quum ea, quæ maxime videntur digna esse justo homine, eoque, quem virum bonum dicimus, commutantur fiuntque contraria, ut reddere depositum, facere promissum, quæque pertinent ad veritatem et ad fidem, ea migrare interdum et non servare fit justum. Referri enim decet ad ea, quæ posui principio fundamenta justitiæ : primum, ut ne cui noceatur ; deinde, ut communi utilitati serviatur. Ea quum tempore commutantur, commutatur officium et non semper est idem. Potest enim accidere promissum aliquod et conventum, ut id effici sit inutile vel ei, cui promissum sit, vel ei, qui promiserit. Nam si, ut in fabulis est, Neptunus, quod

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dirai autant des conventions. La fable nous en montre un exemple frappant : si Neptune n'avait point accompli la promesse que Thésée avait recue de lui, Thésée n'eût point perdu son fils Hippolyte. Des trois vœux que Neptune devait exaucer, c'était là le dernier : Thésée dans sa colère lui demande de faire périr son fils; son souhait est accompli, et le voilà plongé dans le plus grand deuil. Vous pouvez donc ne pas tenir votre promesse quand elle devient nuisible à celui à qui vous l'avez faite, ou même quand elle vous est plus nuisible qu'elle ne lui est avantageuse; j'entends par là qu'il faut préférer le plus grand devoir au moindre. Si, par exemple, vous avez promis à votre client de plaider sa cause un tel jour, et que cependant votre fils vienne à tomber dangereusement malade, vous ne manquerez pas à votre devoir en ne tenant point cet engagement; et celui qui l'a reçu de vous manquerait à son devoir, en se plaignant que vous l'ayez trompé. Quant aux promesses qui nous ont été arrachées par les menaces ou par la fraude, qui ne voit qu'elles ne sauraient être obligatoires? aussi en sommesnous relevés le plus souvent par le droit prétorien, et quelquefois même par les lois. On commet encore bien des injustices en tirant un parti coupable des lois, qu'on affecte d'interpréter avec une scrupuleuse exactitude, et dont on dénature l'esprit. De là ce proverbe : Droit extrême, extrême injustice. Les hommes chargés des intérêts publics commettent souvent des injustices de ce genre. Je vous citerai pour exemple ce général qui, ayant conclu avec l'ennemi une armistice de trente jours, ravageait de nuit leurs campagnes, alléguant que dans l'armistice il était question des jours et non des nuits. On cite un

Theseo promiserat, non fecisset, Theseus Hippolyto filio non esset orbatus. Ex tribus enim optatis, ut scribitur, hoc erat tertium, quod de Hippolyti interitu iratus optavit quo impetrato in maximos luctus incidit. Nec promissa igitur servanda sunt ea, quæ sint iis, quibus pro miseris, inutilia: nec, si plus tihi noceant, quam illi prosint, cui promiseris, contra officium est majus anteponi minori: ut, si constitueris cuipiam te advocatum in rem præsentem esse venturum, atque interim graviter ægrotare filius cœperit, non sit contra officium non facere, quod dixeris; magisque ille, cui promissum sit, ab officio discedat, si se destitutum queratur. Jam illis promissis standum non esse quis non videt, quæ coactus quis metu, quæ deceptus dolo promiserit? quæ quidem pleraque jure prætorio liberantur, nonnulla legibus. Exsistunt etiam sæpe injuriæ calumnia quadam et nimis callida, sed malitiosa juris interpretatione. Ex quo illud: Summum jus summa injuria, factum est jam tritum sermone proverbium. Quo in genere etiam in republica multa peccantur ut ille, qui, quum triginta dierum essent cum hoste induciæ factæ, noctu populabatur agros, quod dierum essent pactæ, non noctium induciæ. Ne noster quidem probandus, si verum est, Q. Fabium Labeonem seu quem alium (nihil enim habeo præter auditum) arbitrum Nola

trait tout aussi condamnable de Q. Fabius Labéon ou de quelque autre Romain, car je n'en sais rien que par ouï-dire. Le sénat l'avait donné pour arbitre aux habitants de Nole et aux Napolitains, en contestation sur une question de frontière; Labéon, arrivé sur les lieux, parla séparément aux uns et aux autres, les exhorta à la modération, au désintéressement. Croyez-moi, leur dit-il, il serait plus sage pour vous de reculer que d'avancer. Il persuade ses gens; des deux côtés on se retire, et voilà un champ qui reste libre au milieu. Labéon leur déclare alors qu'eux-mêmes ont marqué leurs frontières, et que le champ laissé entre deux appartient désormais au peuple romain. Ce n'est pas là juger, c'est tromper. Fuyons en toutes choses une aussi misérable ha

bileté.

XI. Il y a des devoirs à observer envers ceux mêmes de qui nous avons reçu quelque offense. La vengeance et les représailles doivent avoir des bornes; je ne sais même si les remords de notre injuste ennemi ne nous vengent pas assez, et je crois volontiers qu'ils suffisent pour l'arrêter dans l'avenir, et pour rendre les autres plus circonspects. Une république doit surtout respecter les droits de la guerre. Il faut observer que les contestations qui divisent les hommes, pouvant se soutenir ou par la raison ou par la force, la première voie appartient en propre à l'homme tandis que la seconde est celle des animaux ; et qu'ainsi l'on ne doit recourir à la dernière que si l'autre nous est interdite. Il faut bien entreprendre la guerre, lorsqu'il n'est plus permis de conserver une paix respectée et tranquille; mais, après la victoire, on doit épargner ceux qui n'ont été ni cruels ni barbares dans la lutte. Nos ancêtres ont même ac

nis et Neapolitanis de finibus a senatu datum, quum ad locum venisset, cum utrisque separatim locutum, ut ne cupide quid agerent, ne appetenter, atque ut regredi quam progredi mallent. Id quum utrique fecissent, aliquantum agri in medio relictum est. Itaque illorum fines sic, ut ipsi dixerant, terminavit : in medio relictum quod erat, populo Romano adjudicavit. Decipere hoc quidem est, non judicare. Quocirca in omni re fugienda est talis sollertia.

XI. Sunt autem quædam officia etiam adversus eos servanda, a quibus injuriam acceperis. Est enim ulcis cendi et puniendi modus, atque haud scio, an satis sit, eum, qui lacessierit, injuriæ suæ pœnitere : ut et ipse ne quid tale posthac et ceteri sint ad injuriam tardiores. Atque in republica maxime conservanda sunt jura belli. Nam, quum sint duo genera decertandi, unum per disceptationem, alterum per vim; quumque illud proprium sit hominis, hoc belluarum confugiendum est ad posterius, si uti non licet superiore. Quare suscipienda quidem bella sunt ob eam causam, ut sine injuria in pace vivatur; parta autem victoria conservandi ii, qui non crudeles in bello, non immanes fuerunt: ut majores nostri Tusculanos, Æquos, Volscos, Sabinos, Hernicos in civitatem etiam acceperunt; at Carthaginem et Numantiam CICERON. TOME IV.

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cordé le droit de cité à des peuples vaincus, comme les Tusculans, les Eques, les Volsques, les Sabins, les Herniques; mais ils ont ruiné jusqu'aux fondements Carthage et Numance. Pour Corinthe, j'ai regret de la voir si terriblement châtiée; j'imagine toutefois que nos pères avaient leurs raisons, et qu'ils songeaient surtout à cette situation admirable, qui inspire tant de confiance et semble d'elle-même provoquer à la guerre. A mon avis, il faut toujours accepter une paix honorable qui est franchement. offerte. Si on m'en avait cru, nous aurions encore, sinon la plus parfaite république, du moins une république; au lieu que maintenant il n'en est plus pour nous. Tout de même qu'on doit se montrer généreux pour ceux qu'on a vaincus, il faut recevoir en grâce, lors même que la brèche est déjà ouverte, ceux qui déposent les armes et viennent se remettre à la merci des généraux. Nos ancêtres avaient tellement en honneur ce grand acte de justice, que les généraux de la république devenaient les patrons des villes et des nations qui étaient ainsi abandonnées à leur foi. Le droit fécial du peuple romain a déterminé avec soin tout ce qui concerne l'équité de la guerre. Il nous apprend qu'une guerre ne peut être juste, si elle n'a été précédée de demande en réparation, et si elle n'est régulièrement déclarée. Popilius, chargé de soutenir une guerre loin de Rome, avait dans son armée le fils de Caton, qui faisait alors ses premières armes. Le général trouve convenable de licencier une légion, et, avec elle, le fils de Caton, qui se trouvait dans ses rangs; le jeune Romain, qui aimait la guerre, reste à l'armée. Caton écrit alors à Popilius, que s'il veut bien conserver son fils dans son armée, il lui fasse

funditus sustulerunt: nollem Corinthum; sed credo aliquid secutos, opportunitatem loci maxime, ne posset aliquando ad bellum faciendum locus ipse adhortari. Mea quidem sententia, paci, quæ nihil habitura sit insidiarum, semper est consulendum. In quo si mihi esset obtemperatum; si non optimam, at aliquam rempublicam, quæ nunc nulla est, haberemus. Et quum iis, quos vi deviceris, consulendum est; tum ii, qui armis positis ad imperatorum fidem confugient, quamvis murum aries percusserit, recipiendi. In quo tanto opere apud nostros justitia cu a est, ut ii, qui civitates aut nationes devictas bello in dem recepissent, earum patroni essent more majorum. Ac belli quidem æquitas sanctissime fetiali populi Romani jure perscripta est. Ex quo intelligi potest, nullum aut denuntiatum ante sit et indictum. Popilius imperator bellum esse justum, nisi quod aut rebus repetitis geratur, tenebat provinciam, in cujus exercitu Catonis filius tiro militabat. Quum autem Popilio videretur unam dimittere legionem, Catonis quoque filium, qui in eadem legione militabat, dimisit. Sed, quum amore pugnandi in exercitu remansisset, Cato ad Popilium scripsit, ut, si eum pate. retur in exercitu remanere, secundo eum obligaret militiæ sacramento, quia, priore amisso, jure cum hostibus pug

prêter un nouveau serment militaire, parce que,, dans le premier, ils ont à défendre leur réputa

le premier étant rompu, il ne pourrait légitimement en venir aux mains avec les ennemis. Tellement nos ancêtres apportaient de scrupule et de religion dans la guerre! Nous avons encore la lettre que Caton écrivait alors à son fils Marcus, qui portait les armes en Macédoine contre Persée. « Je viens d'apprendre, lui dit-il, que vous avez été licencié par le consul. Gardez-vous donc bien de combattre l'ennemi, car celui qui n'est plus soldat n'a point le droit d'en venir aux mains. » XII. Je remarque que celui à qui l'on devrait proprement donner le nom de perduellis a été appelé hostis, pour que la douceur du terme diminuât en quelque façon l'amertume de la chose. Dans les temps anciens on nommait hostis celui que nous appelons maintenant peregrinus (étranger). Les douze Tables en font foi, quand elles disent «< qu'il y ait jour pris avec l'étranger (cum hoste); » et encore : « Le droit est éternel contre l'étranger (adversus hostem). » Y a-t-il rien de plus humain que de donner un nom si doux à celui avec qui nous sommes en guerre? Cependant l'usage a donné une couleur plus sombre à l'expression d'hostis; peu à peu elle a cessé de désigner l'étranger, et a été appliquée à celui qui porte les armes contre notre pays. Lorsque l'on combat uniquement pour la suprématie et la gloire, il faut toujours que l'on se fonde sur les motifs dont nous avons parlé, et qui seuls peuvent rendre une guerre légitime. Mais quand le but dernier de la guerre est la gloire d'un peuple, on doit y rapporter plus de tempéraments. La lutte entre deux concitoyens a un tout autre caractère, si ce sont des ennemis ou seulement des compétiteurs dans le dernier cas, c'est entre eux une rivalité de titres et d'honneurs;

nare non poterat. Adeo summa erat observatio in bello movendo. M. quidem Catonis senis est epistola ad Marcum filium, in qua scribit se audisse eum missum factum esse a consule, quum in Macedonia bello Persico miles esset. Monet igitur, ut caveat, ne prælium ineat: negat enim jus esse, qui miles non sit, cum hoste pugnare.

XII. Equidem etiam illud animadverto, quod, qui proprio nomine perduellis esset, is hostis vocaretur, lenitate verbi rei tristitiam mitigatam. Hostis enim apud majores nostros is dicebatur, quem nunc peregrinum dicimus. Indicant duodecim Tabulæ ut STATUS DIES CUM HOSTE; itemque : ADVERSUS HOSTEM ÆTERNA AUCTORITAS. Quid ad hanc mansuetudinem addi potest, eum, quicum bellum geras, tam molli nomine appellare? Quanquam id nomen durius effecit jam vetustas: a peregrino enim recessit, et proprie in eo, qui arma contra ferret, remansit. Quum vero de imperio decertatur, belloque quæritur gloria, causas omnino subesse tamen oportet easdem, quas dixi paullo ante justas causas esse bellorum. Sed ea bella, quibus imperii proposita gloria est, minus acerbe gerenda sunt. Ut enim cum civi aliter contendimus, si est inimicus, aliter, si competitor; cum altero certamen ho

tion et leur tête. Ainsi, nous avons combattu avec les Celtibériens et les Cimbres comme avec des ennemis; car ce n'est pas seulement notre suprématie, c'est notre existence qu'ils mettaient en péril. Mais avec les Latins, les Sabins, les Samnites, les Carthaginois et Pyrrhus, nous avons lutté pour l'empire. Carthage était sans foi, Annibal était cruel; les autres montrèrent plus de justice. On connaît ces belles paroles de Pyrrhus sur la rançon des prisonniers : « Je ne demande point d'or, et je ne veux point de votre | rançon. Je ne fais point la guerre en marchand, mais en soldat; c'est le fer et non pas l'or que je veux vous voir en mains. Demandons au destin des batailles à qui de vous ou de moi la fortune a réservé l'empire. Et retenez bien ces paroles de Pyrrhus : Je respecte toujours la liberté de ceux dont le fer ennemi a respecté les jours. Emmenez-les, je vous les donne avec l'agrément des Dieux immortels. » Voilà des sentiments dignes d'un roi et du sang des Éacides.

XIII. Lorsqu'un citoyen est amené par les circonstances à faire une promesse à l'ennemi, il doit tenir fidèlement sa parole. Vous savez ce que fit Régulus lors de la première guerre punique. Il était tombé entre les mains des Carthaginois, qui l'envoyèrent à Rome pour traiter de l'échange des captifs, et à qui il fit le serment de revenir. Arrivé à Rome, il soutint dans le sénat que l'on ne devait point rendre les prisonniers: puis il aima mieux, malgré les instances de ses amis et de ses proches, retourner au supplice, que de manquer à la parole donnée aux ennemis. [ Pendant la seconde guerre punique, Annibal envoya à Rome, après la bataille de Cannes, dix captifs qui s'étaient engagés par sermentà

noris et dignitatis est, cum altero capitis et famæ : sic cum Celtiberis, cum Cimbris bellum ut cum inimicis gerebatur, uter esset, non uter imperaret; cum Latinis, Sabinis, Samnitibus, Pœnis, Pyrrho, de imperio dimicabatur. Pœni fœdifragi, crudelis Annibal, reliqui justiores. Pyrrhi quidem de captivis reddendis illa præclara :

Nec mi aurum posco, nec mi pretium dederitis!
Nec cauponantes bellum, sed belligerantes,
Ferro, non auro vitam cernamus utrique.
Vosne velit an me regnare hera quidve ferat Fors,
Virtute experiamur. Et hoc simul accipe dictum :
Quorum virtuti belli fortuna pepercit,
Eorumdem me libertati parcere certum est:
Dono, ducite, doque volentibu' cum magnis dis.
Regalis sane et digna Æacidarum genere sententia.

XIII. Atque etiam, si quid singuli temporibus adducti hosti promiserunt, est in eo ipso fides conservanda : ut primo Punico bello Regulus captus a Pœnis, quum de captivis commutandis Romam missus esset, jurassetque se rediturum, primum, ut venit, captivos reddendos in senatu non censuit; deinde, quum retineretur a propinquis et ab amicis, ad supplicium redire maluit, quam fidem hosti datam fallere. [Secundo autem Punico bello, post

revenir dans son camp, s'ils ne pouvaient obte-injustices est celle de l'homme qui, au moment même où il vous porte le coup le plus perfide, a l'art de se faire passer pour un homme de bien. Mais nous avons assez parlé de la justice.

nir du sénat l'échange des prisonniers. Ceux d'entre eux qui se parjurèrent furent relégués par les censeurs dans la classe des tributaires, et y demeurèrent tout le reste de leur vie. Celui qui 'avait eu recours à un subterfuge pour éluder son serment, ne fut pas épargné davantage. Il était sorti du camp avec la permission d'Annibal; un moment après il y rentre, sous prétexte d'avoir oublié je ne sais quoi. Bientôt il en ressort, et se prétend pour le coup délié de son serment. A la lettre il avait raison, mais véritablement il était toujours captif : quand il s'agit de parole, c'est à ce que l'on a pensé et non pas à ce que l'on a dit qu'il faut avoir égard. Nos ancêtres nous ont laissé un très-bel exemple de justice envers un ennemi. Un transfuge de l'armée de Pyrrhus étant venu offrir au sénat de faire périr son maître par le poison, le sénat et Fabricius livrèrent ce traître à Pyrrhus. On ne voulait pas acheter au prix d'un crime la mort d'un ennemi puissant, et qui était venu de lui-même attaquer Rome.] En voilà assez sur les devoirs de la guerre. Rappelons-nous aussi que nous avons des devoirs à remplir envers les gens de la plus basse condition. Il n'est pas de condition inférieure à celle des esclaves, et j'approuve beaucoup ceux qui nous recommandent de les traiter comme on traite les mercenaires; de leur demander leur travail, mais de leur fournir le nécessaire. Disons encore que l'injustice se commettant ou par fraude ou par violence, la fraude semble être l'injustice du renard, la violence celle du lion; que l'une et l'autre sont tout à fait indignes de la nature de l'homme; mais que la fraude a quelque chose de plus odieux. La pire de toutes les

Cannensem pugnam, quos decem Annibal Romam adstrictos mísit jure jurando se redituros esse, nisi de redimendis iis, qui capti erant, impetrassent, eos omnes censores, quoad quisque eorum vixit, qui pejerassent, in ærariis reliquerunt; nec minus illum, qui juris jurandi fraude culpam invenerat. Quum enim Annibalis permissu exisset de castris, rediit paullo post, quod se oblitum nescio quid diceret. Deinde egressus e castris jure jurando se solutum putabat; et erat verbis: re non erat. Semper autem in fide, quid senseris, non, quid dixeris, cogitandum. Maximum autem exemplum est justitiæ in hostem a majoribus nostris constitutum, quum a Pyrrho perfuga senatui est pollicitus, se venenum regi daturum et eum necaturum; senatus et C. Fabricius perfugam Pyrrho dedidit. Ita ne hostis quidem et potentis et bellum ultro inferentis interitum cum scelere approbavit.] Ac de bellicis quidem officiis satis dictum est. Meminerimus autem, etiam adversus infimos justitiam esse servandam. Est autem infima conditio et fortuna servorum: quibus non male præcipiunt qui ita jubent uti ut mercenariis; operam exigendam, justa præbenda. Quum autem duobus modis, id est, aut vi aut fraude, fiat injuria, fraus quasi vulpeculæ, vis leonis videtur : utrumque homine alienissimum; sed fraus odio digna majore. Totius autem injustitiæ nulla

XIV. Je dois maintenant, en suivant mon dessein, vous entretenir de la bienfaisance et de la générosité. Il n'y a pas de vertu qui aille mieux à la nature humaine, mais elle demande à être pratiquée avec de grandes précautions. Il faut prendre garde d'abord à ce que notre bienfaisance ne tourne pas au préjudice de celui à qui elle s'adresse, ni de personne autre; il faut veiller ensuite à ne pas être plus libéral que nos moyens ne nous le permettent; et enfin à ce que chacun reçoive selon son mérite; car c'est là le fondement de la justice, à laquelle tous ces devoirs se rattachent. L'homme qui rend un service nuisible n'est ni bienfaisant, ni libéral; on doit le regarder comme un flatteur pernicieux; et celui qui fait tort aux uns pour être utile aux autres, commet la même injustice que s'il s'emparait à son bénéfice du bien d'autrui. Il y a beaucoup de gens, et surtout parmi ceux qui veulent briller et se faire un grand nom, qui dépouillent les uns pour faire des largesses aux autres; ils se figurent qu'ils auront la réputation d'être bienfaisants pour leurs amis, s'ils les enrichissent par quelque moyen que ce soit. Ce n'est pas là remplir un devoir; bien au contraire, c'est aller contre tous les devoirs. Il faut donc régler sa libéralité de telle sorte, qu'en obligeant ses amis on ne fasse tort à personne. Aussi doit-on faire très-bon marché de la libéralité d'un Sylla et d'un César, qui dépouillaient les possesseurs légitimes pour faire litière à leurs créatures. On n'est pas libé-

capitalior quam eorum, qui, quum maxime fallunt, id agunt, ut viri boni esse videantur. De justitia satis dictum est.

XIV. Deinceps, ut erat propositum, de beneficentia ac de liberalitate dicatur: qua quidem nihil est naturæ hominis accommodatius, sed habet multas cautiones. Videndum est enim primum, ne obsit benignitas et iis ipsis, quibus benigne videbitur fieri, et ceteris : deinde, ne major benignitas sit quam facultates: tum, ut pro dignitate cuique tribuatur. Id enim est justitiæ fundamentum, ad quam hæc referenda sunt omnia. Nam et qui gratificantur cuipiam, quod obsit illi, cui prodesse velle videantur, non benefici neque liberales, sed perniciosi assentatores judicandi sunt et qui aliis nocent, ut in alios liberales sint, in eadem sunt injustitia, ut si in suam rem aliena conver tant. Sunt autem multi et quidem cupidi splendoris et gloriæ, qui eripiunt aliis, quod aliis largiantur; hique arbitrantur se beneficos in suos amicos visum iri, si locuple. tent eos quacunque ratione. Id autem tantum abest officio, ut nihil magis officio possit esse contrarium. Videndum est igitur, ut ea liberalitate utamur, quæ prosit amicis, noceat nemini. Quare L. Sullæ et C. Cæsaris pecuniarum translatio a justis dominis ad alienos non debet liberans videri. Nihil enim liberale, quod non idem justum. Alter

ral quand on est injuste. Nous avons dit, en second lieu, que notre générosité ne devait pas excéder nos moyens. Ceux qui veulent être plus généreux qu'ils ne le peuvent, commettent d'abord la faute de frustrer leurs proches d'un bien qu'ils auraient dû partager avec eux ou leur laisser en héritage, plutôt que d'en gratifier des étrangers. Quand on est généreux de cette façon, le plus souvent on se trouve tenté d'étendre les mains sur le bien d'autrui, pour alimenter ses propres largesses. Il y a aussi des hommes, et le nombre en est grand, qui sont généreux non par bonté de cœur, mais par fausse gloire; qui veulent en avoir la réputation, et se mettent en frais de bienfaisance, non pour faire le bien, mais pour qu'on parle du bien qu'ils font: cette générosité de parade est plutôt de la vanité que de la libéralité et de la vertu. Nous avons dit qu'il fallait proportionner ses bienfaits au mérite; quand on veut obliger un homme, il faut considérer ses mœurs, ses dispositions envers nous, il faut avoir égard à nos rapports mutuels, aux services qu'il peut nous avoir rendus. Le mieux est d'adresser nos bienfaits à qui les mérite à tous les titres, ou du moins à qui peut y prétendre avec le plus de droits.

XV. Comme nous vivons avec des hommes qui ne sont ni parfaits ni souverainement sages, mais avec qui il en va très-bien quand ils ont quelque ombre de vertu, je crois qu'il ne faut négliger aucun de ceux en qui le bien paraît par quelque endroit, mais que nous devons toujours montrer plus d'empressement pour ceux qui sont ornés de ces douces vertus, la modération, la tempérance, la justice elle-même, dont nous avons déjà tant parlé. Quant à la force et à la

locus erat cautionis, ne benignitas major esset quam facultates; quod, qui benigniores volunt esse quam res patitur, primum in eo peccant, quod injuriosi sunt in proximos quas enim copias iis et suppeditari æquius est et relinqui, eas transferunt ad alienos. Inest autem in tali li beralitate cupiditas plerumque rapiendi et auferendi per injuriam, ut ad largiendum suppetant copiæ. Videre etiam licet plerosque non tam natura liberales quam quadam gloria ductos, ut benefici videantur, facere multa, quæ proficisci ab ostentatione magis quam a voluntate videantur. Talis autem simulatio vanitati est conjunctior quam aut liberalitati aut honestati. Tertium est propositum, ut in beneficentia delectus esset dignitatis: in quo et mores ejus erunt spectandi, in quem beneficium conferetur, et animus erga nos et communitas ac societas vitæ et ad nostras utilitates officia ante collata: quæ ut concurrant omnia, optabile est; si minus, plures causæ majoresque ponderis plus habebunt.

XV. Quoniam autem vivitur non cum perfectis hominibus planeque sapientibus, sed cum iis, in quibus præclare agitur si sunt simulacra virtutis; etiam hoc intelligendum puto, neminem omnino esse negligendum, in quo aliqua significatio virtutis appareat; colendum autem esse ita quemque maxime, ut quisque maxime virtutibus his

grandeur d'âme, elles sont d'ordinaire`assez voisines de l'emportement chez un homme qui n'a ni. la perfection ni la vraie sagesse; les autres vertus semblent mieux exprimer le caractère de l'homme de bien. Mais en voilà assez sur les mœurs. La bienveillance qu'on éprouve pour nous est aussi un titre à nos services, et nous devons obliger surtout ceux qui nous aiment le plus; toutefois il ne faut pas, comme les enfants, juger du dévouement de nos amis par le feu de leurs démonstrations, mais par la solidité et la constance de leur attachement. Lorsque nous sommes leurs obligés, et que tous nos services ne peuvent témoigner que notre reconnaissance, c'est alors même que nous devons redoubler de zèle; car la reconnaissance est le premier de tous les devoirs. Hésiode nous ordonne de rendre avec usure, si faire se peut, ce qu'on nous a prêté : à quoi donc un bienfait ne nous engage-t-il pas ? Ne devons-nous pas imiter ces champs fertiles, qui rapportent beaucoup plus qu'ils n'ont reçu? Si nous n'hésitons pas à rendre des services à ceux qui peuvent nous être utiles, que ne devons-nous pas à ceux qui nous ont prévenus? Il y a en tout deux sortes de libéralités l'une consiste à donner, et l'autre à rendre. Nous sommes libres de donner, oui ou non; mais ne pas rendre, c'est ce qui n'est point permis à un honnête homme, lorsqu'il peut s'acquitter sans faire tort à personne. Tous les services rendus ne nous obligent pas également; il faut savoir distinguer entre eux. Sans doute, la reconnaissance doit se proportionner à la grandeur du bienfait; mais quand il s'agit d'apprécier un service, ce qui doit passer en première ligne, c'est l'esprit dans lequel il nous

lenioribus erit ornatus, modestia, temperantia, hac ipsa, de qua multa jam dicta sunt, justitia. Nam fortis animus et magnus in homine non perfecto nec sapiente ferventior plerumque est illæ virtutes virum bonum videntur potius attingere. Atque hæc in moribus. De benevolentia autem, quam quisque habeat erga nos, primum illud est in officio, ut ei plurimum tribuamus, a quo plurimum diligimur: sed benevolentiam non adolescentulorum more ardore quodam amoris, sed stabilitate potius et constantia judicemus. Sin erunt merita, ut non ineunda, sed referenda sit gratia, major quædam cura adhibenda est. Nullum enim officium referenda gratia magis necessarium est. Quod si ea, quæ utenda acceperis, majore mensura, si modo possis, jubet reddere Hesiodus: quidnam beneficio provocati facere debemus? an imitari agros fertiles, qui multo plus efferunt quam acceperunt? Etenim si in eos, quos speramus nobis profuturos, non dubitamus officia conferre; quales in eos esse debemus, qui jam profuerunt? Nam, quum duo genera liberalitatis sint, unum dandi beneficii, alterum reddendi; demus necne, in nostra potestate est; non reddere viro bono non licet, modo id facere possit sine injuria. Acceptorum autem beneficiorum sunt delectus habendi; nec dubium, quin maximo cuique plurimum debeatur. In quo tamen in primis, quo quisque

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