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elle ne le paraissait pas. Voilà à peu près toutes, vivre dans l'infamie qu'au milieu des calamités; les objections que l'on fait à Régulus; examinons | et moi je vous demande s'il y a un plus grand d'abord les premières.

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XXIX. « On ne doit pas craindre Jupiter, on ne doit redouter ni sa colère ni sa vengeance, car un Dieu ne s'irrite jamais et ne fait de mal à personne. >> Cet argument ne porte pas plus contre Régulus que contre tous les serments en général. Mais ce qu'il faut voir dans un serment c'est sa force, et non la crainte qu'il doit inspirer. Le serment est une affirmation religieuse. Or, ce que l'on a promis affirmativement et comme en prenant Dieu à témoin, il faut le tenir. Ily va, non pas de la colère des Dieux, qui n'est qu'un vain mot, mais de la justice et de la bonne Foi. Ennius a fort bien dit : « O Foi, déesse aux blanches ailes, serment sacré de Jupiter. » Celui donc qui viole son serment viole la Foi, cette divinité que nos ancêtres ont voulu placer dans le Capitole, à côté du maître des Dieux, comme nous l'apprend Caton dans un de ses discours. « Mais Jupiter of fensé n'aurait pas châtié Régulus plus durement que Régulus ne se châtia lui-même. » Cela serait fort bien dit, s'il n'y avait d'autre mal que la souffrance. La souffrance, au contraire, bien loin d'être le souverain mal, n'est pas même un mal : tel est du moins le sentiment de très-graves philosophes. S'il faut un témoin pour confirmer leur dire, en voilà un et des meilleurs : c'est Régulus, que je vous prie de ne pas récuser. Pouvezvous imaginer un témoignage qui ait plus de poids que celui du plus noble des Romains, allant chercher les plus cruels supplices pour demeurer fidèle à son devoir ? Vous nous citez l'adage, qu'entre plusieurs maux il faut choisir le moindre, et vous en tirez cette conclusion : qu'il vaut mieux

XXIX. «Non fuit Juppiter metuendus, ne iratus noceret qui neque irasci solet nec nocere. » Hæc quidem ratio non magis contra Reguli, quam contra omne jusjurandum valet. Sed in jure jurando non, qui metus, sed, quæ vis sit, debet intelligi. Est enim jus jurandum affirmatio religiosa. Quod autem affirmate, quasi deo teste, promiseris; id tenendum est. Jam enim non ad iram deorum, quæ nulla est, sed ad justitiam et ad fidem pertinet. Nam præclare Ennius :

O Fides alma, apta pinnis, et jusjurandum Jovis! Qui jus igitur jurandum violat, is Fidem violat, quam in Capitolio vicinam Jovis Optimi Maximi (ut in Catonis oratione est) majores nostri esse voluerunt. «< At enim ne iratus quidem Juppiter plus Regulo nocuisset, quam sibi nocuit ipse Regulus. » Certe, si nihil malum esset nisi dolere. Id autem non modo summum malum, sed ne malum quidem esse maxima auctoritate philosophi affirmant. Quorum quidem testem non mediocrem, sed haud scio an gravissimum Regulum nolite, quæso, vituperare. Quem enim locupletiorem quærimus, quam principem populi Romani, qui retinendi officii causa cruciatum subierit voluntarium? Nam quod aiunt, minima de malis, id est, ut turpiter potius quam calamitose, an est ullum

mal que l'infamie? Si la difformité du corps a quelque chose de choquant, concevez donc ce que doit être la dépravation et la laideur d'une âme toute souillée d'opprobre. Aussi les philosophes qui ont traité ces questions avec le plus de nerf ne craignent pas de soutenir qu'il n'y a d'autre mal que ce qui est honteux; ceux qui y mettent plus d'indulgence affirment sans hésitation que c'est là du moins le plus grand des maux. Quant à la maxime d'Ennius, « Je n'ai pas donné et je ne donne pas ma foi à qui n'en eut jamais,⚫ elle est bien placée par le poëte dans la bouche d'Atrée; car c'est ainsi que devait s'exprimer un tel personnage. Mais si vous êtes tout prêts à déclarer, comme Atrée, que la parole donnée à l'homme de mauvaise foi n'oblige pas, prenez garde d'ouvrir la porte au parjure. La guerre elle-même a ses lois, et souvent nous nous engageons envers l'ennemi par des serments qu'il faut respecter. Toutes les fois que vous donnez votre parole avec cette conviction que vous serez un jour obligé à la tenir, rien ne peut vous en délier; autrement il vous sera permis d'y manquer sans parjure. Si vous n'apportez pas à des pirates la rançon que vous leur avez promise, vous n'êtes coupable d'aucune fraude, quand même ils auraient reçu de vous un serment. Car un pirate n'est pas au nombre de ces ennemis qu'on pourrait en quelque façon appeler légitimes; c'est l'ennemi commun de tous. Avec lui nous ne devons rien avoir de commun, ni foi, ni serment. Faire un serment où la conscience ne s'engage pas, ce n'est point se parjurer; mais, après avoir juré du fond de votre âme, comme nous disous,

majus malum turpitudine? Quæ si in deformitate corporis habet aliquid offensionis, quanta illa depravatio et fœditas turpificati animi debet videri? Itaque, nervosius qui ista disserunt, solum audent malum dicere id, quod turpe sit; qui autem remissius, ii tamen non dubitant summum malum dicere. Nam illud quidem,

Neque dedi neque do infideli cuiquam, idcirco recte a poeta, quia, quum tractaretur Atreus, personæ serviendum fuit. Sed, si hoc sibi sument, nullam esse fidem, quæ infideli data sit: videant, ne quæratur latebra perjurio. Est jus etiam bellicum fidesque juris jurandi sæpe cum hoste servanda. Quod enim ita juratum est, ut mens conciperet fieri oportere, id servandum est : quod aliter, id si non feceris, nullum est perjurium. Ut, si prædonibus pactum pro capite pretium non attuleris, nulla fraus est, ne si juratus quidem id non feceris. Nam pirata non est ex perduellium numero [definitus:] sed communis hostis omnium. Cum hoc nec fides debet nec jus jurandum esse commune. Non enim falsum jurare perjurare est; sed, quod EX ANIMI TUI SENTENTIA juraris, sicut verbis concipitur more nostro, id non facere perjurium est. Scite enim Euripides:

Juravi lingua, mentem injuratam gero.

si vous manquez à votre parole, vous êtes un parjure. Euripide a pu dire: « C'est ma langue qui a fait le serment, et non pas ma conscience. »> Régulus ne devait pas rompre par un parjure des conventions de guerre, un pacte conclu avec l'ennemi; car il avait affaire à un de ces ennemis légitimes, envers lesquels nous sommes liés par le droit fécial et par un grand nombre de règles sacrées. S'il n'en était ainsi, le sénat n'aurait pas livré aux ennemis tant d'hommes illustres.

XXX.T. Véturius et Sp. Postumius, tous deux consuls pour la seconde fois, après avoir essuyé un échec aux Fourches-Caudines, et attiré à nos légions l'opprobre de passer sous le joug, firent la paix avec les Samnites; mais ils furent livres aux ennemis, car cette paix avait été conclue sans l'ordre du sénat et du peuple. On livra en même temps les tribuns du peuple T. Numicius et Q. Mélius, qui avaient couvert cette paix de leur autorité; on les livra, pour que Rome fût entièrement libre envers les Samnites. Postumius Jui-même ouvrit l'avis dont il devait être la première victime. Son exemple fut imité longues années après par C. Mancinus, qui avait traité avec les Numantins sans l'agrément du sénat. P. Furius et Sex. Atilius vinrent proposer au peuple, en vertu d'un sénatus-consulte, de livrer l'auteur du traité. Mancinus appuya la proposition, qui fut adoptée, et on le livra aux Numantins. Je trouve sa conduite plus honorable que celle de Q. Pompée, qui, dans une circonstance pareille, obtint à force de prières que le peuple rejetât le sénatus-consulte. L'apparence de l'utilité l'emporta pour ce dernier sur l'honnêteté; mais tous ces anciens méprisaient leurs intérêts dès que l'honneur avait parlé. — Mais Régulus ne devait Mais Régulus ne devait pas tenir une promesse qui lui avait été arrachée

Regulus vero non debuit conditiones pactionesque bellicas et hostiles perturbare perjurio. Cum justo enim et legitimo hoste res gerebatur; adversus quem et totum jus fetiale et multa sunt jura communia. Quod ni ita esset, nunquam claros viros senatus vinctos hostibus dedidisset.

XXX. At vero T. Veturius et Sp. Postumius, quum iterum consules essent, quia, quum male pugnatum apud Caudium esset, legionibus nostris sub jugum missis pacem cum Samnitibus fecerant, dediti sunt iis: injussu enim populi senatusque fecerant. Eodemque tempore Ti. Numi. cius, Q. Mælius, qui tum tribuni pl. erant, quod eorum auctoritate pax erat facta, dediti sunt, ut pax Samnitium repudiaretur. Atque hujus deditionis ipse Postumius, qui | dedebatur, suasor et auctor fuit. Quod idem multis annis post C. Mancinus qui, ut Numantinis, quibuscum sine senatus auctoritate fœdus fecerat, dederetur, rogationem suasit eam, quam P. Furius, Sex. Atilius ex senatus consulto ferebant: qua accepta est hostibus deditus. Honestius hic, quam Q. Pompeius, quo, quum in eadem causa esset, deprecante accepta lex non est. Hic ea, quæ videbatur utilitas, plus valuit quam honestas; apud superiores utilitatis species falsa ab honestatis auctoritate superata est. CICERON. TUME IV.

par la violence.

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Comme si la violence avait prise sur un homme de cœur ! Pourquoi done accepter la mission qu'on lui confiait, puisqu'il voulait dissuader le sénat de renvoyer les captifs? Vous blâmez ici ce qu'il y a de plus admirable dans sa conduite. Ce n'était pas à lui à prononcer; il venait soumettre une demande dont le sénat devait être le juge. Il est vrai que, sans l'autorité de son avis, les prisonniers eussent été rendus aux Carthaginois. De cette façon, Régulus serait demeuré dans sa patrie, tranquille et honoré; mais convaincu que ce parti n'était pas utile à la république, il pensa que l'honneur lui commandait d'ouvrir un avis contraire et de s'exposer à mille maux. On nous dit que ce qui est très-utile devient honnête; ce qui est honnête l'est toujours, et ne le devient pas. Ce qui n'est pas honnête ne saurait être utile, et ce n'est pas parce qu'une chose est utile qu'elle est honnête; mais parce qu'elle est honnête, en même temps elle est utile. Aussi, parmi tant de beaux exemples, serait-il difficile d'en trouver un plus noble et plus glorieux.

XXXI. Mais ce que je trouve de plus admirable dans la conduite de Régulus, c'est qu'il ait ouvert l'avis de garder les prisonniers. Car d'être retourné à Carthage, cela nous semble aujourd'hui d'un mérite prodigieux; mais dans ce temps-là il n'aurait pu faire autrement, et c'est le mérite de son temps plutôt que le sien. Dans la pensée de nos pères, il ne pouvait y avoir pour enchaîner la foi de lien plus fort que le serment. C'est ce que prouvent les lois des douze Tables, les lois sacrées, les traités qui engagent notre foi à l'ennemi, les notes et les punitions infligées par les censeurs, les quels ne sévissaient jamais avec plus de rigueur que lorsqu'il s'agissait de serment. Le

« At non debuit ratum esse, quod erat actum per vim. »> Quasi vero forti viro vis possit adhiberi. << Cur igitur ad senatum proficiscebatur, quum præsertim de captivis dissuasurus esset? » Quod maximum in eo est, id reprehenditis. Non enim suo judicio stetit, sed suscepit causam, ut esset judicium senatus: cui nisi ipse auctor fuisset, captivi profecto Pœnis redditi essent. Ita incolumis in patria Regulus restitisset. Quod quia patriæ non utile putavit, idcirco sibi honestum et sentire illa et pati credidit. Nam, quod aiunt, quod valde utile sit, id fieri honestum : imo vero esse, non fieri. Est enim nihil utile, quod idem non honestum : nec, quia utile, honestum; sed, quia honestum, utile. Quare ex multis mirabilibus exemplis haud facile quis dixerit hoc exemplo aut laudabilius aut præstantius.

XXXI. Sed ex tota hac laude Reguli unum illud est admiratione dignum, quod captivos retinendos censuit. Nam, quod rediit, nobis nunc mirabile videtur; illis quidem temporibus aliter facere non potuit. Itaque ista laus non est hominis, sed temporum. Nullum enim vinculum ad adstringendam fidem jure jurando majores artius esse võluerunt. Id indicant leges in XII Tabulis, indicant sacrata, indicant fœdera, quibus etiam cum hoste devincitur fides,

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tribun du peuple M. Pomponius avait intenté | taille de Cannes, leur faisant jurer de revenir à

son camp s'ils n'obtenaient le rachat des captifs, doivent être blâmés s'ils manquèrent d'y retourner; car tous les historiens ne s'accordent pas sur ce point. Polybe, l'auteur le plus digne de foi, rapporte que des dix prisonniers, tous appartenant à de nobles familles, neuf retournèrent près de celui qui les avait envoyés; qu'un seul resta à Rome, parce qu'un moment après être sorti du camp, il y était rentré, sous prétexte d'avoir oublié quelque chose. Il prétendait que son retour dans le camp l'avait délié de son serment; mais rien n'était moins juste, car la fraude resserre encore les liens du serment, au lieu de les rompre. Il eut donc recours à un artifice misérable, qui n'était qu'une méchante imitation de la prudence. Aussi le sénat ordonna-t-il qu'on enchaînât cet homme rusé et fourbe, et qu'on le reconduisit à Annibal. Voici quelque chose de

une accusation contre l'ancien dictateur, L. Manlius, fils d'Aulus, qui avait gardé la dictature quelques jours de plus qu'il ne devait. Pompo nius l'accusait encore d'avoir relégué à la campagne et de tenir éloigné du commerce des hommes son fils Titus, qui, reçut depuis le surnom de Torquatus. Le jeune homme ayant appris que son père allait être poursuivi en justice, accourut à Rome, et se présenta au point du jour à la demeure de Pomponius. On annonce son arrivée au tribun, qui s'imaginant que Titus, irrité contre son père, vient lui porter ses plaintes, se lève aussitôt, éloigne tout témoin, et ordonne qu'on fasse venir le jeune homme. Celui-ci, à peine introduit, tire son épée et jure qu'il va en percer Pomponius sur-le-champ, s'il ne s'engage par serment à se désister de son accusation contre son père. Pomponius, saisi de terreur, prête le serment; il va ensuite informer le peuple de l'évé-plus. Annibal avait en son pouvoir huit mille nement, lui explique par quel motif il doit renoncer à ses poursuites, et déclare Manlius déchargé de l'accusation; tant le serment avait d'empire dans ces âges de la république! C'est ce même Manlius qui, provoqué près du Téveron par un Gaulois, tua cet ennemi et lui ôta ce collier qui lui valut le surnom de Torquatus. Sous son troisième consulat, les Latins furent défaits et mis en fuite sur les bords du Véséris. Ce fut un de nos plus grands hommes; mais il déploya autant de sévérité et de rigueur contre son fils, qu'il avait témoigné de tendresse pour son père.

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indicant notiones animadversionesque censorum, qui nulla,
de re diligentius quam de jure jurando judicabant. L. Man-
lio, A. F., quum dictator fuisset, M. Pomponius, tribu-
nus plebis, diem dixit, quod is paucos sibi diesfad dictatu-
ram gerendam addidisset : criminabatur etiam, quod Ti-
tum filium, qui postea est Torquatus appellatus, ab ho-
minibus relegasset et ruri habitare jussisset. Quod quum
audivisset adolescens filius negotium exhiberi patri, accur
risse Romam, et cum prima luce Pomponii domum venisse
dicitur. Cui quum esset nuntiatum ; qui illum iratum allatu-
rum ad se aliquid contra patrem arbitraretur, surrexit e lec-
tulo, remotisque arbitris ad se adolescentem jussit venire.
At ille, ut ingressus est, confestim gladium destrinxit ju-
ravitque se illum statim interfectusum, nisi jus jurandum
sibi dedisset se patrem missum esse facturum. Juravit
hoc coactus terrore Pomponius; rem ad populum detulit:
docuit, cur sibi causa desistere necesse esset; Manlium
missum fecit. Tantum temporibus illis jus jurandum vale-
bat. Atque hic T. Manlius is est, qui ad Anienem Galli,
quem ab eo provocatus occiderat, torque detracto cogno-
men invenit: cujus tertio consulatu Latini ad Veserim fusi
et fugati, magnus vir in primis, et qui perindulgens in pa-
trem, idem acerbe severus in filium.

XXXII. Sed, ut laudandus Regulus in conservando jure jurando, sic decem illi, quos post Cannensem pugnam

hommes qui ne s'étaient pas rendus prisonniers sur le champ de bataille, qui n'avaient pas pris la fuite pour éviter une mort certaine, mais que les consuls Paulus et Varron avaient abandonnés dans le camp. Le sénat pouvait les racheter à peu de frais; mais il n'y voulut point entendre, pour que les soldats Romains fussent toujours convaincus qu'il fallait vaincre ou mourir. Polybe nous apprend qu'Annibal vit avec une sorte de consternation le sénat et le peuple Romain montrer un cœur si haut dans une si grande calamité. C'est ainsi qu'au prix de l'honneur, on savait mépriser ce qui semblait utile. Acilius, qui a écrit une histoire en grec, dit qu'il y eut plusieurs prisonniers qui revinrent dans le camp, pour se

juratos ad senatum misit Annibal, se in castra redituros ea, quorum erant potiti Pœni, nisi de redimendis captivis impetravissent, si non redierunt, vituperandi. De quibus non omnes uno modo. Nam Polybius, bonus auctor in primis, « ex decem nobilissimis, qui tum erant missi, novem revertisse, a senatu re non impetrata : unum ex decem, qui paullo post quam erat egressus e castris, redisset, quasi aliquid esset oblitus, Romæ remansisse.» Reditu enim in castra liberatum se esse jure jurando interpretabatur : non recte; fraus enim adstringit, non dissolvit perjurium. Fuit igitur stulta calliditas, perverse imitata prudentiam. Itaque decrevit senatus, ut ille veterator et callidus vinctus ad Annibalem duceretur. Sed illud maximum. Octo hominum millia tenebat Annibal, non quos in acie cepisset, aut qui periculum mortis defugissent, sed, qui relicti in castris fuissent a Paullo et a Varrone consulibus. Eos senatus non censuit redimendos, quum id parva pecunia fieri posset: ut esset insitum militibus nostris aut vincere aut emori. Qua quidem re audita, fractum animum Annibalis scribit idem, quod senatus populusque Romanus rebus afflictis tam excelso animo fuisset. Sic honestatis comparatione, ea, quæ videntur utilia, vincuntur. Acilius autem, qui Græce scripsit historiam, plures ait fuisse, qui in castra revertissent eadem fraude, ut jure jurando liberarentur, eosque a censoribus omnibus

Mais enfin quel sera le principal office de la prudence? elle s'exercera sans doute à choisir ingénieusement les voluptés? Ce peut être là une occupation très-agréable; mais, pour mon compte, je n'en vois guère de plus honteuse. D'autre part, si vous regardez la douleur comme le souverain

dégager de leur serment par la même fraude, et, qu'ils furent tous notés d'infamie par les censeurs. Finissons là ce sujet; car il est manifeste que toutes les actions qui partent d'une âme faible, timide, pusillanime et lâche, comme eût été celle de Régulus s'il eût consulté, pour ouvrir un avis, son propre avantage et non l'intérêt de la répu-mal, je ne vois pas comment vous serez capables blique, ou bien s'il eût cédé à ceux qui le retenaient à Rome; il est manifeste, disons-nous, que de telles actions, loin d'être utiles, sont criminelles, honteuses et infamantes.

XXXIII. Il nous reste à comparer l'utile avec cette quatrième source de l'honnête d'où viennent la décence, la modération, la modestie, la retenue, la tempérance. Peut-on trouver quelque chose d'utile qui soit en oppositition avec toute cette famille de vertus? Cependant les disciples d'Aristippe, qu'on appelle philosophes Cyrénaïques ou Annicériens, ont prétendu qu'il n'y avait d'autre bien que la volupté, et que si la vertu avait du prix, c'est à cause des plaisirs qu'elle procure. Cette doctrine décréditée fut bientôt relevée avec un certain éclat par Épicure, qui ne soutient guère d'autres maximes. Avec de telles gens, il faut, comme on dit, se battre à pied et à cheval, si l'on veut sauver l'honnêteté et en maintenir les droits. Si, en effet, comme l'a écrit Métrodore, non-seulement l'utilité, mais tout le bonheur de la vie consiste dans la bonne constitution du corps et dans l'espoir assuré de la conserver longtemps; certainement une utilité semblable, et qui est la première de toutes dans leur doctrine, se trouvera souvent en opposition avec l'honnête. Quel sera d'abord l'emploi de la prudence? sera-ce d'aller de toutes parts à la recherche des jouissances? Quelle misérable condition pour la vertu, d'être au service de la volupté!'

ignominiis notatos. Sit jam hujus loci finis. Perspicuum est, enim ea, quæ timido animo, humili, demisso fractoque fiant (quale fuisset Reguli factum, si aut de captivis, quod ipsi opus esse videretur, non, quod reipublicæ, censuisset, aut domi remanere voluisset) non esse utilia, quia sint flagitiosa, fœda, turpia.

XXXIII. Restat quarta pars, quæ decore, moderatione, modestia, continentia, temperantia continetur. Potest igitur quidquam utile esse, quod sit huic talium virtutum choro contrarium? Atqui ab Aristippo Cyrenaici atque Annicerii philosophi nominati omne bonum in voluptate posuerunt, virtutemque censuerunt ob eam rem esse laudandam, quod efficiens esset voluptatis. Quibus obsoletis floret Epicurus, ejusdem fere adjutor auctorque sententiæ. Cum his viris equisque, ut dicitur, si honestatem tueri ac retinere sententia est, decertandum est. Nam, si non modo utilitas, sed vita omnis beata corporis firma constitutione ejusque constitutionis spe explorata, ut a Metrodoro scriptum est, continetur : certe hæc utilitas et quidem summa (sic enim censent) cum honestate pugnabit. Nam ubi primum prudentiæ locus dabitur? an, ut conquirat undique suavitates? Quam miser virtutis famulatus servientis voluptati! Quod autem inunus prudentiæ? an legere intelligenter vo

de la force d'âme, qui est proprement le mépris des douleurs et des peines. Sans doute Épicure tient en plusieurs endroits un langage assez mâle sur la douleur; mais ce que nous devons chercher surtout, ce n'est pas tant ce qu'il dit que ce qu'il devrait dire conséquemment à ce premier principe, que tous les biens reviennent à la volupté et tous les maux à la douleur. J'en dirai tout autant de la modération et de la tempérance: si nous voulons l'entendre, il nous dira merveilles sur ces vertus; mais c'est ce qui s'appelle plaider contre soi-même. Comment est-il possible de louer la tempérance, quand on met le souverain bien dans la volupté? La tempérance est l'ennemie des passions, et les passions n'ont qu'un but, le plaisir. Sur ces trois vertus cependant ils se défendent comme ils peuvent, et recourent à des subterfuges qui ne sont pas maladroits. Ils admettent la prudence, et la donnent pour l'art de préparer les voluptés et d'éloigner les douleurs. Pour la force, ils lui réservent aussi un certain emploi; c'est elle qui doit les rendre indifférents à la mort et capables de supporter la douleur. Enfin ils font une place à la tempérance elle-même; ce n'est pas sans un grand embarras, mais ils parviennent à la loger en disant que la volupté suprême c'est l'absence de la douleur. Quant à la justice, elle est chez eux singulièrement compromise, ou plutôt elle est entièrement sacrifiée, ainsi que toutes les vertus qui ten

luptates? Fac nihil isto esse jucundius: quid cogitari po. test turpius? Jam, qui dolorem summum malum dicat, apud eum quem habet locum fortitudo, quæ est dolorum laborumque contemptio? Quamvis enim multis locis dicat Epicurus, sicuti dicit, satis fortiter de dolore; tamen non id spectandum est, quid dicat; sed, quid consentaneum sit ei dicere, qui bona voluptate terminaverit, mala dolore. Ut, si illum audiam de continentia et temperantia : dicit ille quidem multa multis locis; sed aqua hæret, ut aiunt. Nam qui potest temperantiam laudare is, qui ponat summum bonum in voluptate? Est enim temperantia libidinum inimica; libidines autem consectatrices voluptatis. Atque in his tamen tribus generibus, quoquo modo possunt, non incallide tergiversantur. Prudentiam introducunt scientiam suppeditantem voluptates, depellentem dolores. Fortitudinem quoque aliquo modo expediunt, quum tradunt rationem negligendæ mortis, perpetiendi doloris. Etiam temperantiam inducunt non facillime illi quidem, sed tamen quoquo modo possunt. Dicunt enim voluptatis magnitudinem doloris detractione finiri. Justitia vacillat, vel jacet potius, omnesque eæ virtutes, quæ in communitate cernuntur et in societate generis humani. Neque enim bonitas nec liberalitas nec comitas esse potest, non plus quam amicitia, si

S'il faut cependant lui accorder quelque chose, disons qu'elle est peut-être comme l'assaisonnement des autres biens; mais qu'on ne trouvera jamais en elle d'utilité véritable.

Recevez, mon cher Marcus, ce présent de votre père; je le crois d'un grand prix; mais il tirera principalement sa valeur de l'accueil que vous lui ferez. Admettez ces trois livres comme des hôtes parmi les ouvrages de Cratippe. Si j'étais venu à Athènes, ce que j'allais faire quand la patrie m'a rappelé à grands cris au milieu de ma course, vous m'auriez entendu quelquefois. Mais je vous ai parlé dans ces livres; écoutez ce qu'ils vous diront, donnez-leur le plus de temps possible; et à cet égard, vous pourrez tout ce que vous voudrez. Quand je saurai que ce genre d'instruction vous est agréable, alors je ne me ferai pas faute de

dent au maintien de la société humaine. N'est-il, et l'honnête il n'est absolument rien de commun. pas vrai que la bonté, la libéralité, la douceur, et avec elles l'amitié, ne peuvent exister, si elles ne sont recherchées pour elles-mêmes, et non pour les plaisirs qu'elles procurent? Résumonsnous en peu de mots. Nous avons prouvé que l'utile ne peut jamais être en opposition avec l'honnête; nous établissons maintenant que toute volupté est contraire à l'honnêteté. Je n'en estime donc que plus blâmables Calliphon et Dinomaque, qui ont cru vider le différend en associant la volupté à l'honnêteté, comme si on accouplait la brute avec l'homme. L'honnêteté ne souffre point cette compagnie; elle la repousse, elle en a horreur. Le souverain bien, de sa nature, doit être un et simple; c'est ne point le connaître que de le composer de pièces si dissemblables. Mais c'est là une grande question que nous avons traitée ailleurs avec tous les dévelop-vous entretenir, soit de près, comme bientôt, je pements convenables. Revenons à notre objet. Nous avons fait connaître suffisamment, à ce que je pense, la règle que l'on doit suivre lorsque l'utile semble en opposition avec l'honnête. Si l'on attribue à la volupté une apparence d'utilité, il n'en sera pas moins certain qu'entre elle

hæc non per se expetantur, sed ad voluptatem utilitatemve, referantur. Conferamus igitur in pauca. Nam, ut utilitatem nullam esse docuimus, quæ honestati esset contraria: sic omnem voluptatem dicimus honestati esse contrariam. Quo magis reprehendendos Calliphontem et Dinomachum judico, qui se dirempturos controversiam putaverunt, si cum honestate voluptatem tanquam cum homine pecudem copulavissent. Non recipit istam conjunctionem honestas; aspernatur, repellit. Nec vero finis bonorum [et malorum], qui simplex esse debet, ex dissimillimis rebus misceri et temperari potest. Sed de hoc (magna enim res est) alio loco pluribus. Nunc ad propositum. Quemadmodum igitur, si quando ea, quæ videtur utilitas, honestati repugnat, dijudicanda res sit, satis est supra disputatum. Sin autem speciem utilitatis etiam voluptas habere dicetur, nulla potest esse ei cum honestate con0000

l'espère, soit de loin, tant que nous serons séparés. Adieu donc, mon fils; soyez persuadé que je vous aime tendrement, mais que je vous aimerai bien plus encore si vous prenez goût à de tels ouvrages et à de semblables leçons.

junctio. Nam, ut tribuamus aliquid voluptati, condimenti fortasse non nibil, utilitatis certe nihil habebit. Habes a patre munus, Marce fili, mea quidem sententia magnum; sed perinde erit, ut acceperis. Quanquam hi tibi tres libri inter Cratippi commentarios tanquam hospites erunt recipiendi; sed, ut, si ipse venissem Athenas (quod quidem esset factum, nisi me e medio cursu clara voce patria revocasset) aliquando me quoque audires, sic, quoniam his voluminibus ad te profecta vox est mea, tribues iis temporis quantum poteris : poteris autem, quantum voles. Quum vero intellexero te hoc scientiæ genere gaudere, tum et præsens tecum propediem, ut spero, et, dum aberis, absens loquar. Vale igitur, mi Cicero, tibique persuade esse te quidem mihi carissimum, sed multo fore cariorem, si talibus monimentis præceptisque

lætabere.

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NOTES

DU TRAITÉ DES DEVOIRS.

LIVRE PREMIER.

I. Annum jam audientem Cratippum. Le jeune Tullius écrivait à son père : « Cratippe n'a pas en moi un disciple, mais un fils.... Je passe avec lui des jours entiers, et quel.quefois même une partie de la nuit; je le prie très-souvent à souper avec moi.... Faites en sorte, je vous en conjure, de venir voir le plus tôt possible un si grand homme, qui a à la fois tant de mérite et d'agrément. » Epist. ad Fam., XVI, 21.

Eodemque modo de Aristotele. Cicéron dit cependant dans les Tusculanes, 1, 4: « Sed est Aristoteles..... quum motus esset Isocratis rhetoris gloria, docere etiam cœpit adolescentes, dicere et prudentiam cum eloquentia conjungere. » Comparez à ce passage le traité de Orat. m, 35. II. Sunt a nobis alio loco disputata. Dans le livre de Finibus et dans la quatrième Tusculane.

Aristonis, Pyrrhonis, Herilli. Voyez sur la doctrine morale de ces philosophes le 5o livre de Finibus, c. 8;

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