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PARIS.- TYPOGRAPHIE DE Firmin Didot frÈRES, RUE JACOB, 56.

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TUSCULANES.

LIVRE TROISIÈME.

DU CHAGRIN.

Qu'il faut l'adoucir.

I. Puisque l'homme est un composé de l'âme et du corps, d'où vient donc, Brutus, qu'il n'a pas donné une égale attention à ces deux parties de son être? Pour le corps, il a cherché avec soin l'art d'en guérir, ou d'en prévenir les maladies; et cette invention lui paru assez utile pour en faire honneur aux Dieux. Mais à l'égard de l'âme, on n'a pas eu le même empressement pour découvrir l'art de rémédier à ses maux; et depuis qu'il a été découvert, on s'y est moins appliqué il a eu moins d'approbateurs; il a même beaucoup d'ennemis. Cette différence viendrait-elle de ce que l'âme, quelque abattu que soit le corps, est toujours en état de juger de ses maladies; au lieu que le corps ne peut en aucun temps connaître celles de l'âme? Ainsi, quand elle est malade, comme elle est alors privée de ses fonctions naturelles, il ne lui est pas possible de bien juger de son propre état. Véritablement, s'il avait plu à la nature de nous rendre tels, que nous eussions pu la contempler elle-même, et la prendre pour guide dans le cours de notre vie, nous n'aurions besoin, ni de savoir, ni d'étude pour nous conduire. Mais elle n'a donné à l'homme que de faibles rayons de lumière. Encore sontils bientôt éteints, soit par la corruption des

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LIBER TERTIUS.

De ægritudine lenienda.

I. Quidam esse, Brute, causæ putem, cur, cum constemus ex animo et corpore, corporis curandi tuendique causa quæsita sit ars, ejusque utilitas Deorum immortalium inventioni consecrata: animi autem medicina nec tam desiderata sit, antequam inventa, nec tam culta, posteaquam cognita est, nec tam multis grata et probata, pluribus etiam suspecta et invisa? An quod corporis gravitatem et dolorem animo judicamus, animi morbum corpore non sentimus? Ita fit, ut animus de se ipse tum judicet, cum id ipsum, quo judicatur, ægrotet. Quod si tales nos natura genuisset, ut eam ipsam intueri, et perspicere, eademque optima duce cursum vitæ conficere possumus : haud erat sane, quod quisquam rationem ac doctrinam requireret. Nunc parvulos nobis dedit igniculos, quos celeriter malis moribus, opinionibusque depravatis sic restinguimus, ut nusquam naturæ lumen appareat. Sunt enim ingeniis noCICERON.

TOME IV.

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mœurs, soit par l'erreur des préjugés, qui obscurcissent entièrement en lui cette lueur de la raison naturelle. Ne sentons-nous pas, en effet, au dedans de nous-mêmes des semences de vertu, qui, si nous les laissions germer, nous conduiraient naturellement à une vie heureuse? Mais à peine a-t-on vu le jour, qu'on est livré à toutes sortes d'égarements et de fausses idées. On dirait que nous avons sucé l'erreur avec le lait de nos nourrices : et quand nos parents commencent à prendre soin de notre éducation, et qu'ils nous donnent des maîtres, nous sommes bientôt tellement imbus d'opinions erronées, qu'il faut enfin que la vérité cède au mensonge, et la nature aux préventions.

II. Autre source de corruption, les poëtes. Comme ils ont une grande apparence de doctrine et de sagesse, on prend plaisir à les écouter, à les lire, à les apprendre; et leurs leçons se gravent profondément dans nos esprits. Quand à cela se vient joindre le vulgaire, ce grand maître en toute sorte de déréglements, c'est alors qu'infectés d'idées vicieuses, nous nous écartons entièrement de la nature. Car vouloir nous persuader qu'il n'y a rien de meilleur, rien de plus désirable que les dignités, le commandement des armées, et cette gloire populaire, après quoi courent les plus honnêtes gens, n'est-ce pas nous envier ce que la nature met en nous d'excellent, et vouloir qu'à la place de ce véritable honneur, qui est ce qu'elle nous porte le plus à rechercher,

stris semina innata virtutum : quæ si adolescere liceret, ipsa nos ad beatam vitam natura perduceret. Nunc autem, simul atque editi in lucem, et suscepti sumus, in omni continuo pravitate, et in summa opinionum perversitate versamur ut pæne cum lacte nutricis errorem suxisse videamur. Cum vero parentibus redditi, demum magistris traditi sumus, tum ita variis imbuimur erroribus, ut vanitali veritas, opinioni confirmatæ natura ipsa cedat.

II. Accedunt etiam poetæ : qui cum magnam speciem doctrinæ, sapientiæque præ se tulerunt, audiuntur, leguntur, ediscuntur, et inhærescunt penitus in mentibus. Cum vero accedit eodem, quasi maximus quidam magister, populus, atque omnis undique ad vitia consentiens multitudo, tum plane inficimur opinionum pravitate, a naturaque ipsa desciscimus: ut nobis optimam naturam invidisse videantur, qui nihil melius homini, nihil magis expetendum, nihil præstantius honoribus, imperiis, populari gloria judicaverunt. Ad quam fertur optimus quisque, veramque illam honestatem expetens, quam unam

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gens

nous embrassions un fantôme, où l'image de de plus fâcheux dans ces dernières, c'est qu'en la vertu n'est point empreinte, mais où celle de attaquant l'âme, elles en troublent la tranquilla gloire est grossièrement imitée? La gloire de-lité, et que, comme dit Ennius, quand on a mande la solidité jointe à l'éclat; sans quoi ce l'esprit malade, n'en est que l'ombre. Elle consiste dans les louanges que les de bien et les gens sensés donnent à une vertu non commune, et qu'ils lui donnent hautement, unanimement, sans intérêt. Elle est, pour ainsi dire, l'écho de la vertu; et comme elle accompagne d'ordinaire les bonnes actions, il ne faut point que les honnêtes gens la rejettent. Mais cette autre espèce de gloire, qui contrefait la véritable (j'entends cette approbation téméraire et inconsidérée du peuple, qui applaudit le plus souvent au vice) cette fausse gloire, dis-je, défigure l'honneur, en affectant de lui ressembler. De là vient l'aveuglement de ces hommes qui auraient bien voulu se porter à quelque chose de grand, mais qui, ne connaissant ni le chemin de la vraie gloire, ni en quoi elle consiste, sont devenus les destructeurs de leur patrie, ou se sont perdus eux-mêmes. Puisqu'ils avaient cependant l'honneur pour objet, ils semblent s'être moins égarés par une erreur volontaire, que pour s'être mépris de route. D'autres qui se laissent emporter à une avarice sordide, ou au débordement des voluptés, et dont les égarements approchent assez de la folie, pourquoi ne pas entreprendre de les guérir? Serait-ce parce que les maladies de l'âme sont moins nuisibles que celles du corps : ou parce qu'on peut rendre la santé au corps, et qu'on ne peut la rendre à l'âme?

III. Pour moi, je trouve que les maladies de l'âme sont, et plus dangereuses, et en plus grand nombre, que celles du corps. Ce qu'il y a même

natura maxime inquirit, in summa inanitate versatur, consectaturque nullam eminentem effigiem virtutis, sed adumbratam imaginem gloriæ. Est enim gloria, solida quædam res, et expressa, non adumbrata. Ea est consentiens laus bonorum, incorrupta vox bene judicantium de excellente virtute. Ea virtuti resonat, tamquam imago. Quæ quia recte factorum plerumque comes est, non est bonis viris repudianda. Illa autem, quæ se ejus imitatricem esse vult, temeraria, atque inconsiderata, et plerumque peccatorum vitiorumque laudatrix, fama popularis, simulatione honestatis formam ejus, pulchritudinemque corrumpit. Qua cæcitate homines, cum quædam etiam præclara cuperent, eaque nescirent nec ubi, nec qualia essent, funditus alii everterunt suas civitates; alii ipsi occiderunt. Atque hi quidem optima petentes, non tam voluntate, quam cursus errore falluntur. Quid? qui pecuniæ cupiditate, qui voluptatum libidine feruntur, quorumque ita perturbantur animi, ut non multum absint ab insania, quod insipientibus contingit omnibus: his nullane est adhibenda curatio? Utrum, quod minus noceant animi ægrotationes, quam corporis? an quod corpora curari possint, animorum medicina nulla sit?

III. At et morbi perniciosiores, pluresque sunt animi, quam corporis: hi enim ipsi odiosi sunt, quod ad animum

Rongé d'impatience, on pousse des soupirs; On s'égare, on se perd en d'éternels désirs, Voilà ce qui arrive quand on se livre au chagrin, ou à l'ambition: deux maladies de l'âme, qui, sans parler des autres, valent les plus violentes, dont le corps puisse être attaqué. Et puisque l'âme a bien trouvé le secret de guérir le corps, est-il croyable qu'elle ne puisse pas aussi se guérir elle-même? D'autant plus que la guérison du corps dépend souvent de sa constitution, et que l'art du médecin n'est pas toujours garant du succès: au lieu que tout esprit, qui aura vraiment envie de se guérir, et qui obéira aux préceptes des sages, réussira infailliblement. Oui sans doute la philosophie est la vraie médecine de l'âme : nous n'avons point à chercher hors de nous-mêmes ses remèdes, comme ceux qui agissent sur le corps : il faut seulement, pour nous les rendre salutaires, ne rien négliger de ce qui dépend de nous. Mais ne faisons point ici l'éloge de la philosophie en général. Je crois avoir dit assez dans mon Hortensius, combien elle méritait d'être cultivée. Depuis que cet ouvrage est public, je n'ai 'presque pas cessé de parler et d'écrire sur ce qu'elle nous enseigne de plus important. Celui-ci est le compte que je rends des questions agitées entre quelques amis et moi dans ma maison de Tusculum. La mort et la douleur ont fait le sujet de nos deux premières conférences. J'en suis présentement à la troisième. Un peu après le milieu du jour, étant descendu dans mon Académie avec mes amis, je deman

pertinent, eumque sollicitant; animusque æger, ut ait Ennius,

....

semper errat, neque pati, neque perpeti polis est.

Cupere nunquam desinit. Quibus duobus morbis (ut omittam alios) ægritudine et cupiditate, qui tandem possunt in corpore esse graviores? Qui vero probari potest, ut sibi mederi animus non possit, cum ipsam medicinam corporis animus invenerit : cumque ad corporum sanationem multum ipsa corpora, et natura valeant: nec omnes, qui curari se passi sunt, continuo etiam convalescant : animi autem, qui sanari voluerint, præceptisque sapientium paruerint, sine ulla dubitatione sanentur? Est profecto animi medicina philosophia: cujus auxilium non, ut in corporis morbis, petendum est foris : omnibusque opibus, viribusque, ut nosmetipsi nobis mederi possimus, elaborandum est. Quanquam de universa philosophia, quantopere et expetenda esset, et colenda, satis, ut arbitror, dictum est in Hortensio. De maximis autem rebus nihil fere intermisimus postea nec disputare, nec scribere. His autem libris exposita sunt ea, quæ a nobis cum familiaribus nostris in Tusculano erant disputata. Sed quoniam duobus superioribus de morte, et de dolore dictum est, tertius dies disputationis hoc tertium volumen efficiet. Ut

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