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Ammonius Saccas, le conflit de l'hébraïsme et du paganisme pouvaient à coup sûr tenter un esprit philosophique, curieux des leçons contenues dans le passé du monde. Quand le livre de M. Matter parut, je me rappelle y avoir avidement couru, pour m'instruire un peu à fond de ce qui se passait véritablement dans l'intérieur de cette école d'Alexandrie. Mon mécompte fut grand; au lieu d'une profonde, érudite et intelligente histoire, je ne trouvai qu'une sèche et maigre nomenclature de noms d'hommes, de titres d'ouvrages; mais la raison des opinions, la diversité et le mérite des systèmes, la variété des sciences explorées, le caractère et la convenance avec leurs siè cles des personnages, ne figuraient pas dans l'ouvrage couronné. Et encore je ne parle ici que de la face des choses dont j'étais le plus curieux; je ne relève pas le développement des sciences exactes et de la critique littéraire, également laissé sans appréciation et sans vie.

Plus tard le gnosticisme, ce chistianisme plus raffiné, plus idéalisé, qui tendait à se séparer complétement de l'hébraïsme et qu'admirent secrètement les plus savants Pères de l'Église, fut offert à M. Matter par l'Académie des inscriptions comme un nouvel objet d'é

lucubration. Cette fois l'auteur lauréat fut moins malheureux; il pouvait s'appuyer sur d'excellents travaux que lui prêtait l'Allemagne; et son Histoire critique du gnosticisme vaut beaucoup mieux que son Essai sur l'école d'Alexandrie. Après ces deux ouvrages couronnés l'un en 1817, l'autre en 1826, l'auteur parut un instant avoir enfin mis la main sur l'aliment convenable à l'activité de son esprit, et vouloir se tenir à l'étude des idées philosophiques et religieuses, car en 1829 il publia une Histoire universelle de l'Église chrétienne. J'ai lu ce livre avec le même empressement que les deux autres; c'est une compilation et un abrégé ; l'originalité individuelle et la sagacité philosophique m'en ont semblé ab

sentes.

Il est à croire que M. Matter se cherchait encore quand l'Académie française proposa son prix extraordinaire : il paraît que l'histoire de la philosophie ancienne et l'histoire du christianisme ne lui suffisaient pas, et qu'il avait pour la science de la législation un penchant secret qui se fit jour enfin. Suivons-le dans cette autre carrière, et tâchons de reconnaître s'il a trouvé définitivement ce qui convient à son esprit; non que nous veuillions le moins

du monde comprimer l'essor de M. Matter, et si un nouveau programme académique vient encore lui révéler une nouvelle aptitude, nous y souscrivons par avance.

En 1827, l'Académie française mit au concours cette question: De l'influence des lois sur les mœurs et des mœurs sur les lois, et publia le programme suivant pour servir de guide aux

concurrents:

« L'Académie française a pensé qu'elle ne pouvait mieux remplir les intentions du ver» tueux Monthyon, qu'en faisant servir ses libé» ralités à obtenir des ouvrages d'une utilité générale et d'un ordre élevé.

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» Pour traiter le sujet que l'Académie propose, il faudrait montrer, d'après des recherches exactes, comment chez les différents ⚫ peuples dont nous connaissons l'histoire, et suivant leurs divers degrés de civilisation, les institutions politiques, les lois pénales et » les lois civiles ont agi sur les mœurs, et com» ment, à leur tour, les mœurs ont préparé, ont amené le changement des institutions et » des lois. C'est un ouvrage approfondi et sur» tout utile que l'Académie demande. Il ne s'agit point d'entrer dans la discussion des

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questions spéciales ni de faire l'apologie ou

» la critique des lois existantes, ni de provo» quer des réformes soudaines. Tous les temps » et tous les pays fourniront des exemples fer» tiles en inductions et en conséquences. Le >> but de l'ouvrage devra être de répandre des » lumières, de contribuer à rendre vulgaires » des vérités qui, étant enfin généralement » admises, s'introduisent dans la législation. » C'est ainsi que la servitude personnelle dans » les domaines royaux a été abolie par un édit . de Louis XVI, du mois d'août 1779; c'est » ainsi que la question préparatoire à laquelle

on appliquait les prévenus a été abolie par » une déclaration du même roi, du 24 ́août » 1780. Le temps et les travaux des écrivains » avaient préparé ces réformes.

» Un pareil ouvrage bien conçu et bien exé» cuté honorerait l'auteur et la nation; il serait » étudié avec fruit par tous les peuples; il » amènerait à la longue d'une manière indi» recte, mais sûre, d'immenses améliorations » dans les lois et dans les mœurs du monde » civilisé.

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» L'Académie, en proposant ce grand et beau sujet, croit rendre un noble hommage à ce» lui qui, après avoir passé sa vie à faire du » bien à ses semblables, a voulu leur léguer

après sa mort le trésor le plus précieux des » vertus et de la sagesse 1.

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Assurément un semblable programme atteste les plus honorables intentions; l'Académie française, ayant à sa disposition une somme considérable, veut obtenir à ce prix un ouvrage d'une utilité générale et d'un ordre élevé : rien n'est plus louable; mais a-t-elle été heureuse dans le choix du sujet proposé, et dans cette première convergence à des matières plus graves que ses occupations ordinaires ? Si à cette époque elle eût eu dans son sein des publicistes compétents aussi bien que des littérateurs distingués, ces publicistes l'eussent détourné de proposer cette question: De l'influence des lois sur les mœurs et des mœurs sur les lois; ils lui eussent démontré que c'était trop ou trop peu: trop peu s'il ne s'agissait, pour se trouver vainqueur, que d'habiller avec les secours de la rhétorique un lieu commun, de pauvres et chétives idées ressemblant aux sépulcres vides et blanchis de l'Écriture; trop si la couronne ne devait échoir qu'à la tête puissante qui aurait tenté et accompli au XIXe siècle la création d'un autre Esprit des lois. Or, de pareilles en

Moniteur du 14 septembre 1827.

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