Immagini della pagina
PDF
ePub

coup, sont bien étonnés de ce changement. Ils prennent pourtant la chose en patience, et se couchent, non sans admirer le soin qu'on prenait de leur faire faire pénitence. Le lendemain ils demandèrent à dire la messe ; ce qu'on ne put pas leur refuser. Comme ils la disaient, M. de Bagnols entra dans l'église, et fut bien surpris de trouver le visage d'un Capucin de ses parens, dans celui que l'on prenait pour le père Maillard. M. de Bagnols avertit la mère Angélique de son erreur, et l'assura que ce père était un fort bon religieux, et même dans le cœur assez ami de la vérité. Que fit la mère Angélique ? Elle donna des ordres tout contraires à ceux du jour de devant. Les Capucins furent conduits avec honneur de l'église dans le réfectoire, où ils trouvèrent un bon déjeûner qui les attendait, et qu'ils mangèrent de fort bon cœur, bénissant Dieu, qui ne leur avait pas fait manger leur pain blanc le premier.

Voilà, Monsieur, comme vous avez traité Desmarets, et comme vous avez toujours traité tout le monde. Qu'une femme fût dans le désordre, qu'un homme fût dans la débauche, s'ils se disaient de vos amis, vous

espériez toujours de leur salut; s'ils vous étaient peu favorables, quelque vertueux qu'ils fussent, vous appréhendiez toujours le jugement de Dieu pour eux. La science était traitée comme la vertu : ce n'était pas assez, pour être savant, d'avoir étudié toute sa vie, d'avoir lu tous les auteurs; il fallait avoir lu Jansenius, et n'y avoir point lu les propositions.

[ocr errors]

Je ne doute point que vous ne vous justifiez par l'exemple de quelque père; car qu'est-ce que vous ne trouvez point dans les pères? Vous nous direz que saint Jérôme a loué Rufin comme le plus savant homme de son siècle, tant qu'il a été son ami; et qu'il traita le même Rufin comme le plus ignorant de son siècle, depuis qu'il se fut jeté dans le parti d'Origene. Mais vous m'avouerez que ce n'est pas cette inégalité de sentimens qui l'a mis au rang des saints et des docteurs de l'Église.

Et, sans sortir encore de l'exemple de Desmarets, quelles exclamations ne faites-vous point, sur ce qu'un homme qui a fait autrefois des romans, et qui confesse, à ce que

vous dites, qu'il a mené une vie déréglée, a la hardiesse d'écrire sur les matières de la religion? Dites-moi, Monsieur, que faisait dans le monde M. le Maistre? Il plaidait, il faisait des vers tout cela est également profane, selon vos maximes. Il avoue aussi dans une lettre, qu'il a été dans le déréglement, et qu'il s'est retiré chez vous pour pleurer ses crimes. Comment donc avez-vous souffert qu'il ait tant fait de traductions, tant de livres sur les matières de la grâce? Ho! ho' direzvous, il a fait auparavant une longue et sérieuse pénitence. Il a été deux ans entiers à bècher le jardin, à faucher les prés, à laver les vaisselles. Voilà ce qui l'a rendu digne de la doctrine de saint Augustin. Mais, Monsieur, vous ne savez pas quelle a été la pénitence de Desmarets. Peut-être a-t-il fait plus que tout cela. Croyez moi, vous n'y regarderiez point de si pres, s'il avait écrit en votre faveur : c'était là le seul moyen de sanctifier une plume profanée par des romans et des co

m dies.

Enfin, je vous demanderais volontiers ce qu'il faut que nous lisions, si ces sortes d'ou

vrages nous sont défendus encore faut-il que l'esprit se délasse quelquefois ; nous ne pouvons pas toujours lire vos livres. Et puis, à vous dire la vérité, vos livres ne se font plus lire comme ils faisaient. Il y a longtemps que vous ne dites plus rien de nouveau. En combien de façons avez-vous conté l'histoire du pape Honorius? Que l'on regarde ce que vous avez fait depuis dix ans, vos disquisitions, vos dissertations, vos réflexions, vos considérations, vos observations, on n'y trouvera aucune chose, sinon que les propositions ne sont pas dans Jansénius. Hé! Messieurs, demeurez-en là; ne le dites plus. Aussi bien, à vous parler franchement, nous sommes résolus d'en croire plutôt le pape et le clergé de France, que vous.

Pour vous, Monsieur, qui entrez maintenant en lice contre Desmaréts, nous ne refusons point de lire vos Lettres. Poussez votre ennemi à toute rigueur; examinez chrétiennement ses mœurs et ses livres; feuilletez les registres du Châtelet; employez l'autorité de saint Augustin et de saint Bernard, pour le déclarer visionnaire, établissez de bon

nes règles pour nous aider à reconnaître les fous nous nous en servirons en temps et lieu. Mais ne lui portez point de coups qui puissent retomber sur les autres; sur-tout, je vous le répète, gardez-vous bien de croire vos Lettres aussi bonnes que les Lettres Provinciales: ce serait une étrange vision que celle-là. Je vois bien que vous voulez attraper ce genre d'écrire : l'enjouement de M. Pascal a plus servi à votre parti, que tout le sérieux de M. Arnauld. Mais cet enjouement n'est point du tout votre caractère : vous retombez dans les froides plaisanteries des Enluminures; vos bons mots ne sont d'ordinaire que de basses allusions. Vous croyez dire, par exemple, quelque chose de fort agréable, quand vous dites, sur une exclamation que fait M. Chamillard, que son grand ( n'est qu'un o en chiffre; et quand vous l'avertissez de ne pas suivre le grand nombre, de peur d'étre un docteur à la douzaine, on voit bien que vous vous efforcez d'être plaisant; mais ce n'est pas le moyen de l'être.

Retranchez-vous donc sur le sérieux, remplissez vos lettres de longues et doctes périodes,

« IndietroContinua »