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donna avis à la mère Angélique ; et comme on lui demanda si l'on ne leur ferait point quelque réception extraordinaire à cause de M. de Bagnols, elle répondit qu'on ne devait rien ajouter pour cela à la manière dont on avait accoutumé de recevoir les religieux, et que M. de Bagnols ne voulait point qu'en sa considération on changeât, même dans les moindres choses, les pratiques du monastère.

Voilà, Monsieur, comment la chose se passa: de sorte que cette imagination que l'un des Capucins fût le père Maillard ou Mulart; cet empressement avec lequel la mère Angé-lique court au parloir; ce cidre et ce pain des valets mis à la place du pain blanc et du vin des Messieurs; cette reconnaissance du prétendu père Maillard en disant la messe; tout cela est de votre cru, sans compter l'application des proverbes et les autres gentillesses de la narration.

Cela ne va pas mal pour une petite histoire ; et, sur ce pied-là, du moindre sujet du monde vous feriez un fort gros roman. Ce que j'y trouve à redire est que la vraisemblance n'est pas tout-à-fait bien gardée, et

qu'il eût été difficile qu'à Port-Royal, où l'on était bien averti que c'était le père Mulart, Cordelier, qui avait sollicité à Rome la constitution du pape Innocent X contre les cinq propositions, on eût pu prendre un Capucin pour cet homme-là. Mais vous n'y regar- dez pas de si près, et d'ailleurs c'est là tout le nœud de l'affaire. Car si ce Capucin ne passe tantôt pour le père Mulart, et tantôt pour le parent de M. de Bagnols; et si, d'après cela, on lui fait boire tantôt du cidre, tantôt du vin des Messieurs, à quoi aboutira l'histoire? Il faut songer à tout. Vous aviez besoin de quelque chose qui prouvât qu'on a vu de tout temps ceux de Port-Royal louer et blâmer le même homme, selon qu'ils étaient contens ou mal satisfaits de lui. Car, en vérité, l'exemple de Desmaréts ne suffisait pas ; et si vous prétendez qu'on l'ait loué pour une simple excuse de civilité que lui fait M. Pascal, d'avoir cru qu'il était l'auteur des Apologies des Jésuites, vous n'êtes pas difficile en panégyriques.

Pour l'histoire du volume de Clélie, peutêtre qu'en réduisant tous les solitaires à un

seul, qui n'était pas de ceux qu'on pouvait appeler de ce nom-là, et le plaisir que vous supposez qu'ils prirent à se voir traiter d'illustres, à la complaisance qu'il ne put se défendre d'avoir pour un de ses amis qui lui envoya ce livre, et qui l'obligea de voir l'endroit dont il s'agit; peut-être, dis-je, que cette histoire approcherait de la vérité : mais je ne vois pas qu'en cet état-là elle vous pût servir de grand'chose.

Que vous reste-t-il donc qui puisse donner, quelque couleur aux reproches que vous faites à ceux de Port-Royal, de ne juger des choses que selon leur intérêt? On a bien souffert, dites-vous', que M. le Maistre ait fait des traductions et des livres sur la matière de la grâce, et on trouve étrange que Desmarêts en fasse sur des matières de religion. Sans mentir, la comparaison est bien choisie! M. le Maistre, après avoir passé plusieurs années dans une grande retraite et dans la pratique de plusieurs exercices de pénitence et de piété chrétienne, et après avoir joint à ses talens naturels des connaissances qui le rendaient très-capable d'écrire sur les plus grandes vérités de la religion, ne s'en est pas toutefois jugé digne,

par cette même humilité qui fait qu'il s'accuse de déréglement, quoique, même avant sa retraite, sa vie eût toujours été fort réglée. Il n'a jamais écrit sur les matières de la grâce, et n'a rien entrepris que de simples traductions et des histoires pieuses. Et Desmaréts, après avoir passé sa vie à faire des romans et des comédies, a sauté tout-d'un-coup jusqu'au plus haut degré de la contemplation et de la spiritualité la plus fine. Et, sur le témoignage qu'il a rendu lui-même qu'il était envoyé pour donner aux hommes l'intelligence des mystères, il a commencé à se mettre en possession du titre et du ministère de prophète, à établir le nouvel ordre des victimes, à leur donner les règles de sa nouvelle théologie mystique, enfin à débiter cet amas et ce mélange horrible de profanations et d'extravagances qui paraissent dans ses ouvrages. Que ditesvous de ce parallèle? Trouvez-vous que cette réserve et cette modestie sí chrétienne de M. le Maistre soit fort propre pour autoriser les égaremens de Desmaréts? Je ne sais s'il vous saura bon gré de vous être avisé de cette comparaison. Il faut qu'il ait soin de se tenir toujours dans cette élévation de l'ordre pro

phétique, , pour n'en pas sentir le mauvais effet; et, pour peu qu'il voulût revenir à la condition des autres hommes, il verrait que c'est un mauvais lustre pour lui que M. le Maistre.

Vous voyez donc, Monsieur, que vous ne faites rien moins que ce que vous prétendez, et je ne pense pas que personne demeure convaincu, sur l'histoire des deux Capucins, sur les louanges qu'on a données à M. Desmaréts, ni sur l'exemple de M. ie Maistre, que ceux de Port-Royal ne jugent que selon leurs intérêts. Votre première saillie vous a mis en malheur. Quand on est échauffé, on s'éblouit soi-même de ce qu'on écrit, et l'on se persuade aisément que les choses sont bien prouvées, pourvu qu'elles soient soutenues d'am-plifications et de lieux communs. Pour cela vous vous en servez admirablement. Peut-on rien voir de mieux poussé que celui - ci? Qu'une femme fut dans le désordre, qu'un homme fut dans la débauche, s'ils se disaient de vos amis, vous espériez toujours de leur saiut; s'ils vous étaient peu favorables, quelque vertueux qu'ils fussent, vous appréhendiez toujours le jugement de Dieu pour eux. Ce n'était pas assez, pour étre savant,

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