publiques sont en effet bien plutôt imaginées dans l'intérêt des administrés que dans l'intérêt des administrateurs; il ne faut pas s'y tromper. Ces mesures protectrices, qui assurent la position du fonctionnaire, sont une invention des peuples libres, et l'on n'a jamais pris de mesures efficaces contre l'arbitraire du souverain, toutes les fois que, dans un État despotique, l'administration a été la chose du prince, et les officiers publics ses commis et ses serviteurs. Si le peuple romain se montra soucieux d'établir la responsabilité des magistrats, alors même que les provinces seules souffraient des exactions, c'est qu'il ne voulut point que le sénat et la noblesse se rendissent les souverains réels de l'État, en s'emparant de l'administration extérieure. Gracchus et ses successeurs, en instituant des commissions perpétuelles, s'inquiétèrent moins du bon gouvernement des provinces que de maintenir les magistrats dans le devoir et dans le respect du peuple, et de tenir en bride les autres pouvoirs de l'État. C'est un motif politique de même nature qui, en France, préoccupe les esprits prévoyants. Si l'on commence à s'inquiéter et des meilleurs moyens de composer l'administration, et du meilleur système de responsabilité, c'est qu'aujourd'hui nous sommes nés à la vie politique. Nous savons par expérience que l'administration est notre affaire à tous, qu'elle est, en quelque façon, l'organe le plus puissant de la nation, organe qui ne peut souffrir sans que l'existence même du pays soit compromise; notre sollicitude est celle de gens qui prennent part au gouvernement par leur action, par leur vote, ou, tout au moins, par le mouvement de l'opinion; mais si demain nous étions ramenés à un gouvernement sans garanties, tel que celui de Louis XIV ou des empereurs romains, personne ne se soucierait d'une question qui ne serait plus de son domaine; chacun se défendrait contre l'administration et le fisc, comme on se garde d'un ennemi, mais personne ne s'inquiéterait des mesures que prendrait le prince pour châtier ou récompenser ses agents; et la législation administative qui, chez nous ne fait que de naître, et date de notre entrée dans la vie politique, c'est-àdire de la constituante, disparaîtrait de nos codes comme les lois de la république disparurent de la législation impériale. Quelle sera donc la conclusion pratique de notre livre? c'est que l'administration et la liberté se tiennent par les liens les plus étroits. Un gouvernement libre n'est possible qu'autant que de bonnes lois de responsabilité assurent aux citoyens une garantie efficace contre les abus possibles du pouvoir, et maintiennent l'officier public dans le respect constant de la souveraineté nationale. La responsabilité des magistrats est un point capital que les chartes modernes ont trop négligé jusqu'à présent; mais aujourd'hui on peut dire que la question est mûre, que tous les esprits sages s'en inquiètent, et demandent à la théorie et à l'expérience la solution prochaine d'un problème aussi important. Dans un sujet de cette nature, il ne peut être sans intérêt de savoir ce qu'ont fait les Romains, ces maîtres dans l'art du gouvernement; leurs fautes mèmes peuvent nous servir, et il y a de grandes leçons dans les expériences tentées pendant le cours du vir siècle, et dans la faiblesse du sénat; l'Académie a donc rendu un véritable service en appelant l'attention des savants et du public sur cette intéressante question. Il est seulement à regretter qu'une main plus ferme que la mienne n'ait point tracé ce tableau, digne d'un Machiavel ou d'un Montesquieu. Si faible que soit mon livre, je l'offre avec confiance au public, ou, pour parler moins ambitieusement, à ce petit nombre d'amis inconnus qui, jusqu'à ce jour, ont suivi mes travaux avec bienveillance; il me semble que jai réuni quelques traits épars du génie romain, et montré sous un aspect particulier cette grande physionomie; de plus heureux et de plus habiles compléteront cette ébauche incomplète. Pour eux sera la gloire, mais peut-être y aura-t-il un souvenir pour celui qui, le premier, en France, a indiqué une œuvre aussi belle, et qui l'eût exécutée si ses forces eussent répondu à son dévouement. FIN. DES LOIS ET DES TRIBUNAUX, QUI ASSURÈRENT LA RESPONSABILITÉ DES PREMIÈRE SECTION. CONSIDÉRATIONS SUR LA DISTRIBUTION DES POUVOIRS PUBLICS, ET SUR LA SPHÈRE - Juridiction des Consuls. Des Lois Valeriæ... -- - De la formule : Videant Consules ne quid detri- - Chap. VI. Des Quæstiones ou Commissions. TROISIÈME SECTION. DES FORMES DE PROCÉDURE SUIVIES DEVANT LES COMICES, LE SÉNAT Chap. II. — Procédures qui précèdent le jugement. Chap. III. Des Procédures au jour du jugement.. .Page 133 137 146 LIVRE SECOND. DES LOIS ET DES TRIBUNAUX, QUI ASSURÈRENT LA RESPONSABILITÉ DES MAGISTRATS, DEPUIS LA LOI CALPURNIA JUSQU'AU RÈGNE D'AUGUSTE. Chap. Ier. PREMIÈRE SECTION. DE L'ADMINISTRATION DES PROVINCES. Réflexions préliminaires.. 161 Des Officiers chargés du gouvernement des Provinces, Proconsuls, Préteurs, Questeurs, Legati, etc..... 166 SECONDE SECTION. HISTOIRE DES LOIS ET DES TRIBUNAUX CRIMINEls pendantT LE VII SIÈCLE. Chap. Ier. Réflexions générales sur le caractère des Quæs tiones Perpetuæ.... Chap. II. Des premiers procès de Concussion. - De la Loi Calpurnia et de la Loi Junia.......... Chap. IV. - Des procès de concussion qui suivirent les Lois Calpurnia et Junia.... Chap. V. - Tiberius Gracchus. 183 192 196 203 205 209 216 219 228 231 233 242 245 |