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les environs de Thurium', il remplit si bien cette mission que le surnom de Thurinus lui resta comme un titre de gloire. En Macédoine, il montra autant de justice que d'habileté militaire, dispersa dans un grand combat les Besses et les Thraces, et traita les alliés avec tant de modération que Cicéron, en adressant à son frère Quintus des conseils de sage administration, le lui présentait comme exemple. Dès lors la réputation qu'il s'était acquise lui permettait d'aspirer au consulat, et telle était, à son retour, son intention, lorsque la mort l'enleva subitement. Il laissait, dit Suétone3, d'Ancharia, sa première femme, une fille nommée Octavie, et d'Atia, sa seconde femme, une autre Octavie et un fils, alors âgé de quatre ans, Octave. Or Atia avait pour père M. Atius Balbus, de famille sénatoriale et qui par alliance tenait de très près au grand Pompée; pour mère elle avait Julie, sœur de J. César. Octave était ainsi le petit-neveu du dictateur, lequel, n'ayant pas de fils, n'avait pas d'héritier plus direct que lui.

J'entre dans ces quelques détails généalogiques parce que, si les flatteurs d'Auguste ont voulu lui trouver des aïeux dont l'illustration remontait jusqu'au règne de Tarquin l'Ancien et de Servius Tullius, ses détracteurs, à l'exemple de Marc Antoine, qui, au dire de Cicéron, accumula souvent toute espèce d'injures et de propos amers contre lui, traitaient avec dédain ses ancêtres maternels, prétendant que son bisaïeul était de race africaine et avait exercé, à Aricie, quelques-uns disaient le commerce de parfumerie, d'autres le métier de boulanger. La vérité est qu'Octave, sans se targuer d'une noblesse exagérée, s'attribuait lui-même pour origine une famille de chevaliers ancienne et riche, dont son père avait été le premier

(1) Suét., Oct. Aug., 3.

(2) Epist. ad Quint. fratr., I. 1.

Les titres du père d'Octave sont rappelés par l'inscription qu'on trouvera dans les recueils de Gruter, p. CCXXV,

n. 7, et d'Orelli, n. 592.

(3) Suét., Oct. Aug., 4.

membre sénateur; qu'il porta quelque temps, en souvenir de celui-ci, le surnom de Thurinus'; et que, par sa mère, il était sans conteste le plus proche parent de J. César qui, dans une harangue au peuple, n'avait pas craint de proclamer hautement «qu'il y avait dans sa race tout à la fois la sainteté des rois et la majesté religieuse des dieux'. » Atia d'ailleurs avait les mérites de la femme romaine instruite et distinguée. Sans les posséder sans doute au même degré que la grande Cornélie, à laquelle on l'a comparée plus d'une fois3, elle sut entourer ses enfants des soins les plus intelligents et leur donner à tous les deux une éducation tout à fait digne de la situation élevée que la fortune leur réservait. Peu après la mort d'Octavius, probablement sur le conseil de J. César, elle contracta une nouvelle union avec un ami de ce dernier, avec L. Marcius Philippus, fils du grand orateur, personnage très estimé et de la plus haute notoriété, d'un àge avancé déjà, et qui, dans les moments que ne réclamaient pas de lui les affaires politiques, s'associa, avec non moins de bonté que d'expérience, à la noble tâche qu'elle avait entreprise'. César lui-même s'y intéressait vivement.

Une éducation si soigneusement dirigée", lorsqu'elle est

(1) Suet., Oct. Aug., 7.

(2) J'ai cité cette harangue dans la 1re partie de l'Hist. de la litt. lat., tome III, ch. I, 1.

(3) Cette comparaison n'a pas été employée seulement par les adversaires d'Auguste; l'auteur du Dialogue sur les orateurs s'en est servi en parlant (ch. 28) du grand avantage de l'austére et sage discipline exercée sur leurs enfants par certaines mères dévouées à leur devoir.

(4) Vell. Patere., Hist. rom., 59.

(5) Pour ce qui concerne l'éducation, les études et les écrits d'Auguste, voir J. A. Fabricius, Imp. Cæs. Augusti temporum notatio, genus et scriptorum fragmenta, Hamburg, 1727, in-4; et surtout les dissertations de A. Weichert I. De Cæsaris Augusti juventute, magistris ac studiis; II. De Cæsaris Augusti apophthegmatis, jocis et strategematis, Grima, 1835-1836, in-4; dissertations que l'auteur entreprit un peu plus tard de refondre entièrement et de compléter dans le travail qu'il intitula Imper. Cæsaris Augusti operum reliquiæ, Grima, 1841-1846, in-4.

reçue par un esprit naturellement ouvert aux leçons qu'on lui donne, le développe rapidement. Les effets s'en firent remarquer de bonne heure, s'il est vrai, comme le rapportent Suétone et Quintilien', qu'à l'âge de douze ans Octave fut capable de prononcer à la tribune aux harangues l'éloge funèbre de son aïeule Julie. Ces éloges, à la vérité, faits d'après un même modèle et composés surtout d'espèces de formules qui répétaient avec les mérites du mort les titres d'honneur des aïeux, ne demandaient pas beaucoup d'invention; les grandes familles, comme celle de César, avaient toujours tout prêts dans leurs archives les documents nécessaires; et si nous réfléchissons en outre à l'aide que le jeune orateur put recevoir de quelqu'un de ses maîtres, nous ne rejetterons pas comme invraisemblable, bien que tout d'abord il nous surprenne, le récit de ce phénomène d'éloquence précoce, auquel ajoutait foi, remarquons-le bien, le si compétent auteur de l'Institution oratoire3.

Je crois, pour ma part, que la chose eut lieu et qu'elle se fit sur l'avis et d'après les instructions de J. César lui-même. Tenant à cœur de préparer en son petit-neveu celui qui pouvait hériter de sa puissance, César devait juger utile de le produire en public de bonne heure et par un fait anormal, capable d'attirer sur lui l'attention et l'admiration du peuple. Ce qui me porte à le croire, c'est la hâte qu'il mit ensuite à lui accorder toutes sortes d'honneurs : à quinze ans, il lui donna pour robe virile le laticlave', insigne de la dignité sénatoriale, presque tout de suite après, un ponti

(1) Suét., Oct. Aug., 8; Quintil., Inst. orat., XII, 6, 1.

(2) Nicolas de Damas, historien contemporain, qui outrait volontiers l'éloge, dit (ch. 3) que ce fut à l'âge de neuf ans.

(3) Remarquons aussi que le même fait, sans doute par imitation, se reproduisit peu après à plusieurs reprises: Tibère et Caligula passent pour avoir prononcé à la tribune aux harangues, alors qu'ils étaient revêtus encore de la prétexte, l'un l'éloge de son père et l'autre celui de sa bisaïeule Livie; le second, il est vrai, avait seize ans, mais le premier n'en avait que neuf. Cf. Suét., Tib., 6; Calig., 10.

(4) V. Duruy, Hist. des Rom., in-8 jés., tome III, p. 435.

ficat', puis, à l'occasion du triomphe qui célébra la fin de la guerre d'Afrique, des récompenses militaires, bien qu'il n'eût pas fait partie de l'expédition. Il le fit venir alors en Espagne pour la guerre contre les fils de Pompée, et là, au milieu de ses légions, il lui témoigna la plus vive affection 3, le faisant habiter et voyager toujours à ses côtés, cherchant dans cette vie commune à développer en lui, avec la science de la direction d'une armée, les connaissances les plus variées. A peine les affaires hispaniques terminées, comme il projetait de l'emmener bientôt dans une expédition contre les Parthes, il l'envoya à Apollonie, accompagné de savants qui devaient parfaire ses études littéraires', en même temps que sa participation aux manœuvres des troupes qui se réunissaient en Macédoine compléterait son éducation militaire. Il lui assura même, croit-on, pour un avenir prochain la charge enviée de maitre de la cavalerie. En aucune circonstance, vous le voyez, César ne négligeait rien soit pour l'instruire soit pour le mettre très en vue devant le peuple ou devant l'armée.

Octave, d'un caractère froid, prudent, avisé, se gardait bien de commettre dans sa conduite quoi que ce fût qui pût indisposer contre lui un oncle si puissant et si généreux. Il sentait au cœur une ambition qui de jour en jour devenait plus grande, avivée qu'elle était par tant d'honneurs reçus en un àge où nul autre n'eût pu les espérer. Aussi,

(1) Vell. Paterc., Hist. rom., 59.

(2) Suét., Oct. Aug., 8.

(3) Nicolas de Damas, 10-12; Vell. Pat., loc. cit.

(1) Certains traducteurs ou commentateurs de Suétone et de Velleius Paterculus, lisant dans ces auteurs que César avait recommandé qu'Octave ětudiat à Apollonie, ont parlé des écoles de cette ville Mais Apollonie, bien que grande et imposante ville, magnam urbem et gravem, comme l'appelle Cicéron, n'a jamais passé pour avoir possédé des écoles fréquentées par les jeunes Romains; l'enseignement qu'y reçut Octave lui fut particulier. (5) Voir dans Imp. Cæs. Aug. script. reliq. de Weichert, p. 18-21, comment est commenté en ce sens le passage d'Appien (Bell. civ., III, 9) qui a rapport à la collation de ce grade par César à Octave.

comme il se rendait parfaitement compte de l'utilité que devaient avoir pour lui, dans la brillante carrière qu'il rêvait, toutes les études auxquelles César désirait qu'il se livrât, il y montrait une ardeur continue de manière à mériter des maîtres préposés à son instruction les témoignages d'une entière satisfaction.

Ces maîtres durent être nombreux. En ce qui concerne la littérature, sans savoir avec précision ni la date à laquelle commença ni le temps que dura l'enseignement de chacun, nous en connaissons quatre ou cinq.

Le premier par ancienneté fut un certain Sphærus, qui vraisemblablement faisait partie de la maison d'Atia; par l'intelligence et le dévouement dont il fit preuve dans l'exercice de ses délicates fonctions il mérita l'affranchissement, et il mourut dès l'année 714, date à laquelle Dion Cassius nous apprend que son ancien élève lui fit des funérailles'.

Areus d'Alexandrie semble être celui qui vint le second. La partie élémentaire de l'instruction d'Octave étant terminée, il était naturel qu'on en confiât la direction à un des plus honorables parmi les savants qui venaient alors à Rome pour y enseigner, avec l'art de penser, celui de bien dire en latin et en grec. Areus, dont la vie, le savoir et l'aptitude étaient connus de César, convenait d'autant mieux à cette charge qu'il était père de deux fils parfaitement élevés, Nicanor et Denys, qui, admis à se mêler à la vie de l'élève, pouvaient non seulement exciter son ému

(1) XLVIII, 33.

(2) Areus est généralement classé au nombre des philosophes stoïciens. Cf. Fabricius, Bibl. græc., vol. III, p. 540. La plupart des commentateurs croient aussi que c'est lui qui avait écrit sur l'art oratoire le traité dont Quintilien parle à plusieurs reprises (Inst. orat., II, ch. 15, 35; III, ch. 1, 16; VII, ch 3, 12). Cependant Jonsius (De script. hist. phil., III, ch. 41, 3) fait du rhéteur et du philosophe deux Areus distincts. Mais on sait que, depuis Aristote et Théophraste, comme le remarque d'ailleurs Quintilien dans le second des passages cités ici, les philosophes s'appliquèrent avec plus de zèle encore que les rhéteurs à donner des préceptes exacts sur la rhétorique.

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