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première fois dans sa vie, avec cet à propos et cette délicatesse dont il était doué, se chargea de lui offrir.

Dans la société de Mécène et reçu par Octave, il passa alors quelque temps à Rome. Il écrivit la X Églogue, dans l'année 37, et non auparavant comme E. Krause le suppose avec O. Ribbeck, puisqu'il y est question d'une Lycoris qui a abandonné Corn. Gallus pour suivre un officier dans l'expédition dirigée sur le Rhin et qu'après J. César il n'y eut aucune armée romaine conduite sur le Rhin avant 37'. Il prenait soin d'annoncer dès le premier vers de cette composition qu'elle serait la dernière de ce. genre:

Extremum hunc, Arethusa, mihi concede laborem.

Notons ici qu'en répondant à l'amitié de Mécène et d'Octave il ne faisait rien de contraire à ses sentiments politiques. Depuis longtemps il avait témoigné ses opinions. N'avait-il pas, dans des vers écrits avant la composition des Bucoliques et qu'il inséra dans l'une d'elles 2, parlé de

moine ou lui donna-t-on en compensation un autre domaine plus sur? Cette dernière hypothèse est la plus probable rien n'indique qu'il soit revenu à Andes après ces événements.

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(1) En résumé, l'ordre chronologique de la composition des Eglogues, d'après le systéme qui vient d'être expliqué, est le suivant: UI, III, V, IV, VI, VII, VIII, I, IX, X. II différe sensiblement de celui qu'on adopte le plus souvent et qui place I et IX immédiatement après II, III, V, parce qu'on suppose que Virgile aurait été tout d'abord dépouillé de son domaine, puis rétabli dans ses droits, puis molesté par les vétérans et en fin de compte maintenu. Une chose toutefois s'accorde dans les deux systèmes : c'est l'antériorité de I par rapport à IX. Mais cet ordre mème se trouve interverti, à l'exemple du Pseudo-Probus, par H. Nettleship (Ancient Lives of Vergil with an essay on the poems of Vergil in connection with his life and times, Oxford, 1879, p. 42) et par E. Krause (Quibus temporibus, quove ordine Verg. Eglogas scripserit, Berlin, 1884, p. 14). Les travaux consciencieux ed lant de savants d'opinions opposées montrent combien de pareilles recher ches chronologiques rencontrent d'obstacles et comment parfois il est prudent de ne pas tenir absolument à préciser certains détails lorsque d'ailleurs on peut, sans cela, se représenter assez bien les vicissitudes de la vie d'un homme et se rendre compte des sentiments de son ame. (2) Voir plus loin l'analyse de l'Églogue IX.

cette comète qui se montra pendant les Jeux funèbres célébrés en l'honneur du dictateur, dans laquelle la superstition populaire avait voulu voir l'àme même du grand homme et qu'Octave s'était empressé de faire figurer par une étoile d'or sur la tête de la statue de son père adoptif ? Il est évident que Virgile n'avait jamais été du parti des meurtriers de César. La vue des ruines causées par les guerres civiles, qui devait produire une si grande impres sion sur sa sensibilité, ne contribua pas peu à le confirmer, comme bien d'autres, dans le désir qu'une main ferme y mit une fin. Et s'il est certain que les avances qui lui furent faites par Mécène lui devinrent avantageuses, il n'est pas douteux non plus qu'il n'eut rien à renier de son passé ni de ses idées du moment pour s'engager dans des relations si favorables à sa carrière et à sa gloire littéraire.

Quelque prix d'ailleurs qu'il attachât à ces relations, quelque agrément d'esprit qu'il y trouvât, il ne s'en rendit jamais l'esclave. Rien ne le prouve mieux que ses absences fréquentes de Rome, où il posséda une maison sur le mont Esquilin près des jardins de Mécène, et l'empressement qu'il mit toujours à se réfugier à la campagne, séjour de prédilection qui lui offrait, avec une vie semblable à celle du passé, la contemplation poétique de la nature et la pleine tranquillité nécessaire à ses chers travaux. Les moyens de satisfaire son goût ne lui manquèrent pas, s'il est vrai que, grâce aux libéralités de ses puissants amis, il eut, non seulement une propriété en Campanie', mais une aussi dans les environs de Tarente.

C'est en effet à Tarente que nous le voyons presque aussitôt après la composition de sa dernière Églogue. La vie mondaine et agitée de la ville avait dû, à cette époque surtout, lui être singulièrement à charge. Les graves soucis qu'il venait d'éprouver au sujet de son patrimoine, le renoncement forcé à son domaine familial et à toutes ses habitudes quotidiennes laissaient en son âme, malgré la

(1) Aul. Gel., Noct. Att., VII, 20, 1.

compensation qu'il avait reçue, l'amère tristesse d'une spoliation subie, d'une sorte d'exil. Cet événement pénible s'était même produit peu après les malheurs domestiques. les plus cuisants son frère et sa mère étaient morts récemment, et des parents qu'il avait tendrement affectionnés il ne lui restait plus que son demi-frère Proculus; jugez de la profonde affliction d'une âme aimante comme la sienne. Ajoutez à tout cela que sa santé s'était sensible-ment altérée et vous comprendrez quel besoin il avait senti d'aller chercher loin de Rome, pour quelque temps, une paisible retraite.

A peine arrivé dans la campagne qu'arrose le Galèse', au milieu des bois de pins dont parle Properce, il s'occupa, puisqu'il s'était résolu à ne plus composer d'églogues, de publier le recueil complet de celles qu'il avait écrites. C'est à cette publication que bien certainement fait allusion Properce lorsque, résumant dans une de ses élégies 3les divers titres de gloire du poète de Mantoue, il considère les Bucoliques comme ayant été produites à l'ombre des bois. du Galèse :

Tu canis umbrosi subter pineta Galesi
Thyrsin, et...

(1) Le séjour de Virgile sur les bords du Galæsus est rappelé par la IVe Géorgique dans la description de la petite propriété du vieillard de Tarente:

Namque sub Ebaliæ memini me turribus altis,
Qua niger humectat flaventia culta Galæsus,
Corycium vidisse senem...

V. 125-127.

(2) M. Schaper, suivant un système qui a été souvent réfuté, suppose deux publications faites par Virgile et place celle des Eglogues IV, VI et IX après la composition des Géorgiques seulement. M. Sonntag suppose aussi deux. recueils, l'un comprenant les Égl. II, III, V, IV, VII, VIII, offert à Pollion en 'an 39, l'autre comprenant les Égl. I, VI, IX, X; mais M. Cartault m'a semblé avoir raison de n'accepter ni cette théorie des deux recueils, ni la postériorité de l'Égl. VI à l'Égl. VIII.

(3) Ad Lynceum poetam, Eleg. II, 36, v, 61 sq.

IV

Il avait en même temps une autre œuvre sur le chantier. Mécène, d'accord en cela comme en presque toutes choses avec Octave, lui avait conseillé d'appliquer son amour des choses rustiques à un travail plus élevé que celui de simples poésies légères. Il lui avait montré combien il importerait à l'Etat de rendre à la vie des champs. sa considération et de créer, non pas seulement parmi les vétérans mis en possession de terres, mais aussi et surtout chez les chefs des grandes familles qui, sans avoir perdu tout souvenir des vertus de leurs ancêtres, semblaient, en dehors des guerres civiles, ne savoir plus que faire, un mouvement d'opinion en faveur de l'agriculture, cette féconde mamelle à laquelle puisaient leur vigueur de caractère les Caton, les Fabius, les Cincinnatus et tous les grands hommes de la Rome antique. Peut-être même. Octave était-il intervenu personnellement et, sans entrer autant que Mécène dans des considérations politiques, avait-il eu l'habileté de faire appel à sa bonté d'âme en lui disant le service que pourrait rendre aux agriculteurs inexpérimentés un livre où seraient enseignés, en vers qui, par la frappe, s'imposeraient à leur esprit, les préceptes. d'une science si nécessaire à la bonne direction de leurs incessants et rudes travaux. Il l'aurait engagé en quelque sorte à une entreprise philanthropique. Du moins le mot introduit au commencement du poème dans l'invocation adressée au maitre tout-puissant semble indiquer un rôle de ce genre:

Ignarosque viæ mecum miseratus agrestes.

I, v. 41.

Ne nous arrêtons pas cependant, plus qu'il ne faut, à l'interprétation de ce vers en ce qui concerne l'intervention

d'Octave; tenons seulement pour assurée celle de Mécène. Virgile n'a pas caché qu'il avait reçu de lui une invitation pressante:

...Tua, Mæcenas, haud mollia jussa.

III, v. 41.

Mais s'il a rappelé ainsi l'avis que lui avait donné l'intime conseiller d'Octave, ce n'était pas qu'il l'eût suivi à contrecœur, loin de là. Arrivé à la maturité de l'âge, il sentait, depuis quelque temps déjà, qu'on doit en écrivant rechercher un autre but que le plaisir qu'on éprouve à composer, et son aspiration secrète de faire non plus œuvre d'agrément, mais œuvre utile, répondait trop bien aux desseins de l'homme d'État pour qu'il ne s'empressât pas de donner dans le sens indiqué une forme définie à la pensée, vague encore, qu'il avait conçue. Il s'était rendu compte tout de suite de l'importance de la tâche qu'il assumait : << Sans toi, disait-il à Mécène, mon âme n'entreprend rien de grand »,

Te sine nil altum mens inchoat....

1

III, v. 42.

et il ne doutait pas que la gloire lui serait assurée, s'il l'exécutait à souhait. Il s'y attacha et y travailla sept années.

Est-ce à dire que dans ce long espace de temps (de l'an 37 à l'an 30) il ait vécu constamment dans la retraite? Assurément non. Ses goûts le portaient de préférence dans sa propriété de Campanie, aux environs de Naples et de Nole, mais il ne négligeait pas de venir parfois à Rome pour y entretenir avec ses amis, devenus plus nombreux, les relations suivies que lui commandait son affection pour eux. Nous n'ignorons pas, en effet, quels charmes il trouvait à l'amitié. Tous les témoignages anciens, conformes à ce que disait de lui Asconius, nous le représentent comme un

(1) Cf. Georg., III, 8 sq.

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