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faisait désormais partie du patrimoine du peuple romain et l'auteur n'avait pas eu le droit, dans une heure de désespoir, d'en commander la destruction, Une pièce de trentecinq hexamètres qui lui avait été attribuée, mais qui, avons-nous déjà dit1, n'est pas de lui, nous le montre prenant la décision, contraire aux lois, qui sauva l'Eneide:

Ergone supremis potuit vox improba verbis

Tam dirum mandare nefas? Ergo ibit in ignes
Magnaque doctiloqui morietur Musa Maronis?
Ah scelus indignum !...

Sed legum est servanda fides; suprema voluntas
Quod mandat fierique jubet, parere necesse est.
Frangatur potius legum veneranda potestas,
Quam tot congestos noctesque diesque labores
Hauserit una dies!

v. 1-5; 14-19.

Quoi! Dans ses dernières paroles une voix injuste a pu ordonner un si affreux sacrilège ? Quoi! on livrerait aux flammes et à la mort la muse puissante de l'éloquent Virgile! O crime indigne!... Mais les lois doivent être observées; une volonté dernière ordonne et décide il faut lui obéir. Ah! que soit donc brisée l'autorité vénérée des lois plutôt que de laisser détruire en un seul jour l'œuvre accumulée de tant de jours et de nuits!

Ces vers n'ont pas la beauté que leur attribue un jugement de Voltaire, mais l'acte d'Auguste, qui d'ailleurs portait en lui-même sa récompense, a été approuvé du monde entier. En chargeant Varius et Plotius Tucca de reviser et de publier l'Enéide, il a sauvé pour toute la suite des siècles une des œuvres les plus pures de la littérature ancienne et de l'intelligence humaine.

La revision n'en fut pas longue. Les deux amis de Virgile n'avaient pour mission que de mettre le texte en ordre

(1) Ci-dessus, p. 158.

(2) Ils semblent beaux et semblent partir du cœur. » Essai sur la poésie épique, ch. 3.

en faisant un choix entre les différentes leçons que, dans certains passages, l'auteur avait laissées incertaines : ils ne devaient rien y ajouter. Ils ne complétèrent même pas les vers restés inachevés. Et la publication ne se fit pas attendre. Car Horace, dans l'hymne officiel qu'il composa, deux ans à peine après la mort de Virgile, pour la célébration des Jeux séculaires, fait à plusieurs reprises des allusions formelles aux événements racontés par l'Énéide; il en adopte la donnée, il voit en Auguste l'illustre petit-fils d'Anchise et de Vénus, et il le représente :

Bellante prior, jacentem,
Lenis in hostem,

noble attitude qui fait penser aussitôt au beau vers de l'Enéide:

Parcere subjectis et debellare superbos 1.

Il est probable qu'Auguste avait tenu à ce que la publication du poème consacré à la glorification de sa maison et du peuple romain précédât la fête splendide qu'il avait imaginée pour célébrer la grandeur de Rome et la sienne*.

A cette date, Virgile, qui, grâce à lui, n'avait été privé d'aucun de ses titres de gloire, reposait, selon le désir qu'il avait exprimé en mourant, sur le territoire de Naples, dans. la tombe sur laquelle on avait gravé cette épigraphe qu'il s'était, dit-on, préparée à lui-même :

Mantua me genuit, Calabri rapuere, tenet nunc
Parthenope; cecini pascua, rura, duces 3.

(1) Æn., VI, v. 853.

(2) Cf. art. de M. G. Boissier, intitulé La Publication de l'Énéide, dans la Revue de Philologie, tome VIII, 1864, pp. 1-4.

(3) « Mantoue m'a donné le jour, les habitants de Calabre m'ont ravi, maintenant c'est Parthenope qui me détient; j'ai chanté la vie pastorale, l'agriculture, les héros. »>

CHAPITRE II

PETITS POÈMES QUI ONT ÉTÉ ATTRIBUÉS A VIRGILE.

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I. Plusieurs ne lui appartiennent pas; mettre dans cette catégorie ceux qui sont intitulés : De viro bono et prudente; — De rosis nascentibus et senescentibus; De est et non monosyllabis; In obitum Mæcenatis et De Mæcenate moribundo; - Etna; Diræ. II. D'autres, quoique l'authenticité n'en soit pas prouvée, peuvent être de lui, ont d'ailleurs une valeur indiscutable et figurent, non sans raison, dans les éditions complètes de ses œuvres. Le Culex. III. La Ciris. IV. Le Moretum. -V. La Copa. - VI. Le recueil intitulé Catalecta.

I

Il n'est pas permis, au moment d'entreprendre l'analyse des œuvres de Virgile1, de passer sous silence tous les petits poèmes qui lui ont été souvent attribués. La plupart, je l'ai déjà dit, ne sont certainement pas de lui et il n'en

(1) C'est le moment aussi de dire quelques mots des manuscrits qui servent à établir le texte des divers ouvrages de Virgile. Nous en possédons sept écrits en lettres capitales et par conséquent très anciens, puisque cette écriture ne s'est guère maintenue en Italie longtemps après l'invasion des Barbares. Le plus ancien de tous est l'Augusteus, ainsi nommé par Pertz parce que ce savant, qui en a le premier rassemblé les fragments, le croyait contemporain d'Auguste; on peut le faire remonter, sinon au er, du moins au e ou au siècle; on en a 7 feuillets, dont 4 sont conservés au Vatican et 3 à la bibliothèque royale de Berlin. Viennent ensuite, dans l'ordre chronologique, le Sangallensis et le Veronensis du ve s., le Vaticanus, le Mediceus et le Palatinus du ve s., le Romanus du vie s. Le Sangal

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est même pas un dont on puisse affirmer nettement l'authenticité. Mais on ne saurait méconnaître l'intérêt qui s'attache à des morceaux si souvent commentés et dont plusieurs ont un mérite assez grand pour avoir maintenu jusqu'aujourd'hui, chez les érudits les plus experts, la dis

lensis (Bibl. du chap, de Saint-Gall, n. 1394) se compose de 12 feuillets, dont 1 porte seulement un titre et les 11 autres une partie du liv. IV des Georgiques avec des fragments des trois premiers livres de l'Énéide. Le Veronensis (Bibl. capit. de Veroue, n. 40), qui n'est pas seulement en écriture capitale du Ive s., mais aussi en écriture mérovingieune du vine s., se compose de 344 feuillets, dont 128 palimpsestes. Mai et Keil en ont tiré les Scholia Veronensia, recueil attribué à Probus. Le Vaticanus (Bibl. du Vatic., lat. n. 3225) qui, après avoir appartenu au cardinal Bembo, a été donné au Vatican par Fulvio Orsini, ne contient que des fragments épars des Géorgiques et de l'Énéide. Le Mediceus (Bibl. Laurent., XXXIX, 1) forme un volume de 220 feuillets qui contiennent les Bucoliques depuis VI, v. 48, les Géorgiques et l'Énéide en entier. Étudié d'abord par Alde Manuce, puis par Nic Heinsius, il a été publié par Foggini en 1741. Le Palatinus (Bibl. du Vatic., lat. n. 1631) provient de la bibliothèque palatine de Heidelberg et se compose de 571 feuillets. On en trouve une collation dans l'édition de Ribbeck qui lui attribue une grande importance. Le Romanus (Bibl. du Vat., lat. n. 3867) qui, au x11e siècle, appartenait peut-être à un des monastères dépendants de l'abbaye de Saint-Denis, contient, en 309 feuillets, toutes les œuvres de Virgile, mais avec quelques lacunes. Ces manuscrits, comme l'a reconnu Ribbeck, dérivent d'un archetype qui renfermait huit vers à la page et qui, d'après les fautes qu'il contenait, peut passer pour avoir été écrit sous la dictée; ils n'en sont pas moins les meilleurs de tous. D'autres, moins anciens et moins importants, ne laissent pas que d'avoir leur utilité pour combler certaines lacunes ou confirmer certaines leçons. Tels sont les trois manuscrits de Berne dont le premier, du xe s., ressemble au Romanus, et les deux autres, du 1x s. (n. 165, vol. de 219 feuil., renfermant Bucoliques, Géorgiques et Énéide jusq. XII, 918 avec de nombreuses gloses mar. ginales; et no 239, vol. de 148 feuil. contenant l'Énéide I, 321 XII, 681) représentent assez bien le Veronensis. Tel est le manuscrit de la biblio thèque ducale de Wolfenbüttel, le Gudianus coder, du xe s., vol. de 27 feuil., où l'Enéide a une lacune au Liv. II, v. 567-588, et dont l'analogie avec le Palatinus est assez grande pour qu'on puisse le consulter à défaut de celui-ci. Tel est encore celui de Prague (Bibl. du chap., L. 86), du xie S., vol. de 198 feuil., qui présente au livre II de l'Enéide la même lacune que le codex Gudianus et dont M. Kviczala, dans deux études publiées à Prague en 1878 et 1881, a montré l'importance. Notre Bibliothèque nationale possède aussi un assez grand nombre de ces manuscrits: les uns du 1x S., comme le no 7506, vol. de 96 feuil., qui contient des fragments de l'Énéide;

cussion toujours ouverte sur la question d'une telle origine.

Au nombre de ceux que, d'un accord général, on rejette maintenant en dehors de la collection des œuvres du grand poète, est celui qui porte pour titre De viro bono et prudente. Il se compose de vingt-six hexamètres et représente

le no 7929, vol. de 133 feuil., qui renferme les sept derniers livres de l'Énéide et dont le texte est souvent celui du Romanus; le no 7926, vol. de 207 feuil., où l'Énéide est mutilée à partir de XII, 138; le n° 7925, vol. de 161 feuil., avec de uombreuses gloses et le carmen Octaviani; les autres du xe s., comme le no 10367, vol. de 246 feuil.; le no 7927, vol. de 126 feuil., où sont les petits poèmes et le carmen Octaviani; etc.; tous manuscrits dont on trouvera d'excellents fac-simile dans la précieuse Paléographie des classiques latins de M. Émile Chatelain.

A la suite de cette nomenclature il n'est pas indifférent non plus de mentionner les éditions où les érudits ont le mieux arrêté le texte des œuvres complètes de Virgile. Voici les principales: édition princeps publiée à Rome vers 1469, in-fol; G. Fabricius, avec comm. de Donat et de Servius, 1551, in fol.; J. L. de La Cerda, Madrid, 1608-1617, 3 vol. in-fol.; Dan. Heinsius, Lyon, 4636, in-12; Nic. Heinsius, Amsterdam, Elzévir, 1676; Cum notis variorum, Leyde, 1680; Le P. de la Rue, ad usum Delphini, Paris, 2o éd., 1682: Burmann, Amsterdam, 1746, 4 vol. in-4; Heyne, 3e éd., Leipzig, 1798-1800. 5 vol., reproduite dans la collection N. E. Lemaire, Paris, 1822; Ph. Wagner, Leipzig, 1830-1841, 5 vol., avec de précieuses dissertations intitulées Quæstiones Vergiliana; Hoffmann-Peerlkamp, Amsterdam, 1843; J. Chr. Jahn, Leipzig, 4e éd., 1850; Dübner, Paris (Didot), 1858; Conington, Londres, 1862-1871; Haupt, Leipzig, 1873; A. Forbiger, Leipzig, 4e éd., 1872-1875, 3 vol.; Kappes, Leipzig, 1873-1875; Ladewig, Berlin, 1877, remaniée pour les Bucoliques et les Géorgiques par C. Schaper, Berlin, 1883, et pour l'Eneide par P. Deuticke, Berlin, 1889; les trois éd. de Güthling, de Klouczek et de G. Thilo, Leipzig, 1866; Ribbeck, Leipzig, 1859-1868, éd. minor, 1889; E. Benoist, Paris (Hachette), 1867-1872, 3e tir., 1884, 3 vol. gr. in-8; éd. pet. in-16. 14 tir. revu par L. Duvau, 1901.

La liste dressée par Heyne en 1671 des éditions qui avaient paru depuis 1467 remplissait déjà 75 pages in-quarto; Barbier, dans la collection Lemaire (t. VII), puis Ph. Wagner (t. IV de la 4 éd. de Heyne) l'ont continuée jusqu'en 1832. Aujourd'hui il faudrait plusieurs volumes pour cataloguer toutes les éditions et les travaux d'érudition auxquels ont donné lieu les œuvres de Virgile. J'en citerai plusieurs des plus récents à mesure que l'occasion s'en présentera dans les pages qui suivent; mais ceux de mes lecteurs qui voudraient se livrer à des recherches particulières sur l'ensemble feront bien de recourir aux catalogues de la Bibliotheca philologica classica qui paraissent tous les trimestres avec des tables annuelles.

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