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II

ÉGLOGUE III. PALEMON.- Ménalcas, un tout jeune hommequi fait paître un troupeau appartenant à son père, rencontre Damœtas, à qui Egon, rival en amour de Ménalcas, a confié momentanément la garde de ses moutons. Dépité des assiduités d'Egon auprès de celle qu'il aime, Ménalcas, avec la fougue de son âge, interpelle tout de suite Damotas sur un ton provocateur; celui-ci lui répond avec le sangfroid que donne un àge plus mûr, et tous deux pendant quelque temps s'adressent de mutuelles récriminations. Tel est le préambule, tout en action, de cette églogue qui n'a pas, comme la précédente, d'introduction narrative (v. 1-20).

Accusé d'avoir voulu dérober un chevreau à Damon, Damætas s'en défend en affirmant que la bête lui appartenait, puisqu'elle avait été l'enjeu d'un combat de chant dont il était sorti vainqueur. Ménalcas met insolemment en doute ce mérite poétique et s'attire un défi qu'il lui est impossible d'esquiver. L'importance de l'enjeu que propose Damotas, une génisse, l'embarrasse à cause de la surveillance que son père et sa marâtre exercent sur lui, et il préférerait n'exposer que deux coupes de bois dont il décrit le travail artistique; mais Damœtas, qui possède aussi deux coupes du mème artiste, y trouvant trop peu de valeur, il est

la question de temps soulève des objections: au vers 10, il s'agit de la moisson et, au vers 66, du labourage; au vers 8, on est à une heure encore très chaude du jour, et, au vers 67, l'ombre projetée sur la montagne annonce le coucher du soleil; on est aussi quelque peu surpris de la rapidité d'évolution des divers sentiments qui se succédent, dans l'ame de Corydon, bien qu'en y réfléchissant on comprenne que Virgile avait le droit d'user de la licence des poètes dramatiques pour résumer en quelques instants une action qui, en réalité, n'a pu s'effectuer que dans un tempsassez long.

entraîné par la discussion à mettre au combat le prix demandé. En ce moment même arrive à propos le voisin Palæmon qu'ils prennent pour arbitre: tous les trois s'installent commodément sur un tendre gazon; le juge fixe gravement les tours de parole et indique comme forme du débat le chant amébée :

Incipe, Damœta; tu deinde sequere, Menalca,
Alternis dicetis; amant alterna Camenæ.
v. 58-59.

Commence, Damætas; puis toi tu répondras, Ménalcas; vous chanterez alternativement, les chants alternés plaisent aux Muses.

Douze fois Damotas prend la parole et s'exprime en deux vers, tantôt poursuivant le même sujet, tantôt changeant de matière brusquement pour mettre en défaut son adversaire. Il commence par une invocation à Jupiter, continue par cinq distiques amoureux ayant rapport, les trois premiers à Galatée, le suivant à Phyllis, le dernier à Amaryllis, en consacre ensuite deux à l'éloge de Pollion, puis trois à des sujets rustiques variés, et finit en proposant une énigme. Chaque fois Ménalcas lui répond, en deux vers également, et selon les règles de ces sortes de débat, c'està-dire en suivant toujours la pensée de son émule, mais sans perdre pour cela toute liberté d'invention, puisqu'il a le droit de recourir, tantôt à l'analogie ou au renchérissement, tantôt à l'ironie ou au contraste. C'est le procédé de l'analogie, soit pure et simple, soit avec tendance à diversifier, qu'il suit dans la réponse aux couplets I, IX, XI et XII, celui de l'enchérissement sur l'idée pour les couplets III, VII, X, celui du contraste pour II, VI, VIII, et celui de la raillerie et du persiflage pour IV et V. Entre les deux concurrents, dont l'un, entièrement libre, doit briller par le bonheur et l'imprévu des thèmes qu'il propose, et l'autre, qui, ne jouissant pas de la même indépendance, ne peut faire valoir son mérite que par la souplesse avec laquelle il oppose chacune de ses répliques à chaque couplet pro

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noncé, l'auteur naturellement, pour qu'on ne puisse pas l'accuser de faiblesse dans une partie de son œuvre, maintient la partie égale. Si bien que l'arbitre Palæmon, à la fin du débat, peut, sans nous étonner, ne se prononcer ni pour l'un ni pour l'autre et les déclarer tous deux dignes de la victoire.

Dans cette Églogue III Virgile a fait, comme pour l'Eglogue II, beaucoup d'emprunts à Théocrite. Il s'est de nouveau servi de deux Idylles, de l'Idylle V pour modèle principal et de l'Idylle IV pour modèle secondaire, sans se priver d'en imiter plusieurs autres encore dans quelques détails.

L'Idylle V, qu'il a eue surtout en vue, nous représente un chevrier de Sybaris et un berger de Thurium qui, venant à se rencontrer sur les rives du Crathis, s'injurient, s'accusent réciproquement de s'être volés et protestent tous les deux sans se convaincre, quand l'un soudain provoque l'autre à un combat poétique. Le défi est accepté, mais ils s'injurient de nouveau en se disputant au sujet de l'enjeu comme sur le choix de l'endroit où aura lieu le débat. Enfin ils appellent un bûcheron qui doit servir de juge et commencent leurs chants, alternés par couplets de deux vers. Ils y parlent de leurs troupeaux, de leurs amours dont ils discutent le mérite, des cadeaux qu'ils peuvent donner, de leurs vices qu'ils se reprochent l'un à l'autre, de leurs aventures, de leurs voeux, de la nourriture de leurs bêtes, et il leur arrive mème d'interpeller, l'un ses chèvres, l'autre ses moutons, qui ne se tiennent pas suffisamment tranquilles pendant cette joute poétique. Lorsque le bûcheron s'est fait une opinion, il les arrête et décerne le prix au chevrier, à qui il recommande de lui envoyer un bon morceau le jour où il sacrifiera cet agneau aux nymphes. Le chevrier laisse entendre l'expression de sa joie.

Ces quelques mots d'analyse de la pièce grecque montrent combien le poète latin en a profité et combien aussi il s'en est écarté. La scène initiale des injures a été composée par lui avec habileté; chacun des deux hommes s'y trouve avoir un caractère bien distinct; les paroles

méchantes renferment plus d'ironie que de rustique violence. Il a inventé l'épisode du vol du bouc de Damon, et, en donnant à Damotas la facilité d'expliquer noblement que la chose emportée était le prix légitime d'une victoire poétique, il a trouvé la plus naturelle des transitions pour faire passer ses deux personnages de l'échange des injures à la provocation au chant. Il a développé la contestation sur l'enjeu en y rassemblant, profondément modifiés,divers traits épars en d'autres Idylles, et, par contre, il a supprimé la discussion sur le choix de l'endroit de la lutte. Il a donné à ce débat un arbitre de condition moins humble que le bûcheron, et qui sait, avec dignité, en s'installant, prononcer quelques paroles de circonstance, puis aussi rendre sa sentence sans rien demander. Enfin, le débat poétique n'a pas chez ses personnages le caractère personnel qu'il a chez ceux de Théocrite: ceux-ci conservent en chantant leur animosité première et ne dialoguent que sur eux et sur leurs affaires; ceux de l'Eglogue, au contraire, comme s'ils oubliaient leur querelle, donnent à leur chant un caractère idéal, parlent, tout en employant la première personne, d'amours qui ne sont pas les leurs et de choses qui leur sont étrangères, à ce point que Virgile y a trouvé moyen, non seulement d'adresser des compliments à son protecteur Pollion, mais encore de mêler à cet éloge des railleries contre Bavius et Mævius, deux poètes contemporains qui appartenaient à une école différente de la sienne. Théocrite évidemment se rapprochait davantage de la nature et du type réel'du poème amébée; mais Virgile restait lui-même en répondant à un besoin d'élégance et de noblesse; son originalité certes est plus accentuée ici que dans l'Eglogue II.

Elle le sera davantage encore dans le poème suivant.

III

ÉGLOGUE V. DAPHNIS. Ainsi que dans l'Eglogue précédente, il n'y a pas de préambule narratif et les personnages se présentent d'eux-mêmes: ce sont également deux pâtres, d'àges et de caractères différents : Ménalcas, plus âgé et plus calme, est surtout un bon poète; Mopsus, plus jeune et quelque peu infatué de son mérite, surtout un bon joueur de syrinx :

Tu calamos inflare leves, ego dicere versus.

v. 2.

Toutefois l'entrée en matière est loin de ressembler à l'autre. Au lieu des paroles méchantes que s'envoyaient Damotas et son rival, ceux-ci s'abordent en se témoignant beaucoup d'égards. Au plus âgé, qui lui propose de s'asseoir à l'ombre des ormes et des coudriers, le plus jeune répond qu'il est tout prêt à lui obéir, mais lui montre dans le voisinage une grotte, tapissée de vigne vierge, qui lui semble un endroit préférable, et Ménalcas non seulement se rend aussitôt à son avis, mais, tout en se dirigeant vers la grotte, lui adressse un compliment sur lequel il ne tarde même pas à renchérir pour lui donner pleine satisfaction (v. 1-19).

Dès qu'ils sont assis, Mopsus commence. Il fait entendre pour la première fois, comme il vient d'en prévenir son ami, un chant qu'il a composé tout récemment. Le sujet en est la mort de Daphnis.

Il montre le deuil des nymphes dans le moment où la mère de Daphnis tenait embrassé le corps misérable de son fils, et le deuil des hommes, des animaux, des monts et des forêts. Il prononce, non sans transformer sensiblement la

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